a life, a story -
ღ Sourire sincère (jusqu’ à onze ans)
Née pour être la cadette, la plus jeune et la seule petite fille de ses parents. L’unique. La fille à son papa. Couverte d’amour par sa mère, pourtant rien est comparable à l’attention que lui porte son père. Il rapplique en un sourire, un coup d'œil de sa part. Elle n’a nulle besoin de s’exprimer pour qu’il soit derrière elle, pour qu’il la supporte et la soutienne. Du haut de ses quelques jours, elle est la prunelle de ses yeux. Si on lui avait dit que tout avait une fin, elle en aurait sûrement profité un peu plus au lieu de tout prendre pour acquis.

Eleonor est loin d’être une trouble-fête ou une enfant capricieuse malgré tout ce qu’on lui passe. Elle dispose simplement d’une énergie débordante, presque fatigante, mais elle n’est pas difficile. Un rien suffit à attiser son sourire. Pleine de bonne volonté, elle est l’enfant qui reste dans les pattes des adultes à savoir si elle peut se rendre utile. Faire un café. Débarrasser la table. Apporter un plat. Serviable comme attentive, elle remarque toujours le petit détail changeant chez quelqu’un : une nouvelle coupe de cheveux ou un nouveau vernis. Elle est celle que l’on considère comme adorable, comme rayonnante par sa joie et son innocence.
Si elle se comporte ainsi pour la plupart des personnes que ses parents reçoivent, il n’en est rien lorsque les parents de Célian sont de passage. Alors là, non. Elle délaisse toutes les missions pour aller s’amuser avec son grand-frère et son cousin. Le trio s’entend à merveille depuis leur plus jeune âge, mais entre Ellie et Célian, ce n’est pas comparable. Ce n’est pas un coup de foudre, c’est plus fort : c’est une évidence. Une alchimie que les parents mettent sur le dos de leur âge en commun, sur leur année de naissance. Ils sont comme cul et chemise et à trois, ils forment un sacré trio.
Une entente comme celle-ci, tous les parents en rêvent.

ღ Sourire vide.
La vie suit son cours et, pour le plus grand bonheur d'Ellie, Célian est invité une semaine à la maison. Elle trépigne de joie dès l’annonce de ce passage et elle n’est pas dessus lorsque ladite semaine arrive. Elle rit comme à son habitude, fait des blagues et s'amuse. Comme ce que devrait être le quotidien d’une enfant de onze ans, fraîchement entrée au collège. Le rire d’Eleonor emplit la maison et résonne à tout va pendant toute cette semaine. Il est évident : l’expérience est à réitérer. Dès lors, il est décidé que les vacances scolaires prochaines, les enfants Barrows se réuniront à Londres, ce qui se montre bien arrangeant pour les parents d’Ellie qui avaient prévu un voyage en amoureux dans le pays de leur mère, en Hongrie.
Si la semaine à Londres chez les parents de Célian se passe parfaitement. Elle quitte son cousin préféré la boule au ventre, ne voulant pas partir. A la maison, c’est super mais il n’est pas là. C’est un peu moins drôle… et elle était bien loin de la vérité. Le retour à la réalité est fatal pour la jeune fille, marquée par ce profond sentiment d’incompréhension. Son père, qui a toujours été très complice avec elle, n’est pas capable de lui sourire. De la regarder. Il l’évite pour que des cris résonnent dans la cuisine alors qu’elle est couchée. Elle entend son nom sans pour autant comprendre le fond du sujet, pourtant c’est clair : elle a fait une erreur. Il faut qu’elle la rattrape, quelle que soit l’erreur.

