∞ « C’est au moment de les quitter que l’on mesure son attachement à une maison, ou à sa famille » (E. Cantona)  _  « Je ne veux pas maman » C’est avec une tendresse inégalée que ses doigts s’efforçaient d’effacer ses peines. « Nous n’avons pas le choix Tim, papa a trouvé un travail en Californie. ». Bien loin des préoccupations du monde adulte, lui faire entendre raison s’avérait difficile. Elle s’était engagée dans une bataille qui lui tiraillait le cœur, elle qui était également peu enchantée de tout abandonner pour un pays qu’elle connaissait que de nom. « N..Non je veux pas..JE VEUX PAS !  J’ai mes copains ici… » Son regard suppliait sa mère, comment pouvaient-ils décider de tout lui retirer. « Et tu t’en feras plein d’autres… tu verras. » Un fin sourire vint se glisser sur ses lèvres, tentant une approche pleine de délicatesse par un baiser tant bien que mal déposé sur le front de son fils. Elle se voulait rassurante, elle essayait du moins, mais le rejet de Timaël par un dégagement de la tête laissait entendre que cela resterait vains. « NON, laisse-moi ! Je veux pas ! » « Ça suffit ! Tu n’as pas ton mot à dire ». Instinctivement, son visage vint se réfugier contre la poitrine de sa mère, s’en retrouvant entouré par les bras de cette dernière, son meilleur refuge. Tous deux le savaient, aucun argument parviendrait à contrer l’autorité paternelle qui vint résonner dans la pièce. Il remportait cette bataille, sans se douter un seul instant qu’il serait à l’origine de la prochaine guerre.

∞ « C'est de la confiance que naît la trahison. » (Inc.) _ Ce fut lors de sa 3ème année à Monterey que le nouvel équilibre de la Famille Sörensen vint tanguer sous la houle du vent Californien. « Il revient à quelle heure papa ? » Ses absences marquaient le rythme de la famille, mais aussi le visage de sa mère qui était éprouvée d’assumer à elle seule 3 enfants. « Il m’a envoyé un message, il rentre dans deux jours finalement. » Elle se voulait coquette le jour, mais le maquillage laissait généralement place aux cernes une fois la nuit tombée. Attristé, Timaël ne manquait jamais l’occasion de lui venir en aide du haut de ses 12 ans.
«  Papa ?! »  Que ne fut pas sa surprise quand son regard reconnu son père au coin d’une rue, femme au bras, tout sourire tandis que son épouse luttait pour ne pas se laisser submerger par la fatigue. Un feu intérieur brûlait en lui, sentant ses phalanges se resserrer contre la paume de sa main. L’envie d’en découdre coulait dans ses veines, s’en retrouvait accentuée par les souvenirs de tous les sacrifices réalisés au nom du grand Tobias Sörensen. La patience est une vertu et la technologie serait son meilleur allié. Une photo suffirait à appuyer ses dires, suivant ainsi son père afin de capturer le meilleur cliché de sa trahison : un baiser.
« Comment s’est passé ton voyage d’affaires » Tel un conquérant, il revenait au domicile familial, sourire aux lèvres pour signifier à son épouse sa joie de la retrouver. « Éprouvante. Avec un peu de chance, j’aurai enfin cette promotion et nous aurons la belle vie » Illusions, mensonges… Qui de lui ou de sa charmante épouse Téa, dont les mains étaient prisonnières d’une éponge, serait le plus heureux des deux ? « Pff. Hypocrite… » « Je te demande pardon ? » La surprise pouvait aisément se lire sur le visage de ses parents face à cette accusation sans fondement. Contrairement à son père, Timaël refusait de prétendre à un bonheur factice pour lui permettre de dissimuler ses méfaits. Le jeune garçon vint à l’encontre de sa mère, déposant sur le plan de travail son téléphone qui mettait en lumière les mensonges de son mari. « Papa te trompe. Regarde. C’était hier alors qu’il était soit disant en voy.. » Un claquement vint soudainement l’interrompre, sa joue s’en retrouvant enflammée par la gifle qu’il venait ardemment de recevoir de la part de son père. Un revers prit son élan, mais ce dernier fut stoppé par la main encore trempée de son épouse. « Tim, va dans ta chambre. Immédiatement. » « M..Mais ?! » Toute douceur avait disparu, et ce, de sa voix comme de son regard. « Tout de suite. Emmène tes sœurs » La colère l’avait aveuglé au point de ne pas ménager les sentiments de sa mère, ni ceux de ses deux sœurs qui se retrouvaient malgré elles, témoin de ce procès improvisé. Sans ajouter un mot, sa main vint balayer sa joue irradiée tandis que son regard prit la direction de celui de son père. Généralement impassible, Timaël n’eut aucun mal à lire dans son regard toute l’inquiétude qu’une future confrontation faisait naître en lui. Un petit sourire narquois sur les lèvres, Timaël pris la direction de la table à manger pour rejoindre ses sœurs pour qui la partie d'Uno fut écourtée. Game Over, cette fois-ci, la victoire lui appartenait.

