a life, a story - 10 avril 1997. Les premiers pleurs percèrent les ténèbres de la nuit, suivis des seconds. Deux petits êtres venaient de naître, dans un monde peu avenant, mais précédés de trois enfants qui deviendraient leurs torches dans la grisaille à venir.

Calypso Hobbs était l’une de ces deux petit êtres fragiles, Cassie était la seconde. Son prénom lui avait été offert par sa grand-mère, Hanna. La mythologie grecque avait orienté sa vie, puis celles de ses petit-enfants. L’histoire de son prénom, on lui avait souvent conté, la nymphe de la mer éperdument amoureuse d’Ulysse.

Mais Calypso, elle, voulait aimer et être aimée en retour, éternelle romantique, ce n’était pas l’histoire de ses parents qui l’avait faite rêvée. Celle de Lana et de Rodolphe avait été courte, une erreur très certainement, elle n’avait jamais voulu savoir. Une erreur qui s’était soldée par un échec cuisant et des allers-retours incessants entre deux domiciles.

Et puis Jake était arrivé et au milieu de ce port sombre difficilement éclairé par Héra, Lewis et Sacha, il avait construit un phare. Une mère changée et deux petits frères avaient fait leur apparition. Un équilibre précaire, mais qui tenait la route. Et puis la fissure avait commencé à faire son apparition.

Six ans. C’était le laps de temps qu'avait daigné leur accorder leur père avant de les laisser derrière pour rejoindre le Canada et fonder une nouvelle famille, loin des problèmes et d’une femme alcoolique, pleine d’addictions en tout genre. L’amour… loin de là. Pourtant, pouvait-on réellement dire qu’elle lui en avait voulu ? Au début sûrement, les nuits où les deux jumelles s’étaient serrées l’une contre l’autre à se demander ce qu’elles avaient bien pu faire de mal avaient été nombreuses.

Contre toute attente, c’était sa cadette qui s’était remise le plus rapidement, entrainant un changement de caractère chez la fougueuse et souriante Calypso, Cassie avait commencé à mener la danse et elle s’était renfermée. La fillette était devenue « Timide », le quatrième nain des Hobbs, soutenue de toute part. Sa relation avec le nouveau patriarche n’était pas au beau fixe, mais ils s’entendaient bien – la confiance pour autant, n’était pas forcément au rendez-vous, difficile à reconstruire. Et puis il avait rejoint les cieux, et leur mère avait fini par disparaître de la circulation. Les jumelles avaient douze ans.

Dirigés par la main de fer d’Héra, la fratrie avait connu nombres de circonstances difficiles mais ils n’avaient jamais manqué de rien. Ils avaient même évité la séparation, lorsque le duo souffla ses quatorze bougies. Mais Calypso était restée dans son coin, se restreignant le plus possible, tentant de tout laisser aux plus jeunes. Une fillette peut-être trop terre à terre pour son propre bien.

Perdue dans ses croquis et son monde de livres, elle avait été de celles restant cloitrée dans le CDI du collège de Monterey. Des amis elle en avait, oui, mais le calme était son refuge dans le tourbillon de la vie. Le lycée arriva bien vite et la romantique éperdue dévorant les romans d’amour et de fantaisie rencontra bien rapidement ce garçon. Celui qui avait fait battre son cœur derrière la couverture de son livre. Le premier amour. Pas si populaire que ça, ils s’étaient vite rapprochés et leur relation évolua bien vite, sous le regard attentif de Cassie.

Tout allait bien. Et puis la jeune fille eu seize ans, et comme tous les adolescents, elle fît une bêtise. Une énorme bêtise qu’elle regretterai probablement toute sa vie. Une petite photo timide, mais dévoilant sa peau nue avait fini par être transférée à la majorité du lycée par celui à qui elle avait fini par accorder son amour et sa confiance fragile.