Pression mise sur elle-même, Eleonor remonte drastiquement ses notes au collège. Elle ne se laisse pas détourner par la puberté qui la touche. Par l’attrait des garçons sur son visage comme son corps. Par la jalousie d’amies qui se révèlent vicieuses. Pourtant tous ces effets indésirables se ressentent sur un sourire qui perd de l’éclat. Elle n’est pas malheureuse mais elle n’est pas heureuse pour autant. Elle ne retrouve de son éclat que lorsque Célian ou son frère sont près d’elle et qu’elle ne pense pas au reste. Qu’elle ne pense pas à quel point elle reste décevante pour son père qui n’est plus capable d’entretenir la proximité qu’ils ont pu avoir auparavant. Elle se fustige, vit avec la boule au ventre tout en souriant au monde. Rêvant d’un jour meilleur, voyant plus loin, imaginant ce jour où tout redeviendra comme avant.
Un seul objectif en tête : être à la hauteur, elle se porte volontaire pour aider ses parents dès qu’on lui en laisse la possibilité. Elle valide son collège avec le statut d'intello donné moqueusement par ses camarades. Touchée par la pique mais loin d’être abattue, elle entre au lycée et ne ménage pas ses efforts pour obtenir les meilleures notes. Elle s’intéresse vaguement aux garçons, elle fait de son mieux pour se faire des amis. Son père en a plein, ça doit donc être important pour lui. Elle vit alors ses premières déceptions amicales, s’attacher aux gens pour les voir partir lui brise le cœur mais elle l’aborde avec le sourire. Elle sort, fait ses premières soirées sans puis avec alcool. Elle boit, essaie, définit ses goûts en la matière. Elle s’entiche sans jamais réellement tomber amoureuse, elle essaye, elle tâtonne. Elle va plus loin : embrasse, touche et se laisse toucher dans des souffles et gémissements de plaisir de lycéenne.

Puis vient le jour de souffler sa dix-huitième bougies. Un jour heureux, Célian est là aussi. La promesse des dix-huit ans mémorable. Son père a même invité son patron, il est fier de présenter sa famille et ça la touche plus qu’elle ne veut bien l’admettre. Elle est enfin de nouveau digne de lui, elle a même intégré une grande école de commerce pour suivre les pas de son père dans l’entreprise.
Toutes les promesses flambent en quelques instants, dès que le patron de son père foule le sol de leur belle maison. Le sourire vacillant, elle jette plusieurs regards inquiets à son cousin. Elle ne s’inquiète jamais pour rien, pas comme cela. Pas de cette manière. L’homme, l’inconnu dans la maison, transmet cette aura perverse. Celle qui n’annonce rien de bon et Ellie fait de son mieux pour surveiller l’homme. Mais quand on est la star de la soirée, on ne peut pas être partout et l’on n’a pas le poids suffisant pour s’opposer à une offre de stage. Pas alors que l’opportunité semble rêver par tout le monde, sauf pour le cousin et la cousine.

ღ Sourire de façade
Célian ne vient plus. Célian ne répond plus. Célian fait le mort. Tout ça depuis le stage. Le doute s’insinue mais les relations avec son père ne sont toujours pas au beau fixe. Plus elle grandit, plus elle ressemble à sa mère, plus il l’évite. Elle ne peut rien demander. Elle se pose des questions, elle cherche des traits physiques qui le lie à lui. Elle en trouve quelques-uns, elle ne se pose pas plus de questions. Elle ne se pose pas les bonnes questions.
De même pour Célian, elle ne pose pas de questions. Elle se contente d’être là, elle en a mais elle ne les dit pas considérant qu’il ne veut peut-être pas lui parler. Elle continue d’envoyer des messages. Sans réponse. Elle appelle. Sans réponse. Bien que son coeur se fissure, elle ne le prend pas personnellement. Chaque jour, il reçoit : “Comment va ton coeur ?” et elle l’appelle lorsqu’elle a besoin de se confier. Elle laisse alors tous ces maux, ces bêtises et ses blagues sur sa messagerie. Et un jour, il répondra ou rappellera et elle attendra ce moment.

