Je ne dis pas qu'une convention est un pèlerinage pour tout lecteur qui se respecte, mais pas loin. Du moins, si cela est possible bien évidemment. N'allez pas rater votre boulot pour ça si c'est dans votre ville ou encore vous ruiner en déplacement si c'est de l'autre côté du pays. Cependant, c'est la moindre des choses que d'y jeter un coup d'oeil, même cinq minutes si vous n'avez rien à faire et même si le genre littéraire n'est pas forcément le votre. Cela vous permet d'y découvrir pleins de nouveaux auteurs fantastiques et je vous assure que vous pourriez être surpris.

Les mains dans le dos, je laisse mes pas me guider tout en suivant le couloir principal, jetant de temps à autre un regard sur les livres mis en avant avec les auteurs près à discuter et à signer quelques bouquins tout en saluant ses admirateurs. Par chance, je n'ai pas à croiser un ou une écrivain qui n'a aucune queue devant lui, surtout lors d'une séance de dédicace; ces derniers me faisant presque pitié, les voir attendre des gens qui ne viennent pas et se moquent complètement d'eux. C'en est parfois déprimant. Bien que ça ne me touche pas personnellement. Bref.

Une couverture jaune ensanglantée attire mon oeil et je me faufile entre deux personnes pour venir le feuilleter. C'est juste la référence indirecte à Kill Bill qui m'a fait me déplacer. Tout en lisant quelques passages aléatoirement après avoir salué la personne qui l'a écrit, je ne peux m'empêcher d'entendre les quelques phrases de la jeune femme à mes côtés qui semblent fascinée par tant de violence. Je la zieute rapidement, un sourire en coin. Je ne comprends absolument pas cette obsession qu'on les gens pour les tueurs, en série, en film, en général. Pourquoi s'intéresser tant à ce qu'il y a de plus bestial sur cette Terre? Je me rappelle d'une femme qui m'en expliquait la raison, dans un reportage ou un podcast qu'elle avait écouté, disant que nous avons une âme de victime, de proie face à ces prédateurs et qu'ainsi, on s'en protégeait en imaginant le pire. Je suppose que ça fait du sens mais est-ce réellement la raison? "Alors comme ça on s'intéresse au comportement des criminels?" demandais-je à cette femme qui semble avoir plus ou moins mon âge. Peut-être m'appartera-t-elle l'une des réponses. "Pourquoi cette fascination?" ajoutais-je immédiatement.

Soupirant, je roule en forme de tube le programme de la convention, une nouvelle fois, comme un geste incontrôlable qui ne réussit pas à calmer mon angoisse grandissante. Venue seule, débarquant tout juste après la fin de ma garde, à la clinique, je marche à une vitesse d’escargot, épuisée mais si heureuse d’être présente à ce genre de rassemblement. Ma passion dévorante pour les romans policiers, pour l’étude des tueurs en série et également pour ces thrillers que je dévore bien au chaud dans mon lit, le soir quand ma fille Alba et ma staffie dorment à poings fermés, remonte à si longtemps que je n’en trouve pas l’origine. Mon intérêt presque obsessionnel pour ce genre littéraire m’a poussé à me dégager mon après midi afin de venir à la rencontre d’auteurs et mon rêve le plus fou serait de rencontrer Joël Dicker, mon écrivain préféré. Mais avant de voir mon souhait se réaliser, ce qui me paraît hautement improbable car le suivant sur les réseaux sociaux, il n’a pas annoncé sa présence aujourd’hui dans cette jolie et agréable ville qu’est Monterey, je parcours les allées, le regard vitreux, luttant contre la puissante envie de m’endormir qui m’hypnotise. Après quelques minutes d’effroyables efforts, je finis par être captivée par une couverture, dont je dévore la quatrième, me laissant plonger par l’ambiance glaçante qui s’en dégage. Entendant une voix à mes côtés, je lève mon minois, étudie une poignée de secondes la question qui m’est posée et finit par répondre, pinçant des lèvres:

Sans doute parce que j’en ai rencontré un, une fois, sans le savoir?

Évoquer mes agresseurs lors de cette terrible et inoubliable nuit à Seattle ou subtilement souligner que l’amour de ma vie qui m’a lâchement abandonné est un monstre pour m’avoir simplement détruit le cœur est si personnel et grossier que j’en pose deux doigts sur mes lèvres, fautive. Rougissante, même. Mais souhaitant conserver la face, je me redresse, me gonfle d’un aplomb qui m’est foncièrement étranger et fronce les sourcils tout en demandant:

Vous n’avez pas la tête d’un gars qui aime les romans policiers. Je me trompe?

Rentrer dans le lard d’un parfait inconnu de la sorte n’est certainement pas une pratique courante, loin d’être dans mes habitudes.
Mais après tout…
Quand la normalité vous rattrape, c’est là que le monde devient fou.
Patiente, j’attends une réponse à cette étrange question mais à la fois parfaitement de circonstance en ces lieux.

Le traumatisme devant probablement être présent lors de sa réponse, au moins elle a bel et bien accepté la chose. Ce qui est fait est fait et n'est plus à faire malgré l'atrocité de l'acte. "Et de quelle nature celui-là ou ceux-là s'avèreraient-ils être?" Qu'est-ce qu'on entendait par criminel? Un meurtrier, un violeur, un braqueur, un fraudeur, ou quelqu'un qui s'habille avec mauvais goût? Chacun a sa notion de crime bien que pour certains cas, la majorité de la population n'a aucun doute mais Robin des Bois était un voleur mais un héros pour d'autres. Mon intrusion dans la conversation lui fait s'interroger quant à mes intentions dans ce genre d'évènements. "Eh bien ma foi, il m'arrive d'en lire, un petit frisson une fois de temps en temps ne fait pas de mal et je suis toujours en quête de nouvelles choses qui puissent me sortir de ma zone de confort." Autrement dit mais d'une manière plus longue, que ce n'est pas que je n'aime pas les romans policiers mais que je préfère le contemporain et l'historique bien que je n'ai nullement employé l'un de ces deux genres dans ma phrase. "J'aime parfois à lire comment les auteurs se mettent à la place des criminels pour essayer de déterminer leur façon d'agir, leur façon d'être. On peut sentir à travers leurs travaux soit leur manque d'informations, soit au contraire leurs recherches acharnées et je trouve cela intéressant." ajoutais-je finalement, haussant les épaules tout en continuant de feuilleter le bouquin avant de le reposer. "Si vous n'avez pas mieux à faire, je vous propose de continuer sur les autres stands." J'adresse un sourire pincé à l'écrivain, comme pour réagir à la dernière phrase prononcée; un travail mal ordonné d'après les peu de passages repérés à travers son œuvre. Un dernier regard pour la jeune femme avant de continuer ma route, sans savoir si celle-là même me suivra.

