" Fear is a Prison "

« Fear is a Prison »
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ft. @Teresa Vidal & Oonagh Fitzgerald
Central California Women’s Facility.

tw :: mention de prison

mise en page made in Psyko

La décision n’a pas été simple à prendre mais pourtant, je suis là.
Depuis des nuits où le sommeil n’a pas été réparateur, loin de là même, je pèse le pour et le contre, tente de trouver le courage afin de passer à l’action. De mettre en pratique une théorie qui me trotte en tête depuis des jours déjà: celle d’utiliser le temps qui s’offre à moi de manière constructive et porteuse.
Bien entendu, la pensée est louable mais reste bien trop floue. Que faire, qu’apprendre, au sein de quelle branche se dévouer, se plonger tête baissée afin d’oublier l’enfer qui m’entoure? Des passions, j’en avais beaucoup, autrefois… Avant de devenir une criminelle reconnue, jugée et payant désormais pour un crime qualifié d’impardonnable. Ou presque. Mais le choc étant passé, je réalise désormais que je ne serais plus jamais la même. Que ce changement doit me transformer de manière positive… Et que je peux réussir à tirer de ces atrocités une suite logique et acceptable.
La criminologie.
Oui, ce terme que je connaissais uniquement grâce à des séries policières iconiques, ce mythe qui est devenu une réalité que j’avais envie de découvrir, concrètement et qui pouvait, à terme, devenir une carrière dans laquelle je me plongerais avec ambition. Pourquoi donc un tel intérêt pour un domaine que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam? Sans doute qu’il est motivé par une simple volonté, un brin ironique: celle de briser le cycle et d’avoir les clés pour comprendre ces criminels dont, quelque part, j’ai été une simple victime. Je porte sur mes épaules le poids de la culpabilité et je suis responsable du geste qui me pousse désormais à purger ma peine, je le sais, j’en ai conscience.
Mais je suis également persuadée que j’ai été influencé par un homme dont j’étais amoureux et qui m’a manipulé.
Je ne referais plus jamais la même erreur.

Me voici donc, dans la salle mise à disposition afin de présenter les différentes formations possibles, au sein de la prison pour femmes. J’espère pouvoir trouver mon bonheur ou tout du moins avoir accès à des moyens techniques qui me permettront d’engager ce projet qui me tient à cœur. Lisant avec attention une brochure concernant un autre domaine que celui qui m’intéresse en premier lieu, je finis par lever les yeux sur la jeune femme qui se tient à mes côtés, et que je…
Non, je… Ce n’est pas possible…
Incapable de me retenir, je finis par engager la discussion, avec la pire entrée en matière qui soit

Bonjour… Je… Je ne pensais pas dire cela ici mais… Je crois qu’on se connaît, non?

Mon regard est fuyant, ma gêne grandissante.
Quand passé et présent se mêlent, j’ai espoir que ce ne soit pas simplement un mauvais présage. Car malgré le désastre qu’est devenue mon existence, constat que je rumine entre ces murs depuis plusieurs semaines à présent… Tout cela ne peut pas être si néfaste.
N’est ce pas?
Oonagh Fitzgerald aurait le droit à un soupçon de bonheur dans ce monde utopique… Rien que d’une pincée…
Histoire de nourrir un espoir aussi fugace que idéalisé.
N’est ce pas? N’est ce pas? N’est ce pas?
Je sens que tout s’arrête: le monde, le temps, la raison.
Et j’attends… Ce qui me semble un temps considérable. J’attends une réponse. Une raison de m’accrocher. De penser que je ne perds pas la boule, que la folie ne peut pas devenir ma co-détenue, au sein de cette cellule, de cette goele.
La prison me changera, j’en suis certaine. Mais pas que de manière négative… Est-ce illusoire de le penser avec autant de conviction…?

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Break it to me

And I can handle the truth
I can cope with whatever you're holding back

"Fear is a prison"

dans une prison pour femmes de Californie, mars 2020 ◘ ft. @Oonagh Fitzgerald

Un an. Un an qu'elle est ici et Tessa n'arrive toujours pas à intégrer cette information. Partout ailleurs, le temps file mais ici, elle a l'impression de stagner. Un quotidien répétitif, dégradant, aliénant, qui l'a éloigné de toutes les addictions qu'elle pouvait avoir dans sa vie d'avant. Plus d'alcool, plus de sexe, plus de tabac. Même si elle arrive à grappiller une clope ou deux de temps en temps auprès d'une autre détenu qui a des contacts à l'extérieur. Bien pratique ça. D'habitude, c'est elle qui s'occupe de ce genre de commissions dehors. Mais les règles ont changé et les enjeux sont plus élevés. Il peut pas y avoir pire que d'être ici pourtant non ? Détrompez-vous. La justice a toujours une belle manière de faire de vous bien moins qu'un être humain pour vous rappeler vos fautes.

