« Un suspect, un agent et une étudiante. Le trio gagnant!  »

ft.  @Raphael Hayes & Oonagh Fitzgerald 
Locaux du FBI, Monterey. CA.

J’ai une de ces frousses.
Triturant le dossier en carton que je tiens entre mes mains moites, je tente de maîtriser ma respiration, de contrôler mon angoisse qui vient me tordre le ventre, luttant contre l’envie de tourner de l'œil. Je n’avais pas ressenti une peur aussi envahissante depuis… ma sortie de prison, de mémoire. Il faut dire que cela ne date que depuis quelques semaines mais grâce à ce changement sans précédent, je me sens renaître. Je suis plongée dans la version 2.0 de mon existence et le moins qu’on puisse dire, c’est que je suis complètement à la fois paumée mais également très enthousiaste. J’ai une chance incroyable d’être entourée par une famille soudée, des amis extrêmement bienveillants. Mon agent de probation, Ismaël, m’a aidé dans diverses démarches nécessaires, notamment celle de trouver un logement. Mon appartement dans l’immeuble communautaire de la ville me convient à merveille. Bref, le soleil brille, le ciel est bleu, les oiseaux chantent et…
Maintenant, je dois reprendre ma vie professionnelle en main. C’est mon objectif principal, la dernière pierre à poser sur l’édifice de mon nouveau quotidien.
Durant mon emprisonnement, j’ai découvert une passion dévorante pour l’étude de la criminologie. Agissant en autodidacte, j’ai redoublé d’efforts afin que cet intérêt ne s’évanouisse pas à ma sortie. Bien au contraire, je me suis inscrite à l’université de Monterey, j’ai prouvé que j’étais plus déterminée que jamais. À présent, je suis sensée approfondir mes connaissances sur le terrain en justifiant d’une expérience professionnelle concrète. Suite à plusieurs recommandations, j’ai pris mon courage à deux mains, ce matin. Je me suis levée, j’ai enfilé la tenue la plus classique que j’ai pu dégoter dans ma garde robe et j’ai osé prendre le chemin des bureaux du FBI. Une antenne plutôt réduite, en accord avec la taille de notre magnifique ville, où je me sens pourtant très anxieuse. La bouche pâteuse, je demande à une employée de l'accueil, me forçant à sourire aussi naturellement que possible:

Bonjour… J’aimerais… J’aimerais déposer un dossier, pour un stage… Je suis étudiante en criminologie et…

Mais je m'interromps en observant la secrétaire répondre négligemment au téléphone qui vient de retentir, sans même m’accorder un regard.
Et bah c’est super.
Je me contrôle afin de ne pas exploser en plein vol. Auparavant, j’avais une patience d’ange et une bienveillance à toute épreuve. Mais mon incarcération a radicalement modifié mes comportements. Je décide donc de l’étudier sous toutes les coutures, elle dont le regard se défile afin de ne pas provoquer de contact visuel. Pourtant, le mien vient de dériver sur une scène étrange, que j’étudie avec une grande attention. Deux hommes avancent dans ma direction et le statut de chacun n’est pas compliqué à deviner: un agent du FBI et un suspect, de toute évidence. Un duo tout ce qu’il y a de plus classique en ces lieux. Et pourtant...
Je fronce les sourcils en détaillant le comportement des deux hommes et me plonge dans des réflexions soudainement très précises. Et puis, une de mes oreilles traîne, j’écoute attentivement leur échange qui dure plusieurs minutes. Tout un mécanisme se met en œuvre, je finis par sourire, arrivant à une déduction évidente. L’esprit affuté, je penche la tête vers le côté, passe ma langue sur ma lèvre inférieure, respire enfin bien plus calmement. En réalité, je suis… parfaitement en phase avec le monde. Et sûre de mon analyse.  
Incapable de me retenir plus longtemps, je finis par me racler la gorge tout en avouant, à demi-mots:

Bonjour, excusez-moi mais… Ce n’est pas le coupable. J’en suis certaine.

Ok, Oonagh, je crois que tu as loupé une occasion de te taire, là.
Enfin, la curiosité est un vilain défaut… Et non un délit.
N’est ce pas…?

