Joyce était seule chez elle, à ruminer avec ses problèmes. Avec ses pensées qui essayaient de l’abattre. Cette facette d’elle-même, quasiment personne ne le connaissait. Elle était perpétuellement à combattre ces démons qui ne cessent de monter, qui ne cessent de la faire tomber. Mais ce soir, c’était bien plus fort. Elle avait ces moments, où elle était plus vulnérable. Ce n’était pas la première fois, ça ne serait pas la dernière fois. Joyce soufflait, elle était assise dans son canapé avant de chercher une solution. Mais rien ne venait, rien n’allait mieux. C’était toujours au même stade, qu’importait ses ripostes, qu’importait tout. Elle n’y arrivait pas. Elle finissait toujours par redescendre, par devoir recommencer. Et elle en avait marre, la blondinette. Elle en avait marre de toujours se sentir comme ça, de devoir le cacher à sa famille. Sa famille d’ailleurs… Dans son cœur, elle savait qu’elle était une Prescott, même sans l’être de sang. Mais il y avait toujours cette voix, cette peur qu’un jour, elle perde ce lien. Elle le savait que c’était futile de penser de la sorte, mais c’était là, prêt à lui sauter dessus, prêt à prendre chaque message pour quelque chose qui rendait réelle cette pensée sombre. Elle en avait peur, Joyce, elle en avait si peur. Elle ne voulait pas les perdre, jamais. Alors, pour calmer ce genre de pensée, elle avait commencé les médicaments…

C’était il y a quelques années déjà. Qu’elle avait vu un spécialiste, et que ce dernier l’avait déjà catégorisé comme une personne faible. Qu’elle aurait besoin de ces petits cachetons quand elle se sentait moins bien. Au début, tout fonctionnait. Mais plus le temps avançait, et plus elle devait augmenter la dose. Jusqu’à arriver à une dose qui commençait à devenir dangereuse. Elle était devenue addict. Elle n’arrivait plus à s’en passer s’en mal se sentir. C’était comme une loupe dans sortie. Elle se sentait piégée. Et pas question de rameuter la famille dessus, ils auraient honte, si honte d’elle. Du moins, c’est ce qu’elle pensait.

Ce soir, elle n’avait pas fait attention à la dose, et le fait qu’elle en avait déjà prise. Elle en avait consommé bien trop, et rapidement elle sentait que quelque chose n’allait pas. Se sentant faible d’un coup, elle sentait sa tête tournoyer fortement. Des nausées qui montaient de plus en plus. L’impression qu’elle se sentait écrasée. Qu’elle se sentait si mal. Tout d’un coup, mais pas de la manière dont elle connaissait, non. D’une façon différente. Comme si son corps était en train de l’avertir qu’elle allait lâcher. Panique qui montait, elle essayait tant bien que mal de composer le numéro de sa sœur sans réussite, avant de cliquer sur la conversation et rapidement écrire quelque chose malgré les débuts de tremblement qu’elle commençait à expérimenter. Impression de chaleur suivit d’un froid glaciale, la jeune Prescott essayait de se lever avant de presque tomber, se retenant à sa chaise. Mais le monde tournait, tournoyait si vite, si fortement qu’elle en perdait les pieds, avant de s’écraser au sol. Sa tête venait claquer au sol si fortement qu’elle perdait connaissance pendant quelques longues minutes. Allongée au sol de son appartement, elle avait l’arcade qui commençait à saignée sous le choc. Mais elle ne se réveillait pas. Elle était toujours inerte au sol. Elle entre-ouvrait les yeux pour essayer d’atteindre du bout des doigts son téléphone, tapant un dernier message d’urgence avant de glisser sur le dos, tête contre le sol et de laisser agir les médicaments sur son organisme. Joyce était en train de quitter peu à peu le monde des vivants...