Je suis si épuisée par la journée de travail que je traîne dans les pattes et à la fois revigorée par cet échange incongru avec un parfait inconnu. Je n’ai jamais été farouche quand il s’agit d’engager la conversation avec d’autres personnes, au contraire, j’ai toujours adoré faire connaissance, découvrir d’autres personnalités, surtout quand il s’agit d’un de mes sujets préférés. Je me rends également compte que je me suis montrée bien directe en évoquant des monstres de mon passé. Fronçant des sourcils, je me mets à rapidement réfléchir à la réponse que je pourrais lui apporter, à cet homme bien curieux, souhaitant approfondir le sujet. Durant quelques secondes, je cherche mes mots et finit par entrouvrir les lèvres, après avoir longuement inspiré, lui annonçant:
Il y a ceux qui brisent des cœurs et d’autres qui exposent leur violence au reste du monde. Je ne sais pas dire dans quel cas je me suis sentie la plus vulnérable.
Inévitablement, le rouge me monte aux joues. Penser à mon grand amour perdu est douloureux mais repenser à l’agression dont j’ai été victime réveille des blessures que je tente d’oublier depuis plusieurs mois. Mal à l’aise, je trépigne, passe une main nerveuse dans mes cheveux, fuit du regard ce visage pourtant très agréable que me présente l’inconnu. Soulagée, la discussion s’oriente vers les romans policiers, un domaine qui m’apporte de l’apaisement, malgré la bizarrerie d’un tel sentiment. L’écoutant avec attention, je ne peux m’empêcher de rebondir, stimulée de pouvoir m’exprimer sur un sujet que je maîtrise d’avantage:
Tout à fait d’accord, j’ai toujours trouvé délirant la manière dont un auteur peut s’acharner à vouloir se mettre dans la peau d’un abject être humain. Et à la fois, c’est fascinant, n’est ce pas?
Je pose deux mains sur les hanches quand j’entends la proposition de l’amateur de romans policiers, hausse les sourcils et finit par adoucir mon attitude en répondant simplement:
Pourquoi pas.
Le sourire est de retour sur mes lèvres tandis que nous approchons du stand d’un auteur français sensationnel, envers qui je porte un immense respect. Attrapant sa dernière oeuvre de mes deux avides mains, je souligne, passionnée:
Cette saga est incroyable… Je n’ai jamais ressenti une telle empathie pour un personnage central. Ce flic est à la fois torturé, détestant l’être humain et ayant pourtant choisi de mettre sa vie au service des autres… Paradoxe qui soulève pas mal d’interrogations, n’est ce pas…?
Je me rends bêtement compte que je ne connais pas le prénom de mon interlocuteur, voilà donc pourquoi ma phrase reste mystérieusement en suspens. Désireuse de me montrer courtoise, je lui glisse, poliment:
Joanne, au cas où vous vous poseriez la question. Et vous…?
J’attends patiemment une réponse, qui peut potentiellement ne jamais arriver. Après tout, qui suis-je pour exiger une telle familiarité?
Sans doute ma spontanéité qui me fait souvent défaut, sans l’ombre d’un doute.

Je me rappelle avoir regardé durant l'un de mes passages en France, une émission avec un vieux barbu qui -d'après ce que je comprenais- faisait des devinettes ou de la poésie d'une manière assez mystérieuse. Je me souviens avoir pris du temps à décortiquer ses énigmes, des sourcils froncés, muré dans le silence pendant de longues secondes face à ce foutu téléviseur. Et si quelqu'un devait me voir à travers de leur fenêtre, il se serait probablement dit "Wow, quel personnage antipathique! J'aimerais pas avoir à me retrouver devant lui." Si je vous conte cette histoire, c'est pour vous aider à imaginer la perplexité qui devait se coller à mon visage à l'entente de sa réponse. Si j'avais voulu du lyrisme, j'aurais fait une partie de ouija avec mon poto Baudelaire. Devais-je comprendre que le crime qui la traumatisait n'était qu'un chagrin d'amour? Peut-être un règlement de compte si je prends note de sa phrase sur la violence, où l'être aimé aurait tout aussi bien péri, peut-être même des violences physiques infligées à la jeune femme dans la foulée. Ou peut-être me mettais-je complètement le doigt dans l'oeil, allez savoir. En tout cas, dans ce genre d'élocution où deux catégories sont présentées, Clint Eastwood, au moins, avait tranché. Quant à son comportement physique, je ne suis pas certain de devoir creuser davantage le sujet, préférant partir sur quelque chose de plus léger si je puis dire. "Fascinant est un grand mot je dirais. Intrigant peut-être mais je ne pense pas qu'il faille s'y attacher pour autant, garder ses distances avec ce genre d'obsessions plutôt malsaines. Mais je peux comprendre que certaines personnes soient férues de ce genre de sensations, d'envie de frisson et d'horreur. Un côté peut-être animal qui n'est pas tout le temps exploité par les gens, notamment lorsque la colère ne s'extirpe pas forcément." lui répondis-je, pensant aux faux-calme que sont quelques individus ou tout simplement ces tueurs en série qu'on pense innocents juste car ils sont réservés en temps normal et qu'ils ont une bonne tronche. Je lui propose tout de même de décaler, ne pensant pas que l'écrivain en question ait le potentiel que je pourrais espérer. Elle attrape un livre et m'en fait la présentation. Une petite moue se dessine sur ma face. "Il est possible de détester les gens par leur comportement, en sachant pertinemment que l'être humain est un connard tout en se disant qu'il soit possible qu'il reste une once d'humanité en eux." lui dis-je dans un premier temps. "Ou alors, il se met au service des autres, torturé probablement par un traumatisme vu que beaucoup d'histoires se basent sur des personnages mélodramatiques -étant donné qu'une vie où il ne se passe rien serait inintéressante pour le lecteur. Excepté les ravagés qui apprécient Madame Bovary par exemple, des sadomasochistes. Mais soit. Il pourrait très bien haïr l'humain, travaillant dans un domaine qui lui permettrait de se venger d'une vieille histoire étant la cause de son tourment sans pour autant être accusé de quoique ce soit, vu que ce n'est qu'un flic. Il pourrait faire les pires misères, ce n'est qu'un poulet. Il ne suffit que de sa version de toute façon pour tout accepter." ajoutais-je finalement. "Ou alors..." Et on pourrait continuer comme ça pendant longtemps... "Supposons qu'il ait perdu sa femme dans une situation horrible, soit cette dernière durant ses derniers moments lui aurait fait part de sa volonté à ce qu'il aide les gens et tiendrait donc sa promesse, soit par altruisme même en détestant les gens à cause d'une dépression qu'il ne parvient pas à surmonter, il ne veut simplement pas que les gens, aussi néfastes qu'ils soient, subissent la même chose que lui et préfère les protéger que de les savoir souffrir." Trois propositions, attendant la suite de sa présentation pour savoir si je suis proche du but dans cette première "analyse" de surface, ne connaissant pas tous les détails de ce foutu policier. "Et vous, quelles interrogations cela peut-il faire germer dans votre esprit?" lui demandais-je avant qu'elle ne se présente à moi, rapidement, comme pour passer à la suite, mettant les formalités de côté pour rester sur la conversation initiale. "Eh bien, je ne me posais pas la question mais si cela vous rassure de savoir à qui vous avez affaire. Charles." Je lui tends la main, quitte à rester sur des présentations courtoises, autant le faire jusqu'au bout, non?

