Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser ; @Collin Fraser & @Maureen Fraser  

Bon.
Je crois que je suis prêt. Enfin.
Dernier coup d'œil dans le miroir mural qui trône dans l’entrée, dernier murmure d’auto encouragement. À observer mon visage tendu, on pourrait presque penser que je m’apprête à me rendre à l'abattoir.
Alors qu’au contraire, je suis sur le point de passer le plus relaxant et amusant des week ends. Comme une tradition depuis quelques années, celle de me retrouver entouré de mes soeurs et de mon frère, le premier week-end de Janvier, afin de démarrer l'année sous les meilleures hospices. Enfin une lueur d’espoir à travers le brouillard qu’est devenu ma vie, enfin une occasion de pouvoir respirer, être moi-même, sans lutter contre les contrecoups de mon traitement, sans me forcer à sourire alors que je suis perpétuellement plongé dans mes tortueuses pensées. Dans quelques heures, je serais aux côtés de mes soeurs. Malheureusement, nous ne serons pas au complet, le dernier des Fraser étant occupé par un prétendu “super plan de la mort qui tue qu’il ne peut pas louper, sous le moindre prétexte”. Tant pis, même si mon cœur se serre à l’idée que nous ne serons pas totalement réunis, j’apprécie tout de même l’opportunité de pouvoir vivre un magnifique souvenir aux côtés de Maureen et de Grace. Avec les récents… évènements qui m’ont frappé, moi et ma pauvre carcasse fébrile, j’ai réalisé bien trop tard que je ne profitais pas suffisamment de mes proches. Que je ne devais pas être autant autocentré et grâce à ma récente réconciliation avec mon premier petit frère, je vois la vie sous un autre angle.
Voilà pourquoi j'ai été à l’origine de ce merveilleux projet: passer tout un week- end dans la maison de notre enfance, à vivre comme lorsque nous étions enfants, c'est-à-dire de manière légère et insouciante. Oh, bien entendu, cette idée m’est venue après que ma mère m’ai envoyé un court texto, m’informant de manière presque placide qu’elle et notre père comptait passer quelques jours dans l’Utah, chez des amis, et qu’elle me demandait si j’étais disponible afin de nourrir Muffin, notre chat. Haussant les sourcils mais étant incapable de me montrer véhément, j’avais accepté dans la seconde qui a suivi et elle m’avait simplement indiqué que la clé sera caché dans le pot de fleurs habituel, terminant son message par un simple “Au revoir”.
Bon. C’est toujours aussi glacial, entre mes parents et moi. La faute à ma farouche volonté de vivre mes rêves, sans doute…
Mais quand la vie ferme une porte, de l'autre côté, une fenêtre s'ouvre, ou quelque chose comme ça. Alors, ni une ni deux, j'avais proposé cette saugrenue idée aux autres Fraser, qui avaient été emballés et m'avait répondu par l'affirmative dans la seconde qui a suivi. C'était si bon de se sentir sur la même longueur d'onde, après tout ce temps.

Sur les coups des 18h, je descendais du taxi, réglant la course d’une main distraite, attrapant mon sac à dos que je glissais sur mon épaule. Quelques pas d’une lenteur épouvantable en direction du fameux pot de fleurs, où je trouve effectivement l’énorme trousseau de clés de la demeure Fraser, ainsi qu’un post it m’indiquant ces mots “Ne cassez rien, nous le saurons”.
D’une voix chargée d’ironie, je souffle, levant les yeux vers le ciel:

Charmant…

Je réduis le papier en une boule difforme, que je glisse dans la poche de ma veste en tweed. Les jours se rafraichissent et tandis que je glisse la lourde clé antique dans la serrure afin de faire une entrée discrète dans la maison des Parents Fraser, je me fais la réflexion que nous devons allumer un feu de cheminée dès que possible. Soupirant en posant mon sac sur la gigantesque table en manguier qui trône dans la salle, je fais rapidement le tour, me fait la réflexion que rien n’a changé, depuis mon départ… précipité de la maison, il y a quelques années.
Oui, malgré le temps qui passe, il y a des choses qui ne changent pas. Comme notre volonté de rester soudés, malgré les épreuves, malgré les différents.
J’ai terriblement hâte que les autres enfants Fraser débarquent mais je profite également de cette solitude afin de prendre mon traitement. Sortant ma boîte de médicaments, je m’approche de l’évier en marbre, attrape un verre propre posé sur le côté et me sers une belle rasade d'eau. Laissant le liquide frais couler dans ma gorge, je sursaute.
J’ai entendu un bruit.
Un bruit de verre brisé.
Inquiet, je me retourne et prononce ces mots, chargés de spontanéité:

Y’a… Y’a quelqu’un?

Voyons, Thomas, comme si on risquait de te répondre, à la fin! Si c’est un cambrioleur, il ne va sûrement pas indiquer sa présence…
D’un geste fébrile, j’attrape la batte de baseball posée dans l’angle de la pièce, qui a toujours été là, depuis aussi loin que je m’en souvienne. Il faut avouer que notre père est du genre prévoyant, il ne supportait pas l’idée d’être sans défense alors que l’éventualité que sa famille soit attaquée était une réalité permanente à ses yeux. Dans ma poitrine, je sens mon cœur sur le point d’exploser, ma respiration devient haletante.
Peur, moi?
Oui, il faut bien l’avouer. Tremblant, j’apparais dans le couloir et pousse un cri tout en m’exclamant, le visage déformé par la surprise:

Oh, grand Dieu, c’est toi!

Posant une main tremblante contre ma poitrine, je prends quelques secondes afin de reprendre mon souffle, encore sous le coup de la frayeur que cette arrivée surprise m’a provoqué.
C’est ça, l’effet Fraser, on dirait!

