a life, a story -
« CAAAAAAAAAAAL »  

un cri strident arraché de mes cordes vocales. je m’époumone à crier son nom. le genre de cri qui vous glace le sang tout entier. celui où je suis contrainte de regarder l’être aimé me quitter brusquement. je le revois, lui, s’éloignant durement de moi à bord de sa civière. moi, lui tendant la main afin qu’il l’empoigne. mais il n’en fait rien. il ne fait que s’éloigner à bord de sa civière, en compagnie de toutes les infirmières qui se bousculent afin de le prendre en charge. des secondes qui me paraissent une éternité. la souffrance est telle que je ne peux même plus avancer. je reste seule, dans le milieu du couloir. je replonge dans la même scène encore et encore, sans arrêt.


le coup de leur vie ne cessaient-ils de répéter. parce que m'intimider et me faire vivre l'enfer tous les jours avait été la meilleure chose qu’il leur soit arrivée ne cessaient-ils de rabâcher à mes oreilles, de me cracher au visage de manière puéril. sauf lui, sauf Cal. j'aimais penser qu’il était différent d’eux. naïvement, j'aimais penser que ce n’était pas ce groupe de petits fendants stupides qui avait été le meilleur dans tout ça, mais plutôt moi. que j'avais été la meilleure chose qui lui soit arrivée à lui. mais bien vite, j'avais réalisé. qu'il n'avait rien à voir avec tous ses petits voyous. que Cal serait celui qui me sauverait de cette affreuse situation. lorsqu'il m'avait tendu la main juste devant eux, j'avais bien compris que c'était un affront direct. qu'il était enfin prêt à s'opposer à eux et à faire cesser tout ce cirque une bonne fois pour toute. ils avaient écrabouillé mes lunettes, jeter mes repas à la poubelle, cracher sur moi, me bousculaient en permanence. au départ, Cal avait été passif dans tout ça. il se contentait d'échanger des regards désolé avec moi. je voyais la compassion qui l'habitait, mais il n'osait pas s'opposer à sa bande de potes. et tout au long de cette terrible souffrance, je ne trouvais le réconfort et la sécurité qu'à travers ses yeux. peut-être ont-ils finit par le découvrir ? qu’avec lui, je suis maintenant liée. qu’il ne me ferait pas de mal. que je pouvais toujours compter sur lui pour être là. que maintenant, il serait là pour prendre ma défense. et je me suis mise à douter : est-ce réellement un homme bon ? ou est-ce que son jugement se retrouve affecté et que sa loyauté ira coûte que coûte à ses acolytes ? et son choix, il l’énonce clairement en prenant ma défense une seconde fois. il me choisit, moi. au lieu de souhaiter s’enfuir avec eux et de continuer à rester à leurs cotés et de les laisser me faire subir des horreurs. il tire un trait définitif sur ce chapitre de sa vie. il choisit de les laisser derrière. maintenant, nous sommes prêts pour la construction de notre vie à deux où nous aurons enfin la chance d’être heureux. parce qu’après trois ans captive de mes intimidateurs, je suis enfin libérée grâce à lui.

Cal et moi sommes maintenant de jeunes mariés. après seulement quelques années passée aux cotés l'un de l'autre, nous avons pris la décision de nous fiancer. nous avons sauté le pas alors que je n'ai que dix-sept ans et que je suis encore au lycée. étant l'élève studieuse, ce choix surprend tout notre entourage. même si tous nos proches approuvent notre relation, ils sont tous aussi surpris les uns que les autres, jugeant que nous avons été trop rapides. que nous sommes en train de nous jeter à pieds joints dans une aventure qui sera vouée à l'échec. parce que nous sommes trop jeunes, nous ne sommes pas encore assez sérieux selon leurs dires. Cal étant beaucoup plus libertin et populaire que moi, personne n'arrive à comprendre pourquoi nous avons choisi de nous fiancer aussi tôt. ils accusent tous Cal de m'avoir mise enceinte. pourtant, nous sommes seulement fou amoureux l'un de l'autre. nous avons décidé de ne rien laisser nous séparer et de nous promettre de s'aimer pour la vie. et puis, seulement un an plus tard, nous avons pris la décision de nous marier, et seulement en compagnie de ceux qui ont approuvé notre union, c'est-à-dire nos proches.

