Un regard vers l’inconnu ne le trompe pas vraiment, ils se sont déjà vus, il en est plutôt certain. Et c’est un petit peu ce qu’il lui confirme d’ailleurs, l’instant d’après, tandis qu’il accepte son aide pour se relever. Célian tire vers lui pour le remettre debout tandis qu’il le remercie de ne pas l’avoir laisser tomber dans le vide et qu’il se présente. Il balaie ses remerciements d’un simple mouvement du menton. Il n’aurait pas pu réagir autrement, même s’il l’avait voulu, de toute manière. Il a ce besoin d’aider, dans la mesure du possible, il est incapable de rester en retrait devant une situation dangereuse. Et puis, son plus gros problème, c’est bien qu’il a toujours eu du mal à mesurer correctement le danger quand il lui fait face. Si Creed semble décidé à chercher un instant où ils se sont croisés, finalement, ça n’a pas beaucoup d’importance. Mais l’aisance avec laquelle il a réagi un peu plus tôt ne peut pas tromper réellement Célian, il a déjà fait ça. Est-ce qu’ils se sont croisés en urbex ? « Je fais aussi du parkour mais c’est rare que je m’intègre à un groupe, jamais à plus de deux ou trois. » Il déteste les gros rassemblements, les compétitions et les concours, il se fait plutôt discret. En réalité, s’il pratique cette autre activité, c’est uniquement pour lui et sa soif d’adrénaline. Est-ce qu’ils se sont déjà croisés là ? En urbex, il n’est guère accompagné de plusieurs personnes, il joue plutôt en solitaire, sauf quand il emmène Gemma avec lui. « J'crois pas avoir été jamais aussi heureux de faire la connaissance d'un inconnu » Célian esquisse un sourire en hochant la tête. « Si je ne t’avais pas surpris, j’aurais pas eu à te sauver les miches, on va dire que tu ne me dois rien du tout. » Il préfère qu’il n’y ait pas de mal entendu entre eux, il déteste que qui que ce soit se sente redevable envers lui. Surtout que si Creed n’avait pas sursauté, il n’aurait pas risqué la chute libre.

D’un commun accord, ils semblent décider que poursuivre leur route ensemble pourrait être intéressant pour tous les deux. Célian ne rechigne jamais vraiment à faire ses explorations avec une autre personne, bien au contraire. Surtout que l’homme en face de lui semble quand même s’y connaître. Il ne s’agit par d’un débutant qu’il faudra driver et aider toutes les deux minutes. Ou un petit malin venu se faire un peu peur qui serait susceptible de le ralentir. Non, Creed s’engage avec assurance tandis que Célian lui emboîte le pas sans cesser de regarder autour de lui pour découvrir les lieux. Il le laisse prendre la main pour l’instant, assure ses arrières en dirigeant sa lampe torche vers ses pieds pour qu’ils aient assez de visibilité. « Comment tu as entendu parler de cet endroit ? » Sa curiosité brise le silence religieux qui se fait autour d’eux, parce qu’il a envie de savoir comment il a eu le tuyau. Et puis, s’il a de bonnes sources pour se guider sur ce genre de lieu, c’est toujours intéressant, il pourrait lui être utile en temps voulu pour avoir des informations. Généralement, les plans ne se trouvent pas aussi facilement, il faut un minimum rester discret si tous les pratiquants d’urbex veulent que cette activité reste secrète et que les lieux qu’ils visitent ne soient pas envahis de touristes ou de jeunes en mal d’adrénaline.

Creed amorce sa montée des escaliers sous l’œil attentif de Célian qui se tient prêt à bondir au cas où. Le moindre faux pas, une main qui glisse, un pied qui se coince, et c’est la chute assurée. Et une mauvaise chute peut entraîner de graves conséquences. Alors, pas question de laisser quoi que ce soit au hasard. Quand l’homme se retourne pour lui conseiller de le rejoindre, Célian n’attend pas vraiment plus longtemps pour glisser sa lampe torche entre ses lèvres et pour prendre la suite. Il a observé les appuis de Creed, il n’a pas l’intention de jouer les imbéciles, il emprunte exactement les mêmes. Son pas son sûrs, son aisance est évidente, il s’aide de ses bras plus que de ses jambes. Un léger hochement de tête vient accueillir la fin de son ascension. Il tourne la tête et ses yeux son immédiatement attirés par un mouvement derrière Creed. « Bouge pas ! » Sa voix est sûre et autoritaire, sans la moindre panique à l’intérieur. Il s’approche et tend le bras derrière son partenaire du soir pour agir rapidement. Il frappe le premier et réussit à empêcher la bestiole d’attaquer. Les doigts fermement maintenus autour de sa gueule, il ramène le serpent entre eux pour le présenter. « Pas venimeux mais la morsure n’est pas agréable ». Il ne peut pas vraiment se résoudre à balancer la bête dans le vide. Il s’accroupit et la lance doucement de l’autre côté du trou béant qu’ils viennent de traverser. La bestiole se remet rapidement à serpenter loin d’eux, probablement plus effrayée qu’eux deux réunis. Quoi que, en fait, il n’en sait rien. Il sait que certains n’apprécient pas vraiment ces bêtes. « T’as eu des infos sur ce que c’était avant ? On dirait une vieille clinique, je suis tombé sur une pièce avec un sofa, un peu comme chez le psy. » Il y a une excitation certaine dans sa voix, comme à chaque fois qu’il découvre ce genre de lieu. Il a pour habitude d’inventer ses propres histoires, il fait souvent ça avec Gemma. Sauf que cette fois, il ne va pas pouvoir, il se contente de garder ça pour lui, de continuer à s’enrichir de l’endroit.