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser &  @Thomas Fraser    

Pour une fois, tu te diriges le cœur léger vers la maison familiale. D’ordinaire, tu venais pour les interminables repas de famille en compagnie de tes parents, ce qui faisait que tu empruntais toujours cette route avec une pointe d’appréhension, ne sachant pas si tu allais être témoin d’un énième petit drama maternelle, d’une énième dispute stérile avec ton père ou mieux d’une flopée de reproches de part et d’autres. Mais aujourd’hui, ça ne sera pas le cas. Aujourd’hui, tes parents ne sont  pas là, partis en voyage et avec ton frère et ta sœur, vous avez  décidé de passer un week-end ensemble là-bas. Collin ne peut malheureusement pas se joindre à vous... Qu'importe, même si ton cadet allait manquer à tout le monde, ça serait tout de même et forcément un week-end joyeux. Il y avait quelque chose de délicieusement régressif dans cette idée, dans le fait d’être à nouveau tous les trois dans la maison de votre enfance, de passer la nuit au même endroit. Pour une fois, tu n'as pas d'impératif d'agenda, juste le loisir de profiter pleinement d'eux. Ta fratrie t'es précieuse et pourtant la distance t'en as détachée, à ton grand regret.

Tu te gares devant la demeure familiale, te demandant si tu es la première arrivée. Tu supposes que oui, car aucun véhicule dans la cour, à part le tien… Et tu te trompe complètement car dès que tu poses la main sur la lourde porte d’entrée, tu constates que la maison est déjà ouverte. Rangeant tes clés, tu te faufiles dans la maison, à la recherche de Grace ou de Thomas, parcourant les immenses pièces de la demeure familiale. C’est là que tu entends la voix de ton frère dans la cuisine. Tu te précipites pour le rejoindre mais il commence à faire sombre, ce qui explique sans doute que tu te cognes dans l’angle de la commode du salon alors que tu sais pertinemment qu’elle est là… Hélas, le choc provoque la chute d’un objet posé dessus et tu fermes les yeux, atterrée, tandis qu’un bruit de verre brisé retentit soudainement. Le vase en porcelaine de Chine de ta mère… Tu vas te faire T-U-E-R… En plus d’avoir fait peur à Thomas parce que celui-ci déboule soudainement près de lui, une batte de baseball dans la main, l’air au bord de l’infarctus. “ Wow... Quel accueil...  Moi qui pensait que je t'avais manqué... Baisse cette batte… Doucement… et tout ira bien” Plaisantes-tu,  adoptant un ton de négociatrices du FBI, espérant que ta petite blague ne soit pas mal perçue… La façon dont tu n'as pas été vraiment présente pour lui n'est pas vraiment un bon sujet de plaisanterie.A moins que ce ne soit la méthode idéale pour crever l'abcès ? Seule la réaction de Thomas te renseignerait. “ Salut Tommy. Je suis désolé de t’avoir fait peur comme ça, j’aurai dû m’annoncer en entrant.” Dis-tu ensuite, légèrement plus repentante. Tu te sens bête d’avoir stressé inutilement ton frère comme ça… Tu lèves ensuite les bras d’un air mélodramatique. " Bon on a intérêt à rendre ce week-end mémorable parce que c'est sans doute le dernier que je passe sur cette terre... J'ai cassé le vase Ming de Maman." Dis-tu en désignant les morceaux à tes pieds... Tu ne parviens pas à prendre cet incident au sérieux. Pour toi, ce n'es que du matériel mais tu sais que ta mère en ferait tout une histoire... Soudain du bruit se fait entendre, signe que le troisième larron de votre futur trio était sûrement en train d'arriver. Tu jettes un petit regard pas vraiment innocent à ton frère. " Si on était encore des sales gosses, on se cacherait pour ficher une petite frousse à Grace... Il n'y a pas de raison"

Strange night is coming.
ft   @"Liam Fraser"  &  @Thomas Fraser    

Lorsque Thomas nous avait proposé ce week-end, j’avais annulé tous mes plans. J’étais tellement emballée à l’idée de me retrouver avec mes ainés, dans notre maison d’enfance qu’il était impossible pour moi de rater ça. Alors bon, Collin, mon frère jumeau, ne pouvait pas être là, mais ce n’était que partie remise. En attendant, je comptais bien profiter de Thomas et Maureen et passer un maximum de temps avec eux. On se voyait de moins en moins et je ne sais pas... ça me faisait quelque chose. Je n'aimais pas ça. Alors oui, il y avait quelques conflits, mais ça allait mieux. Enfin... si on veut. Ca se passait souvent mieux quand nos parents n'étaient pas dans les parages. C’était fou à quel point ils pouvaient passer de couple adorable à… véritable casse-pieds. Jusqu’à maintenant, j’avais réussi à passer à travers les mailles du filet, à éviter tout conflit avec eux, mais je ne savais pas encore jusque quand j’allais pouvoir tenir. Alors ok, j’étais la petite fille à ses parents, mais si jamais ils venaient à apprendre que je voulais lancer ma propre marque de vêtements et démissionner de l’hôpital… Petite fille ou non, je n’étais pas sûr de m’en sortir indemne. Je préférais donc cacher mon jeu et éviter toutes discussions fâcheuses avec eux.

Excitée comme une puce, j’arrive devant chez nos parents avec ma voiture et sors de mon coffre, une valise, un sac de voyage ainsi que deux sacs de courses. Ne me regardez pas comme ça ! Je savais très bien qu’on restait que pour le week-end, mais vu que je ne savais pas ce qui était prévu et bien… j’avais ratissé large. Concernant les deux sacs de courses, je ne pouvais pas faire autrement. Je connaissais mes parents et je savais déjà d’avance que dans le frigo, il n’y avait que des trucs sains. Soja, carotte, skyrs, … Certes très bon, mais nul pour un week-end entre frères et sœur où l’apéro allait être le mot d’ordre. J’avais donc fait quelques courses avant de venir et prévu de quoi grignoter.