Il est plutôt rare d’avoir l’occasion de rencontrer des personnes avec qui je peux discuter de cette drôle de passion que j’entretiens depuis des années. C’est vrai, inutile de masquer la vérité, quand les gens me croisent, ils se font un tas d’idées à mon sujet: que je suis une femme jolie et plutôt coquette, que je suis une infirmière consciencieuse, que je suis une maman célibataire courageuse d’affronter ma vie de front, que je respire la banalité. Mais personne ne peut faire face à sa vie sans une soupape de sécurité, qui offre un répit plutôt court mais nécessaire afin de pouvoir reprendre son souffle. Mon intérêt pour les romans policiers et par extension du monde des crimes divers et sanglants n’est pas récent mais je n’avais jamais vraiment réfléchi à son origine. Mais grâce à l’homme que je viens tout juste de rencontrer, je fronce les sourcils, me plonge dans d’intenses réflexions tandis que je l’écoute m’expliquer à quel point ce domaine peut être malsain. Oui, j’en ai toujours eu conscience, bien entendu. Cet attrait pour le sang, pour les meurtres… Mais ce qui me fascine encore plus que le coupable, c’est la manière dont on s’y est pris pour le démasquer. Cet enchaînement logique qui mène à cette déduction, à cette finalité qui mène à la fin de ses agissements. À cette vérité parfois évidente, bien trop souvent surprenante. Après tout, ce n’est jamais la première personne qui nous vient en tête le réel coupable des méfaits dont on l’accuse. Au contraire, nous lui trouvons le mobile parfait mais l’alibi l’est plus encore. Et ensuite, on cherche, on se questionne, on échoue, on fait face à la surprise et à la désolation. Quelque part, j’aime croire que personne ne s’en tire jamais libre d’avoir commis de tels méfaits. Même si les responsables de mon passage à tabac courent toujours…
Ce qu’on peut lire dans les romans n’est que la version améliorée de nos espoirs. C’est bien connu.
Ou alors, je suis simplement une grande idéaliste qui ne sait pas voir le monde tel qu’il est réellement.
Incapable de me restreindre, j’inspire un grand coup et ose exprimer mon point de vue:

Je ne suis pas d’accord sur un point: Il ne se passe jamais rien dans la vie des gens. Ce sont simplement de très bons menteurs en affirmant que tout va bien et de parfaits comédiens quand il s’agit de travestir leur réalité.

À qui le dîtes vous, n’est ce pas. Moi qui passe mon temps à masquer mes réels sentiments sur chaque étape de mon quotidien… Mais à cet instant, je n’ai plus envie de réfléchir, ni même d’anticiper. Prise par l’impulsion, je continue en disant:

Vous supposez de manière réfléchie… Et lire ces romans pour vous faire votre propre idée, ça ne vous dit pas?

Je tente un sourire timide, après tout, nous ne nous connaissons pas, très peu, notre rencontre date d’une poignée de minutes à peine. Je juge, comme tout être humain dans ce monde. Mais son questionnement est légitime, je ne me force pas en répondant, d’un naturel qui me surprend la première:

Je pense que… Lire ces romans policiers ne fait que renforcer ma profonde croyance que l’être humain peut réussir à être bon, malgré toutes les épreuves que la vie lui inflige. En réalité, plus je dévore ces histoires, plus je m’enfonce dans l’obscurité de leurs âmes, plus l’envie d’y allumer une vive lanterne est forte. Presque compulsive.

Une nouvelle fois, je rougis, je ne sais où me mettre d’offrir mon profil le plus honnête alors que je le connais à peine. Mais ce n’est plus vraiment un inconnu maintenant que je connais son prénom. Charles. J’adore. Haussant des épaules, je rétorque, mon sourire redoublant de sincérité:

Je dirais que ça permet de conserver un semblant de normalité. Enchantée!

Quelques secondes de battement, durant lesquelles je ne sais comment relancer la conversation. Et puis, attrapant un nouveau bouquin au hasard, je passe aux questions:

Et vous… votre genre littéraire? Ou… question plus banale à souhait, votre roman préféré? Je suis convaincue que répondre à cette question est un miroir de l’âme.

Et je dois avouer que je suis très curieuse de connaître la réponse!

C'est un point de vue intéressant que de me dire que les gens n'ont aucune vie. Du moins, j'aime à l'interpréter comme ça, grossièrement. J'entends par là qu'elle considère que, peu importe les épreuves qui font que nous avons un cv des meilleurs drames, ce n'est pas une raison pour que nous soyons mauvais. Mais comme elle le dit si bien, l'être humain est menteur et hypocrite mais il est aussi très souvent : "Rancunier, susceptible et fier seraient aussi de bons adjectifs à rajouter à cette longue liste de défauts dont l'Humain est capable." Et encore, cette énumération est assez restreinte en soi. Chaque profil a sa manière d'être bien qu'il reste similaire sur de nombreux points. Chacun de nous avons au moins un des sept péchés capitaux comme vice. Il est rarement difficile de se tromper. "Et bien ma foi, je pourrais essayer un de ces jours mais ce n'est guère dans mes projets pour le moment." lui avouais-je en lui rendant son sourire. J'ai déjà une pile de cinq livres qui m'attendent, je n'ai pas réellement envie d'en rajouter davantage. "Mais si vous avez des titres, j'essaierais de les retenir." ajoutais-je avant de l'enchaîner sur une étendue de possibilités sur la tournure de son roman, qui se stoppe après quelques exemples. Ce serait dommage de la voir s'enfuir pour cause de trop grande bavarderie. Mais je préfère émettre les suggestions les plus plausibles avec le peu d'indices qu'elle me donne. Puis je lui demande son avis, qui ne fait que confirmer la bonne interprétation de ses mots. "C'est aussi une manière de voir les choses. Altruiste et optimiste dans l'âme. J'ajouterais même battante." En y mettant presque ma main à couper. J'aurais pu la qualifier de "philanthrope" mais je trouve ce terme assez fort pour me permettre de l'attribuer à quelqu'un. En tout cas, je sais bien à qui il ne correspond pas : ces personnes qui se vantent de l'être et celles qu'on présente comme tel. Soit. Des présentations brèves faites, la jeune femme, @Joanne Prescott tente de relancer la conversation. Mes sourcils se haussent à l'entente de ses questions et je ne peux m'empêcher de sourire tout en soufflant doucement du nez. "J'ai intérêt à bien faire attention au choix à donner alors." Quelques secondes de réflexion. "Je ne saurais sélectionner qu'un seul livre mais je sais que certains m'ont marqué comme Le Comte de Monte-Cristo ou encore Fahrenheit 451." Je marque une faible pause. Je reconnais que la pensée de lui citer Mein Kampf et Le Prince de Machiavel en livres favoris m'a traversé l'esprit mais je crois qu'il est plus sage de ne souffler mot. Une réponse qui n'aurait fait rire que moi. "J'ai tendance à apprécier davantage la littérature, au sens large du terme, parfois des romans historiques mais si je ne devais choisir qu'un seul genre, je pense que ce serait ceux qu'on considère comme "classiques". Mais chacun ses classiques n'est-ce pas?" Le contemporain aussi pourrait être égal à ce genre mais les écrits d'aujourd'hui n'ont pas ce lyrisme, ces images, ces tournures de phrases qui vous transportent, ces détails que j'apprécie tant dans les romans d'antan. "Et donc, quelle analyse de ce miroir de l'âme pouvez-vous en tirer avec une telle réponse?" lui demandais-je, un petit sourire joueur dessiné sur les lèvres.