« - T'en as pas marre de me sauver les miches... ? » Un léger sourire traverse le visage de Célian. « Commence à chercher un moyen de me remercier. » Après tout, pourquoi ne pas en profiter un peu. « Si t’as des infos sur un autre endroit, pour une autre fois, ça pourrait me motiver à continuer à te sauver la mise. » Il continue de lui sourire tandis qu’il relâche la bête. Le regard de Creed ne le trompe pas, il a eu la frousse. Mais c’est de sa faute, il n’en doute pas, son ton était alarmiste et il l’a fait exprès. Parce que, dans un premier temps, il n’était pas sûr que le serpent fût réellement inoffensif. Une fois qu’il s’en est assuré, il a pu se détendre largement. « T'as l'air de t'y connaitre en "manipulation" » Célian hoche légèrement la tête. « Ouais, j’ai pris certaines habitudes j’imagine. » Il reste un instant vague tandis qu’ils reprennent doucement leurs esprits et l’exploration. « - Je ne peux pas dire que je sois fan des serpents, pour autant, ils restent beaux et fascinants. J'en ai jamais touché, il parait que c'est étrange comme sensation. » Le jeune homme tourne la tête vers Creed et s’arrête dans le même temps en se retournant. « Si j’avais su, je l’aurais pas relâché aussi vite. » Il plaisante à moitié. Il hausse légèrement les épaules tandis qu’il reprend sa marche. « Je connaissais un type qui en avait. Il était fasciné par eux, il avait soixante sortes de ces bestioles et il faisait visiter son vivarium géant pour les amateurs de sensations fortes. Certains étaient mortels, c’était incroyable de le voir manipuler un cobra royal. » Pris dans son récit, il ne se rend pas vraiment compte qu’il a les yeux qui brillent. Lui, il a toujours été envoûté par les reptiles, il ne sait pas réellement d’où ça peut lui venir, dans la mesure où à Londres, il n’en a jamais croisé un seul. « Bref, un jour, les flics ont fait une descente chez lui et ont embarqué toute sa collection et l’ont foutu au trou pour différents chefs d’accusations, il faisait du trafic d’animaux sauvages, ils ont retrouvé une hyène dans le fond de son jardin. » Cette histoire, elle lui semble encore incroyable aujourd’hui. « Quand je suis allé le voir, il m’a confié qu’il devait recevoir une livraison la semaine suivante mais que personne ne serait là pour l’accueillir. Alors, il m’a demandé d’aller réceptionner son colis et d’en prendre soin, c’est comme ça que je me suis retrouvé à élever la petite de quelqu’un d’autre. » Il se marre en sortant son téléphone pour montrer son fond d’écran. Sa magnifique femelle d’un bleu électrique y trône fièrement en premier plan. « Si tu veux savoir quel effet ça fait, elle adore se balader sur les humains. » Il l’a habitué au contact depuis des mois. Il range son appareil juste avant de reprendre son exploration avec un peu plus de sérieux, tout en questionnant Creed sur ce qu’il peut bien savoir de cet endroit.

Puis, finalement, il est happé par le récit qu’il entend s’élever dans le silence des lieux. Il jette, de temps en temps, des coups d’œil à ce type qui lui raconte son histoire en la vivant pleinement. Et il arrive à lui foutre des frissons le long des bras à mesure qu’il progresse dans son aventure. Il peut presque encore sentir la trouille qu’il a eu et le temps que ça a dû lui prendre pour se remettre d’un truc pareil. Il se marre un peu à mesure que Creed parfume son histoire d’un brin d’humour et il hoche la tête à sa conclusion. « Ils auraient eu l’air malin si t’avais trouvé une fenêtre pour sauter ! » Il lève légèrement les yeux au ciel, à mi-chemin entre l’amusement et la consternation. Pour lui, l’urbex a un côté un peu sacré, pas vraiment le genre d’endroit où on peut se faire ce genre de blague. « Tu ne les emmènes plus avec toi, depuis ? » Il fait référence au fait qu’il soit seul, ce soir. Il ne pense pas un instant qu’il pourrait faire une gaffe. En réalité, son statut de fils unique l’a toujours un peu heurté, il aime les fratries et il aurait adoré avoir deux frères. Tout comme il aurait aimé avoir un père avec qui partager tout ça. L’homme coincé et guindé qui l’a élevé n’a jamais pris au sérieux ses envies d’aventure. Il ne le comprenait jamais.