Une fois à l’intérieur de la maison, j’entends des voix au loin et lâche toutes mes affaires pour aller les rejoindre. Près de la porte, j’entends Maureen proposer de se cacher pour me faire peur et j’interviens tout de suite, avant que Thomas ne puisse répondre « Je vous interdit de faire ça ! » J’agite mon index devant eux tout sourire puis saute dans les bras de Thomas. « Salut Tommy » Je me dirige ensuite vers Maureen et m’arrête net quand mon pied shoot dans quelque chose par terre « Qu’est-ce que... ? » J’appuie sur l’interrupteur à côté de moi pour allumer la lumière et me fige littéralement en voyant le vase de notre mère, au sol, en mille morceaux « Oh putain » Je les regarde l’un après l’autre, la bouche grande ouverte puis me pince les lèvres pour éviter de rire « Je dois préparer l’éloge funèbre pour lequel d’entre vous ? » Ca pouvait paraitre extrême dis comme ça, mais connaissant ma mère… elle n’allait pas être contente. Pas du tout même. « Avec un peu de chance, elle voulait s’en débarrasser et ne s’en rendra pas compte… » Pas sûr mais bon, j'essayais de les rassurer comme je pouvais. « En tout cas, vous auriez quand même pu attendre que j'arrive. C'est pas cool de commencer à vous amuser sans moi  » Je faisais la maline, mais si ma mère avait été dans les parages, j'aurais clairement pas dit pareil

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser ;  @Collin Fraser &  @Maureen Fraser  

Plus de peur que de mal, je finis par découvrir que ce n’est pas un effrayant et sournois cambrioleur qui erre dans la maison mais plutôt ma première petite soeur Maureen, affichant une mine tout aussi surprise qu’amusée en observant la batte de baseball que je continue de dresser au dessus de ma tête. Pourtant, son attitude légère, de comédienne avertie, me pousse à desserrer mon étreinte, et riant timidement, je finis par obéir à ses ordres et siffle, remuant la tête, les lèvres entrouvertes:

Bon, ok, j’ai l’air ridicule. Mais tu m’as foutu une de ces frousses, je te jure!

Mon cœur, qui s’était emballé précipitamment, finit par se calmer et retrouver des pulsations bien plus correctes. J’ai réellement été effrayé mais je ne suis pas le moins du monde vexé qu’elle m'ait vu dans cet état, elle fait partie des rares femmes de ce monde à me connaître par cœur. Un brin moqueur, je finis par ajouter à la remarque de Maureen, fronçant des sourcils, adoptant encore et toujours cette attitude d’éternel responsable, presque moralisateur, la faute à mon statut naturel d’aîné:

Faut dire que le coup du vase qui se brise suffisait à annoncer ton arrivée. C’est lequel, d’ailleurs…?

Mais je n’ai pas longtemps à attendre pour que l’information me soit délivrée. Ouch, elle a fait fort. Maman va la tuer, c’est certain. Écarquillant des yeux, tentant de lutter contre l’envie d’exploser de rire, je finis par inspirer et délivrer cette vérité dont elle a parfaitement conscience:

Ok… Tu es dans un sacré bourbier. T’en fais pas, on trouvera bien une… explication. Au pire, on a qu’à dire que c’est Collin.

Terminant ma proposition par un complice clin d'œil, je me comporte là de manière bien différente qu’à l’accoutumée. Loin de moi l’idée d’accuser le seul Fraser absent, mais la tentation a été trop forte. Nous sommes interrompus par un bruit nous signalant l'arrivée de la petite dernière, que nous voulions surprendre à notre tour mais malheureusement, nous n’avons pas le temps de mettre à en place notre blague que Grace, notre magnifique et adorable petite sœur, fait son apparition, si lumineuse, avec son sourire contagieux.
Incapable de résister, je ris aux éclats, à gorge déployée même, laissant l’hilarité des propos de Grace me faire réagir. Il n’y a pas à dire, nous sommes vraiment incorrigibles! Malgré notre âge adulte, nous nous comportons comme des enfants et sentir cette synergie entre nous me comble de joie. Pourtant, je sais que je dois endosser le rôle de celui qui prend les commandes, sans diriger mais plutôt donner le rythme, voilà pourquoi j’expose les actions à mener, d’une voix ferme, le visage concentré:

Bon… Alors, ce que je propose… On va ramasser les débris de ce… ce léger dérapage, tout mettre dans un joli sac, type emballage cadeau et écrire un mot dessus, du genre… “On t’en rachètera un, et un plus joli”. Maureen, tu t’occupes de trouver le paquet? Grace, le petit mot? Tu as une jolie écriture, ajoute un cœur, aussi. Je cherche la pelle et ensuite, dès que les dégâts sont ramassés, je vous prépare du pain perdu, pour le petit déjeuner... de 18h30, bon ok, je suis un peu en décalage mais bon... Si jamais ça intéresse quelqu’un, mais de mémoire, vous adoriez ça, quand vous étiez petite…

Nostalgie, quand tu nous tiens…
Mais ce week-end n’a qu’un seul but: nous faire oublier le présent, l’avenir incertain pour nous replonger dans un passé réconfortant.
Et nous rappeler l’essentiel: Ensemble, rien ne nous arrête. Et nous avons besoin d’une pause. De nous ressourcer.
De nous retrouver, envers et contre tout…

