* “ Je t’écri cet derniere lettre parceque demain je sor enfin d’ici. Je viens te porté moi meme la lettre au plu vite.

Je sai que je tai déssu deçu, ma fille. Ne déteste pas ton idio de père, d’accor ? J’ai fai beaucou de progrès ici, je te le prouverai. Té visites m’on manqué, mai tu doi etre occupé. J ai atte hatte de découvrir ton monde  dojourd’hui, je serai un homme meilleur si tu veu le voir.

Ne croi pa que je tai abandoné, chaque jour a survivre ici, cé pour toi. Pour que tai le père que tu merite. Je travaillé si dur pour me libéré de mes conneri passée, je regrette que sa pas été assé pour que je ne finisse pas enfermé ici, 5 ans loin de toi. Je te dirai a toi seul, tout ce que tu pense avoir bessoin de savoir sur moi. Qui j'été et ce que je veu maintenan au sortir de cet prison.

Sageche que je suis fier de toi, de ce que tu ai devenue malgré moi comme père.

Je t’aime. “

* désolé pour les fautes, ça irrite les yeux, je sais !

Je clique fièrement la mine de mon stylo, c’est que je trouve mon orthographe quasiment irréprochable sur cette lettre ! Oui, il y avait une rature ou deux, mais c’était sans doute mon meilleur chef-d'œuvre en cinq ans ! Je pliais soigneusement la feuille de papier, à deux reprises, parce que la première fois ce n’était pas tout à fait droit. Je restais assis là, dans la bibliothèque du pénitencier, parce que ça me changeait de ma cellule. J’attendais toujours le dernier moment pour partir. Je savais qu’en partant, ils iront vérifier que je n’ai pas volé une partie du stylo pour fabriquer je ne sais quoi, mais que je serais fouillé rapidement parce que les gardiens seront pressés d’en finir avec leur journée. Je n’ai pas envie qu’ils lisent ma lettre, c’est perso. J’l’ai glissé sous ma tenue orange, j’ai appris ici l’art de dissimuler des choses. Bien que je ne suis jamais allé jusqu’à me mettre un savon où je pense comme un certain Victor Smith, pour ne citer personne…

Mes yeux verts observaient l’horizon par la petite fenêtre, ça donnait sur la cour, pas fou comme changement d’horizon. Demain, je verrai au-delà de ces murs de béton, j’irai me trouver une place sous ce ciel bleu que j’apperçois. Je suis impatient, mais j’ai peur aussi. Peur de ne pas reconnaitre le monde, comme les taulards dans les films qui replongent aussi sec. Peur d’être seul, plus que j’amais, détesté de tous ceux que j’ai tant déçu et qui me manquent. Je sais que je n’ai pas fini de me battre. J’étais calme sur ma chaise bancale, je me perdais dans mes souvenirs, ceux que je pourrais raconter à ma fille.

Je suis né dans cette ville Californienne que je n’ai jamais vraiment quitté, Monterey. C’est mon fief, c’est cet endroit que je connais comme ma poche, ces habitants qui me fascinent, me font rire, m’agacent parfois. Je me sens bien à Monterey, pourtant je n’y ai pas vécu que de bons souvenirs, mais j’y ai surtout vécu les meilleurs. Tout a commencé dans ma jeune enfance, ma mère attendait son deuxième enfant quand elle m’a abandonné aux services sociaux. Je me suis retrouvé en famille d’accueil dès l’âge de 7 ans, temporairement je rentrais chez moi, j’ai vaguement connu mes frères, l’on se croisait de temps en temps et on ne peut pas dire que l’on s’aimait beaucoup. Mon père gagnait une misère en traversant les états à bord de son truck, lorsqu’il rentrait, il tentait de remettre la barque à flots, de nous réunir. Puis tout recommençait encore et encore. J’étais en échec, me contentant de mener ma petite vie, de trouver de l’amusement et devenir surtout plus fort pour supporter tout ça. Mon TDAH fut diagnostiqué par les services sociaux et je fus catalogué comme “enfant à problèmes”. Je me fichais de ce qu’ils pensaient de moi, j’étais seulement heureux de rentrer occasionnellement chez moi. Ma mère, je l’aimais tant. Elle travaillait au Diner de la 6e avenue, je crois qu’il n’existe plus, mais j’ai le souvenir d’elle sur ses rollers entre les tables, des connards qui lui pinçaient les fesses en riant comme des ânes. Je me souviens m’être battu pour ça, quand j’avais seize ans, avec des gars bien plus grands que moi. Le plus drôle, c’est que même si c’est moi qui avait fini à l’hopital, ils ont porté plainte contre moi. Voici la première ligne de mon long casier judiciaire.

