a life, a story - Comme le premier son de l’archet venant se frotter aux cordes pour la première fois, Barthelemy hurlait sur ses premières heures. Enfant plutôt turbulent par moment, il avait un trop plein d’énergie en lui. Lorsqu’il réussissait à se tenir sur ses deux jambes, il se mettait à courir sans jamais s’arrêter. Ses parents ne comprenaient pas d’où venait ce surplus. Ils cherchaient à le canaliser. Le sport? ça n’était pas compatible, il n’y accrochait pas… La lecture? Il aimait bien, mais pas assez pour y passer des heures. Jusqu’au jour où il venait poser ses mains pour la première fois sur cet instrument. Pas plus haut que trois pommes, lorsqu’il commençait à faire les premiers sons, qui résultait en une cacophonie, son énergie se stabilisait. Plus le temps passait, plus ce que le couple Reynolds leur semblait être une évidence. Leur fils était né pour la musique. Pour tenir objet et le pousser à son paroxysme. Pour l’amener dans des retranchements que lui seul atteignait. Si bien, si loin qu’il se faisait déjà repéré à son plus jeune âge pour rejoindre les plus grands instituts de musique. Il n’avait pas encore fini ses premières classes que son paternel recevait des coups de fil pour connaître la décision du jeune Reynolds. Lui ? Il s’en foutait. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’on lui fiche la paix. Seul, dans son grenier, il voulait simplement jouer. D’abord du violon. Reproduire des thèmes, des tronçons qu’il avait entendus. Mais ensuite y ajouter sa patte. Aidé par son oreille absolue, il était déjà en avance, tellement en avance qu’il ne se rendait pas compte de son futur tout tracé. Lui, prodige de la musique. Virtuose du violon.

Rapidement, il était devenu clair comme de l’eau de roche qu’il ne pourrait jamais atteindre son potentiel en restant dans le coin, dans une école qui n’avait pas les structures ni la capacité à développer ce talent brut qui l’habitait. Il rejoignait sans surprise la prestigieuse école Juilliard où Barry venait finir son cursus tout en laissant la musique prendre la place qu’elle avait besoin dans sa vie. C’était sans surprise qu’il excellait de partout. Il décrochait son diplôme sans mal avant de s’investir entièrement dans sa passion. Choisissant d’abord le violon, il dépassait les attentes, aussi hautes soient-elles. Il commençait à avoir des surnoms, allant même à ce qu’il soit comparé à Vivaldi. Son ascension était fulgurante, il franchissait toutes les étapes. Il confirmait. Jusqu’au jour où il rencontrait son premier amour. Une Française nommée Amélie. C’était la toute première fois que le jeune homme ressentait des choses. Et sa musique, ses notes ne pouvaient qu’être encore plus fortes. Le début de cette idylle était tout ce que Reynolds voulait, ce qu’il avait imaginé de l’amour et plus encore. Mais les premiers défauts du prodige se montraient. Il commençait à manquer des séances, préférant aller batifoler. Bien que rappelé à l’ordre, il reproduisait les mêmes erreurs. Mais de son point de vue, le monde l’empêchait de simplement vivre. Il ne se rendait pas compte du mal qu’il se faisait tout seul. L’amour qu’il avait avec elle était joli, mais elle ne pouvait pas rester, elle devait retourner chez elle. Il voulait tout quitter, plaquer la musique pour suivre celle qui était devenue sa muse. Mais sa sirène, en plus de lui voler son coeur, lui avait aussi volé sa musique. Le destin, c’était le destin qui sauvait de justesse le virtuose. Il avait le choix entre la suivre, et aller jouer dans une des plus grande salle de la ville. Emilie, de son côté, sachant son amour pour elle, mais aussi pour la musique, lui offrait sa plus belle preuve d’amour. Elle venait lui annoncer une fausse date de départ, pour qu’il puisse aller jouer. Avant qu’une fois sortie, il ne trouve plus qu’une lettre d’excuse, d’amour et d’adieu…