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser &  @Thomas Fraser    

“ Mais non, tu n’as jamais l’air ridicule.” Dis-tu en t’esclaffant, insistant lourdement sur le “jamais”, comme seule une petite soeur connaissant suffisamment de secrets et de petites hontes à propos de son frère pouvait le faire. Ce n’est pas bien de rire mais ça fait du bien car toi aussi tu avais eu la frousse en le voyant débarquer en brandissant sa batte. Cependant, une fois l’adrénaline retombée, il ne reste plus que le triste bilan de la situation à tirer. Et ce n’est pas glorieux, car tu as cassé l’un des vases préférés - et sans doute l’un des plus coûteux aussi - de ta chère mère. Tu n’as pas besoin de confirmation pour que savoir que tu vas avoir des ennuis mais Thomas te le confirme quand même. Il semble cependant plus amusé que catastrophé et te propose de faire porter le chapeau à votre petit frère. Tu lui rends son sourire complice. “ C’est vrai que c’est tentant… Collin est le petit chouchou de Maman, il s’en sortirait mieux que moi.” Bien sûr, aucun de vous deux n’est sérieux, mais ce petit numéro vous amuse. Vous êtes depuis toujours liés par cette complicité d’aînés, formant votre propre paire face à celle des jumeaux qui sont plus proches qu’il n’est possible de le décrire. C’est sans doute pour ça que tu proposes de te cacher pour faire peur à Grace mais elle arrive sur ses entrefaites, vous prenant sur le fait et vous interdisant bien sûr de le faire. Un grand sourire aux lèvres, elle saute au cou de Thomas mais ne s’approche pas de toi, tenue en respect par les tessons de porcelaines à tes pieds. Peut-être que ça l’arrange bien au fond mais tu ne relèves pas, ne voulant pas vous gâcher le week-end. Vous vous étiez déjà suffisamment disputées depuis ton retour…

En tout cas, elle n’a pas besoin d’explications pour réaliser l’ampleur du désastre. Après un juron sonore, elle vous demande quel membre de la fratrie va perdre la vie et tu avoues vite ton rôle dans l’histoire même si tu pourrais facilement accuser Thomas vu qu’il tient toujours sa batte dans la main.   “ J’ai bien peur que ce soit que mon éloge funèbre que tu doives écrire… Ne lésine pas sur les adjectifs comme magnifique et inoubliable surtout.” Tu plaisantes même si tu serais curieuse de savoir quels mots ta sœur pourrait avoir à ton propos. Peut-être qu’elle ferait quelque chose avec l’humour qui la caractérise si bien, et que tu as toujours adoré, comme maintenant quand elle dit que vous auriez pu l’attendre pour vous amuser d’un ton pince-sans rire. “ Mais justement le fun peut continuer maintenant que tu es là… Tu peux emprunter la batte de Tommy et casser des trucs comme ça on sera dans le même bateau.” Bien sûr, ce n’est pas du tout une bonne idée et c’est finalement Thomas qui vous donne le plan à suivre, endossant comme toujours son rôle d’aîné à la perfection. Il l’a toujours fait, se plaçant en chef de famille pour combler les carences de vos parents, avec cependant bien plus de douceur car le tout est assorti d’une récompense de taille. Tu réfléchis à ce qu’il vient de proposer et module un peu. “ Hors de question que tu ramasses mes bêtises à ma place. Je ne veux pas que tu coupes. Je vais m’en occuper ! Mais c’est une bonne idée de sauvetage le petit paquet faussement mignon. On peut faire ça en attendant de voir si j’arrive pas à le remplacer le vase en entier discrètement d’ici la fin du week-end. Je vais envoyer un message à quelques amis…” Ce n’était pas glorieux, mais si tu avais ne serait-ce qu’une possibilité de ne pas assumer ta bêtise, tu la saisirais immédiatement. Tu n’avais déjà que trop déçus tes parents, entre ton choix de carrière peu conventionnel et ton divorce honteux…

“ Par contre, c’est un grand oui pour le pain perdu. Peu importe l’heure, je mangerai du tiens à n’importe quel moment de la journée ! Allez file en cuisine ! ” Ses souvenirs étaient exacts, vous adoriez son pain perdu, et pour toi , la préparation de ce dessert restait toujours associée à des souvenirs précieux, des moments tranquilles en cuisine tous les quatre. Vous trois lovés autour du grand comptoir à raconter vos journées d'écoles tandis que Thomas s'affairait aux fourneaux en vous écoutant raconter vos exploits. Cette petite tradition de la famille Fraser t'en rappelle une autre et tu contournes les restes du défunt vase pour aller près de ta sœur, lui offrant ton bras comme un rameau d'olivier.   " Allez viens on le suit en cuisine, c'est trop tard pour le vase de toute façon. On aura tout le temps de s'en occuper après. De toute façon, premier week-end de janvier oblige, il faut qu'on joue à notre jeu favori." Un jeu que vous aviez inventé tous les 4 durant lequel vous vous posiez des séries de trois questions sur l'année écoulée, avec des questions comme " quelle est la meilleur film que tu as vu 2023 ? " ou " quelle est ton pire moment de l'année ? " dans le but de faire un bilan mais aussi d'apprendre des petites choses drôles les uns sur les autres.... Vous allez tous en cuisine et tandis que Thomas cherche ce dont il a besoin dans les différents placards, tu t'installes sur un des tabourets du comptoir à côté de Grace. " Allez honneur à la plus jeune... Grace, quelle est la meilleure chose que tu as mangé en 2023 ? La chose qui t'as le plus énervée ? Et ton meilleur fou rire ?"

