Qu’il est bon de revenir chez soi.

C’est une sensation que je ne connaissais plus, que j’avais décidé d’oublier. Mais depuis mon retour à Monterey, j’avais renoué avec des rituels qui m’avaient ô combien manqué. Comme cette simple et vive impatience de retrouver mes amies, pour leur faire part d’un incroyable bouleversement dans ma vie. Ce plaisir social si évident, pour tout le monde, sauf pour moi. M’étant privée, au cours de ma vie à Londres, de tout lien affectif qui pourrait mettre à défaut ma vie de couple et ses plus noirs secrets, j’ai découvert deux formidables femmes, deux rencontres qui ont changé ma vie. Je peux remercier le club de lecture, l’audace que j’ai eu en m’y inscrivant, car j’y ai rencontré Sofia et Caron, deux magnifiques âmes que j’ai le plaisir de compter parmi mon cercle de proches désormais. Au gré des échanges, des fous rires, des apéritifs et repas partagés au restaurant, nous avons su broder les fils d’une belle amitié, sur le rythme de trinité qui me convient aisément. Nos caractères s'équilibrent à la perfection et c’est tout naturellement que j’ai décidé de leur envoyer, avant d’embarquer au bord d’un avion, un message leur demandant expressément de me retrouver dans un lieu branché mais relativement intimiste. Un bar à tapas plutôt calme, reculé, qui me permettra de leur annoncer l’immense et fabuleuse nouvelle que j’ai emporté dans mes bagages. M’étant éclipsé durant quelques jours, pour les besoins de ma participation à un salon de tatouage ayant lieu à l’autre bout du pays, je suis enfin de retour, le sourire jusqu’aux oreilles et le cœur battant grâce à une énergie sensationnelle. J’ai dû paraître bien ridicule, pour mon voisin de siège, à émaner un tel apaisement, à me réjouir pour le moindre détail, jusqu’au menu proposé par la compagnie que j’ai trouvé délicieux.
Qu’importe, je suis heureuse. Et c’est tout ce qui compte.

Claquant la porte du taxi que j’ai utilisé afin de revenir de l’aéroport, je m’empresse d’ouvrir la porte d’entrée d’une maison qui est devenue mienne grâce à la générosité de mon jumeau, Jeremy. Prenant à peine le temps de poser mes valises, je me dépêche de troquer ma tenue confortable de voyage pour une jolie robe fleurie et des sandales élégantes, tout en commandant un nouveau taxi, à qui je confie d’une voix excitée et tremblante l’adresse du fameux lieu de rendez-vous. Durant le trajet, je ne cesse de gigoter, d’imaginer leur réaction suite à ma déclaration qui ne saurait tarder. Je me sens quelque peu gênée de me mettre en avant, mais après tout, le bonheur d’une amitié n’est pas de fêter la moindre victoire toutes ensemble…?

En moins de temps que je ne l’imaginais, j’arrive à destination. Après avoir remercié le chauffeur tout en lui glissant un généreux pourboire, geste que je ne pouvais effectuer avec mes revenus faibles de ces derniers temps, je bondis hors de l’habitacle, repère en un temps record mes deux amies déjà attablées. Sans même me retenir, je m'approche d'elle en galopant, j’attrape le dossier de la chaise qui est sans doute mienne, tout en prononçant cette phrase, des trémolos dans la voix:

Mesdames… J’ai une nouvelle à vous annoncer!

Oubliant même la politesse, je n’y vais pas par quatre chemins, je n’ai pas de temps à perdre.
Pourquoi donc attendre quand la joie est la seule Victoire, ce soir…?