Débattre est si riche, les idées des uns forgent les convictions des autres. Je n’ai pas hésité une seule seconde afin d’offrir mon point de vue sur le sujet qui nous occupe alors que d’ordinaire, je suis animée par la peur panique de me faire juger. Non pas que je ressente une quelconque honte envers mes préférences littéraires, c’est plutôt que je ne suis pas à l’aise avec l’idée de me mettre en avant. Discrète d’ordinaire, je me retrouve alors confrontée à un échange verbal fort intéressant mais pour lequel je ne suis pas suffisamment entraînée. Fort heureusement, je me sens parfaitement à l’aise, les phrases filent hors de mes lèvres, mes certitudes appuyées, mon sourire naturel. Lorsque je l’entends ajouter d’affreux adjectifs concernant les êtres humains dans leur globalité, je fronce des sourcils sans pour autant rétorquer. Voilà donc ce que m'ont appris les romans policiers: la noirceur de l’âme de certains n’a d’égale que l'immensité de notre imagination. Nous sommes tous différents, avec notre passif parfois douloureux, nos failles, nos fêlures. Accepter qu’elles existent n’est pas une forme de faiblesse mais ignorer à quel point elles peuvent être dangereuses relève de la pure folie.
À ma question concernant son propre intérêt pour les romans policiers, il me rétorque que ce n’est pas à l’ordre du jour, ce qui me pousse à réfléchir à des titres que je pourrais lui conseiller:

Si j’ai des romans en tête… Mmm… Voyons voir… Déjà, il faut absolument attaquer par des classiques, tels que Maxime Chattam et Agatha Christie. Je n'oublierai jamais la première fois où j’ai lu “Le Crime de l’Orient Express!”? J’en ai eu des frissons jusqu’au bout des orteils.

Et c’est la vérité, pas simplement une banalité effarante lancée dans la discussion comme un bout de viande dans l’arène aux lions. J’étais jeune, ma lampe de chevet actionnée afin de m’offrir une source de lumière douce et apaisante, bien au chaud sous ma couette alors que dehors, une véritable tempête faisait rage. Je n’avais aucune idée de ce que je m’apprêtais à découvrir, tandis que je démarrais en me contentant d’un simple chapitre.
Trois heures plus tard, j’étais ébahie d’apprendre la vérité, de la force de cette histoire, de la complexité des détails, de l’évidence même du mobile.
Tout était parfait. J’étais estomaquée.
Et depuis, je cherchais sans arrêt ce grand frisson, cette admiration que je ressentais pour ces génies de l’écriture.
Les paroles de l’inconnu sont bienveillantes et il souligne qu’il doit faire attention à la réponse qu’il pourrait m’offrir, concernant son style littéraire. Il faut dire que j’ai dû l’effrayer, avec mon jugement qui pourrait s’avérer bien tranché. Pourtant, quand il m’annonce avoir deux romans en tête, qui paraissent différents mais qui à la fois se ressemblent étrangement, j’inspire, fait quelques pas dans sa direction et avoue, penchant la tête sur le côté:

Un constat tout simple: les classiques sont rassurants, ils réconfortent et apportent cet appui qui nous manque parfois, dans la vie. Et à la fois… Vous avez besoin d’arrêter de réfléchir. De laisser votre esprit s’adonner à des lectures complexes qui pourront, sans doute en vain, empêcher votre cerveau tourmenté de tourner à plein régime. Je me trompe?

Quelle audace, Joanne, cela ne te ressemble en rien, voyons! Je souris timidement, sens le rouge me monter aux joues quand je sens dans la poche arrière de mon jean une vibration familière, l’arrivée d’un appel. Levant le doigt en direction du jeune homme afin de m’excuser, je prends rapidement l’appel car il s’agit du travail. Et en la matière, rien ne pourrait davantage occuper mon attention. La conversation est rapidement terminée, elle concernait surtout un patient sur le point de quitter la clinique. Inspirant et sentant que la fatigue s’apprête à me cogner la nuque sans vergogne, je propose:

Un café, peut-être? Histoire qu’on puisse élaborer comme il se doit cette fameuse liste de romans que je pourrais vous recommander. Et il faut que je conserve les yeux ouverts, la caféine est grandement recommandée, dans ce cas.

La foule est de plus en plus dense et mon lit m’appelle, je peux l’entendre s’époumoner. Mais curieusement, je décide de faire la sourde oreille.
Dans la vie, il faut parfois lutter et profiter de chaque instant, aussi étrange soit-il.

J'hoche la tête en écoutant les recommandations qu'elle me fait. Il est vrai que pour une entrée dans la matière, un bon Agatha Christie pourrait faire l'affaire. Je reconnais n'avoir vu que des adaptations de ses romans sur grand et petit écran et ne connais que quelques anecdotes à son sujet sans pour autant avoir consommer ses écrits. D'ailleurs, le saviez-vous? Le Crime de l'Orient Express a été inspiré lors de son voyage en solo en Irak (pour faire des fouilles archéologiques, étant une passionnée) après son divorce, dans et par le train du même nom. Mort sur le Nil aussi a été extrait de ce voyage. Soit. Anecdote possiblement inintéressante pour j'aime à retenir des choses dont on se moque. Pour ce qui est de ce Maxime, un français me semble-t-il, j'ai cru entendre qu'il était plutôt sujet au gore, au cru, à des choses dont j'ai eu l'habitude et voulant m'en éloigner le plus possible, même en lecture. Mais étant aussi le premier à critiquer les films où il est question de tueurs à gage ou d'élite car je me cite "Je n'aurais pas fait comme ça" ou encore "Il est vraiment trop con, tu m'étonnes qu'il se fasse courser". Dixit aussi le type qui a pris la fuite à cause d'un coup qui a mal tourné. Bref, là n'est pas la question. "Eh bien, lorsque je le prendrais, pour Agatha, je penserais à vous alors et à cette petit journée sympathique." lui adressais-je en guise de réponse avant de passer à un léger interrogatoire -est-ce vraiment un interrogatoire lorsqu'il n'y a qu'une question? Elle dessine un portrait de ma personne juste à l'aide de deux romans et je ne peux m'empêcher de sourire en coin. "Il y a du vrai dans ce que vous dites. Ils ne me réconfortent pas réellement, c'est surtout une question d'écriture et de langage qui, à l'époque semble aux oreilles plus... Comment dire? Raffiné? Mais vous marquez un point pour ce qui est du cerveau en ébullition si ça peut vous rassurer." Je m'apprête à renchérir, lui demander à son tour le roman qu'elle préfère mais elle revient à la charge en me proposant un café. J'acquiesce, tout simplement. En longeant les stands, j'attrape un stylo et un papier à la volée, me retournant pour voir si l'auteur l'a remarqué, souriant en le voyant se fouiller et se tourner dans tous les sens. "Et vous, du coup, votre roman préféré? Si je ne le connais pas, je vous demanderai son genre, l'époque si vous la connaissez et le pays d'origine de ce dernier. On verra si on peut faire une analyse concrète avec ce genre d'informations." Je ne suis pas encore la bibliothèque d'Alexandrie alors il est fort probable que je ne sache pas de quoi elle parle. Je n'ai rien précisé de mon côté, sachant qu'ils sont classiques pour bon nombre de lecteurs mais ne sait-on jamais si cette dernière sort du sentier en se réconfortant avec des lectures oubliées ou inconnues au bataillon. La petite cafétéria se présente à nous "Un café noir s'il vous plaît, je vous en remercie." et nous venons nous installer à l'une de ces tables de brasserie. Stylo et feuille sur la table, je note d'une écriture bafouée le nom des deux auteurs déjà mentionnés ainsi qu'un titre. "J'ai d'autres lectures que j'aimerais mettre en priorité donc je vous laisse libre cours de faire un top... 10 pour les bouquins à lire dans ce genre." lui dis-je, avant de prendre une gorgée de ce café amer.