Strange night is coming.
ft    @Maureen Fraser   &  @Thomas Fraser    

Je crois que parmi toutes les traditions Fraser, celle-ci était ma préférée. Retrouver mes frères et sœurs le temps d’un week-end pour débuter la nouvelle année… c’était important. Encore plus maintenant. Encore plus après tout ce que nous avions vécu. Enfin… tout ce qu’ils avaient vécu. Thomas et la maladie, Maureen et le milieu difficile dans lequel elle travaillait,… Je savais que ce n’était pas facile pour eux et je comptais donc sur ce moment en famille pour mettre tout ça de côté le temps de quelques jours et profiter un peu, loin de tous ces soucis. Du moins, c’est ce que je pensais avant d’entrer dans la maison et de me retrouver face au vase de notre mère, en morceaux sur le sol.
Tout d’un coup, ce week-end ressemblait plus à un week-end d’adieu. Tentant au mieux de ne pas rire, je grimace légèrement lorsque Maureen m’avoue que c’est elle la coupable. « Ce ne sont pas les premiers adjectifs qui me viennent à l’esprit quand je pense à toi, mais si tu veux, je peux les noter et les rajouter à la liste » Pique gratuite ? Peut-être. Mais pour le coup, c’était vraiment sous le ton de l’humour. Je ne voulais en aucun cas chercher les histoires. Mes yeux se tournent ensuite vers Thomas et sa batte et je ne peux m’empêcher de rire « D’ailleurs, qu’est-ce que tu fais avec ça dans les main ? » Cette scène était aussi drôle qu’incompréhensible. Cinq minutes qu’on était là et il se passait déjà beaucoup trop de choses.
Pour ne pas changer, Thomas prend les choses en main et établit un plan digne d’un chef pour arranger tout ça. Tel un bon petit soldat, j’acquiesce d’un signe de tête, prête à aller chercher mon petit bout de papier quand tout d'un coup, Maureen intervient et propose une autre alternative « Si tu arrives à retrouver le même vase d’ici la fin du week-end, franchement… chapeau ! » Je m’avance ensuite vers le meuble de l’entrée pour y attraper une feuille et un bic. « J’en fais des caisses ou on fait un mot plus neutre et détaché ? Digne de ceux de maman ? »
Thomas propose ensuite un petit déjeuner pour le diner et là… mes yeux s’illuminent « Enh des pancakes !! Tu sais comment me parler Fraser » Je souris amusée puis regarde légèrement étonnée Maureen qui s’approche de moi en m’offrant son bras. Je reste un moment interdite puis cale mon bras autour du sien, un sourire aux lèvres « Pas besoin de plus me convaincre. Entre vase et pancake, mon cœur ne balance pas du tout » Je lâche un petit rire, puis la suis jusqu’à la cuisine, heureuse d’être là, avec eux. « Comme par hasard » Je lève les yeux au ciel en écoutant ma grande sœur puis m’installe avec elle sur les tabourets de la cuisine « C’est toujours sur moi que ça tombe ! »
J’écoute donc Maureen me poser ses questions et réfléchis un moment avant de répondre « Ah ouais… Mmmh… Meilleure chose que j’ai mangée, hormis les pâtisseries du grand frère… je dirais… Oh c’est dur ! J’ai mangé tellement de bonnes choses cette année » Puis, il ne fallait pas oublier que c’était une de mes passions de manger, donc c’était dur de faire un choix « Allez, je vais dire un risotto. Cuisiné par un ami. C’était une tuerie. Le meilleur que j’aie jamais mangé. La chose qui m’a le plus énervée… Les réactions des parents sur certains points et mon meilleur fou rire… Sans grande surprise, c’était avec Maria. » Sans que je m’en rende compte, un sourire étire mes lèvres en me rappelant ce souvenir « Et toi, dis-nous ! » Je me tourne vers notre grand frère, un petit sourire mesquin en coin. « Thomas... Quelle est ta plus belle rencontre 2023, ta pire bourde et ce que tu veux pour 2024 ?»

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser ;  @Collin Fraser &  @Maureen Fraser  

Il y a bien trop longtemps que nous ne sommes pas réunis, nous, les enfants Fraser. Un trio de choc, composé de membres si différents et qui se complètent pourtant de la plus fabuleuse des manières. La descendance Fraser face à un monde parfois cruel, tantôt incertain, toujours fluctuant. Il était temps que ce premier week end de Janvier arrive, j’en tremblait littéralement d’impatience. Je me sens si apaisé de retrouver mes adorables mais caractérielles petites sœurs. Je suis bien sûr très déçu de ne pas pouvoir compter sur la présence de Collin mais quelque part, je n’en suis pas surpris. Lui qui vit toujours à cent à l’heure avait sans doute mieux à faire, j’imagine…

Je peux sentir, dans l’atmosphère, une certaine tension prendre de l’ampleur mais je refuse qu’elle prenne le dessus sur notre amour fraternel. Cette chance d’être tous ensemble sous le même toit et que, surtout, je sois en vie et toujours combatif, je n’ai pas envie de la gâcher. D’un simple coup d'œil, je réalise que mes deux sœurs sont bien distantes l’une envers l’autre. Mais ça n’empêche pas Maureen de faire preuve d’un sacré sens de l’humour, elle qui a toujours bénéficié d’une répartie sans égale. D’ailleurs, elle réfute mon plan et précise que ce n’est pas à moi de ramasser ses bêtises. Dans un souffle, je détourne le regard mais ne peut m’empêcher de lui préciser, un antique souvenir me remontant en mémoire:

Tu ne disais pas ça quand tu avais déchiré ta robe toute neuve et que tu m’as quasiment flanqué la paire de ciseaux dans les mains pour expliquer à Maman que c’était moi qui t’avait embêté…