Seul, il reprenait du niveau, reprenait du temps pour lui, lui permettant de s’améliorer, de remonter là où il devait être, devant les lumières. Là où les gens regardaient. Sa réelle place. Ce répit, ce temps retrouvé pour lui était comme une nouvelle bouffée, pour lui permettre d’aller encore plus haut. Plus loin qu’il ne l’a jamais été. Avant de rencontrer celle qui fera basculer sa vie. Amélie, tout était doux, l’amour été présent. Ici, il ne l’était que trop rarement. Les prises de tête, les engueulades. Mais pourtant, il n’arrivait pas à se détacher de cette femme. À nouveau, sa musique en souffrait. Jusqu’à ce jour fatidique. Ce jour où, sous la colère, Barry venait donner un coup sur le coin d’un mur. Douleur immense, mais l'adrénaline prenait le dessus. Il ne se rendait pas compte de la bêtise qu’il venait de faire. Il finissait la soirée à l'hôpital. Avant d’apprendre que son poignet était fracturé. Que ce dernier devait se faire opérer sur le champ. Paniqué, il suivait machinalement. Les jours passent, cette femme ne donnant plus signe de vie, lui étant immobilisé dnas cette pièce blanche. Sa tête qui tournait quand il avait appris qu’il ne pourrait peut-être plus jamais rejouer à un niveau exceptionnel. A son niveau. Il n’arrivait pas à stopper ce tremblement lorsqu’il levait son bras, à tenir sa main sans qu’elle ne se mette à bouger dans tous les sens, comme encore traumatisé de cet agissement inutile, mais qui avait un si gros impact dans sa vie. Il l’avait mérité quelque part. Tout le monde lui avait dit, l’avait averti que ça lui pendait au nez. Mais il était bête, et bien trop aveuglé pour s’en rendre compte. Et la note finale était déjà jouée…

Barry n’est plus que l’ombre de lui-même, il ne sort plus, honteux, de peur de se faire reconnaître, moquer. Il se sentait déjà bien assez mal pour lui, il n’avait pas besoin de ça. Il essayait de vivre autrement, mais rien n’y faisait. Il n’y était plus, il ne se trouvait plus. La chute d’un prodige, sa descente aux enfers. Il se l’était provoqué lui-même. A ne pas écouter, à ne pas faire attention. Il s’en voulait tellement. Il n’avait plus rien à faire. Il perdait tout ce qu’il avait, ses soutiens, ses alliés, ses amis. Il ne lui restait finalement plus que sa main brisée et un instrument qu’il ne pouvait plus utiliser comme il le souhaitait. Le prodige Reynolds était loin derrière…

Après quelques années. Barry avait changé de vie. Du tout au tout. Il était à présent dans une petite ville perdue à la campagne américaine. Possédait une petite maison, sans connection, sans aucun lien avec l’extérieur, si ce n’était un petit poste radio. Il vivait très simplement, mais avait réussi à faire la paix avec son passé. Avec ce qu’il n’était plus. L’amour? Ce n’était plus pour lui, quant à la musique? Il n’avait plus la possibilité de jouer de lui-même, alors il avait fait le choix de la passer, d’apprendre aux gens. Sans dire qui il était. Il avait pris un petit poste de professeur de musique dans l’école locale. Tout en entretenant un petit conservatoire laissé à l’abandon. Rien de folichon. Mais c’était tout ce que l’homme souhaitait. Une vie calme, une personnalité qu’il avait reforgée. Il n’était plus le même, il avait mûri. Il avait compris. Barry n’avait plus cette pointe au cœur quand il regardait derrière lui, mais plutôt ce sourire peiné pour sa version plus jeune, bien trop idiote pour se rendre compte de ce qu’il avait. Il se surprend quelques fois à vouloir sortir son instrument dans cette salle poussiéreuse, avant de se raviser et de finalement aller s'occuper d'autres tâches.

Sa vie lui convenait très bien, quand un de ses élèves montrait un potentiel non négligeable. Barry prenait le temps de le sonder, avant de se rendre compte qu’il avait de très bonnes capacités. Se voyant un peu dans le garçon, il avait le sentiment que la vie lui offrait une seconde chance, celle de ne pas laisser son passé se reproduire sur quelqu’un d’autre. Il venait donc agir tel un mentor, avant de lui proposer de passer des tests à une école prestigieuse, celle de Monterey. Petite semaine à passer là-bas à ses côtés, l’ancien artiste ne savait pas que cette même semaine allait changer sa vie. Le relancer dans ce qu’il pensait perdu à jamais. Et ce n’était nulle part autre qu’au détour d’une rue, à travers une fenêtre entre-ouverte, le bonheur se matérialisant par un claquement de main, joint avec des paroles de musique. Et une voix qu'il n’oubliera jamais. Because i’m happy…