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Quelque chose cloche. Ne tourne pas rond, enraille la mécanique bien huilée de cette soirée tout ce qu’il y a de plus banale. Dans ce salon réconfortant, au sein de cette maison rassurante, dans cette ville que j’affectionne, sur ce continent, sur cette planète. Le monde tourne et… Et tout bascule, en une poignée de secondes. Le temps s’arrête.
Un infime signe qui bouleverse tout. Qui me pousse à relever la tête du jeu de société auquel je suis en train de jouer en compagnie d’Alba, interrompant ainsi notre partie. J’ai presque dû la supplier afin qu’elle accepte de se joindre à moi, il faut dire que la préadolescente qu’elle est ne cède plus aussi facilement qu’avant à mes demandes de maman réduite à la supplication. Je me suis sentie extrêmement nostalgique en tombant sur la boîte du Monopoly, en rangeant le garage, l’autre jour, en compagnie de Ruby, voilà donc pourquoi je me suis armée d’un impressionnant courage afin de proposer à Alba une soirée mythique et que nous ne rations pour rien au monde autrefois. Quelques heures qui nous remplissaient de joie et d’excitation. Du soda, des pop corn et du chocolat, que nous dévorons tout en jouant à un jeu auquel je me savais perdante d’avance. Mais les choses sont bien différentes, désormais. Ma fille n’est plus aussi accessible qu’avant, elle se montre dure, froide, extrêmement fermée. En faisant un pas vers elle, je tente de briser ce mur érigé entre nous, de susciter une discussion que je sais nécessaire depuis le retour d’Eliott dans nos vies, depuis… Depuis l’annonce de l’arrivée surprise d’un nouveau membre dans cette famille.
Mais rien ne se passe comme prévu. Quelques rires fugaces résonnent dans la pièce, avant… avant la catastrophe que je n’attendais pas. Un bruit familier m’annonçant l’arrivée d’un message se fait entendre mais je décide de l’ignorer. Après tout, j’ai réservé cette soirée à mon enfant, je suis capable de décrocher du travail le temps de quelques heures, ils pourront se débrouiller sans moi. Mais lorsque le second retentit, même Alba relève la tête, intriguée par cette succession de messages.
Nos instincts ne tromperont personne, à nous, les femmes.
Interloquée, je découvre les SMS envoyés par Joyce Prescott, ma petite sœur. Sur le coup, je ne comprends pas ce charabia… Je suis surprise, bien entendu.
Et quelques secondes plus tard, je comprends. Je lis entre les lignes.

Joyce. Elle est en danger.

Je tente de donner le change envers Alba, je lui offre un sourire timide en lui annonçant qu’une urgence à la clinique nécessite ma présence immédiate. Bien sûr, elle peste, se relève d'un bond du tapis où elle était installée en tailleur, tout en grimpant dans sa chambre, claquant la porte après que Baya, notre staffy, l’ai suivie. J’inspire longuement, frotte mes paupières, quelque peu dépassée. Après tout, c’est tout aussi bien comme ça. Inutile de l’alarmer et puis, être en conflit avec Alba est devenu si normal que ça en est effrayant…
Mais je ne peux pas me morfondre, je n’en ai pas le luxe. Je dois agir. Un véritable cri d’alerte vient d’être lancé par ma petite sœur Joyce, je le sens, je le sais. Je dois la retrouver.

Je ne me suis jamais sentie aussi démunie de toute mon existence.

Et pourtant, j’en connais un rayon, sur les situations extrêmes et qui m’ont engloutis. Tandis que je prends le volant, roulant bien au-delà de la vitesse autorisée, je me perds dans d'effroyables scénarios, n’espérant qu’une chose: que tous les feux de la ville passent miraculeusement au vert afin que je puisse la retrouver, aussi vite que possible. L’impatience qui me gagne est effroyable, fait battre mon cœur bien plus vite que la normale. Enfin arrivée devant chez elle, je retrouve sa porte d’entrée, haletante, la gorge sèche et l’esprit embrumé. Je prends la peine, faisant toujours preuve d’une élégante politesse, de laisser mes phalanges blanchies toquer contre le bois de la porte. Mais après quelques secondes d’attente, sans réponse, je pénètre dans l’appartement plongé dans le noir. C’est un mauvais présage, je sais le reconnaître et l’angoisse qui grimpe dans ma poitrine la comprime, m’empêche de respirer. Au prix d’un incroyable effort, je finis par m’exclamer, extrêmement tendue:

Joyce… Où… Joyce, où es- tu…? Tout va bien...?