Je devrais rentrer, reposer ma pauvre carcasse qui est si épuisée, mettre mon esprit au repos, lui qui travaille d’arrache pied, ces derniers temps. Je suis dans l'œil du cyclone, aux portes d’une tornade qui pourrait tout emporter sur son passage. Mais je lutte. À ma manière. Je résiste, les deux pieds ancrés dans le sol, incapable de me mouvoir, lutter tout en passivité. Tel a toujours été mon angle d’attaque, ma défense imperturbable. Mille choses à faire m’attendent, de la simple tâche domestique de ménage jusqu’à la plus importante conversation que je n’aurais jamais à mener, avec un fantôme de mon passé que je ne pensais jamais retrouver. Pourtant, je suis parfaitement éveillée, comme revigorée par cet échange impromptu. Puis-je me permettre de lire entre les lignes et de supposer une certaine fuite? Sans doute. Partager un café avec un inconnu, proposition qui a été savamment acceptée sans un mot, n’est clairement pas la meilleure des idées, sur le papier. Mais parfois, l’impulsivité a du bon. Elle me rassure, tant elle est étonnante, diversifiante. Sortir des sentiers battus, c’est tout ce que je mérite. Et malgré mon incapacité à quitter le cadre rassurant de ma vie monotone, aujourd’hui, j’ose espérer à une légèreté étonnante, à un renouveau qui pourrait être le début de la fin.
Mais il n’est clairement pas de bonne augure de penser à ce genre de détails. Pas ici, pas maintenant. Je préfère me concentrer sur ce café brûlant, que je viens de commander. Installés confortablement à une table quelque peu excentrée, j’en avale une longue gorgée avec précaution. Le liquide chaud m'anesthésie la gorge et je m’étrangle à moitié en écoutant la question posée par Charles. Après avoir posé le gobelet sur la table crasseuse, je pince des lèvres et avoue à demi mots:

Mon roman préféré…? Étrangement, ce n’est pas un roman policier. Je ne sais donc pas si l’information a une quelconque utilité au sein de notre échange.

Mon ton se durcit, j’attrape inévitablement un bouclier familier qui me protège des agressions extérieures. À fleur de peau, sans doute à cause des tourments sentimentaux que je connais dernièrement, je me brusque, me referme comme une huître. Je ne sais pas, révéler cette information est… un peu trop intime à mon goût. Mais reprenant ma bonne humeur habituelle, je me penche sur le morceau de papier dégoté par mon partenaire et murmure, très concentrée:

Un Top 10 des meilleurs romans policiers? Allez, volontiers. Alors… J’ajouterais sans aucun problème un roman d’Harlen Coben, tel que “Ne le dis à personne”. “Shutter Island”, également, le twist final est incroyable. “Le Poète”, de Michael Connely, est également une pépite. Un roman de Stieg Larson est également à prévoir tout comme le classique de Doyle, “Le Chien des Baskerville”...

Si on ajoute un des romans d’Agatha Christie, la liste grimpe à six romans. Cherchant quelques instants les quatre derniers, je sirote mon café jusqu’aux trois quarts, ignorant le message que je viens de recevoir sur mon smartphone posé négligemment sous mes yeux et qui pourtant, à lui seul, équivaut à une perturbante énigme digne du meilleur thriller de l’Histoire.
Mais ça…
C’est le roman de ma vie. Aussi indéchiffrable que complexe, la seule histoire que je ne sais savourer, tant ses rebondissements et ses chapitres paraissent interminables…

Un léger froncement de sourcils. L'aurais-je froisser? J'essaie de me refaire la question que je lui ai posé mais ne parviens pas à discerner ce qui aurais pu clocher. Tentons tout de même de savoir ce roman si précieux qu'il ne faut apparemment pas le divulguer. "En soi, c'est toujours du domaine de la littérature donc il peut être pris en compte, policier ou non. Un roman fantastique, une belle et triste histoire d'amour? Un témoignage bouleversant?" Qu'est-ce qui pourrait la faire réagir, un signe presque invisible? Mais la conversation s'enchaînant, restant sur la ligne directrice, elle repend ce sourire qui, le temps d'une trentaine de secondes, s'était effacé. Un terrain plus neutre je suppose, elle face à un inconnu, peut-être est-ce trop personnel pour elle quand je ne vois qu'un semblant d'analyse à travers un bouquin, quelque chose de vague, qui en dit long tout comme il ne dit rien. Je ne suis personne, pas la peine de se dévoiler. Peut-être est-ce là son raisonnement. Je prends note des noms qu'elle me donne, hochant la tête à l'entente de certains noms qui me sont familiers, ayant vu les films. "Stieg Larson, vous avez dit quoi?" Je ne crois pas l'avoir entendu ou peut-être ai-je eu bien trop d'informations d'un coup. Un point. "Ok, nous sommes à mi-chemin. J'écoute la suite." lui dis-je avant de prendre une gorgée du café. Je continue d'écrire d'autres noms mentionnés et rebouchonne le stylo. Je prendrais le soin d'aller les chercher un par un et dans cet ordre. Une autre gorgée, un ange passe. "Je crois que j'évite le genre policier car j'en ai plus ou moins bouffé durant mes études. A l'exception qu'il s'agissait de bouquins imbuvables sur les méthodes d'analyser les gens, de savoir évaluer la psychologie des tueurs et certaines références de vraies affaires qui se sont passées, ou d'autres encore qui se mettent à la place de certains de ces criminels, comme si c'était jouissif de décrire de a à z les intentions et les détails de massacres qui ont marqué énormément de vies. Je crois que je me mettais à la place des familles, si elles devaient recevoir ce genre de conneries entre les mains, comme si les raisons qui l'ont amené à cet acte étaient valables, compréhensibles." lui lançais-je, comme ça. Quitte à être coincé ici, ce serait assez malpoli de ma part de m'en aller d'un coup, la laissant seule avec son petit café. Par contre, nous pouvons applaudir l'hypocrisie qu'il y a dans ces paroles bien qu'elles soient pourtant honnêtes. Pourquoi me suis-je laissé embarqué dans ma jeunesse à ce genre d'activités?

