a life, a story - Quoi ? Il n'y a pas à s'attarder sur les boucles brunes. Les tâches de rousseur à outrance. La vapoteuse au bec. La démarche effilée. Elle n'a que faire du regard qui la déshabille, de l'argent qu'on met dans sa poche, de l'entrain qu'on place à frapper ce postérieur traité comme un objet. Teresa. A prononcer à l'espagnol. Un nom que l'on demande souvent sans trop savoir ce qui se cache derrière. Tessa peut parfois montrer une envie de croquer le monde à pleine dent et on la suivrait jusqu'au bout de la nuit dans la fièvre de la fête et de l'envie. Un naturel enjoué qui a été effacé, fracassé, oublié, recouvert par son masque d'indifférence loin de ses délivrantes addictions. Mais c'est TV Doll qui rayonne dans les moments les plus inattendus. Il suffit qu'elle ouvre la bouche et se mette à chanter. Un grain de voix soul, un peu cassé, à en faire vibrer les silences quand elle reprend son souffle. Le pouvoir d'arrêter le temps. Elle veut poursuivre ce rêve de chanter. Serait-ce enfin sa chance, après tout le chaos qu'a été son existence jusqu'à présent, une bonne dose d'espoir ne serait pas de refus.

Y'a pas grand-chose à dire. Elle n'a eu que sa mère depuis toujours. Sa mère à s'occuper. C'est pas l'inverse d'habitude ? Tessa n'a pas trop eu le choix. Mère dépendante, de toute sorte de substance en plus d'enchaîner les petits boulots merdiques, dès qu'elle a su se faire à manger, ça a été beaucoup mieux pour sa nutrition. Éviter les services sociaux, c'était leur seule obsession. Rester ensemble coûte que coûte. L'école elle y est restée en pointillé, naviguant dans de la petite délinquance, vendant de l'herbe à ses camarades de classe, pour commencer. Puis de plus en plus, vous savez comment ça marche ? De l'argent facile, c'est ce qu'il lui fallait pour survivre surtout. Facile à juger, mise de côté. Elle a quand même mis les pieds au lycée, quand elle a proposé son corps sur internet. A son compte. C'est risqué mais ça paie bien. Dépendre le moins possible des trafics. Quitte à se traumatiser un peu plus au passage. Elle voulait juste bien faire.

Alors les gamineries c'est pas trop son truc. Elle est restée dans son coin TV Doll. Bien sûr qu'on a su qu'elle se prostituait. Évidemment qu'on l'a emmerdé pour ça. Mais voilà, on se tient à l'écart. Toujours pas de services sociaux, on rassure le lycée. Bien sûr qu'on s'occupe bien d'elle, oui ce ne sont que des rumeurs sans fondement. Tout va bien au revoir. Elle n'a pas pu obtenir son diplôme. Redoubler c'était pas dans ses priorités. L'argent d'abord, l'argent avant tout. Toujours consumer dans la déchéance maternelle. Alors Tessa a voulu faire quelque chose de grand. Se réconcilier avec son corps, s'en servir autrement : elle a porté un enfant. Par pour elle. Pour quelqu'un qui ne pouvait pas en avoir. Ça paie bien. Mais quelle déchirement à la fin. Plus jamais ça. Ce petit bout, elle y pense toujours. Qu'est-ce qu'il devient, est-ce qu'elle peut le voir ? C'est interdit. Comme tout ce qui compte pour elle dans la vie.

La situation est devenue ingérable. Elle ne voulait plus se prostituer alors il a fallu prendre plus de risques dans ses petits trafics. Qui sont devenus bien grands. Alors quand on lui a mis la main dessus, elle a été directement inculpée. Cinq ans de prison. C'est sacrément long. C'est là-bas qu'elle a commencé à chanter, à écrire deux trois couplets. Au bout d'une année loin d'elle, sa mère s'en est allée. Elle a pu sortir une journée pour les obsèques. Ça a été dur les premiers mois puis elle a pu enfin prendre sa vie en main, se retrouver. Elle est sortie plus tôt pour bonne conduite et elle aimerait simplement repartir du bon pied. Serveuse c'est légal au moins, ça rassurera le service de réinsertion. Mais son rêve c'est de chanter. Elle veut enregistrer ses chansons, faire un clip. C'est de l'argent. Alors ça lui pend au nez de recommencer. Elle sait bien qu'elle ne pourra pas y résister. Que voulez-vous ? Les chiens ne font pas des chats.