Bon sang, je n'en peux plus des examens de fin d'année. J'ai bossé toute l'année avec acharnement mais je dois dire que je me sens tout autant stressée par l'issue de mon travail. Suis-je à la hauteur ? Ai-je bien passé les premiers examens ? Ceux de la semaine prochaine vont-ils me faire rater mon année ? Je suis tellement concentrée que je prends peur quand ma mère ouvre la porte en trombe en me signifiant qu'il était l'heure de manger.

" - J'arrive, Maman ! "

J'attache mes cheveux en un chignon négligé avant de sortir de ma chambre. Je remarque que celle de mon frère est ouverte alors qu'il écoutait de la musique tout à l'heure. Est-il sorti ? Haussant les épaules, je descends les escaliers paresseusement.

" - Tu as préparé quoi, Maman ? " je demande, la tête dans les vappes.

Les révisions m'ont cramées le cerveau. Je devrais me reposer mais j'ai du mal avec toute la pression que je me mets. J'ignore le monde qui est à table et ma mère me signifie qu'elle a fait du ragoût de notre pays d'origine mais aussi plein d'autres plats. Signe qu'on a des invités. Je suis surprise et quand je lève la tête, je sens mon pauvre coeur s'arrêter. En face de moi se trouve la tête de noeud de service : Corban.

" - Tu fous quoi ici ?! " je râle, évidemment !

Ma mère me rétorque qu'il est invité et que je dois être gentille avec lui. Elle prie Dieu pour que je sois plus gentille alors que tout le monde se joint les mains pour réciter la prière avant le repas. Je ferme les yeux en boudant et surtout cherchant à ignorer cet homme. Il m'exaspère depuis notre rencontre, soit quasiment depuis notre naissance. Ma mère l'adore et le considère comme son autre fils. Mon jumeau me suffit bien ! J'ouvre à nouveau les yeux quand mon père indique que la prière est terminée et que nous pouvons nous servir. Je profite de ma vitesse pour voler la meilleure partie du poulet sous le nez de Corban. Dans les dents !

" - Alors ces examens, Corban, tu t'en sors entre deux... filles ? " j'allais dire 'pute' mais Dieu m'en préserve, je ne pouvais pas le dire devant mes parents.

Tu n'étais pas sûr de l'issu de ton examen de cet après-midi mais fallait que tu t'aères la tête à défaut de faire une syncope. Plus les années avançaient, plus les sujets étaient durs. Normal, en soi. Mais toi, déjà que t'aimes pas spécialement les cours, alors fallait vraiment que tu te bouges la carcasse si tu voulais continuer à jouer. Parce que ouais, sales notes est égal à pas de matchs avec l'équipe. Le coach savait appuyer là où ça faisait mal le salaud mais en même temps ça devait être donnant-donnant. Tu n'avais pas spécialement de doute quant à tes compétences sportives mais une blessure était si vite arrivée... Et sans basket, t'es personne. Donc si tes notes suivent pas, c'est la merde. Enfin non, peut-être que le business familial te sauverait finalement.

Enfin bref, te voilà au volant de ton pick-up, espérant que ton meilleur pote d'enfance soit chez lui. Sa famille habitait vraiment pas très loin de chez toi alors tu comptais t'arrêter en coup de vent. Enfin, c'est ce que tu croyais. A peine tu avais sonné à la porte que sa mère venait t'ouvrir, apparemment très contente de te voir comme d'habitude. Tu lui demandais si son fils était là mais tu l'avais visiblement raté de quelques minutes. Tu comptais t'excuser et tourner les talons mais un petit "puisque tu es là, tu n'as qu'à rester manger avec nous" te dissuada de repartir. Alors là, jamais Ô grand jamais tu ne pouvais refuser une invitation à déguster la délicieuse cuisine de Madame Soares. Tu entras donc, te débarrassant de ton manteau et de tes chaussures pour ne pas salir. Serviable - quand t'en as envie - tu aidas donc pour mettre le couvert et il ne fallut pas longtemps avant que vous ne vous mettiez à table. Mais il manquait quelqu'un à l'appel : la fille, Livia Soares. Tu prenais un malin plaisir à l'emmerder à chaque fois que vous vous croisiez et sa réaction aujourd'hui démontre bien qu'elle aussi est ravie de te voir. Heureusement, tu es le petit protégée de sa mère et de ce fait, presque intouchable.

- Salut, rétorques-tu avec un large sourire.