Je dois avouer que je suis soulagée de pouvoir enfin m’affaler sur une chaise, je sens que mes jambes ne pouvaient pas me porter bien plus longtemps. Boire ce café, prendre le temps de respirer, de reprendre mes esprits me fait un bien fou et de toute manière, je n’ai pas trop le choix. Ma fatigue générale pourrait m’engloutir pour de bon mais discuter ainsi de ma passion avec un quasi inconnu m’insuffle un regain d’énergie inespéré. Je suis aspirée par mon intérêt pour les romans policiers et je me concentre davantage afin de produire un début de liste plutôt cohérent et solide. Je farfouille dans les tréfonds de mon esprit, tente de me souvenir de la toute première fois où j’ai découvert ces fabuleux écrits. Charles m’intime de poursuivre et tandis que j’avale de travers une gorgée de mon café, je fronce des sourcils et je souffle, gênée:

La suite… Laissez-moi une minute, ma mémoire me fait cruellement défaut, aujourd’hui. Sans doute à cause de l’épuisement… Vraiment navrée de vous infliger une pareille compagnie.

Ma moue est timide, mon regard dévie, encore et toujours, sur ce téléphone. Je rêve qu’il se remette à vibrer et à la fois, je suis effrayée de l’espoir qu’il pourrait me procurer. Écoutant avec attention les propos de Charles, je finis par l’interrompre, une main dans le vide, tout en le questionnant, cherchant au fur et à mesure les propos adéquats pour exprimer mes idées:

Je… Euh…. Je crois que je ne comprends pas bien… Dans votre passé, vous avez été forcé d’étudier de tels romans? Si je les lis, pour ma part, c’est pour le plaisir, même si c’est complètement dingue de l’avouer à voix haute. Vos études, elles concernaient quel sujet?

Je suis sans doute une impitoyable curieuse en posant ce genre de question, mais je dois avouer qu’il m’intrigue. Il suffit de le détailler avec un peu plus de précision et de patience pour réaliser à quel point il est atypique dans sa banalité. Un visage peut-être presque passe partout, mais un charisme, un certain bagout qui ne tromperait personne. Sa profondeur de personnalité m’intrigue mais je n’ai pas envie de rester plus longtemps dans un jugement loin d’être intéressant et sans doute surfait. J’aime baser mes échanges sur des faits concrets et non pas sur de vaines suppositions.
Et puis, je ne sais pas ce qui me pousse à lui raconter ce détail, mais je finis par cracher le morceau, sans doute le plus douloureux et intense de toute mon expérience de vie:

Je me permets d’ajouter que je sais que ça fait. Enfin, que ma famille sait. Quand je me suis faite agresser, en sortant du travail, un soir, à l’hôpital central de Seattle, j’ai crû mourir. Et plus encore. Ma famille, elle, sait ce que ça fait, connaît ce sentiment. Qu’un monstre ai pu s’en prendre à une des personnes auxquelles ils tiennent le plus. C’est inhumain. Cruel. Et surtout gratuit.

Je renifle, perdue dans mes propres souvenirs, mes traumatismes que j’enfouis avec tant de vigueur.
Il suffit d’un rien pour que la tendance se renverse et que mon assurance finisse par me faire défaut, je le crains…

Un peu de repos dans cette course qui ne fut pas si longue mais dont une pause n'est pas de refus. Je laisse souffler la jeune femme avant de revenir à l'attaque par mes questions et la suite de cette liste que je souhaite voir terminée d'ici la fin de l'après-midi. Elle s'excuse de choses qui ne devrait pas demander de pardon et je secoue légèrement la droite à gauche. "Ne vous en faites pas, j'ai tout mon temps et j'ai eu bien pire en guise de compagnie." Vu les fréquentations que j'avais ou de corps gisant dont je devais me débarrasser. Pas très bavard pour ces derniers mais si reposant! Du silence. Quitte à traîner tous les deux, je lui confie mon aberration pour ce type de lecture, tentant de lui faire comprendre le pourquoi du comment je m'en suis détaché. "J'étais dans des études de criminologie. Ils s'éclataient à nous recommander des romans policiers -dont j'ai oublié les noms, je le reconnais- en plus des bouquins de méthodologie. Ils n'étaient pas obligatoires mais quitte à se donner à fond, autant y aller jusqu'au bout." Un haussement d'épaules. Des témoignages à vous glacer le sang, des tueurs fous avec un but précis dans leurs actes. Etrangement, je ne me sentais pas concerné alors que j'étais en plein dedans, détaché au plus haut point, comme si ces individus n'étaient que des chiffres, ceux qu'on me donnait en liquide. Aucun acte de vengeance, si ce n'est qu'une fois, pour rendre justice, ni de fond politique bien que parfois certains de ces gens-là étaient haut placés. Rien de personnel. J'étais certes à mon compte mais les personnes qui m'engageaient savaient bien ce qu'elles faisaient; pas de simples victimes innocentes, des personnes qui leur faisaient barrage et dont il fallait effacer. Dans ces récits, seuls les passages des familles et de leurs ressentis me faisaient frissonner. Lorsqu'on est sur le terrain, on n'y pense pas particulièrement, excepté lorsqu'on s'imagine dans cette situation, l'une des raisons qui m'a poussé à arrêter je dirais, réalisant davantage l'horreur que je faisais subir. Est-ce que je regrette tous ces meurtres? Oui, je ne suis pas un sociopathe mais je ne peux réparer mes erreurs alors à quoi bon? Même si je venais à verser à chacune des victimes l'argent qui m'a été payé, je ne pourrais panser leurs maux. Alors je le répète, à quoi bon? Mais la personne à mes côtés se portent sur la confidence, me lançant comme un autre coup dans le coeur lorsque j'entends ses mots. Je ne connais pas la nature de son agression mais à mes yeux, elles sont toutes au même niveau. Je baisse le regard, en faisant tourner mon gobelet avant d'en prendre une gorgée. Je ne peux qu'approuver ses dires. "C'est inhumain, comme vous le dites. Des questions qui se taraudent dans la tête. Pourquoi moi? Pourquoi leur faire subir un tel châtiment? L'ont-ils mérité? Qui le mérite réellement? Je pense que lors de ces actes gratuits, ces interrogations ne les ont même pas ébranlé, traversé l'esprit. Ils sont généralement dans l'instant présent sans se soucier des conséquences. Et qui pourrait leur rendre justice lorsque ce fardeau qui repose sur les épaules s'enfuie, sans aucune trace, sans connaître la moindre chose à son sujet pour pouvoir le condamner?" Un monologue presque sans fin. "Que s'est-il passé exactement, si cela n'est pas trop indiscret mais quitte à être dans la confidence..." Et j'ai bien ressenti ce que cela pouvait causer, la mort de cet ami commun avec Albano, l'ayant vu mourir sans pouvoir rien n'y faire, l'expliquer à sa famille ainsi qu'à son ami de tous les temps, sans pouvoir les soulager de cette peine qui les plongèrent dans les ténèbres de la dépression, cette dernière se retrouvant sur leur visage toujours et à jamais endeuillé. Ayant vécu de près ce genre de malheurs, je reconnais avoir tenté de renoncer à ces sentiments et à cette morale qui peuvent bloquer le passage à l'acte. Une fois débarrassé, on s'en porte mieux mais dès lors où le déclic se fait et qu'on commence à ressentir, c'est comme une course contre la mort qu'on se voit obligé de fuir. Et de repartir à zéro en ne sachant jamais si, malgré notre activité qui a cessé, devra revenir au galop dans des situations qui demandent de la reprendre. De l'air, seulement de l'air. Comment effacer tous ces péchés qui m'amèneront tout droit en enfer?