Le plus dramatique dans cette histoire, c’est que j’ai fais perdre à ma mère son emploi. Je ne fais que les mauvais choix, c’est ce qu’elle disait en me balançant au visage son mégot encore allumé et bon dieu que ça fait mal ! Alors pour qu’elle retrouve son job, j’ai décidé de faire un second mauvais choix : je suis allé parler avec son patron.

C’est comme ça qu’elle a retrouvé son job, et que moi je me suis retrouvé à vendre quelques grammes de weed aux jeunes de mon âge. De toutes manières, j’étais nul à l’école, j’avais du retard sur les bases comme l’écriture et les mathématiques, je me suis déscolarisé dès que possible. J’ai découvert que j’étais un bon vendeur, que je savais convaincre, baratiner et m’entourer de n’importe qui. Je gagnais un peu d’argent et je decouvrais le plaisir d’avoir des choses neuves ou tout simplement les choses que je voulais. Il m’a fallut quelque temps pour glaner assez de dollars pour m’offrir ma première moto. Pile l’année où mon père s’est tué sur la route. C’était triste, mais ma mère a touché une pension et ça avait l’air de lui convenir. Tout roulait, j’avais un appartement, un réseau et je faisais quelques jobs en complément bien que personne ne voulait vraiment de moi à long terme. Je ne suis pas l’employé idéal, souvent en retard, parfois complètement défoncé et mon TDAH fidèle au poste.

J’avais 19 ans quand j’ai fais cette connerie que j’ai dû payer jusqu’à aujourd’hui. Le patron de ma mère m’avait mis en contact avec un supérieur, il avait besoin de moi pour récupérer des colis de cocaïne. Je voulais refuser, mais l’on me proposait bien trop d’argent pour renoncer. Je me disais que je pourrais démarrer une nouvelle vie. Je l’ai fais une fois, deux fois, trois et quatre… Mais la cinquième fois… La cinquième fois je me suis fais braquer le colis par une bande rivale. Si cette agression m’avait semblé être la peur de ma vie, ce ne fut rien face à ce qui m’avait attendu en rentrant chez moi. Je me suis fais poignarder.

Ma belle étoile, sans doute. Un voisin qui avait entendu le chahut avait attendu de voir la voiture partir en bas de notre immeuble pour venir - avec tout son courage - me porter secours. Ce gars-là, je lui en serais toujours reconnaissant. À l’hopital, le patron de ma mère est venu me rendre visite pour me dire que j’étais dans la merde et que j'aurais mieux fait de mourir. C’est mortifié de douleur et assaillis d’angoisses que j’ai négocié mon arrêt de mort.

J’avais une dette monumentale. Vous savez combien coûte un gramme de cocaïne ? 85 $ ! Multipliez ça par 25 kilos… Ça fait…. Ça fait au moins 2 millions à une chèvre près !

Je savais que j’en aurais jusqu’à la fin de mes jours pour rembourser une telle somme, je savais qu’à partir de cet instant, je leur appartenais. Mieux valait ça qu’être mort ? Ce n’était pas en vendant un peu de weed que j’allais y arriver, alors on m’embarquait à San José pour quelques semaines, pour un nouveau boulot. J’avais la trouille, je devais trouver des mules mexicaines pour faire traverser des armes et de la drogue à la frontière, mais hé, je suis un sacré causeur, je pourrais vendre du sable au Sahara ! Alors que je jouais littéralement ma vie, j’étais loin de m’imaginer y faire cette rencontre. Celle du deuxième amour de ma vie. Cette femme, c’était celle que je n’attendais pas dans mon existence, je ne pouvais pas cesser de penser à elle et quand j’étais avec elle… J’arrêtais pas de me foutre à poils ! Et c’est comme ça qu’on a eu le premier amour de ma vie. Ma fille. Ma Princesse à moi.