Le regard du plus vieux lui indique qu’il attend qu’il réponde à présent à sa question et Célian réfléchit un instant. « J’ai visité une carcasse d’un bateau abandonné. » Dit comme ça, le lieu prête clairement à sourire. « J’étais seul et l’endroit était carrément dingue. C’était juste incroyable. » Et là encore, ses yeux brillent comme un gosse qui raconte une histoire de pirates. Et c’est presque ce qu’il s’est imaginé, une fois à bord. « C’était un peu comme visiter le Titanic. » Il sourit à la comparaison parce qu’il y avait clairement tous les éléments réunis. Même si le bateau n’avait pas exactement le même standing. « Bref, y avait une partie légèrement immergée, la carcasse était en train de couler, j’ai pas vraiment fait attention où je foutais les pieds et je me suis entravée dans une corde. Je sais pas exactement comment c’est arrivé mais je me suis retrouvé entraîné sous l’eau, elle était carrément gelée et je n’arrivais pas à me défaire de ce qui m’entraînait vers le fond. » Creed voulait connaître une grosse frayeur, Célian lui offre probablement la plus grosse qu’il s’est fait. Un frisson lui dévale l’échine au souvenir des sensations qui l’ont assailli. L’impression d’étouffer. Il reprend d’ailleurs une inspiration brusque, comme totalement pris dans son récit, comme s’il retenait encore son souffle. « Franchement, si je croyais à ce genre d’histoires, je crois que je peux dire que quelque chose m’a littéralement sorti de là parce que je ne me souviens pas de comment j’ai réussi à me défaire de la corde et à remonter à la surface. » Il ne se l’explique toujours pas aujourd’hui d’ailleurs. Il hausse les épaules, comme si tout ça n’avait finalement pas la moindre importance. « Depuis, j’évite les épaves de bateau et j’ai vraiment compris qu’explorer seul, c’était parfois beaucoup trop dangereux. » Il se moque légèrement de lui-même en ajoutant. « Mais je n’ai pas encore appris ma leçon. » Après tout, il est venu seul, ce soir, preuve en est qu’il n’a toujours rien retenu de ce qui a failli le tuer ce soir-là.

Ils arrivent finalement au dernier étage de l’immense bâtisse et Célian sort son téléphone pour prendre une photo en contre plongée par-dessus la rambarde des escaliers. Un bruit se fait entendre, sec, comme un craquement. « Tu as entendu ? » Son ton s’est largement abaissé et instinctivement, il baisse la luminosité de sa lampe tandis qu’il cherche d’où le bruit pouvait bien provenir.

La question de Creed le fait réfléchir un quart de seconde, parce qu’il n’avait jamais vu les choses de cette façon. Il prend la vie comme elle vient, il est doué pour s’adapter en règle générale alors est-ce qu’il a flippé de se retrouver avec un animal dont il ne connaissait ni les besoins ni la façon de s’en occuper ? Il lève légèrement les yeux vers le plafond de l’habitation, comme si elle allait lui apporter une réponse soudaine. « Je crois que j’avais passé assez de temps chez lui pour connaître les bases. Il m’a aidé, quand j’allais le voir, il me donnait des conseils. Il pense qu’il va la récupérer quand il sortira, il ne sait pas que je ne suis pas près de m’en séparer. » Il s’est attaché à la bestiole, c’est étrange ? Est-ce que ça fait de lui quelqu’un de bizarre, finalement ? Il n’en sait trop rien. Ce ne sont pas les animaux les plus affectueux de la terre, ce n’est pas pour rien qu’on considère les serpents comme ayant le sang froid. Et pourtant, il ne peut s’empêcher de constater une certaine alchimie entre eux. Elle ne l’a jamais mordue, finalement. « Et puis, je lui ai piqué pleins de trucs, ça m’a aidé à l’installer. » Sans compter que pour lui, la thune est loin d’être un problème. Depuis sa victoire en télé réalité et les collaborations qu’il ne cesse de cumuler, il peut réellement dire qu’il est à l’abri du besoin et qu’il peut se permettre d’héberger un animal exotique. Et puis, elle est clairement magnifique, dans son genre. Ca ne gâche rien à ce qu’elle est. D’ailleurs, il ne se prive pas pour l’exhiber et la montrer à Creed qui finit par céder et par lui dire qu’il veut bien la voir de plus près. Un sourire lui éclaircit le visage tandis qu’il hoche la tête. « Tu explores des lieux complètement abandonnés, tu pourrais tomber sur n’importe quel danger, ce n’est pas un serpent qui va te faire peur, j’en suis sûr ! » Il passe sous silence sa question concernant l’espèce de sa femelle. Il n’y a pas un monde où il espère que sa détention soit légale. Alors il préfère taire cette information pour se protéger de toute malveillance. Pas qu’il pense Creed capable de le balancer mais sait-on jamais. Si l’homme peut croire qu’il s’agit d’un animal qu’il a réellement le droit d’avoir, il préfère autant.