Dans ma vie, le hasard n’a pas eu l’occasion de connaître une grande place. Ou en tout cas, j’ai toujours tout fait, luttant contre vents et marées, afin que jamais il ne prenne le dessus sur ma farouche volonté à contrôler mon existence.
Fatalité. Je déteste ce terme. Il m’insuffle une angoisse grandissante, une panique qui pourrait me faire basculer du côté obscur de mon ordinaire et patiente personnalité. Je l’ai toujours fui, évité comme la peste, de manière plus ou moins brillante, tout dépend du point de vue. Alors, comme tout individu normalement constitué, je cherche à de trop rares occasions une soupape de sécurité. Un moyen de m’évader, d’échapper à l’apparente tranquillité de mes journées, à l’inquiétude qui parfois m’opprime, me compresse la poitrine, m’empêchant d’assouvir le plus naturel des besoins, respirer.
Quelle drôle d’ironie de désirer à ce point découvrir l’horreur chez les autres alors que je l’ai connu, et pas qu’une fois, en prime. Comme tout être humain, j’ai vécu des drames, qui se sont occupés de me marquer à tout jamais. La disparition de ma mère, le départ d’Eliott. Le manque, je le connais. Que trop bien, d’ailleurs. Mais j’ai toujours lutté contre, presque espéré qu’il finisse par disparaître. Un jour ou l’autre. Sauf que c’est un sacré salaud, qui s’est accroché. Avec lequel il a fallu composer. Par la force des choses.
Et puis, je ne suis jamais à court de surprises. J’en découvre des spectaculaires, aux côtés de Charles, quand il m’apprend avoir suivi des cours de criminologie. Soudainement très intéressée, de manière presque trop intensive, je me penche dans sa direction, mon menton entre mes mains et le questionne, avide d’obtenir des détails sur un sujet qui me fascine tant:

Oh, mais quelle chance! Enfin… Tout dépend du point de vue, j’imagine. Comment en êtes-vous arrivé à ce genre… de sujet d’études, si j’ose dire?

J’attends patiemment une réponse de sa part mais il enchaîne aussitôt sur des explications plutôt détaillées, de sa voix si reposante et captivante à la fois. Je bois littéralement les paroles de Charles et je sais très bien à quel genre de femme je dois ressembler, en me comportant ainsi. Un savant mélange entre une psychopathe et une curieuse bien déplacée. Mais ma fascination ne date pas d’hier et les événements que j’ai vécus ne doivent pas changer ma perception et mon intérêt parfois inapproprié sur un tel sujet. Et puis, lentement mais sûrement, la discussion devient moins hypothétique, beaucoup plus concrète. La question tombe, tel un couperet. Mais je ne me défile pas, bien au contraire, je n’imagine pas une seule seconde l’esquiver, alors, je réponds, après une longue réflexion, plongée dans mes obscurs souvenirs:

Le raconter est possible, désormais, je dirais que j’ai… digéré la chose. Il était temps. Un soir, en sortant du travail, lorsque j’étais une heureuse infirmière de l’hôpital de Seattle, j’ai été victime d’une agression… Qui a failli me coûter la vie. J’ai été laissé pour morte, pauvre débri, en morceaux, détruite par ce déferlement gratuit de violence. J’ai été sauvé par le courage d’une incroyable âme… Et j’ai eu envie, plus d’une fois… de me venger. De les retrouver, de mémoire, ils étaient deux… De mettre la main dessus et de leur infliger la même souffrance, la même peur… Qu’ils réalisent l’ampleur des conséquences de leur geste…

Je me stoppe, réprime un souffle, avec deux doigts sur mes lèvres. Plus que honteuse, sentant le feu de la gêne embraser mes joues, j’ajoute, jouant avec mon gobelet vide, résistant à peine à l’envie d’en commander un nouveau:

C’est mal, n’est ce pas. Mais il n’y a rien de plus légitime que de réclamer vengeance… Et c’est ce qui m’obsède, dans les romans policiers. L’intrigue y est développée, argumentée, narrée avec tant de passion. Et moi, je n’ai connu que la fin, l’instant crucial d’un déchaînement d’agressivité… L’origine? L’excuse? L’explication? Je ne le saurais jamais…

Profond soupire qui clôt une tirade que je n’imaginais pas être capable de prononcer un jour.
Que m’arrive-t-il…?
Suis-je en train de me dévoiler, de manière aussi crue que possible?
Aussi brutale que peuvent l’être ces personnages dans les romans que j’apprécie tant dévorer…?

Un sourire amusé vient se dessiner sur mes lèvres lorsque je la remarque se mettre dans une position des plus intéressées. Eh bien. Normalement retracer son cursus scolaire ne passionne personne mais allez savoir. Des gens sont bien fascinés par les champignons et le mycellium. Bon, de mon côté, un peu d'huile d'olive et du pesto et c'est réglé. Pas de quoi en faire tout un plat. (Excellent d'ailleurs, allez essayer. Un peu de poivre, du sel, du jus de citron et basta! Vous me remercierez.) Mais puisqu'il faut répondre. Un raclement de gorge. Par où commencer, tiens? "De base, j'ai une "licence" de droit, spécialisation en droit pénal, les mathématiques en option. Pour les maths, je me suis peut-être un peu perdu mais je les vois comme un autre langage, beaucoup de symbolismes et qui peut énormément jouer en fonction des crimes. La date, le nombre, même en rapport avec la religion!" C'est comme le nombre "23" ou même le "13", leur réputation n'est plus à faire. Prenez n'importe quel film et amusez vous à calculer le numéro de chambre, le lotissement, à les additionner, à les multiplier. Vous parviendrez très souvent à l'un de ces deux chiffres. La chambre 1408, ce n'est pas pour rien. Un clin d'oeil. Et saviez-vous à quel point les symboles dans leur globalité me fascine! Mais bon, je ne me pencherais pas davantage sur ça, je pense qu'elle s'en balancerait. Allez Charles, magne-toi! Enchaîne. Tu n'es pas à un entretien là. "Bref. Je voulais être avocat de base, défendre les plus faibles et surtout ceux qui ne peuvent se permettre d'embaucher quelqu'un de compétent." Car sans aucun doute j'aurais été un as dans mon domaine. A l'usure je les aurais eu tous. Est-ce que je me surestime? Nullement. Seulement à ma juste valeur. "Mais tout en apprenant, malgré les lois pour les tenir en laisse, en sachant les conséquences qu'il peut y avoir derrière, je me suis demandé ce qu'ils avaient bien dans la tête. Je crois que c'est venu de là. Je voulais connaître leur psychologie, le moindre de leur mouvement, leurs micro-expressions, le ton de leur voix. En soi, être profileur, d'où mon "master" en criminologie." Un haussement d'épaules. Qu'est-ce que je pourrais dire de plus si ce n'est la vérité? D'ailleurs, pour la petite anecdote, quand la série avec Tim Roth "Lie To Me" est sortie, j'en étais presque aux anges. Les acteurs étaient vraiment bons pour se mettre dans la peau des personnages. Ils les ont bien étudié à fond, perfectionnant ces micro-expressions que j'affectionne. Passons.

