Début mars, Ranch Harlow

tw : troubles alimentaires, crise de boulimie, dysmorphobie, vomissements

La nuit venait à peine de tomber au ranch et pourtant Lola n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle faisait les cent pas dans sa chambre à la recherche de quelque chose, elle se rongea les ongles avant de se décider à sortir pour rejoindre la cuisine. Elle ne souvenait plus de sa dernière crise, cela remontait à quoi ? Deux semaines, elle a perdu le compte tellement celles-ci devenaient de plus en plus fréquentes. Elle ouvrit le frigidaire avec précaution et son dévolu se porta sur des yaourts et des restes de plats qu'ils avaient mangé la veille. Pas suffisant à son goût, elle fouilla ensuite les placards pour récupérer du sirop d'érable, de la pâte à tartiner et même un paquet de pâtes. Elle ne prit même pas le temps de faire chauffer quoi que ce soit et commença à manger les lasagnes froides. Le goût ne la dérangeait plus depuis le temps, cela est devenu quotidien. Une fois les lasagnes terminées, elle continua avec un soufflé au fromage puis les yaourts. Elle mangeait vite sans se poser de questions car plus vite, plus vite elle aurait envie de vomir non ? Concentrée, elle n'entendit pas tout de suite, le bruit qui venait de la porte d'entrée. Kenny venait de rentrer d'une de ses livraisons nocturnes et lorsque le blond se montra dans la cuisine, son premier réflexe fut de cacher ses trouvailles sur ses genoux. Ridicule. Elle eut un premier haut le cœur qu'elle ravala.

« Kenny, tu m'as fait peur ! » s'écria-t-elle, alors.

Deuxième haut le cœur que cette fois-ci, elle ne put retenir et elle se leva précipitamment pour se ruer dans les toilettes, bousculant son frère adoptif au passage.

« Excuses-moi, je ne me sens pas très bien. » souffla t-elle, ensuite.

Elle ouvrit à la volée la porte et se baissa au dessus de la cuvette et eut à peine le temps d'écarter ses longs cheveux bruns pour vomir. Elle se détestait pour ça mais cela est devenu une habitude qu'elle arrive de moins en moins à contrôler. Son ventre l'assaillait, elle avait tellement mal et ses cris étouffés étaient ponctués de pleurs tout aussi silencieux. N'ayant pas assez expulsé à son goût, elle fourra ses doigts dans sa bouche pour vomir davantage, pour avoir son compte. Pour avoir le corps parfait qu'elle devrait avoir. Gênée que Kenny dut voir ça, pendant toutes ses années où elle habitait sous le toit Harlow, elle a tout fait pour rien ne soit découvert. Cela était son secret, bien gardé, son jardin secret qu'elle gardait pour elle. Ne se rendant pas compte qu'un véritable trouble prenait le contrôle et qu'elle sombrait de plus en plus dans la souffrance. Dans l'illusion de ressembler à la fille parfaite avec très peu de formes comme le sont les mannequins dans les magazines. Ou encore les reines de beauté auxquelles elle veut ressembler. Monde cruel qu'est celui des concours de beauté car lorsqu'elle entend une réflexion sur son poids, elle s'empresse immédiatement de faire une séance de sport ou saute tout simplement un repas. Jamais, elle n'a voulu que quelqu'un de sa famille la voit comme ça, si faible, si vulnérable et face à elle-même. Face à ses démons les plus sombres. Silencieuse pendant encore quelques secondes, elle reprenait ses esprits pour finalement se lever dans la précipitation et manqua de faire un malaise. Se sentant défaillir, elle s'accrocha à la porte entrebâillée. Ne l'avait-elle pas fermée ? Kenny se tenait derrière elle, horrifié par ce qu'il venait de voir. La brune ne trouva pas les mots, d'ailleurs y en avait-il vraiment ? Elle fixait le blond en silence, interdite et ne savait pas trop où se mettre. Tout ce qu'elle en envie c'est de recommencer, de manger des pâtes crues à s'en rendre malade qu'elle aura aspergé de sirop d'érable. Ou bien peut-être que ce sera la pâte à tartiner, elle ne parvenait pas vraiment à réfléchir. Elle prit le chemin de la cuisine lorsqu'un bras s'agrippa au sien.

« Aie, tu me fais mal. » mentit-elle car face à la maigreur de ses bras, elle ne ressentait quasiment plus la douleur.

Combien de poids avait-elle perdu en deux semaines ? Dix ? Vingt ou peut-être trente ? Elle n'a pas pris le temps de se peser car cela est devenu un vrai traumatisme pour elle. Quand son poids s'affiche sur la balance, ce n'est pas suffisant, elle devrait pouvoir maigrir plus, avoir le corps parfait qu'elle désire tant. Incapable de se rendre compte qu'elle est en plein dans un engrenage. Ses yeux se posèrent sur le regard presque triste de Kenny.

« Bah quoi, t'as vu un fantôme ? Maintenant tu m'excuses mais j'ai encore faim. » s'écria-t-elle, froidement.

Retirant son bras qui tenait le sien d'un geste froid et mécanique, elle se dirigea à nouveau vers la cuisine pour reprendre ce qu'elle avait commencé. S'asseyant devant la table, c'est ce qu'elle était un robot qui reproduisait des gestes mécaniques. Elle essaya d'ouvrir le paquet de pâtes et s'énerva quand elle n'arrivait pas. Enervée, elle reporta son envie maladive sur un nouveau yaourt dans lequel elle mit un peu de pâte à tartiner.

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