(outfit) -  @Oonagh Fitzgerald - Ici les journées se suivent mais ne se ressemblent jamais. Tout le monde vit à cent à l'heure et encaisse une pression parfois surhumaine. Depuis deux ans maintenant, le jumeau des Hayes passe plus de la moitié de son temps dans ce bâtiment, dans le service des fédéraux spécialisé en criminologie. Au sein de ces murs, il se sent comme chez lui, il est à la maison au milieu de ces esprits brillants accro à la caféine et prêt à risquer leur vie au quotidien dans l'espoir de rendre le monde un peu meilleur. Utopiste ou idéaliste, Raphael fait parti de ces hommes et pour rien au monde il ne renoncera à ce job dont il a rêvé pendant des années. La journée est déjà bien entamé, il a mené deux interrogatoires costaud avec des gamins que la vie n'a malheureusement pas épargné et qui au moment de faire un choix on à son plus grand regret fait le mauvais avant de se plonger dans la rédaction des dossiers, une étape qui ne le passionne pas autant mais qu'il ne négligera jamais. Il s'est rendu compte avec ces années au sein de la police et depuis son entré au bureau fédéral que le monde est cruel, rempli d'horreur, de personnes dont l'humanité s'est estompé ou n'a jamais existé. Ce qu'il voit au quotidien est rempli de noirceur, de haine et de colère mais lorsqu'une enquête se termine, que la victime s'en sort, qu'elle retrouve sa famille, il sait que tout ceci en vaux la peine et qu'il fait ce qui est juste. Une pile de dossier sous le bras, son café à la main, il est sur le point de sortir prendre l'air une petite vingtaine de minutes quand une voix féminine attire son attention. Il examine, rapidement, son comportement, elle n'est pas de la maison, il le devine de suite et lorsqu'il aperçoit le regard noisette de Caroline à l'accueil et de ses deux collègues qui emmène un suspect en salle d'interrogatoire il comprend que personne ne prête attention à ce qu'elle dit, pense ou même fait ici. D'un pas décidé et sans attendre une seconde de plus il avance vers elle, sans relever le rire un brin moqueur et agaçant de ceux qu'elle vient d'interrompre et qui pourtant continue leur chemin sans prendre la peine de lui répondre même par simple politesse. Il ne supporte pas cette attitude mais faire un scandale n'est pas envisageable " Et qu'est-ce-qui vous fait penser ça ? " dit-il en la regardant dans les yeux. Sans détacher son regard d'elle, il porte son café à ses lèvres, avale une gorgée du liquide chaud, noir et sans sucre avant de répondre " Vous avez piqué ma curiosité, j'écoute votre théorie mademoiselle " il est sur de lui, mais calme dans la manière de parler, loin de l'arrogance de certains. Il ne sait pas l'expliquer, il se trompe peut-être mais quelque chose l'attire chez elle, pas quelques choses de physique ou de sexuel mais ce qu'elle dégage l'intrigue, elle à cette aura différente, cette façon de se tenir et cette braise dans le regard qui lui rappelle celui qu'il était il n'y a pas si longtemps que ça.

« Un suspect, un agent et une étudiante. Le trio gagnant!  »

ft.  @Raphael Hayes & Oonagh Fitzgerald 
Locaux du FBI, Monterey. CA.

Tout ceci est loin d’être une mise en scène. Au contraire, nous ne sommes pas dans un mauvais film policier mais dans une réalité plus que saisissante. La vérité me saute tellement aux yeux que je ne peux pas m’empêcher de souligner l’absurdité qui en ressort. Mais lorsque l’agent du FBI se tourne vers moi, me rejoint pour n’être plus qu’à quelques centimètres, buvant son café brûlant à petites gorgées, je suis à deux doigts de perdre mes moyens. Je déglutis, cherche une porte de sortie…
Mais Oonagh, si tu es ici, c’est pour une excellente raison. Et le destin s’est occupé de te donner un coup de pouce, tu serais vraiment stupide de ne pas saisir ta chance.
Le souffle coupé, j’entrouvre mes lèvres, cherche au plus profond de mes tripes le courage nécessaire afin de m’exprimer et finit par offrir ma théorie, d’une voix que j’espère maîtrisée:

Et bien… Son regard, lorsque vous étiez en train de le questionner… C’est une question d’expression faciale. Il a regardé vers la gauche, il était en train de se souvenir pour de vrai, il n’était pas en train de mentir. De plus, un menteur aurait tendance à se toucher le nez en annonçant son mensonge alors que là, on sent la colère et la tristesse dans ses gestes. La victime doit être sa petite amie, si je ne m’abuse, non…? Et puis, il est bien trop stressé pour être impliqué. Les véritables psychopathes possèdent une flegme qui les caractérise, je suis certaine de mes dires, il est innocent. Vous devriez le relâcher et chercher le coupable ailleurs.