Je tente de rapides explications, me mettant à la place de ces monstres -Quel comédien que je fais!-, essayer de répondre à des questions que les victimes pourraient se poser, que les criminels pourraient se poser. Bien qu'on cherche les réponses, je pense que parfois, dans le fond, tout ce qu'on veut, c'est de ne pas savoir, se faire sa propre raison, sa propre justice, qu'elle soit correcte ou non. Puis une interrogation peut-être fatale, mal placée de ma part mais @Joanne Prescott ne se défile pas. Signe qu'on guérit peu à peu. Des hochements de tête pour l'inciter à continuer, un rictus lorsque je la vois se repasser la scène devant les yeux. "On peut déjà se demander si vous aviez des ennemis à Seattle. Si votre compagnon ou vos parents en avaient aussi. Vous pouvez être la simple conséquence d'une connerie d'un de vos proches, la famille et surtout les femmes étant les proies et les faiblesses les plus facilement atteignables d'un homme. " Une pause. "Où peut-être s'étaient-ils échappé d'une de leur "mission" et ayant emprunté ce chemin, vous vous êtes juste retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment, un témoin qu'il fallait anéantir. Le garder en vie serait un risque inutile." Dans les premiers instants, ce serait les solutions les plus adéquates mais peut-être y a-t-il quelque chose de plus profond. "Avez-vous porté plainte? Les agresseurs ont-ils été arrêté? Y a-t-il eu un procès? A quel point vous rappelez-vous de leurs visages? Etaient-ils familiers?" Je ne dis pas qu'autour de cette table de plastique nous sommes en train de rouvrir l'enquête mais si ma vision des choses peut l'aider à en comprendre davantage... "Quelle explication donnez-vous à cela et en quoi ces fameux romans policiers ont-ils bien pu vous éclairer? Vous êtes-vous reconnue dans l'une de ces histoires? De ces témoignages, parfois?" continuais-je à l'interroger avant de terminer par un "Si je parle trop et vous oppresse, n'hésitez pas à me le dire. Je vous reprends un café? Vous semblez en avoir besoin." lui lançais-je en me levant pour prendre la commande.

Nous avons sans nul doute légèrement débordé du sujet initial.
Constat impartial, discussion salutaire? J’ai la tête qui tourne et à la fois, je ne me suis jamais sentie autant lucide durant un échange verbal avec un semi inconnu.
Volubile, c’est étonnant, au vu de mon caractère de toujours.
Mais mon interlocuteur l’est, m’offrant des informations à ce sujet, qui me pousse à hausser un sourcil, réellement impressionnée. Les études m’ont toujours passionné et je suis en profonde admiration face à ceux qui se nourrissent l’esprit et l’âme de connaissances. Et puis, de fil en aiguille, je réalise l’étendu de nos points communs. Défendre les plus faibles, sans presque rien demander en retour. J’ai été dans cette position, je me suis sentie rabaissée, plus bas que terre, alors que rien dans ma vie ne me prédestinait à ce quasi funeste destin. Chacun d’entre nous peut connaître le pire, même quand il fournit tous les efforts du monde pour mériter le meilleur. Nous avons beau travailler, réfléchir, correctement nous comporter ou construire des pensées raisonnables et bienveillantes, rien ne nous sauve du mal. Il a la capacité de prendre tant de formes.
J’en ai été la victime, il n’y a donc rien de mal à vouloir analyser les bourreaux.
Le savoir, c’est la liberté, non?

Je ne pensais pas une seule seconde qu’en me confiant, je finirais par devenir un véritable sujet d’étude pour Charles. Mais je ne peux pas lui en vouloir, depuis de longues minutes déjà, nous tournons autour du pot, j’ai tout simplement fini par révéler tous les détails de ma sombre attirance pour un domaine dans lequel je me reconnais, désormais. J’ai moi-même enlevé le couvercle, en somme. Sa succession de questions ne me dérange pas le moins du monde mais me surprend quelque peu, c’est indéniable. À la mention de l’agression sexuelle, je me redresse, comme piquée par une aiguille invisible. Je n’ose plus ciller et je finis d’exterminer ce gobelet en carton en lui assénant une poignée fatale. Tant pis pour lui.
Détruire pour ne pas subir? C’est donc le chemin que je souhaite emprunter, désormais?
Certainement pas.
Tout ce que je désire, c’est faire preuve de résilience. Ne plus regarder vers le passé afin d’avancer au mieux en direction d’un avenir qui sera, de toute manière, synonyme d’oubli.
Mais j’ai beau avoir essayé, rien n’y fait. Je n’arrive pas à passer au dessus de cet événement traumatique, ressassant les souvenirs, encore et toujours, nuit après nuit, depuis des mois déjà. Et mon attrait pour les romans policiers n’arrange rien, c’est une boucle infinie que je n’ose rompre. Quand Charles se lève en direction du comptoir, je sursaute légèrement, sortant de mes interrogations silencieuses. J’aurais pu lui faire la confidence que je n’ai pas suivi la fin de son monologue et que je ne sais absolument pas ce qu’il fait debout, mais je suis bien trop polie pour un aveu aussi franc. Durant les quelques minutes solitaires et chéries, je tente de faire le point, de renouer avec une certaine contenance.
Qui est bien plus facile à prétendre tandis qu’un nouveau café fumant se présente entre mes doigts engourdis. Soupirant de satisfaction, je finis par prendre mon courage à deux mains pour reprendre notre débat:

Merci, Charles. J’en avais bien besoin, si je veux être honnête. Je suis désolée, je crois que j’ai perdu le fil, durant un court instant… Mais pour résumer, non, je n’ai rien fait. Je ne les ai pas reconnu, ils ont pris la fuite quand un inconnu est venu à mon secours. Il m’a sauvé la vie… Je lui en serais éternellement reconnaissante. Mais cet acte de bravoure a eu l’inconvénient de leur laisser l’opportunité de filer. Pas de procès, aucun acte de justice qui me permettrait d’aller au-delà de l’agression. Mais j’ai mené le même cheminement de pensée, au sujet de leurs motivations… Et à chaque reprise, une question m’a taraudé, à en perdre le sommeil…

Buvant une gorgée brûlante de café, je fais durer innocemment le suspens, ajoutant enfin:

Qu’est ce que ça change, au final? J’ai passé plusieurs mois à l’hôpital, alitée, réduite à moins qu’une survivante. J’ai lutté pour retrouver l’ancienne Joanne et à la fois, j’ai dû inévitablement faire le deuil de cette femme que je ne serais plus jamais. Pourquoi…? Cette question m’a obsédé mais… Je sais que je n’obtiendrais jamais ces réponses. Et c’est là que j’ai découvert ce point commun avec les protagonistes des romans que je découvre avec passion. Cette quête de la vérité est quasiment toujours assouvie. Chaque histoire connaît un dénouement heureux ou en tout cas qui apporte son lot d’inspirations. La mienne ne le sera jamais, je l’ai digérée désormais. Ou presque…

Nouvelle pause caféinée, je finis par retrouver un timide sourire en ajoutant, d’une voix plus agréable, moins dramatique à souhait:

Oh, au fait, j’ai totalement oublié de vous demander. Désormais, vous travaillez dans quoi, exactement…?

Son esprit empli de déductions, de questionnements et de précision me donne quelques pistes mais je reste pragmatique et souhaite désormais connaître l’homme derrière le passionné.