∞ « L’enfer est pavé de bonnes intentions » (Clairvaux)_ Si ce dernier fut banni du domicile conjugal durant deux semaines, son retour fut annoncé sans la moindre explication. Un retour de bâton reçu en plein cœur, celui-ci s’en retrouvant brisé en constatant que le quotidien ne serait en rien changé. Finalement véritable vainqueur, son père pris le soin de lui renvoyer un sourire narquois une fois le seuil de la porte franchi. Comment pouvait-elle lui pardonner ? Empoisonné par la haine et la rancœur, l’innocence de Timaël s’en était allée. « Tim’ tu viens ? Allez quoi, ça fait longtemps qu’on n’a pas fait du tennis. Nous, contre les vieux ! » Transformé en adolescent désinvolte, Timaël s’était isolé de sa propre famille, s’efforçant ainsi de ne plus laisser entrevoir le moindre sentiment. « Quand tu sauras faire un vrai service » Les sentiments rendaient faibles, capable de pardonner les pires trahisons, d’être blessé par son entourage … Intiment convaincu de son hypothèse, Timaël vivait ainsi presque en étranger, greffant à ses oreilles des écouteurs pour couper court à toute discussion. Néanmoins Freya, sa jumelle, était bien décidé à ne pas le laisser sombrer. Une pichenette dans l’oreillette en vint à lui soutirer un grognement, tel un ours tout juste sorti d’hibernation. « Mais j’ai un très bon coup droit » « Sortez de ma chambre toutes les deux, fichez moi la paix » Un coussin dans la tête ne suffirait pas à la dissuader, il connaissait que trop bien son obstination si bien qu’elle en vint à s’accouder sur lui, tel un vieux fauteuil usagé. « Moi aussi ze veux jouerrrrr » « Toi, tu es trop petite ! Tu feras l’arbitre, tu compteras les points. » Si l’excitation en vint à se dessiner sur le visage de Sophia, leur plus jeune sœur, la curiosité fut la prochaine invitée « Mais ze sais po compter » Ce jour-là, plusieurs rires se firent entendre du 2ème étage. Bien qu’entaché, il fallait avouer qu’il ne lui était pas toujours aisé de résister au charme d’une fratrie unie.

« Vous pouvez me dire ce que ça fait dans votre casier ? » Trois ans plus tard…   « Ce…je comprends pas, c’est pas à moi, je vous jure que c’est pas à moi ! » Pris au piège, il se débattait tel un poisson hors de l’eau, s’en retrouvant au bord de l’asphyxie tant il s’évertuait à clamer son innocence. Pauvre âme innocente, Josh était un adolescent pour qui le sport était une véritable passion et qui pourtant, venait malencontreusement de laisser tomber une petite pochette transparente au contenu plus que douteux sur le bord du terrain. S’en suivi naturellement une fouille de son casier sous l’œil avisé de la direction, mais aussi d’autres élèves. « Félicitations, je crois que tu viens de gagner ton brassard de capitaine. » Son plus vieil ami de Monterey le connaissait que trop bien pour ne pas déceler cette roublardise qui scintillait dans le regard de Timaël. Il se tenait droit, accolé au mur, bras croisés, non sans un sourire qui laissait entrevoir une certaine fierté. « Ne me dis pas que c’est toi ? Josh ne prendrait jamais ces trucs…» « Je ne vois pas de quoi tu parles. De toute évidence, il a un visage que l’on ne connaît pas. » Certainement disait-il vrai, néanmoins, il n’était pas le seul. Beaucoup prenaient la fuite avant même de le connaître, d’autres, partageaient son goût pour les petits larcins auquel il se livrait depuis peu. Prendre ses distances serait certainement la meilleure des décisions et pourtant…Il en était incapable. À la vie à la mort… Un pour tous, tous pour un… lui avait eu l’honneur de le voir sous un autre visage lorsque sa famille vint déménager dans la région, Timaël n’a pas toujours eu mauvais fond. Cependant, ce guet-apens portait bien sa signature, il en devinait même ses motivations. Josh était un sportif dans l’âme, si bien qu’il s’en prenait à chaque prétendant au poste de Capitaine. Lui-même avait subi son courroux et il avait trouvé, comme toujours, une oreille attentive en la personne de Timaël. Cette vendetta avait donc pour unique but de retirer à Josh ce qui lui tenait le plus à cœur. « Franchement, tu déconnes mec..et comment tu as fait pour ouvrir son casier ? » Son sourire s’en retrouvait d’autant plus élargie devant tant de curiosité, le spectacle était terminé, tous les acteurs s’apprêtaient à quitter la scène. « Ô capitaine…Sache qu’un magicien ne dévoile jamais ses secrets. »