Tandis qu’ils poursuivent leur exploration, Célian écoute attentivement le récit de Creed, non sans rester attentif à ses appuis, à l’endroit où il pose ses pieds et surtout, à ce qui vibre autour de lui dans ce lieu complètement noir, froid et désert. C’est étrange, comme ambiance. Et quand il partage ce moment, ça n’a pas tout à fait la même saveur, c’est différent, quand il n’est pas seul. Mais il n’est pas mécontent pour autant de pouvoir partager un peu de son expérience avec Creed, d’autant qu’il aime sa façon de raconter son histoire et la complicité qu’il partage avec ses frères. Pour un enfant unique comme Célian, c’est toujours une chose qu’il écoute avec attention. Il aurait rêvé, lui aussi, avoir des frères pour s’amuser. Quand le plus âgé parle de la façon dont certains sites sont traités, Célian acquiesce. « On apprend à respecter les lieux avec l’expérience. Mais j’ai déjà participé à une explo où il y avait carrément la queue pour rentrer dans l’édifice. C’était flippant, je suis reparti. » Ca doit rester secret, tout le monde ne doit pas donner les adresses qu’ils trouvent, sinon, ça devient l’endroit à visiter pour se faire peur ou autre. Et il déteste ça, la sensation de ne pas être le seul, même s’il sait que ce n’est certainement pas le cas.

Quand il raconte l’anecdote qui l’a touché il y a des années, il frémit au souvenir que ça lui a laissé et il hoche la tête à la remarque de Creed. Il n’a aucune hésitation à lui proposer. « Je sais que le bateau n’a pas encore complètement coulé et il est sacrément difficile d’accès. Alors si ça te tente, je pourrais t’y emmener. Je ne donne jamais l’adresse, j’ai bien trop peur qu’un malheur arrive à quelqu’un d’autre. » Il n’a jamais emmené qui que ce soit dessus, d’ailleurs. Pas par peur, en revanche. Mais parce qu’il sait à quel point il est difficile de trouver cette carcasse. Partager ça avec Creed ? Mais qu’est-ce qu’il lui prend, exactement ? Quand il rebondit sur son expérience du paranormal, Célian s’arrête un instant et l’observe avant de lui demander. « Tu y as déjà été confronté ? » A part des témoignages, qu’est-ce qui a bien pu tourner son regard sur la question ? Lui-même, pour l’avoir vécu, n’arrive pas totalement à croire à ce genre de choses aussi irrationnelle alors il imagine mal comment il aurait pu changer d’avis simplement en écoutant de pseudos experts sur la question.

Ils n’ont pas le temps d’approfondir son ressenti ni la fascination pour le danger qui les rassemble. Un bruit les interrompt, suivi de murmures, de pas. La récréation semble terminée. Surtout quand il entend de quoi il s’agit. Il lève les yeux au ciel. « Bien sûr, c’est à nous de risquer notre peau pour qu’ils puissent s’envoyer en l’air. » Ce n’est pas le genre d’endroit où il lui viendrait à l’idée d’emmener quelqu’un pour le baiser. L’image de Malone flotte un instant au-dessus de son crâne. Il essaie de l’en chasser, parce que ça lui donne bien trop envie de le retrouver. Tandis que Creed ouvre la voie, il jette un œil par l’endroit où il veut les faire passer, souriant en coin à sa précision. « C’est toujours plus dangereux de se faire grimper dessus par une femelle. » Le sous-entendu roule sur sa langue, espiègle. « Allez, je t’ouvre la voie, si je dois encore te sauver la mise, j’y arriverai mieux en passant devant. » Il lui adresse un sourire tandis qu’il enjambe le balcon pour rejoindre l’escalier habilement. Leur progression serait forcément simple, puisqu’ils s’assurent des appuis à chaque palier et de la solidité de chacun. Et ils progressent avec une certaine aisance. Jusqu’à arriver au dernier étage. Célian s’apprête à vérifier la solidité de la structure quand cette dernière s’ébranle sous le poids que Creed vient d’y ajouter. « Attends, stop ! » Mais c’est trop tard, la partie métallique sur laquelle il s’était appuyé cède sans prévenir. Heureusement, la distance vers le sol n’est pas mortelle et il arrive à se réceptionner comme il peut, avec tout ce qu’il a appris du parkour et des sports qu’il pratique. Ses chevilles encaissent le choc avec aisance et il plie immédiatement les genoux pour se laisser tomber au sol et amortir sa chute. L’impact lui coupe quand même le souffle parce que tout ça, il n’y était pas préparé. Quand il se redresse, s’assurant rapidement qu’il ne s’est rien pété dans la manœuvre, il lève le nez vers Creed. « Tu sais sauter, j’espère ? » Il lui adresse un sourire taquin et l’encourage à le rejoindre. « Vérifie si tu ne peux pas repasser par l’intérieur, le vacarme aura peut-être effrayé les gosses ! » Il est curieux de connaître l’option qu’il va choisir. « Allez, t’es à un saut d’une sublime créature te rampant dessus avec douceur ! » Il se marre un peu comme un con, se faisant l’effet d’un coach en pleine session d’entraînement.