Je fronce des sourcils, sens une panique grimper dans mes entrailles, comme si mon sixième sens s'occupait de me hurler que quelque chose clochait. Bien entendu, avec l’envoi des SMS, je ne peux pas me voiler la face plus longtemps. Je ne peux pas espérer un dénouement heureux… Ni même de m’être emballée, non, je sais que… Je sens que… Que je ne me suis pas trompée…
Avançant lentement, avec une infinie précaution, je finis par découvrir une vision d’horreur, dans le séjour, non loin de la table de sa salle à manger.
Non. Non, ce n’est pas possible. Non, je ne veux pas y croire. Non, non, non…
Me ruant en direction de ma petite soeur, je finis par laisser sortir ce grondement que je tentais de retenir, bien malgré moi:

JOYCE! JOYCE, MON DIEU, JOYCE…!

Attrapant sa tête aussi doucement que possible au vu de ma panique grandissante, je dévore ses yeux clos, ses lèvres bleues et son visage fantomatique. Glapissant de terreur, je tente de prendre son pouls, directement sur un de ses poignets, réalisant qu’il est bien trop faible, presque imperceptible.
Mon Dieu, Joyce, qu’est ce que tu as fait…
Je ne peux pas me morfondre dans cette torpeur, je dois agir. Il le faut, le temps est compté. Même si tout est flou et que je ne possède pas les tenants et aboutissants de ce comportement, j’en réalise pleinement et fatalement l’issue, il n’est sans doute pas trop tard. Baissant la voix, me rapprochant d’une de ses oreilles, je chuchote à ma soeur endormie:

JOYCE! Joyce, mon bébé… Joyce, accroche toi, je vais… Je vais appeler les secours…

Je tire d’une main pressante mon sac à main vers nos deux corps tremblants, n’y trouvant pas mon smartphone. Agacée, je finis par le retourner, laissant le contenu se déverser sur le carrelage froid, inhospitalier. Mais pas de smartphone. Pestant, jurant même, alors que ce n’est clairement pas dans mes habitudes, je finis par réaliser que je l’avais glisser dans la poche arrière de mon jean. Rapide comme l’éclair, je compose le numéro des urgences, leur exposant tant bien que mal la situation. Et quand ils me demandent ce qui a pu provoqué ce malaise, je repère un flacon de médicaments, à quelques mètres de nous. Je leur transmet cette information, sans y croire.
Non, ce n’est pas possible.
Est-ce faisable que je connaisse ma soeur aussi mal que cela…?
L’appel terminé, étant quelque peu rassurée car l’interlocutrice m’a affirmé qu’ils allaient faire le plus vite possible afin de venir à notre rencontre, j’attrape Joyce, que je colle contre ma poitrine, la berçant, laissant enfin quelques larmes rouler le long de mes joues.
Je me raccroche à un infime et incroyable espoir…
Que tout n’est pas perdu…

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Elle était dans une pièce, remplie de fleurs. Joyce était assise au milieu de cette magnifique pièce. Endroit qui l’apaisait. Elle s’y sentait bien, si bien. Aucun mal, aucun problème. Elle avait l’impression qu’elle n’avait jamais été aussi bien. Cette sensation de bonheur, celle d’être comblée, celle d’avoir réussi. Celle de se sentir léger. De ne plus avoir le poids du son malheur, de ses problèmes, de ses doutes. Une pièce où la douce odeur venait taquiner son nez. Où elle avait ses odeurs préférées qui jouaient avec ses narines, venant lui rappeler tout les bons souvenirs qu’elle s’était fait. Elle n’avait pas besoin de comprendre, elle ne le cherchait pas, elle était bien dans cette pièce. Seule. Tout était parfait, tout était comme elle le voulait. Elle pouvait se laisser aller, se laisser emporter par la fatigue. L’impression qu’une grande fatigue voulait venir la chercher, elle sentait qu’elle voulait s’allonger, et fermer les yeux, qu’elle avait envie de se reposer, qu’elle voulait simplement que ça s’arrête. Elle commençait à se poser, dos contre la terre, tête posée sur d’autres fleurs, mains derrière le crâne. Elle venait se placer du mieux qu’elle le pouvait. Tout confortable. Bien comme elle le voulait. Avant de regarder le plafond. Un plafond qui lui rappelait ses tatouages. Un par un, elle posait son regard dessus, un par un elle revoyait la signification. Avant de tomber sur celui qui représentait son modèle. Sa femme incroyable. La personne à vers qui elle se tournait. Mais avant de fermer les yeux, elle n’y arrivait plus. Elle n’avait plus envie. Elle se sentait douter. Elle sentait un bruit dans ses oreilles, comme un bourdonnement sans comprendre que c’était les cris de sa sœur. À côté de son corps inerte.