∞ « Tout feu tout flamme »  (Inc)_ N’avez-vous jamais succombé au délicieux goût de l’interdit ? Ce soir-là ne fit pas exception pour Timaël. A la nuit tombée, il avait pris pour habitude de réquisitionner le salon pour y regarder un film, cigarette au bec. Il imaginait sans grande difficulté l’air désapprobateur de ses parents, mais ces derniers s’étaient absentés pour la soirée avec la petite dernière de la famille. Freya avait eu quant à elle, l’autorisation d’une soirée entre demoiselles. Ainsi, elle s’était empressée de choisir son plus beau pyjama pour rejoindre ses amies.  Elle était certainement entourée de snacks et de boissons, feuilletant les magazines afin d’élire la star la plus charismatique de notre génération. Une latte, puis deux…un nuage de fumée contribuait d’ores et déjà à l’ambiance tamisée du salon. « Merde » Deux, cigarettes en une heure de temps, Timaël n’aura pas eu le temps de voir l’entièreté du film qu’un bruit de moteur se fit entendre à l’extérieur. Écrasant sa cigarette dans la précipitation, son réflexe premier fut de cacher le cendrier sous le canapé et de se jeter sur le désodorisant. Une petite minute aura été suffisante pour grimper au deuxième étage et prétendre à une nuit sagement passée dans les bras de Morphée.
« Ton fils a encore fumé dans le salon. Il nous prend vraiment pour des imbéciles » Tobias avait pris pour habitude de ne plus considérer Timaël comme son fils depuis qu’il avait entaché son autorité, mis en péril cette famille dont il était seul et unique souverain. « Je vais border la petite, Je parlerai à Tim’ demain matin » « Profite-en pour lui rappeler l’existence de la poubelle. C’est pas une porcherie ici.» La bonne humeur de son mari fut de courte durée et si l’amour qu’elle ressentait pour son fils était indéniable, une part d’elle ne pouvait s’empêcher de lui en tenir rigueur.  À présent seul dans le salon, le père de famille pris position devant le canapé, cognant son talon contre ce qu’il prit pour le pied de ce dernier… À son grand désarroi, il dû se résigner à ramasser les canettes et le paquet de chips lâchement abandonnés sur la table basse. Déchets jetés, soupir aux lèvres, il ne lui restait plus qu’à rejoindre le lit dans lequel il n’inspirait plus qu’à rester.
Arraché du monde des rêves par une violente toux, Timaël entrouvrit les yeux et découvrit un filet de fumée qui se glissait sous le seuil de sa porte. La température de la pièce était anormalement élevée, ses yeux brûlaient. « Maman, Papa ! »   Aucune réponse…son réflexe premier fut de s’emparer de la poignée, mais son métal brûlant y laissa une empreinte dans la paume de sa main. Malgré une avalanche de coups de pied, il fut forcé de constater que la porte semblait bien décidée à ne pas céder. Ses appels à moitié étouffés par une respiration haletante n’eurent également pas l’effet escompté. Il devait se résigner, sans chercher à regarder ce qui se trouvait sous ses pieds, Timaël pris son envol en se jetant par la fenêtre, entamant ainsi une chute, tel un ange déchu.
« MENTEURS, Freya, où est Freya ?!  » Médecin, psychologue, tous s’étaient réuni à son chevet afin de lui apprendre que de son univers, ne restait plus qu’un champ de cendres… Ses parents et sa plus jeune sœur n’étaient plus, ainsi emportés dans un sommeil éternel. Timaël refusait d’y croire, exigeaient de voir sa sœur, seule détentrice de sa confiance, mais en vain. Malheureusement ce n’est qu’à l’enterrement de sa famille qu’il fut autorisé à la revoir, mais aussi plongé dans une réalité qu’il ne pouvait plus nier…Comment ne pas voir dans son reflet, le visage d’un meurtrier ?