« - Jte ferais grâce de fermer ta gueule, tu me déconcentres » Un éclat de rire s’échappe des lèvres de Célian en voyant Creed et son air un peu farouche. Loin de le rebuter, cela l’amuse. D’ailleurs, pour pousser un peu plus loin la provocation, il ajoute. « Tu voudrais pas tenter une petite sortie de corps, à l’instant ? » Il se moque gentiment de l’anecdote que l’homme lui a racontée un peu plus tôt, juste avant qu’ils soient interrompus par les deux jeunes tourtereaux venus s’en donner à cœur joie. Ce qui les a forcé à prendre leurs appuis pour une sortie des plus délicates. Et ils ont failli s’en sortir entier jusqu’au bout, jusqu’à ce que tout s’effondre. Ce n’est pas pour ça que Célian n’a pas été attentif à ce que lui a raconté Creed. C’est un domaine, le paranormal, qui ne l’a jamais réellement emballé ni intéressé. En réalité, il ne s’y est jamais vraiment penché. Alors avoir l’avis de quelqu’un sur la question, c’est toujours un moyen d’apaiser sa curiosité sans cesse renouvelée. « T’avais pas rêvé de ce moment ? C’est ton heure de gloire ? » Il venait de lui dire de fermer sa gueule, non ? Célian, n’est pas la personne la plus douée pour respecter l’autorité et les ordres qui lui sont donnés. Et l’idée de narguer Creed est bien trop tentante pour être refoulée. Pour autant, il finit par le laisser se concentrer, il s’en voudrait de le voir se vautrer uniquement par sa faute. La réception n’est pas parfaite mais au moins, il est entier. « - Tu verras quand t'auras mon âge, que malgré la condition physique, y'a d'autres aléas qui font que .... » Célian lui adresse un sourire. « Tu veux me parler de tes rhumatismes ? » L’irrespect glisse le long de sa gorge et colore son ton d’une malice certaine. Décidément, ce soir, il s’est bien amusé.

« - Bon, j'te ramène chez toi pour que tu me présentes madame ? » Un regard en biais, Célian continue de se foutre de lui. « Tu crois que je suis venu en volant ? » Il lui adresse un sourire avant de relever le menton, le ton plein de défi. « Si t’arrives à me suivre jusqu’à chez moi, je te fais l’honneur de te présenter madame. » Il lance les paris à la volée, alors même que sa voiture n’est pas si puissante que ça. Mais il aime bien jouer un peu au con derrière le volant. Et c’est exactement ce qu’il fait sur la route, cherchant parfois à semer Creed avant de finalement le reprendre dans son champ de vision. Il n’a pas totalement l’intention de rater une occasion de voir sa réaction face à la femelle qu’il héberge. Quand il coupe le contact devant l’immeuble qui l’héberge, il lève instinctivement la tête pour voir si la lumière est éclairée au dernier étage. Il rejette son envie et sa pulsion première qui serait d’aller chercher un peu de chaleur dans un autre lit que le sien. Dans un de ceux qu’il a déjà visité un certain nombre de fois. Pour son plus grand plaisir. Pourtant, il se recentre et il retrouve Creed et l’invite à le suivre.

Quand ils passent la porte et s’engouffrent dans le hall, le jeune homme désigne l’ascenseur d’un mouvement du menton. « Si t’as encore la force, je préfère les escaliers. » Il lui adresse un sourire avant d’emprunter le chemin vers le deuxième étage. Il sait que Stefan n’est pas là ce soir alors il ne fait aucun effort pour être discret et il pénètre dans son appartement avant de s’effacer pour laisser le plus âgé entrer. Il referme la porte derrière lui. « Tu veux boire un truc ? Je dois avoir des bières au frigo, ou du café ? » Il lui demande avant de se débarrasser de sa veste et de l’inviter à le suivre vers le salon. Là, au fond, contre le mur, un immense terrarium trône et prend un maximum de place. Il est tout en bois, vitré et particulièrement fourni. « Tiens, j’en connais une qui a attendu que papa soit rentré ! » Il se marre avant de découvrir son serpent qui circule tranquillement à découvert, pas farouche. Quand Célian ouvre la porte, elle change même sa destination et s’y dirige avec une forme d’entrain. Arrivé au bout de la course, il n’a même pas besoin de l’attraper, elle vient se loger dans le creux de sa main et s’enrouler autour de son bras.  