Vient le moment de la prière. T'as l'habitude même si tu es athée alors tu joues le jeu et ferme les yeux jusqu'à ce qu'elle soit terminée. Rapide comme l'éclair, Livia se rue sur le poulet et a l'air satisfaite de son choix. Ça te laisse dubitatif. Elle a quel âge, 8 ans et demi ? Heureusement qu'on laisse les invités se servir en premier d'habitude. Mais ça a toujours été comme ça entre vous, toujours à vous chercher des noises. Sauf que cette fois, ce n'est pas toi qui lui fais fermer son clapet mais sa propre mère, rétorquant qu'elle n'avait pas honte de dire ce genre de choses. Cette remarque te décroche un sourire en coin. Bien fait pour elle, même si elle n'avait pas complètement tord. Fallait bien relâcher la pression, non ? Tu aurais pu rebondir sur ces accusations mais le moment était très mal tombé. Ses parents sont adorables et ça fait déjà un moment que vous vous connaissez, mais tu ne te voyais pas ébranler cette famille avec ton langage bien fourni et tes blagues déplacées. Ça aurait pu passer avec le frère ou seul avec Livia, mais vraiment pas à table.

- Aucune idée, je verrais bien quand j'aurais ma note. Et toi, ça se passe bien avec tes machines ? demandas-tu en même temps de te servir à manger, un air sournois toujours scotché au visage.

Pas étonnant qu'elle soit aigrie, elle passait son temps avec des ordinateurs. Elle devrait sortir voir de l'herbe un peu ça lui ferait pas de mal. Ou se faire tringler, tu savais pas trop.

Son sourire, bon sang ! ça se lit sur son visage que c'est un connard ! Ma colère de le voir ici, sans y être ménagée, était difficile à contenir. Je me pince les lèvres car ma mère le chouchoute bien plus que ses propres enfants. Elle a cru qu'il était le Christ ou quoi ?! Quand je regard ses yeux, je pourrais croire qu'il pourrait même convaincre le Diable de l'aimer. pff, je le déteste. et ça, seulement depuis qu'il a grandit suffisamment pour rendre ma vie un enfer. Je n'ai pas la sensation d'avoir le même "petit garçon" que durant notre enfance. Non, lui, c'est le Diable déguisé. Je savoure les petites victoires en essayant de ne pas me faire cramer par ma mère. Sauf que le naturel défensif revient au galop. Corban est le genre d'homme, bien que je le déteste, que je sais qu'il ne me fera pas de mal. Alors... j'ai mes libertés ! Et ça m'échappe. Une question qui est un véritable bruit venant des enfers pour mes parents. Ma mère n'a pas le temps de réagir pour son pauvre cerveau que Corban me gratifie de sa réponse. Je le toise face à cette réponse, cette attitude ! Il me cherche !

"- Oh non, tu n'as pas à lui répondre, mon petit ! lance ma mère à Corban tout en me regardant, passant d'un regard doux à colère en changeant d'interlocuteur. Jeune fille, pour l'amour de Dieu, tu es vraiment mal polie ! Laisse Corban tranquille, ce n'est pas de sa faute s'il plait beaucoup à ces demoiselles. Il est vraiment devenu un beau garçon. elle se tourne à nouveau vers lui. Tu as une petite copine en ce moment, Corban ? Tu pourrais nous la présenter, surtout si tu veux te marier avec. "

Je manque de m'étouffer alors que je pensais avoir tout entendu venant de ma mère. Corban ? Se marier ? Je voudrais bien lui expliquer pourquoi ça ne risque pas d'arriver. Sûrement en place quelques commentaires mais mon père intervient pour sauver la mise.

"- Minha vida, tu es bien trop curieuse. Il est jeune, il a le temps pour ça !" dit-il d'un ton réprobateur.

Mince, une partie de moi aurait bien aimé écouter la réponse de Corban aux questions de ma mère. Autant par curiosité que pour le plaisir de le sentir mal à l'aise. Quel espoir, suis-je devenu le diable ? Je mange distraitement en regardant Corban comme s'il m'indifférait. Je me fais la réflexion que mon frère n'est pas encore arrivé. Et je me demande bien où est ma grande sœur. Ils ont du avoir des imprévus. Le repas continue et se montre plus calme qu'aux débuts mouvementés. Je prends sur moi pour ne pas lui enfoncer ma fourchette dans ses yeux. J'ai l'impression de faire face à des rayons X !

" - Je retourne réviser, je suis dans ma chambre si vous me cherchez. Ou pas, pour certains. " mention spéciale pour Rivers !

Je range mes couverts et mon assiette dans l'évier puis je remonte dans ma chambre après avoir piqué un paquet de m&m's dans un tiroir de la cuisine sans que ma mère le remarque. Je pose le paquet sur le lit et prends mon stylo pour commencer les exercices de thermodynamique, un vrai casse-tête !