Ouch, accusation un peu facile, je l’avoue. Mais je ne peux m’empêcher d’être taquin, envers Maureen. Elle qui est une femme si solide, à présent, je n’oublie pas pour autant qu’elle a été, autrefois, une enfant turbulente mais que j’ai adoré dès la première seconde de sa venue au monde. Notre évidente complicité que nous entretenions enfants, je n’ai qu’une envie: la retrouver désormais. Et puis, cette histoire de vase ne mérite pas d’être dramatisée, bien au contraire.
Ce n’est pas ce fâcheux détail qui va venir contrarier nos plans, tout de même…

Ravi que ma proposition de repas sucré plaise autant, je m’active en cuisine, allumant le gaz de l’énorme piano possédé par nos parents afin de commencer la cuisson périlleuse du pain que je viens tremper dans un mélange dont la recette est un véritable secret d’état. En moins de dix minutes, je dresse des assiettes alléchantes sur l'îlot central de la cuisine, ajoutant ma touche personnelle: un caramel fait maison, au beurre salé. Et durant ma préparation, je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter mes sœurs entamer notre jeu favori: notre propre version du bilan de l’année que nous venions de vivre. Les questions très différentes mais amusantes posées par Maureen trouvent des réponses intéressantes en la personne de Grace. Quand elle me pose à son tour trois questions, je prends le temps de réfléchir tout en m’installant sur un tabouret, j’invite mes soeurs à faire de même tout en prenant la parole:

La plus belle rencontre… Je dirais Adaline, mon apprentie à la pâtisserie. Une jeune femme formidable et à l’avenir prometteur, aucun doute là dessus. Ma pire bourde… Je… Je ne peux pas le dire, vous seriez très inquiètes… Et pour finir, je veux simplement être en vie, en 2024.

Il est évident qu’au fur et à mesure de mes confidences, j'ai été bien mélodramatique et j'ai accentué l'aspect ténébreux de mon quotidien. Leur offrant un sourire forcé, j’attaque ma dégustation tout en observant mes sœurs qui ne touchent pas à leur assiette respective. Quelque peu vexé mais comprenant aisément ce qui se trame dans leur esprit affûté, j’ose demander, pronoçant cette stupide question réthorique:

Qu’est ce qu’il se passe, Mesdames, vous n’aimez plus le pain perdu…?

Quel affront, Thomas. Tu sais très bien ce qu’il leur arrive: elles sont en train de méditer tes paroles.
Et tôt ou tard, tu risques de passer à la casserole, tout comme ce fabuleux dessert qui est, à mon plus grand soulagement, parfaitement réussi…
Et puis, soudain, j’entends un bruit. Me redressant, tous mes sens en alerte, je réalise que plusieurs portent claquent… Les unes après les autres. Tel un chien truffier, je redresse le menton et demande, d’une voix dure:

Qu’est ce qu’il se passe, ici…?

Sauvé par le gong ou bien… Hanté par mes plus profonds démons? Tout ce que je sais, c’est que je ne suis plus certain de rien…

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser &  @Thomas Fraser & @Collin Fraser    

Alors que vous n’êtes qu’entre vous, il n’y a pas de place pour les faux-semblants. Tu as beau faire la fine mouche, c’est quand même Thomas qui a le dernier mot, évoquant un souvenir d’enfance qui clôt le débat. Pareil pour Grace, elle ne fait pas quartier, pas de compromis, refusant avec finesse les compliments que tu lui réclames. Même toi tu dois l’avouer, elle est drôle. Il règne d’ailleurs une atmosphère joyeuse, taquine, brouillonne. C’est peut-être le cadre qui s’y prête mais vous retombez clairement en enfance. D’ailleurs la réparation de vos bêtises passe vite au second plan et même si tu aurais adoré lire la prose de Grace, tu préfères le plan B. Il y a quelque chose de terriblement réconfortant à manger les pancakes de ton frère, coude à coude avec ta sœur, tout en jouant à un jeu auquel vous avez joué des milliers de fois. Une dose de pure nostalgie mais assez douce pour combler les blues du présent. Grace râle parce que c’est elle qui commence et comme lorsque tu étais une petite peste de 7 ans, tu joues les grandes sœurs pénibles. « C’est comme pour un naufrage, les enfants d’abord. » Bien sûr, tu plaisantes, elle est, en vérité, devenue une femme pendant que tu étais de l’autre côté du pays mais tu as le plaisir de voir qu’elle n’a pas beaucoup changé. La nourriture est toujours l’une de ses grandes passions dans la vie, elle est elle-aussi agacée par l’attitude de vos parents et apparemment, elle peut toujours compter sur son amie de toujours, Maria. Tu bats des mains. « Bravo ! Tu as assuré en laissant les pâtisseries du grand frère en tête de classement. Mais je n’ose même pas demander ce que les parents ont fait... » De toute façon, la parole n’est pas à toi puisque Grace choisit Thomas pour effectuer le tour suivant. Sans compter que ce dernier vient de déposer devant toi une assiette exhalant une odeur absolument divine. Tu salives rien qu’en voyant le pain perdu nappé de caramel. Tu te jettes dessus avec avidité, n’ayant plus du tout l’air de la glamour Maureen Fraser...