Elle se concentre sur le présent, Eleonor avance. Elle s’amuse avec les garçons, jouant parfois de ses charmes sans jamais trop en faire. Sans en prendre l’habitude. Elle tombe amoureuse à l’université et la rupture est d’autant plus compliquée mais encore une fois, elle se relève avec le sourire. Puis elle obtient son diplôme et suit le chemin qu’on lui a tracé : elle intègre l’entreprise du patron de son père en tant que commerciale sur la ville de Monterey à ses 22 ans.
Méfiante mais reconnaissante de l’opportunité, elle n’a que très peu à faire avec le patron qui l’a déjà mise très mal à l’aise auparavant. Sérieuse dans son travail, elle obtient de beaux résultats, accompagnés de beaux bonus. Qui pourrait dire non à une femme si professionnelle et si belle ? Un sourire qui charme, un sourire comme arme de vente.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes et la mènent à sa première promotion trois ans plus tard. Heureuse autant que inquiète, elle en parle sur la messagerie de Célian. L’offre est belle. L’opportunité professionnelle est inespérée. Tout la côte Californienne. Si cela prévoit des déplacements, ce n’est pas cela qui l’inquiète. Ce qui l’inquiète c’est qu’à ce poste, plus personne ne fait rempart avec le patron. Elle sera en ligne directe avec lui et il a assuré vouloir un point par mois, voire par semaine selon ses déplacements. Malgré les conseils de son cousin, elle accepte. Elle sait qu’il ne reviendra pas, elle le voit sur les réseaux mais ce n’est pas suffisant. Il lui manque. Elle s’inquiète pour lui et elle est bien déterminée à avoir le fin mot de l’histoire. Téméraire, dirait-on.
Elle veut savoir mais elle ne se doute pas de la position dans laquelle elle se met.

ღ Impossible de sourire
Dès l’obtention de sa promotion, Eleonor n’a plus supporté le comportement de son père. Bien qu’elle ait essayé de lui poser des questions sur ce changement qu’elle n’explique pas, elle n’a rien obtenu. Élan de colère rare, elle a alors décidé de partir, de prendre son appartement. Elle ne coupe pas les ponts, elle se préserve avec le soutien de son cousin, bien qu’il ne soit pas physiquement là. Elle retourne encore souvent chez elle pour voir ses parents, sa mère surtout, lorsqu’elle le peut. La relation avec son père n’a jamais été aussi compliquée, Eleonor n’arrive plus à faire semblant, à prendre sur elle.

Elle rend régulièrement des rapports à son patron. Les réunions sont de plus en plus fréquentes arrivant au rythme d’une fois par semaine. Des remarques sont faites sur ses formes, sa bouche et tout ce qu’il peut sexualiser. Elle, finalement. Mais elle les balaye d’un geste de la main. Jusqu’à ce soir-là.

Violence, agression sexuelle et viol:

Elle ne saurait pas dire à quoi elle ressemble en rentrant chez elle. Elle ne sait que peu de chose : ce qu’il vient d’arriver est mal, elle est sale et il faut qu’elle appelle de l’aide. L’appel à Célian est passé et il arrive au plus vite. Elle attend là, assise sur le sol de son appartement, elle l’attend lui. Désorientée, désemparée. Son haut en lambeaux qui ne la couvre qu’à peine.


ღ Sourire pour armure
Les jours passent dans un flou des plus total. Eleonor est incapable de sourire alors elle ne compte pas sortir. Elle a honte, elle se cache. Il lui faudra trois mois pour réaliser la situation, son ampleur et sa faute. Celle qu’elle n’a pas. Ce n’est pas sa faute, aucunement. Elle se relève avec l’aide de son cousin. Reprend du poil de la bête. Petit à petit, elle recommence à manger. Elle se reprend en main. Cela est peut-être grâce à cette promesse de vengeance que lui fait son Célian ou parce qu’elle comprend qu’elle ne peut pas le laisser gagner. Qu’elle est plus forte que ça.
La reprise en main n’est pas simple. Retourner au travail est destructeur mais elle n’est plus seule. Célian est dans les parages. Et puis, elle n’est plus sans défense, elle a commencé à prendre des cours de boxe, ça la défoule autant que ça la rassure. Elle le sait à présent : il a souillé son corps mais à partir de maintenant, elle en fait ce qu’elle veut. Elle décide de la personne à qui elle se donne. Son patron n’aura pas le plaisir de constater les dégâts.
Et il paiera