Ma tirade enfin terminée, je finis par avaler une longue goulée d’air, ma poitrine se soulevant suite à ce geste si naturel. Le temps s’arrête, durant lequel nos regards ne peuvent se lâcher. Je suis extrêmement perturbée mais finit par sursauter, me souvenant que je dois aller au bout de ma démarche. Farfouillant dans mon sac à main, frôlant du bout des doigts quelques tubes de rouge à lèvres ainsi que mon peigne, je reste une véritable coquette en toutes circonstances, je finis ma sortir ma carte d’étudiante, lui fourrant sous le nez et me présentant, moi et mes piètres espérances:

Je m’appelle Oonagh Fitzgerald et… Je suis à la recherche d’un stage, je suis étudiante en criminologie. Vous pouvez m’aider…?

Un réalisateur paierait cher pour obtenir la pellicule de l’instant que nous venons de vivre. Si quelqu’un avait eu la chance de filmer cette scène, il l’aurait sûrement qualifié de cliffhanger.
Car je suis à la croisée des chemins. Comme dirait l’autre, ça passe… ou ça casse.
En espérant que le sort me soit favorable, je crois bien que c’est une autre réplique de film, ça…

(outfit) -  @Oonagh Fitzgerald - Raphael est ici dans son élément, dans l’un des endroits qu’il préfère sur terre, ici il est lui même et il ne cherche pas à jouer un rôle ou quoi que ce soit d’autre, il est sa meilleure version, il sait qu’il est à sa place. Aussi loin qu’il s’en souvienne, travailler au sein du FBI, faire ce métier, est vital. C’est ce dont il rêve depuis qu’il est en âge de réfléchir clairement. Le plan a été établi depuis des années, les études, la police et enfin le bureau fédéraux car à ses yeux gravir les échelons est aussi important que de comprendre le rôle de tous dans cette profession de fou. Son quotidien est toujours très intense mais les gens ici, changent très rarement c’est ainsi qu’elle attire cette attention. Cette fille qu’il n’a jamais vu, cette fille qui a l’air à la fois perdue et à la fois sure d’elle. Curieux d’en savoir plus, de connaître les raisons de sa présence ici, il la regarde dans les yeux à moitié appuyé contre le comptoir de l’accueil. Ses mots il les accueillent, il analyse tout ce qui sort de sa bouche, elle n’a pas l’air d’avoir totalement confiance en elle mais ce qu’elle raconte est clair, concis et surtout pas idiot. Il jette un coup d’œil vers la salle d’interrogatoire qui se trouve un peu plus loin dans le fond du bureau avant de se tourner de nouveau vers elle.  « Je vois » dit-il simplement avant de se redresser.  « Enchanté Oonagh, je suis l’agent spécial Hayes, vous voyez le bureau là-bas ? » il désigne une pièce avec une grande baie vitrée ou son nom est inscrit sur la porte  « Vous m’attendez la bas ? Je n’en ai pas pour longtemps » et il la laisse afin de rejoindre l’interrogatoire en cours. Pendant quelques minutes il analyse la conversation qui se déroule derrière la vitre tintée et il ne mets pas longtemps à comprendre qu’elle avait raison et que ses collègues sont à son grand regret un peu trop misogyne pour se rendre compte ou pour même envisager de prendre en compte la parole d’une jeune femme. Il en a assez entendu. Discrètement, il entre dans la salle, demande à parler à l’un d’entre eux, celui qu’il peut convaincre, celui qu’il juge le plus réfléchi  « Elle avait raison, la fille de toute à l’heure, analyse les choses Martins, t’es pas idiot, regarde » il lui explique rapidement la théorie d’Oonagh avant de sortir, sachant pertinemment que cette fois-ci il écoutera et comprendra. Une vingtaine de minute plus tard, il pénètre de nouveau dans la salle avec une tasse de chocolat chaud et un énième café noir  « Tenez, ça vous fera du bien » il l’a sent nerveuse et il est convaincu que cette boisson pourra faire une différence. Raphael s’installe à coté d’elle, la regarde dans les yeux et porte son café à ses lèvres  « Vous recherchez un stage donc ? Pourquoi la criminologie ? » c’est un domaine difficile, qui est trop intense pour beaucoup de gens. Peut son capable de supporter une telle pression mais il a la sensation qu’elle le peut, avec du travail et la bonne personne pour l’accompagner  « Vous avez un CV ? Ou est-ce que vous avez étudié ? » il se fiche bien évidemment qu’elle vienne ou non d’une grande école, lui n’a pas été dans une université d’élite mais il a été le meilleur dans son domaine et il s’est battu corps et âme pour pouvoir réaliser son rêve. Au fond c’est tout ce qui compte, ne jamais abandonner.

« Un suspect, un agent et une étudiante. Le trio gagnant!  »

ft.  @Raphael Hayes & Oonagh Fitzgerald 
Locaux du FBI, Monterey. CA.