Et sans surprises, c’est une explosion de saveurs qui emplit ta bouche. « Hum... C’est de la magie, ce n’est pas possible autrement. » Dis-tu à Thomas quand il vient s’installer à vos côtés sur un tabouret. Il se prête de bonne grâce, aux jeux des réponses mais celles-ci n’ont absolument rien à voir avec celles de ta petite sœur. Elles sont bien plus sombres... et inquiétantes. Tu laisses tomber ta fourchette, sentant un poids tomber dans ton estomac. Tu as été insensible en lançant ce jeu alors qu’il se débat avec un cancer et que comme il le dit, il veut simplement rester en vie cette année. Quel intérêt pouvait-il à faire des bilans ou à réfléchir à ses perspectives ? Tu secoues la tête, essayant de ne pas faire ta drama queen mais comme toujours, tu as bien du mal à réprimer les émotions qui te submergent. « Thomas... » Commences-tu par dire mais il t’interrompt, vous demandant d’un ton plus léger si vous n’aimez plus le pain perdu. Il ne veut pas en dire plus mais toi, tu es prête à lui tirer les vers du nez pour connaître de cette fameuse bourde et savoir s’il a des problèmes... Cependant, tu n’as pas le temps de reprendre la parole, car une série de bruits parfaitement audibles retentit soudain dans la grande demeure familiale. Des bruits qui font grincer le plancher, des portes qui claquent. Thomas se redresse, lui aussi alarmé. Difficile de se dire qu’il s’agit du vent ou du bois qui travaille. Ces bruits laissent plutôt soupçonner une présence humaine. « On aurait dû garder la batte... » Tu essayes de plaisanter mais le petit trémolo dans ta voix prouve que le cœur n’y est pas. « Ce sont peut-être les parents qui sont rentrés plus tôt ? » Tu n’y crois pas toi-même. Ils seraient venus droit dans la cuisine, vous accusant de tout salir...

Les secondes s’écoulent, anxiogènes. Dans cet intervalle, une autre porte claque alors que clairement, il n’y a pas tant de vent que ça, ce soir. Tu prends soudain ta décision. « Je vais voir. Je suis sûre que ce n’est rien du tout. » C’est comme ça que tu te rassures car tu te dis qu’une personne mal intentionnée ou un cambrioleur ne vous avertirait pas de sa présence. Et puis cette incertitude, c’était bien plus stressant que n’importe quoi d’autre... Sans leur laisser le temps de réagir, tu sautes en bas de ton tabouret, allant vers les grands escaliers en contournant soigneusement le verre pour attraper la batte. « Il y a quelqu’un ? » Claironnes-tu tandis que tu gravis les marches jusqu’à l’étage. La question la plus stupide possible mais bon... Pas de réponse d’ailleurs. Te sentant comme une héroïne de film d’horreur, tu explores les pièces, souhaitant juste te prouver qu’elles sont vides et que ton imagination te joue des tours... Personne dans la salle de bain, personne dans la chambre parentale, personne dans la première chambre d’amis... Tu commences à te détendre quand tu sens soudain une paire de bras se refermer sur toi. Tu pousses alors un grand cri, qui va sans doute glacer le sang de Thomas et de Grace...

Strange night is coming.
ft    @Maureen Fraser   &  @Thomas Fraser    

Avec Maureen, on a une relation particulière. Certes, on n’est pas toujours sur la même longueur d’onde ou je ne suis pas toujours d’accord avec elle, mais, je la trouve marrante. Alors oui, souvent c’est pour m’ennuyer, mais ses punchlines sont toujours bien trouvées. Bien placées. Et c’est une qualité que j’admire énormément chez elle. Par contre, prenant mon rôle de petite sœur très à cœur et il est hors de question pour moi de lui avouer ou même de lui montrer. Je me contente donc juste de lui tirer la langue telle une petite fille de cinq ans ou de râler un peu.

Une fois mon laïus terminée, je me lève de mon tabouret pour faire quelques saluts digne d’une grande star, un sourire aux lèvres « Merci ! Et non… mieux vaut ne pas parler des sujets qui fâchent » Oui, malheureusement pour les Fraser, le sujet des parents, est souvent un sujet qui fâche. Ils ne sont pas horribles, mais… ils sont parfois, difficiles à vivre.
Après avoir posé mes questions à Thomas, je me rue sur les pancakes puis me tourne vers Maureen en la pointant avec ma fourchette « Oh mon dieu que ch’est bon !! Che suis d’accord avec toi. De la machie ! » Je ferme les yeux quelques secondes pour profiter un maximum de ce délice puis fronce les sourcils en écoutant Thomas répondre à mes questions « Ah ben super… » J’adore mon grand frère, mais là, il vient de plomber l’ambiance. Entre « je ne peux pas dire, vous seriez inquiètes » et « je veux simplement être en vie »… Tout d’un coup, les pancakes n’ont plus la même saveur. Déstabilisée, triste et inquiète, je laisse tomber ma fourchette dans l’assiette avant de jeter un rapide coup d’oeil à Maureen. Bon ok, c’était peut-être de ma faute. Je n’avais pas réfléchi avant de poser mes questions et… j’aurais peut-être dû faire attention. Choisir plus soigneusement.

Alors que je m’apprête à répondre à sa question sur le plat qu’il vient de cuisiner, des bruits se font entendre à l’étage. Thomas et Maureen se redressent direct pour aller voir ce qui se passe, tandis que moi, je reste là, assise sur mon tabouret. Bah quoi ? On a déjà tous vu des films d’horreur non ? Tout le monde sait que ça finit toujours mal pour ceux qui se dirige tout droit vers lui bruit.
Non. Moi je préfére rester là. Assise. A l’abri. Près des couteaux.
Au bout d’un moment, je décide tout de même de me diriger vers la porte de la cuisine. Est-ce que j’ai changé d’avis ? Pas du tout. Je suis tout simplement trop curieuse. Je ne vois rien de là où je suis et je veux savoir. Savoir si mon frère et ma sœur sont toujours vivants. Savoir qui fait tout ce bruit, … .