Ses foutues photos, elles avaient fini placardées dans son casier, dans ses livres, sur sa table. Partout, elles subissaient les regards – « T’as vu ? Elle avait pas l’air aussi bien foutue sous son pull de grand-mère » – les injures – « Mais quelle garce, elle sait vraiment pas se tenir, elle va finir comme sa c****** de mère » – et les moqueries incessantes « Tu l’as vu ? Et dire qu’elle n’avait rien vu venir. Tu crois que si je la drague, elle m’offre son décolleté ? ».

Elle avait fini par ne plus sortir de ce CDI en dehors des heures de classe. Cachée dans un coin, elle avait l’impression de pouvoir respirer. Elle avait tout gardé pour elle, ne voulant pas inquiéter ses ainés, ils avaient déjà bien assez de soucis comme ça, bien trop.

Et puis ça avait été la goutte de trop. Cette journée la hantera toute sa vie. Sortant de son refuge pour se diriger en classe, elle avait entendu les prises de paris sur son sort – « 15 dollars qu’elle tombe », « 20 qu’elle s’enfuit en courant » – on lui avait un croche-pied, elle s’était vautrée au sol et personne ne l’avait aidée, lui marchant presque dessus. C’était sa professeure qui l’avait extirpée de là. L’adolescente était tétanisée.

C’était Cassie qui avait fini par tout raconter à Héra et leurs deux grand-frères. L’ainée avait pris les choses en main et avait fini par menacer l’ex-petit ami de la jeune fille, elle ne l’avait jamais revue, qui sait si les deux garçons n’avaient pas fini par lui faire quelque chose que l’on pourrait qualifier comme un « retour de karma ». Calypso a porté plainte, difficilement, et a terminé ses années de lycées à domicile, suivie par psychologue, elle avait mis longtemps avant d’oser repasser le pas de la porte du domicile familial seule. Encore aujourd’hui, elle a du mal à recroiser ses anciens camarades du lycée, certains étaient restés de son côté, ils avaient gardé contact, mais croiser la majorité d’entre eux et supporter leurs regards étaient toujours un calvaire.

Perdue dans sa thérapie et presque désespérée, elle avait voté pour le retour de la matriarche, espérant que tout redevienne comme avant, elle avait vingt-ans. Une lueur d’espoir de redevenir la petite fille insouciante du passé lui avait trotté dans la tête. Elle avait vite déchanté. Lana était repartie aussi vite qu’elle était arrivée, un mois plus tard, c’était Callie qui était allé prévenir Héra, sa première sortie dehors, pour une mauvaise occasion. Mais elle avait réussi à se rendre chez l’Oncle Georges.

Un an plus tard, la jeune fille était devenue mannequin, un comble pour celle qui avait encore peur du regard des autres, et surtout des photographies. Mannequin avait été une sorte d’échappatoire, une façon d’essayer de surmonter ses peurs, elle avait le physique pour, peut-être pas le mental, mais elle s’était accrochée jusqu’au bout. Et finalement Calypso s’était prise au jeu, ces photos-là, elle les contrôlait, elle savait ce qu’elle montrait et savait toujours ce qui allait être publié, elle s’en était assurée.

Ses étrennes lui permettaient de compléter sa bourse, obtenue par le biais d’un concours de design, et d’étudier dans l’objectif de devenir styliste. À vingt-cinq ans, Calypso Hobbs, sortait dehors, s’amusait comme les autres jeunes, allait voir les courses de sa jumelle, son âme sœur, et espérait même un jour retrouver l’amour sous les encouragements de la fratrie. La mort d’Oncle Georges avait laissé un vide, mais la jeune fille le surmonta et aida son ainée du mieux qu’elle put, après tout, elle était celle qui s'était le plus attaché au vieil homme, leur ange-gardien.

La même année, Lana Hobbs était morte sous un pont et cela ne lui avait fait ni chaud, ni froid. Elle voulait être heureuse et oublier le passé. Elle deviendrait plus forte. Elle espérait de tout son cœur réussir à devenir comme sa jumelle tête brulée.

Calypso Hobbs voulait chérir sa famille, être chérie et surtout être libre.