Elle a grandit si vite, je la voyais toutes les semaines, je passais ma vie entre San José et Monterey. Je trouvais en elles, la force de continuer, de continuer à enrôler de nouvelles personnes, à les entrainer avec moi dans cette folie. J’aimais la mère de ma fille, vraiment. Je pensais bâtir ma vie avec elle, elle savait ce que je faisais, ça lui faisait peur, mais elle m’aimait assez pour le supporter. C’était une sensation incroyable que d’être aimé malgré ses pires défauts, mais cet amour m’a littéralement étouffé. Notre fille atteignait ses cinq ans lorsqu’elles me rejoignirent à Monterey. J’étais devenu le super RH du réseau, la vie n’était pas confortable car mes revenus étaient siphonnés par le réseau, la dette, ne l’oublions pas. J’essayais de tricher, de piquer du pognon pour offrir à ma fille adorée ses cours de karaté, un beau cadeau pour son anniversaire ou une journée au parc d'atractions… J'ai tant de bons souvenirs avec elle, je me sens complet quand ma fille sourit, quand elle est heureuse. Alors je continuais de ruser, parfois ça passait, d’autre fois je me faisais prendre et on me tabassait pour me faire passer l’envie de recommencer. Je me relevais toujours, pour elle. Je peinais à croire que c’était ma fille tant elle est belle, intelligente et franchement équilibrée. J’avais peur les premières années, peur qu’elle soit comme moi… Stupide et hyperactif. Je n’ai pas une immense estime pour ma personne, comment le pourrais-je alors que j’ai tout à fait conscience de ne pas fonctionner comme les autres ? Je me sens seul dans ma tête, souvent, incompris dans mon corps sous tension, soumis à mon agitation incontrôlable qui prend le dessus sur tout le reste. Je sais que ça rend les autres dingues, mais moi je vis ça de l’intérieur, ils n'ont pas idée de ce que c’est réellement…

Ma fille semblait le comprendre, elle m’aimait quand même, elle ne m’en voulait pas. Ce n’était pas toujours le cas de sa mère, explosive, elle était constamment sur mon dos. J’avais peur qu’elle se mêle de mes affaires, qu’elle prenne des risques. Notre fille méritait un parent qui tienne la route, ça devait être elle, elle n’avait pas le choix. A force de disputes, je l’ai quitté quand notre trésor n’avait qu’onze ans. Je venais souvent la voir, elle venait chez moi, on faisait de notre mieux. Je ne voulais pas qu’elle se sente abandonnée, je ne voulais pas qu’elle finisse aux services sociaux, mais je m’enfonçais dans la drogue et médicaments que je prenais pour supporter la douleur des coups et la solitude ressentie, je ne voyais pas mes amis qui voulaient tant m'aider. Je prenais de plus en plus de mauvaises décisions, courant après le rêve absurde de rembourser un jour ma dette, d’être un jour libéré de tout ça… Idiot que je suis.

J’avais trente-cinq ans, la situation m’échappait complètement. Extérieurement, j’avais l’air de gérer, j’avais l’air d’aller bien. Je donnais au change, on me respectait bien qu’il fallait régulièrement me remettre à ma place, j’acceptais mon sort, j’acceptais les coups sans broncher, je savais au fond de moi, que c’était le seul moyen de me mettre sur off. Je rejoignais l’entrepôt à la sortie de la ville, il y avait ce gars-là, quand je l’ai fais entrer dans le réseau c’était tout juste un gamin. C’était comme un petit frère, celui que j’ai probablement quelque part mais que je connais pas… Lui, il était là, on se marrait bien, je me sentais responsable de lui. C’était la faille du système, cette culpabilité que je ressentais à chaque fois que j’entrainais quelqu’un du mauvais côté. J’étais ce diable sur leur épaule… Quand la sentinelle nous a avertis que les flics débarquaient à l’entrepôt, j’ai regardé ce gamin dans les yeux, bien sûr j’ai pensé à ma fille de quinze ans… Mais je lui ai donné la clé de ma moto et je lui ait dit de partir. Je l’ai regardé disparaitre alors que les flics m’aplatissaient au sol à coups de matraque, c’est toujours mieux que de finir avec une balle dans le buffet comme la troisième gars présent. Il est mort. Il ne restait que moi pour porter le chapeau.