Alors que de son côté, Joyce était paisiblement allongée dans cette verdure colorée qui la caractérisait tant. La lumière s’intensifiait. Mais elle ne venait pas l’agresser. Elle continuait de regarder ce dessin, ce tatouage. Elle ne se sentait pas partir, elle avait simplement l’impression qu’elle allait dormir, qu’elle allait faire un long sommeil. Sans savoir qu’il n’y aurait pas de réveil à ce sommeil. Qu’elle allait fermer les yeux pour la dernière fois de sa vie. Laissant derrière elle sa sœur, son modèle, sa confidente, sa meilleure amie, sa personne.  Elle n’aurait jamais le temps de lui dire tout ce qui lui passe par la tête. Ce qu’elle représente pour elle. A quel point Joyce est fière d’elle. Fière d’avoir pu porter le même nom qu’elle, d’avoir eut la chance et le droit de l’appeler sœur. De lui courir dans les bras quand elle la voit, de passer du temps dès qu’elle le peut. Elle n’aurait jamais le droit de lui faire ce dernier câlin. De lui dire ces dernières paroles. Elle n’aura jamais ce temps de lui dire qu’elle l’aime.


De l’autre côté, son corps toujours inerte ne bouge pas, malgré les cris, les paroles de Joanne. Ses gestes doux, la frêle Prescott ne bougeait pas d’un pouce. La scène était à se glacer le sang. Elle avait tout d’une personne n’étant déjà plus là. Seul un petit pouls venait l’empêcher de quitte ce monde dans les bras de Joanne. Les médicaments qu’elle avait pris faisait bien trop effet. Tout l’amour, le contact que sa sœur lui offrait venait lui offrir la chaleur qui lui manquait, celle qu’elle n’arrivait plus à produire d’elle même. Glacée, son souffle devient de moins en moins puissant. Heureusement pour les Prescott, Joanne à le bon geste, les secours sont alertés le plus rapidement possible pendant qu’elle lutte pour sa vie, temps contre la montre avant que son cœur ne cesse de fonctionner. Sa tête contre la poitrine de sa sœur, le mouvement, son affection pour elle, tout ses efforts réussissent à faire que Joyce entre-ouvre les yeux. Dans un état second, elle ne comprends pas ce qu’elle voit. Tout est flou, tout est si bruyant, si incompréhensible. Elle arrive à peine à ouvrir la bouche, les yeux. Elle s’en veut, elle s’en veut terriblement. Elle ne voulait pas faire ça, elle ne voulait pas que Joanne s’inquiète. Elle voulait lui dire, elle ne voulait pas que sa grande sœur pense qu’elle pourrait faire quelque chose d’aussi égoïste, aussi terrible. D’une voix faible, si faible. Elle essayait de lui parler. « Na...na... » Elle n’arrivait pas à soulever sa main, son bras quand elle essayait, simplement le geste d’un membre qui n’arrivait pas à se soulever plus de quelques centimètres. Impossible à aller chercher le contact, chercher cette force qu’elle lui donne toujours. Elle n’était pas aussi forte qu’elle. Elle ne l’avait jamais été. « Par…don... » Elle avait à son tour les yeux humides, les laissant perler.


Dans un moment de lucidité, dans un moment où son cerveau réussi à faire un lien, elle vient péniblement chercher sa sœur du regard, elle veut la voir de ses yeux embrumés, le lui dire dans son regard. Une fois trouvé, une fois qu’elle pense l’avoir, elle essaye de soulever sa tête un peu plus, pour lui dire. « Je… t’aime… » Elle venait tenir sa tête un peu plus longtemps avant de d’ajouter des derniers mots. « Ma… sœur… pour… toujours... »  Puis, fatiguée, épuisée, l’adrénaline n’était plus assez puissante pour la tenir, elle venait s’écrouler contre elle à nouveau. Sentant un mal dans la poitrine, son corps réagissait, elle avait de légères convulsions. Les secours ne devaient plus être très loin, car son état commençait à réellement empirer. Se voyant à nouveau dans cette pièce, au même endroit. Elle était encore plus brillante que la première fois. Et son envie de fermer les yeux était revenu. Allait-elle le faire ? Ses yeux allaient-ils se clore pour la dernière fois de sa vie ? Est-ce la fin? Allait-elle quitter sa soeur et les personnes qu'elle aimait de cette manière ? Sans leur dire réellement aurevoir?