« Je te rassure, je l’ai nourri il y a deux jours, elle est donc parfaitement rassasiée et toujours aussi câline. » Il se tourne vers son partenaire du soir et s’approche de lui tandis que Sky continue sa petite visite du propriétaire en passant sa tête bleue derrière sa nuque. Sa langue pointe son bout à intervalles réguliers. « Elle est curieuse. » Parce qu’elle pointe immédiatement en direction de l’inconnu, comme elle le fait souvent. Célian la laisse faire et libre de ses mouvements, en revanche, il attrape le bras de Creed et le soulève pour que son coude arrive à hauteur de son épaule à lui. « Si tu la lâches, je te jette par la fenêtre. » Il prévient, menaçant. Malgré son petite sourire en coin, Célian est tout à fait sérieux. Il a souvent vu des réactions différentes en fonction des personnes à qui il présente Sky. « C'est bon pour toi ? » Préfère-t-il demander avant que le transfert ne soit complet. Tant qu’il a encore la main, il peut récupérer la bête et s’assurer que personne ne panique. Parce que le reptile a presque fini son exploration et pose le début de son corps sur le coude de Creed avant de s’y faufiler prudemment.

L’aisance avec laquelle Creed et Célian se répondent l’amuse de plus en plus. Il aime bien trouver un adversaire à sa taille, se mesurer à quelqu’un qui a du répondant et qui l’envoie chier aussi. C’est un peu masochiste, probablement, comme procédé, mais c’est ainsi qu’il fonctionne. Et il trouve quelque chose chez Creed qui peut-être, lui manque depuis des années. Pourtant, il n’y a pas la moindre animosité entre eux, tout n’est qu’un jeu et un match de réparties bien trouvées. Au volant de sa voiture, il repense en riant à leurs échanges sans vraiment y penser. Et ça l’amuse sacrément. Tout comme il se fait un plaisir de tenter de le semer avant de le récupérer. Il a bien conscience que ça n'a rien de véritablement équitable mais l'important pour lui, c'est plutôt le résultat. Célian est du genre impulsif, la plupart du temps. Se retrouver à inviter un parfait inconnu chez lui, ce n’est pas si surprenant que ça, dans son monde. Il est plus rare qu’il le fasse pour quelqu’un qu’il a envie de séduire. Non, ça, depuis plus de deux mois, ce n’est plus réellement une option. A quel moment, exactement, Malone s’est invité au point qu’il ne songe plus qu’à lui, en toutes circonstances ? Célian a oublié l’exact instant où ce phénomène s’est produit. Mais il n’est pas vraiment du genre à courir deux lièvres à la fois. Ni à être attiré une seule seconde par un mec plus âgé. Son invitation n’a donc aucune arrière-pensée. Même si certains le traiteraient malgré tout d’inconscient, il fait confiance à son instinct qui l’a rarement trompé.  

Avant d’aller chercher les bières, Célian procède aux présentations en bonne et due forme. Il sourit aux réactions de Creed face à la magnifique femelle dont il a la charge et répond tout à fait sérieusement. « Un jour, j’ai mal fermé son terra et elle en est sortie. Je l’ai retrouvé roulée contre moi au petit matin. » Il se marre un instant avant de lever les yeux au ciel. « Non, je déconne, je l’ai cherché partout dans les tuyaux d’aération de l’immeuble. Elle cherchait probablement à retrouver sa liberté de serpent indépendant. » Bien sûr que ces animaux ne sont pas câlins. Mais elle est en tout cas habituée à l’avoir lui dans les parages et maintenant, il la laisse prendre place sur son compagnon du soir, ignorant d’un haussement d’épaule l’insulte qu’il lui adresse. « Tu as dit que tu voulais connaître la sensation. Je suis comme le père noël, j’exauce moi aussi les souhaits. » Il agit avec précaution, malgré tout pour que le transfert s’effectue sans souci pour les deux. Si Creed ne le sent pas, il se tient prêt à la récupérer pour ne mettre personne mal à l’aise.  

A sa question, Célian se marre et secoue la tête. « Elle ne risque pas de tomber, aucune inquiétude et je ne l’ai jamais vu mordre personne. Heureusement d’ailleurs parce que dans la boîte qui la transportait, il y avait des injections anti-venin. » Son sourire espiègle indique très vite qu’il plaisante. « Laisse-là faire, ne fais pas de geste brusque. Si tu sens qu’elle penche trop, tu peux la réceptionner avec ton autre bras. Regarde. » La femelle finit sa progression sur le bras de Creed et cherche un nouvel appui rapidement. Célian attrape son autre bras pour venir l’offrir à sa bestiole qui glisse naturellement dessus. « Il ne faut pas lui donner l’impression que tu es un prédateur. Au mieux, tu es une souche d’arbre bien confortable, pour elle. » Il le taquine en le dirigeant vers le salon. « Installe-toi, je t’amène ta bière. Ne la laisse pas se barrer, je veux pas la chercher toute la nuit. » Il s’éloigne sensiblement du salon pour se diriger vers la cuisine. L’avantage de son appartement c’est qu’il continue à avoir les deux nouveaux amis dans le viseur et qu’il ne rate rien de leurs interactions. Ouvrir le frigo, attraper deux bières et les décapsuler ne lui prend que quelques minutes et il revient sur ses pas tranquillement. « Alors, tes premières impressions ? »