Après un séjour à l'isolement, Teresa a décidé de ne plus adresser la parole à quiconque. Puis de se trouver quelque chose à faire. C'était il y des mois de ça. Quand exactement ? Elle ne compte pas les jours. Elle en a pour un long moment et ça la déprime d'y penser. Alors autant faire quelque chose d'utile. Pendant son dernier entretien obligatoire avec la psy, elle a parlé de son diplôme de fin d'études qu'elle n'a jamais eu. Peut-être l'occasion de s'y remettre ? Voilà quelques semaines qu'elle a commencé à se remettre à niveau en langue et en mathématiques. Un cours après l'autre. Les exercices sont toujours prise de tête mais elle a un professeur ici qui peut lui donner un coup de main et c'est encourageant de se voir progresser. Elle le dira pas à sa mère à sa prochaine visite. Elle veut lui faire la surprise. Mais de toute façon, elle ne vient qu'une fois par mois et elle a bien vu à quel point elle va mal. Qui prend soin d'elle maintenant que tu es là ? Plus personne et c'est bien là son drame.

Elle se rend dans la salle de cours, sous bonne escorte bien sûr les matons ne sont jamais loin. En se taisant, en restant dans son coin, Teresa a fini par avoir une présence plus lisse et elle esquive les tentatives de harcèlement de son mieux, sachant que de toute façon, elle n'aura pas le dernier mot. Pourquoi fallait-il que même en prison, elle soit prise pour cible ? Qu'importe où elle se trouve, c'est comme s'il n'existait tout simplement pas de place pour elle. Alors se taire et se murer dans sa bulle d'indifférence, c'est le mieux. Bien que ce soit très douloureux de se priver ainsi de tout contact humain.

C'est pourquoi Teresa est si surprise quand on s'adresse à elle alors qu'elle vient de s'asseoir. Que la femme à côté ne lui ai pas étrangère c'est vrai. Mais elle ne l'avait encore jamais vu ici. Une petite nouvelle ? Elle la regarde et lui dit bonjour. Encore une habitude perdue en un an enfermé ici. Un peu de politesse, ça fait chaud au cœur. Elle pense la connaître. Les grands yeux noirs de la portoricaine ne peuvent pas se tromper. Elle oublie rarement un visage. Surtout quand la personne en question a contribué à son harcèlement au lycée. Elle se mord l'intérieur de la joue, ne sachant pas comment lui répondre, ayant un peu oublié comment faire. « Bonjour… » La prisonnière en combinaison orange répond d'une voix un peu enrouée et monotone. Chacun est en train de s'installer, la chargée de formation n'est pas encore arrivée.

Elle ne laissera pas sa question en suspens bien longtemps. C'est si rare qu'on ose venir vers elle ainsi. Teresa n'a pas l'impression que ce soit réel. Ça cache forcément une entourloupe. « On se connaît oui. Le lycée de Monterey ? » Un lieu pour la guider. Trouvera-t-elle toute seule les souvenirs qui les concernent ? Tessa n'oublie pas les visages, ni les noms. Même si elle a rarement l'occasion de s'en servir. « Oonagh Fitzgerald. Oui je me souviens de toi. » Elle détaille la jolie brune de son air désabusé, couvert de tâches de rousseur. Puis elle se remet droite pour regarder vers le tableau, ayant sincèrement l'impression de se retrouver à nouveau au lycée pour le coup. Puis Tessa se rappelle d'à quel point elle était perdue en arrivant et vient simplement lui demander, sans la regarder directement. « Tu viens d'arriver non ? » Un début de conversation. C'est étrange de suivre à nouveau ce genre de convention. Elle n'a aucune idée de là où ça pourrait les mener, mais elle n'a jamais vu cette nana aussi effrayée. Et si elle lui tendait à nouveau la main, peut-être cette fois la saisirait-elle ?