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C’est un cauchemar encore plus traumatisant que le pire de mes spectres. Je suis plongée dans le plus bas cercle des Enfers, sans aucune porte de sortie, sans aucune option de fuite. Condamnée à souffrir en observant une partie de mon âme partir en fumée. La Faucheuse s’est invitée dans l’appartement de ma petite sœur, à mon plus grand regret. Sans même être invitée, elle a décidé de passer le pas de la porte, de poser ses valises et de conquérir ce domaine, un sourire triomphant greffé sur ses lèvres creuses. Mais je refuse cette fatalité. La profonde injustice qui envahit mon cœur pourrait presque me faire perdre une valeur fondamentale que j’ai toujours chéri: l’espoir.
Je n’ai jamais cessé de croire en mes proches, à commencer par Joyce. Son éternelle bonne humeur, son regard captivant et son sourire contagieux sont la source de mon perpétuel combat contre mes propres démons. Elle ne le saura sans doute jamais car je n’ai jamais eu le courage de lui avouer mais c’est en partie grâce à elle que je tiens encore debout, sur mes jambes.
Il m’est donc insupportable qu’elle soit à terre, aujourd’hui. Non, je refuse que les choses se déroulent ainsi.
J’ai déjà connu un départ d’un être proche dans mon existence. Je connais cette sensation de manque, d’injustice, de déchirement dans la poitrine. La fois précédente, je n’ai pas su agir en conséquence. Je me suis contentée de rester passive, d’être la spectatrice de ma désolation, sans bouger le petit doigt. Cette fois-ci, je ne laisserais pas la fatalité décider à ma place.
Je compte bien me souvenir et m’inspirer de l’admiration que Joyce ressent à mon égard pour ne pas me laisser abattre.
Il est hors de question de la faire regretter ses propos.
Je vais te sortir de là, je te promets, ma puce.

Tandis que j’accentue l’étreinte autour du corps relâché de ma petite sœur, je sens une présence, derrière mon dos. Luttant contre l’envie de fondre en larmes, je me contente de baragouiner quelques paroles incompréhensibles tandis que les secours s’activent autour de nos deux silhouettes décharnées. Reculant de quelques pas afin de les laisser travailler avec efficacité, je me contente de murmurer, dans un souffle, sans savoir si je serais entendue:

Je vous en supplie, sauvez-là, je vous en conjure…

Je ne quitte pas des yeux les secouristes qui s’occupent de transférer Joyce sur un brancard. Chacun de leur mouvement est scruté par mon regard de maman qui n’espère qu’une chose: que son bébé finisse par retrouver le chemin de la maison. Je ne les quitte pas d’une semelle tandis que nous quittons la pièce, l’appartement, l’étage, l’immeuble. Dans mon regard perdu, il est possible d’y apercevoir les lueurs des lumières de l’ambulance. Du blanc, du rouge… Qui dansent sur mes prunelles humides. Et tandis qu’un professionnel de santé m’informe que je dois me séparer de ma petite soeur, une certaine colère gronde irrémédiablement dans ma poitrine et peut s’entendre tandis que je grogne, prise par une fureur sans nom:

NON! IL EST HORS DE QUESTION QUE JE LÂCHE CETTE MAIN, VOUS M’ENTENDEZ! JE VOUS ACCOMPAGNE, CE N’EST PAS NÉGOCIABLE!

Je suis la première effrayée d’une telle attitude. Hausser le ton, avoir cette capacité de jeter des flammes à travers mon regard. Je ne m’en pensais pas capable. Je me transforme en une véritable furie.  
Mais quand il s’agit de Joyce Prescott, je peux être aisément comparer à une louve.
Qui protège sa petite adorée et qui refuse l’idée qu’elle puisse… Qu’elle ne…
Non, Joanne, ne laisse pas de telles pensées t’envahir.
Garde espoir. Pour elle…

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