∞ « La douleur de l’âme, pèse davantage que celle du corps » (Syrus)_ Bien qu’accidentelle, la culpabilité d’une cigarette mal éteinte fut avérée et Timaël emmené au sein d’un foyer.  Séparé sa sœur, son âme se mit à chavirer. Plus rien ni personne n’avait d’emprise sur lui, bien résigné à ne pas profiter de cette vie qu’il n’avait guère mérité. Un dé fut son seul et unique allier durant plusieurs années, jouant chaque décision dans un jeu de hasard dont le sens de l’humour s’avérait parfois plus brûlant que l’enfer, mais ne l’avait-il pas mérité ?   « Ok, 50 - 50. Cinq ou plus, je fais tes corvées pendant un mois, mais si tu fais moins, tu embrasses cette fille là-bas. » Elle lui tournait le dos, impossible donc de deviner le moindre trait de son visage, mais pour Timaël, la tentation était bien trop grande pour y résister. Il lui fallait jouer, céder, quitte à se brûler les ailes en faisant honneur à ce cher Oscar Wilde. « Excusez-moi Mademoiselle, pourriez-vous m’aider, j’ai égaré… » L’aisance avec laquelle il s’exprimait habituellement disparu pour laisser place à la surprise lorsque le mystère qui régnait autour de son visage fut dévoilé. La perfection de ses traits n’avait pas d’égal quant à son sourire, ah son sourire…Timaël pouvait sentir son cœur battre telle une mélodie dont certaines notes venaient à manquer sous ce grain de voix enchanté « Votre langue peut-être ? » Elle ne manquait pas de répartie, ce qui eut le don de lui soutirer un sourire pour une fois sincère. « Hum...Oubliez. Je crois que je viens de retrouver cet éclat de lumière qui manquait à mon obscurité » Elle souriait, certainement bien tentée de le croire, mais les silhouettes de ses camarades en pleine euphorie mettaient en doute la véracité de ses belles paroles.   « Un 10/10 pour l’imagination, mais 0 pour la discrétion. C’est quoi l’enjeu ? » Impossible de quitter son regard, il était comme paralysé par ce tourbillon de sentiments inconnus. « Un baiser ou un mois de corvée, mais… aussi notre destinée »   Un peu cliché certes et pourtant, il en pensait chaque mot. Elle ferait partie intégrante de cette vie qu’elle venait sans le savoir, de bouleverser en un regard. C’était une évidence «  Eloigne toi de lui ma chérie,  Timaël s’apparente à de la mauvaise graine, fort heureusement, il sera bientôt mis dehors. Allons y, j’ai réservé pour 13 h » « Parfois une mauvaise graine donne naissance à une belle fleurs » Ne venait-elle par de faire germer une once d’espoir?
Plusieurs années auront été nécessaires pour subtiliser son cœur et ainsi toucher du bout des doigts, le véritable bonheur. Bien décidé à miser sur un avenir commun, Timaël reprit ses études non sans aucune difficulté et devint pompier. Il espérait ainsi faire face à son passé, sauver des vies à défaut de n’avoir pu que sauver la sienne. Son cœur regorgerait d’inspiration :  il souhaitait lire en elle de la fierté, lui faire oublier toute cette méfiance que son père pouvait encore lui vouer. Peu à peu, il se mit à croire en une forme de rédemption, allant jusqu’à poser le genou sur le sol et lui demander cette main qu’il souhaitait saisir pour l’éternité. Le fruit de leur amour ne tarderait pas à montrer le bout de son nez, récompensant ainsi le couple de chaque effort mené. Bien évidemment, nous serions tous tentés de nous réjouir, mais avez-vous tout comme Timaël, oublié combien la vie pouvait être cruelle ? Car sans la moindre explication, femme et enfant furent l’objet d’une disparition. Seule une lettre lui demandant de ne pas la rechercher était apposée sur le mobilier, le laissant ainsi seul, éploré bien que déterminé à découvrir la vérité. Plus d’un an de recherche auront eu raison de sa motivation et Timaël s’en était retourné à ses vieux démons… et vous ? Serez-vous prêt à lancer les dés ?