Une fois arrivée à la porte, je jette un rapide coup d’œil en haut des escaliers « Thomas ? Maureen ? » Aucune réponse. Je m’avance alors un peu plus, quand tout d’un coup, Maureen se met à hurler. Ni une ni deux, je me mets à courir et les rejoins à l’étage « MAUREEN ? » Je passe ma tête dans toutes les pièces pour la chercher quand enfin je la retrouve elle et Collin dans la chambre du fond « NON MAIS SERIEUX ?! » J’attrape un coussin posé sur le petit fauteuil à côté de moi et le lance, sans réfléchir sur les deux Fraser « Vous m’avez fait peur bande d’abrutis » Je leur lance un regard noir puis l’échange très vite contre un sourire en voyant la petite tête de mon frère jumeaux « Je savais que tu allais finir par venir ! Tu nous aimes trop pour rater ce week-end »

Strange night is coming.
ft  @Grace Fraser ;  @Collin Fraser &  @Maureen Fraser  

Je suis l’aîné des Fraser.
C’est une fatalité qui s’est toujours lourdement imposée à moi, qui m’a sans cesse guidé au sein de mes relations familiales. Loin de moi l’envie de prendre les commandes à mauvais escient, je reste le capitaine d’un navire au sein duquel tous les rôles ont la même importance. Et la beauté de notre famille ne peut se passer de la complexité qui la caractérise.

Je suis plus que soulagé de constater que ma cuisine hypnotise et ensorcelle toujours mes petites sœurs. Sourire moqueur sur mes lèvres, qui devrait sans doute davantage traduire l’immense bonheur de les compter à ma table, aujourd’hui. Pour rien au monde je n’aurais rogné sur ce week-end si ressourçant, je savoure chaque seconde, à la hauteur de ce plat sucré dont elles se délectent sans retenue.
Jusqu'à ce qu'un bruit suspect nous pousse à relever le nez, lever les yeux en direction de l'étage.
Quelque chose cloche, c'est indéniable.

Quand Maureen suggère que nous aurions dû garder la batte auprès de nous, je fronce des sourcils, m’inquiètant un peu plus, si cela est encore possible. Je n’ose plus cligner des yeux, de peur de manquer une information capitale, de manquer de réactivité. Dans ma poitrine, mon cœur bat à tout rompre, j’ai la sensation que je pourrais tomber dans les pommes en un claquement de doigts.
Mais je suis l’aîné des Fraser. Mon rôle est de protéger ma fratrie, coûte que coûte, quelle que soit la nature du danger qui semble nous terroriser. Effrayé? Bien sûr que je le suis. Il n’y a aucune raison valable, aucune explication logique à ces bruits que nous avons remarqués, tous les trois. Parfois, hanté par mes démons personnels, je pense que je suis le seul à être en proie à une certaine paranoïa. Mais à observer l’attitude tendue de Maureen et de Grace, il semble que je ne fabule pas le moins du monde.
Je dois réagir, j’en suis profondément convaincu quand Maureen se lève, afin de s’assurer qu’aucun danger ne nous guette. Elle fait preuve d’un courage que je partage, mais me devance en prenant la direction de l’escalier, c’est à l’étage qu’une nouvelle porte claque. Bondissant de mon tabouret haut, je suis ma sœur à la trace, évaluant ses risques à un degré faible… Mais cela ne m’empêche pas de la surveiller de très près.

Maureen, arrivée en haut des escaliers, prend la direction est du manoir, tandis que j’arpente le couloir menant à la partie ouest. Je me sens comme un étranger au sein de ses murs, je ne reconnais pas grand chose de ma demeure d’enfance. À priori, les parents Fraser entreprennent de nombreux travaux, dont la refonte totale de ma chambre. Je découvre ainsi cette pièce qui était mienne, les meubles recouverts de larges toiles plastiques, mon parquet adoré décollé afin de laisser place à un carrelage froid et sans chaleur, les murs détapissés, prêts à être repeints, c’est en tout cas ce que je devine en apercevant de nombreux pots de peintures entreposés sur un établi de fortune.

Je ne suis pas encore mort, mais il semble que pour mes parents, je n’ai plus d’existence.

Blessé, très en colère même, je caresse un pot de peinture du bout des doigts, que j’ouvre afin de découvrir une couleur bleu criarde, sans doute celle que j’apprécie le moins au monde. Déçu d’un tel manque de considération, je ne vois pas le coup venir, sursautant en entendant ma sœur Maureen hurler à la mort. Dans la précipitation, je fais tomber le pot de peinture, qui m’éclabousse, me recouvrant quasi en totalité de peinture, des gouttelettes jaillissant de part et d'autre de la pièce.
Un véritable massacre.
Pensant qu’un autre est en train d’avoir lieu, je me précipite jusqu’à l’origine du bruit, et je découvre, avec grand soulagement, Collin, Grace et Maureen. Une arrivée surprise de la part du petit frère, mais qui réussit à me faire sourire malgré tout. Les regards qu’ils me jettent en découvrant autant de peinture sur mes vêtements et visage me poussent à rire, mais cette envie est rapidement tuée dans l'œuf quand mon smartphone se met à vibrer, dans la poche arrière de mon jean. Le dégainant tout en tentant de ne pas étaler davantage de peinture sur l’écran, je me décompose en découvrant la photographie de notre mère, m’appelant en visio. Sans doute afin de prendre de nos nouvelles? Savoir comment le séjour s’organise?
Comment lui expliquer que je viens de commettre une bêtise digne d’un enfant de cinq ans, quelques minutes à peine après l’épisode de son vase préféré…?
Déglutissant lentement, je finis par me racler la gorge, tournant le smartphone en direction de mes plus jeunes frères et soeurs, prononçant cette phrase de manière aussi solennelle que le contexte l’exige:

Les chéris… Je crois que la situation ne pourrait pas être pire.

Et dire que cela fait à peine deux heures que notre week-end retrouvailles a démarré…
Que les festivités continuent, dans ce cas!