les années passent et pourtant, nous sommes toujours aussi heureux ensemble. nous rencontrons quelques épreuves, mais comme tous les couples aimons-nous nous rappeler. Cal continue ses activités de son côté alors que je me lance dans quelque chose de complètement nouveau pour moi. je viens en aide à ma tante, dans son centre d'hébergement pour les femmes ayant été violentée. je fais alors la rencontre de plusieurs d'entre elles. j'ose à peine m'identifier à elle, ne connaissant aucunement le parcours par lequel elles ont dues passer. je ne peux comprendre, car Cal est l'homme le plus doux et le plus attentionné que je connaisse. mais je suis tout de même une bonne oreille et je fais tout mon possible pour leur venir en aide. au départ, je ne fais que les accueillir et les écouter. après ma formation en tant qu'infirmière, je peux maintenant agir et leur prodiguer les soins nécessaires. je me retrouve à m'épanouir dans ce milieu et à trouver un certain réconfort auprès de ces femmes que je vois évoluer au fil de nos rencontres, ce qui me conforte dans l'idée que je suis faite pour exercer ce métier. parce que la relation de confiance que j'ai réussi à développer avec chacune d'entre elles vaut tout l'or du monde pour moi.

quelques années plus tard, nous avons fait l'une des plus belles rencontres de toute notre vie. la rencontre de Sinead, notre fille adorée, notre première. celle qui serait un exemple à suivre pour sa sœur. Siobhan, la sœur de Cal et moi sommes devenues très proches au fil des années. c'est elle qui aura la chance d'être la marraine de notre trésor. et puis, vient ensuite notre autre fille adorée, Saoirse. celle-ci, elle aura la chance d'être guidée par l'une de mes meilleures amies et l'une des sœurs de Cal, Skye. c'est aussi grâce à elle que j'ai fait la connaissance du père de mes filles. c'est avec elle que je faisais mes travaux d'équipe lorsque nous étions en primaire, dans l'espoir d'y voir Callum. c'est en rentrant tous les soirs chez elle et en étant fourré vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec elle, que j'ai pu subtilement me rapprocher de son frère.

encore quelques années après, tout va bien dans le meilleur des mondes. toute la petite famille est heureuse. nous passons les plus beaux moments ensemble. je ne cesse de me répéter à quel point j'ai de la chance de les avoir chaque jour à mes côtés. je les regarde jouer et mon sourire s'étire. je ne suis que spectatrice de ce précieux moment. un père aimant qui joue avec ses filles. juste avant qu'il m'annonce alors qu'il doit nous quitter pour aller rejoindre l'un de ses employés qui éprouvent des problèmes. j'étais loin de savoir que c'était la dernière fois qu'il m'embrasserait et que c'était la dernière fois qu'il embrasserait ses filles. la dernière fois que je pourrais voir son sourire, que je pourrais le toucher. la dernière fois que je pourrais le contempler, le complimenter. juste avant de voir les policiers débarquer chez moi. que je remarque la route mouillée en regardant par la fenêtre. juste avant d'entendre les policiers me confirmer que tous les urgences avaient été sur place et avaient fait tout en leur possible mais, que Cal était maintenant en route vers l'hôpital, entre la vie et la mort. je laisse alors mes filles en compagnie de la gardienne et j'empoigne les clefs le plus rapidement possible pour me diriger vers l'hôpital.


retournements de tous les côtés dans le lit. être complètement trempée par la sueur. heureusement, lorsque j'ouvre les yeux, je réalise. ce n’est qu’une frayeur. il est là, à mes côtés. ce n’est qu’un mauvais cauchemar. je peux finalement me rendormir paisiblement. replonger dans un sommeil qui, je l’espère, sera enfin libérateur.

« CAAAAAAAAAAAL »

et ça recommence. un second cri strident. je me replonge dans la même scène encore et encore, sans arrêt. cette fois, lorsque j'ouvre les yeux, je réalise pour vrai. il n’est plus là, il n’est pas à mes côtés. il ne l’a jamais été. parce qu’il n’est jamais revenu. il est parti il y a de cela quelques années pour ne jamais revenir.  

en attendant, je ne cesse de me répéter :