Tandis qu’il revient avec les bières, il sourit face aux impressions de Creed. Quelques instants plus tard, il récupère la femelle qui se fait un plaisir de lui serpenter de nouveau sur le bras avec délicatesse. « Elle est hyper vive. » Il lui a couru derrière un nombre de fois assez incalculable, en réalité. Il la laisse faire sa petite vie sur lui tandis qu’il sirote sa bière tranquillement en rassurant le plus âgé. « Je pense qu’on s’y habitue. Quand on comprend que finalement, il n’y a rien à craindre. » Elle n’a jamais mordu mais il n’est pas à l’abri. Et d’ailleurs, le fait que Creed lui rappelle la façon dont il s’est esquivé concernant sa race le fait sourire. Il n’a toujours pas l’intention de répondre à cette question, d’ailleurs. « Même sous la torture, je ne dirai rien. » Il lui adresse un clin d’œil. « Mais j’ai fait énormément de recherches et je me suis adressé à un véritable spécialiste parce que mon pote était juste un guignol et que je voulais être sûr que j’allais pas crever à la première morsure. » Il lève les yeux au ciel. Il veut bien être sympa mais finalement, il a ses limites.

« - Qu'en est-il des serpents dangereux ? Il y a moyen de les rendre inoffensifs en vrai ? » Il hausse légèrement les épaules. « Je crois que certains essaient de leur arracher les crocs mais ils repoussent à chaque mue. Pour le reste, je ne suis pas vraiment un expert. » Il n’a pas l’intention de monter un élevage, d’ailleurs. Il tient juste à cette petite bête mais il ne va en faire collection. Il continue à parler un peu de la magnifique femelle avant de finalement se lever et d’interroger Creed à son tour sur ses potentiels animaux. Est-ce qu’il a déjà possédé un animal particulier ? Est-ce qu’il aime les animaux ? Tandis qu’il écoute la réponse, il retourne vers l’habitat de la demoiselle pour la remettre dedans et refermer la porte. Quand il revient, il continue tranquillement et naturellement d’alimenter la conversation.

Le lendemain matin

A quel moment est-ce qu'il s'est endormi, exactement ? Il ne prend conscience de l'avoir fait qu'au moment où il ouvre les yeux, particulièrement endolori parce qu'il est dans une position des plus inconfortables. Il a du mal à émerger, ce qui n'est pas une de ses habitudes. Quand il entend frapper à la porte, il se rend compte que ce sont peut-être ces coups répétés qui ont fini par le faire émerger de son sommeil et il devient immédiatement alerte. Un coup d'oeil à l'horloge qui trône au-dessus de la télévision lui indique qu'il n'est pas aussi tôt qu'il aurait pu le croire. 8h. Il ne s'est jamais réveillé aussi tard. Quand il a complètement terminé d'ouvrir les yeux, ils tombent immédiatement sur la silhouette posée non loin de lui. Putain, il s'en souvient, maintenant. L'urbex, la rencontre avec Creed, les présentations avec Sky, sagement de retour dans son terrarium depuis hier soir. Et enfin, quelques bières, un brin de discussion et ils se sont juste, endormis ? Ce qu'il peut être inconscient bon sang. Creed aurait pu être un psychopathe capable de le buter dans son sommeil.

Quand de nouveaux coups sont frappés à sa porte, il finit par se lever. La personne semble insister mais il n'attend personne. Il se redresse et constate que ça a également fini par réveiller l’aîné. « Désolé, je n’attendais personne. » Il se relève rapidement et semble tout de suite beaucoup plus alerte. Pourquoi il s’excuse, d’ailleurs ? Il met quelques secondes avant d'ouvrir la porte et reste bloqué sur la vision qu'il a devant les yeux. " Surprise ! " Sa mère, la femme la plus importante de sa vie, est devant lui alors qu'elle ne devrait pas y être. Elle est censée être sur un autre continent, non ? Est-ce qu'il a plongé dans une dimension parallèle ? " Tu vas me laisser sur le paillasson ? " Visiblement, il a bloqué plus longtemps qu'il ne l'a cru. Il s'écarte vivement, sans même se rappeler qu'il y a quelqu'un sur son canapé à l'heure actuelle. Elle lui fourre une valise gigantesque entre les mains tout en parlant et en le serrant dans ses bras, comme à son habitude, à vive allure et avec un accent deux fois plus prononcé que le sien. « Il y a de très beaux hommes dans cet immeuble, le charmant blond qui m’a tenu la porte a un sourire à tomber à la renverse. » Malone. Il est absolument certain que sa mère est en train de parler de Malone. Y-a-t-il, de toute manière, un seul autre homme sur terre aujourd’hui ? Il secoue la tête et referme la porte, sans s’arrêter d’écouter. « Tu sais combien d’heures de vol il faut pour venir dans cette ville chéri ? Tu as une idée ? Oh mince, tu n’es pas seul ! » Elle semble avoir enfin remarqué la présence de Creed. Et tandis qu’il s’occupe de faire rouler sa valise dans le salon, il remarque à peine qu’elle s’est arrêtée. Quand il en prend conscience, il fronce les sourcils. « Je t’ai pas dit que j’avais un serpent ? » Il croit tout d’abord que le choc de son expression se porte derrière Creed, sur le terrarium dans le fond. Mais il s’avance vers elle parce qu’elle est devenue légèrement blanche. « Maman ? » Il l’interroge, inquiet, tandis que la femme, elle, semble avoir vu un fantôme. « Creed ? » C’est un peu le début des emmerdes, ça, non ?

La situation a quelque chose d’étrange, parce que visiblement, il y a des choses qui passent et que Célian ne comprend pas. Il passe d’un visage à l’autre et il a un mauvais pressentiment qui lui grignote le ventre. Que sa mère le surprenne avec un homme ne le gêne pas plus que ça, surtout que pour le coup, il ne s’est rien passé avec Creed. Alors pourquoi ce choc dans son regard ? Et pourquoi, tout à coup, il lui semble que Creed aussi, s’est figé ? Célian s’apprête à en remettre une couche, à chercher des explications. « Pourquoi m'avoir caché que tu l'avais retrouvé ??! » Cette fois, c’est à n’y rien comprendre et ça se voit clairement sur la gueule de Célian. Il fronce les sourcils. « Retrouvé qui ? » Il n'arrive toujours pas à faire les bonnes connexions, visiblement. « Vous vous connaissez ? »

D’habitude, Célian a une capacité d’analyse légèrement plus rapide. Il est plus doué pour déduire certaines choses mais cette fois, son cerveau semble incroyablement lent et surtout, il s’obstine à le protéger une vérité qu’il ne veut pas voir. Parce qu’à l’instant où il croise le regard de sa mère, il comprend enfin ce qui est en train de se passer. Et son sang se fige dans ses veines. Il se crispe instantanément. L’air lui manque, il sent qu’il va étouffer. « Ne dis rien. » Il lui ordonne, sèchement. Elle en a déjà trop dit. Non, NON ! Hors de question d’admettre ce qu’il vient de comprendre, impossible pour lui de l’accepter. Il secoue la tête, en proie à la panique. « Célian… » Il refuse l’idée, la rejette loin, lui envoie un coup de pied bien placé pour l’envoyer se faire foutre. Non, il ne veut rien entendre, il ne veut pas voir. Il n’ose plus regarder Creed, poser les yeux sur cet homme qu’il appréciait encore, quelques instants auparavant. Avec qui il a passé une bonne soirée, qu’il a trouvé cool. Il sent la nausée monter en lui. « Célian… » Elle l’appelle, parce qu’elle sent qu’il dérive, qu’il se perd mais lui, il n’entend rien, il ne veut rien entendre. « Non, tais-toi ! » Il est dur, il le sait mais à cet instant, il n’arrive plus à être cohérent. Il secoue la tête et recule. « Je ne peux pas Célian, c’est lui, c’est … » Elle n’a pas le temps de finir sa phrase. « NON ! Bon sang je t’ai dit non ! Je ne voulais pas savoir, putain, tu avais promis ! » Il n’en revient pas. Mais Monterey n’est pas assez grand ? Il recule encore, il étouffe, il sent qu’il perd pied. Il n’arrive plus à croiser leur regard. Creed ne sait toujours rien, et tant qu’il ne saura pas, il pourra se poser mille questions, il n’aura pas besoin de savoir, il sera étranger de ce secret et il pourra continuer sa petite vie comme si de rien n’était. Elle n’a pas le droit de… Mais peut-être que c’est lui qui finit par demander des explications parce que, sans qu’il n’arrive à l’arrêter, elle finit, après un long discours, par prononcer les mots qu’il redoutait. « … tu as un fils. » Est-ce qu’elle vient de lui expliquer que leur unique nuit ensemble a porté suffisamment ses fruits pour qu’elle tombe enceinte et qu’elle garde ce secret jusqu’à maintenant ?

Célian ne discerne plus rien, le monde cesse de tourner autour de lui. Il tangue, vacille et tout à coup, la colère lui enserre le cœur. « Tu n’avais pas le droit ! » De lui enlever la possibilité de rester dans l’ignorance, lui, comme Creed, finalement. Il la regarde comme s’il la voyait pour la première fois et elle semble ressentir exactement la même chose. « Dégage. » Froid, dur, implacable. Il refuse de craquer devant elle, devant eux. « Dégagez de chez moi, tous les deux ! » Il n’arrive plus à raisonner, Creed n’a rien fait mais il s’en fou, il n’est pas prêt à faire face, il ne l’a jamais été. Des émotions contraintes ballotent ses intestins dans tous les sens. Il sait une seule chose : il a besoin d’être seul, il doit prendre l’air, il a besoin de s’enfuir, de courir jusqu’à ne plus pouvoir. Il ne veut plus les voir, il ne veut plus les écouter. Et les foutre à la porte est la seule option viable, à ses yeux.