a life, a story La vie ce n’est facile pour personne, personne n’a de mode d’emploi. On pourrait croire qu’on commence tous au même stade, parce qu’on arrive tous complètement nus dans un monde hostile, mais ce ne serait pas tout à fait vrai non plus. Parfois, on a des avantages. Des parents aimants, riches. Une famille soudée. Un héritage à venir. Un lieu de naissance sympa.

Pas Harmony. A sa naissance, les choses n’étaient pas si mal mais pas extraordinaire non plus. Sa mère ne travaillait pas, son père était faussaire, la maison n’était pas bien grande. Le toit pas tout à fait étanche. Mais il y avait de l’amour, alors ça allait. Ça n’a pas duré.

La mère d’Harmony n’était pas un modèle de stabilité, que ce soit au sujet de sa vie en général ou de sa santé. Le père d’Harmony, Caleb, arrivait à la remettre dans le droit chemin en temps normal. Il savait calmer ses angoisses, mais elles prenaient peu à peu des proportions démentes. Il l’aimait. Il la ramenait à la réalité quand elle s’en éloignait trop.

Jusqu’au jour où il ne suffit plus. Jusqu’au jour où Caleb dut quitter la maison avec Harmony. On ne peut pas rester vivre avec une femme qui a essayé d’ébouillanter sa fille en hurlant qu’elle avait enfanté d’un démon. Harmony en garde un dos ravagé, seule partie de son corps ayant été en contact avec l’eau, ainsi qu’un gros complexe pour cette partie de son anatomie. Elle n’a pas gardé beaucoup d’autres souvenirs de sa mère. Elle était trop jeune.

Alors elle a grandi avec un père aimant. Mais instable à une autre manière. Tous les pères aimeraient sans doute transmettre leur métier à leur enfant, mais ça devient un peu bizarre quand le métier en question, c’est faussaire. La nouvelle maison était un peu moins délabrée que la première, mais tout aussi bordélique. Les piles de trucs s’amoncelaient partout, les gens allaient et venaient, femmes, hommes, criminels, innocents, c’était un moulin à vent discret. Harmony croisait les conquêtes de son père en même temps que ses clients sans poser de questions, habituée depuis petite à la confidentialité et au secret.

Elle a découvert l’alcool et la drogue à la maison, en même temps que le skateboard et la guitare. Elle a joué dans sa chambre, tout comme elle y a bu. Elle a eu quelques amourettes, mais jamais rien de bien sérieux, souvent à la fin de soirées. Disons que c’est difficile, quand on veut éviter que les gens voient son dos… Ou qu’ils s’en rappellent.

L’école, les cours, les études, c’était pas son truc. Elle aimait bien dessiner, à tel point qu’elle a recouvert les murs de sa chambre au marqueur et à la peinture dans l’indifférence la plus totale de son père, mais elle n’a jamais brillé autrement que par ses heures de colle et ses cahiers gribouillés jusqu’à ce qu’elle se décide à ne plus jamais mettre un pied dans un établissement scolaire.

Pendant un moment, elle s’est contenté de profiter, de jouer de la musique, de faire la fête, d’aider son père avec le business, et de se laisser porter tranquillement par la vie. Puis il s’est passé d’autres choses. Son père s’est trouvé une nouvelle copine, ils ont eu une fille, Mira. Tout ce petit monde vivait dans la maison désormais étriquée, mais c’était pas vraiment le problème. Ils ont vécu six ans comme ça, après tout, et Harmony était rarement là. A droite à gauche, toujours dans le coin mais pas chez elle, en vadrouille avec sa guitare.

Mais elle a découvert un truc. Harmony, elle a des crises parfois. Des crises de douleur. Son corps se paralyse, elle voudrait hurler mais elle peut plus bouger, elle souffre le martyr mais il y a rien à faire. Ça peut durer 30 secondes comme 2 jours, les médecins n’ont jamais pu l’expliquer, et elle en a pas vu beaucoup non plus. Ça coûte cher et ça marche pas. Elle a un peu noyé ça dans l’alcool, en espérant que ça fasse taire la douleur. Puis elle a commencé à prendre des trucs plus forts. C’était plus seulement un truc de soirées maintenant, c’était un truc du quotidien, c’était un truc pour survivre.

Harmony aurait pu mourir d’une overdose. Elle avait pas tellement de raison de se calmer sur sa consommation, son père était occupé avec sa copine et leur fille, le business marchait quand même sans elle, elle n’avait pas de petit.e ami.e… Les gens de son groupe, Farewell, n’étaient pas de super influences non plus. Mais ça n’arrivera pas.

Parce que son père a disparu. Avec sa copine. Harmony n’a aucune idée d’où il est mais elle s’est retrouvée du jour au lendemain avec une gamine de 6 ans sous sa responsabilité. Le souvenir de sa mère la hantait trop pour abandonner cette pauvre petite à son sort, et même si les deux premières semaines elle pensait retrouver les parents rapidement, elle a dû se rendre à l’évidence. Ça n’allait pas se faire comme ça.

Alors elle a décidé de tout arrêter. L’alcool, la drogue, c’est fini – du moins elle essaie de s’en persuader. Elle fait de son mieux pour s’occuper de Mira, elle a trouvé un shop pour apprendre le tatouage avant d’injecter ses maigres économies (l’argent que son père a laissé à la maison en disparaissant) pour ouvrir son propre shop. Elle a pensé qu’elle pourrait revenir dans le droit chemin vite fait.

Mais c’était sans compter la douleur toujours terrible, et les clients de son père qui, pour certains, se faisaient un peu… Menaçants, dans l’optique où leur demande n’était pas satisfaite. Harmony, elle essaie de naviguer dans ce foutoir comme elle peut, en espérant pouvoir rapidement se débarrasser de son plus gros problèmes : la gamine sur ses bras. Mais au fond d’elle, elle se doute bien que ça risquerait de ne jamais arriver. Elle déteste quand les gens pensent que c’est sa fille, mais tout prête à le croire maintenant. Elle déteste devoir faire autant d’efforts pour Mira, elle lui en veut de devoir abandonner ses paradis artificiels et revenir à une vie pas toujours drôle et plutôt solitaire.