Je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable de toute ma vie.
Et pourtant, les situations dans lesquelles je me suis sentie chancelante ont été grandement multipliées ces dernières années. Je ne suis pas ici pour exposer mon passé et pourtant, il revient devant mon regard incertain, telle une vérité que je ne peux ignorer. Je tente de l’occulter, de faire preuve d’assurance, de détermination.
En espérant que cette comédie ou plutôt cette longue inspiration suffira à donner le change.
Cette opportunité, je la vois. Sous un prisme étincelant, qui pourrait presque m’éblouir. Je suis sur le point de devenir aveugle, mais je tiens bon, garde les yeux ouverts, si focalisée sur mon objectif ultime: Prouver que je peux être utile. Que les suppositions dont j’ai eu le courage de partager à cet agent de FBI sont fondées et valables. Chaque atome de mon organisme est convaincu de la véracité de mes dires, reste à savoir si mes arguments ont fait mouche.
Lorsque mon interlocuteur ouvre la bouche, j’ai comme un mauvais pressentiment. Oonagh, tu as encore perdu une occasion de te taire et tu viens de griller la seule opportunité intéressante qui se présentait à toi! Acculée, dépitée, je finis par baisser les yeux, réfléchissant déjà aux horaires de mon prochain bus afin de rentrer à l’immeuble communautaire… Pour rapidement redresser la tête, interloquée par les propos tenus par l’agent spécial Hayes. Mais… Il me croit! Me propose même une entrevue! À moins que je n’ai fait que prendre mes rêves pour la réalité…? Mais non, je ne pense pas me fourvoyer, tout est encore possible!
Bafouillant presque, pressant mon sac à main contre ma poitrine, je fais quelques pas, me cogne maladroitement contre le coin du bureau de l'accueil et réponds, d’une voix tremblante, le regard perdu vers un point imaginaire derrière son épaule, tendant le doigt de l’autre côté:

Euh… C’est par là…? Très bien, je… Je vous attends, merci! Merci beaucoup!

La première impression est souvent la bonne, j’espère en tout cas que dans ce cas précis, elle n’aurait pas trop échaudé un professionnel tel que lui. Agent Spécial, ce n’est pas rien! Et il a fallu que je me comporte comme la dernière des cruches… Vraiment, on ne me refera pas! Poussant la porte vitrée du fameux bureau, je ne m’attarde pas, m’installe sur une chaise et étudie avec minutie mon environnement. Certaines conclusions ne tardent pas à s’éroder dans mon esprit bouillonnant et c’est à peine si je remarque le retour de l’agent Hayes dans son propre bureau, me tendant une boisson chaude. Haussant les sourcils, j’attrape doucement le gobelet et réponds, de manière plus qu’incongrue:  

Le chocolat chaud est riche en antioxydants et ces substances retardent le vieillissement de notre organisme et le protègent notamment contre les maladies cardiovasculaires et les cancers.

Oonagh, qu’est ce qui te prend de réciter une telle définition? Sans doute que durant les quatre années de mon incarcération, j’ai eu l’occasion de dévorer plus de livres que je ne saurais jamais compter et que je suis devenue incollable sur de nombreux sujets? Quand on possède un temps quasi infini, on cherche à l’occuper, de manière parfois absurde. Oubliant toute bienséance, je ne prends pas la peine de remercier l’agent spécial et avale une gorgée chaude et réconfortante.
Qui me donne le courage nécessaire de répondre à ses questions certes légitimes mais dont les réponses ne seront sans doute pas convaincantes. En tout cas, pas tout de suite. Me raclant la gorge, je pose délicatement le gobelet sur la table devant moi et tente d’être la plus précise et explicite possible:

Et bien… Un CV, je n’en ai pas. Je suis étudiante à l’université de Monterey, depuis peu. J’ai ma carte pour le prouver, ainsi que mon dossier scolaire. Mais j’ai d’excellentes notes, mon cursus est à peine lancé mais je suis major de ma promo. La criminologie… A sonné comme une évidence. J’ai eu l’occasion d’acquérir la base en tant qu’autodidacte… Durant quatre ans. Quatre années où j’étais incarcérée à la prison pour femmes de Californie.

Le bilan que je pourrais tirer de mon petit discours, c’est qu’il a le mérite d’être expéditif.
Alors, Agent Spécial Hayes, quel sera donc votre jugement…? N’ayez pas peur, voyons, moi, j’en ai assez de me laisser grignoter par ce sentiment dévastateur.
Faîtes preuve de franchise, à la hauteur de celle que je viens de vous apporter, je vous en conjure…