Mon avocat a été clair avec moi. Si je l’ouvrait, il buttait ma famille. Je n’ai balancé personne, mieux… J’ai négocié, en bon parleur. Je me denonçait donc pour les armes et les drogues, je plaidais coupable, évinçant ainsi des enquêtes menées sur des types bien plus haut gradés du réseau. En échange ? Ma dette. Effacée. J’ai pris 8 ans fermes.

On ne peut pas s’imaginer ce qui nous attend en arrivant en prison. La dignité, vous oubliez. Le calme, c’est un concept étranger. La quiétude de la nuit, se laisser aller dans un sommeil réparateur, même pas en rêve. Ça fait cinq que je ne dors plus. Parfois, j’ai l’impression de devenir fou, les jours se ressemblent tellement. J’ai l’impression que le temps s’arrête ici, qu'il s’étire sans fin. Seuls les nouveaux détenus vous rappelle que le monde dehors continue sa course folle, sans vous. Le monde n’a pas besoin de moi, je le sais.

Je me suis tenu tranquille, autant que j’en suis capable. Mon hyperactivité est assez contrôlée, je ne prend plus de médicament ni de speed, je dors si peu que j’ai presque une énergie normale. À mon arrivée, un détenu du réseau qui avait pris perpet’ avait pour consigne de me butter, j’ai failli y passer. Encore une fois. Mais j’ai été protégé par mon voisin de cellule, ce gars-là, j’avais pas envie de lui parler, son palmarès de tueur en série me donnait des sueurs froides… Je lui étais redevable, je lui devais ma survie des premiers mois. J’ai ensuite appris que le réseau m’avait gracié, forcé de constater que je n’étais définitivement pas une balance. J’en savais trop, mais j’étais quand même l’un des leurs. Mon camarade de cellule était vraiment un monstre, mais je devais avouer lui trouver des bons côtés, parfois, il se marrait à mes blagues, à mes déboires avec les gardiens et je me sentais paradoxalement un peu en sécurité. Il savait que j’en aurais pas pour huit ans dans ce trou à rats, il savait que je n’étais pas mauvais gars, assez bon pour avoir le droit de rencontrer sa fille une fois dehors. Pas la peine de s’imaginer des trucs de pervers, c’est seulement, pour s’assurer qu’elle va bien, qu’elle n’a besoin de rien. Il savait que j’ai une fille, c’est une corde sensible et je me dis qu’il n’est peut-être pas à 100% un monstre s’il aime sa fille comme j’aime la mienne. Je lui ai promis de veiller sur elle. Putain… Quel idiot.

J’ai tenu quatre ans, je sentais qu’il était tant pour moi de sortir. Ma fille devenait une femme loin de moi, j’avais de moins en moins de visites d’elle ou de mes amis, ma mère ne répondait plus à mes appels et j’avais cette impression morbide de m’effacer du monde.

Un soir, j’ai eu le choix entre me servir des draps pour en finir ou garder espoir et demander une conditionnelle. Je l’ai obtenu. Ça va être contraignant, surtout les six premiers mois, mais je veux y arriver. Alors ouais, demain je sors d’ici.

Je bondis de ma chaise lorsque l’on m’appelle pour rendre mon crayon, puis je lève les mains, un petit robot bien programmé par ces dernières années.

- Jamais le dernier pour me tripoter le cul. Ça va te manquer gros dégueulasse, hein ?

Cet enfoiré m’a répondu que je reviendrai bientôt.

petit" résumé pour ta turbo flemme de l'espace !: