Harmony était d’une humeur de chien. Elle n’avait jamais imaginé que s’occuper d’un enfant demandait autant de patience et pourtant on pouvait dire que Mira n’était pas une gamine très difficile. Encore traumatisée de la disparition de ses parents, la petite craignait plus que tout qu’Harmony ne l’abandonne et le moindre mot prononcé un peu fort la faisait paniquer. Aucune bêtise en perspective, c’était le bon côté de l’affaire. Mais il fallait constamment la rassurer, et trouver des mots à poser sur l’indicible. Sur l’abandon, sur la disparition, sur le doute. Même elle, qui avait grandi sans sa mère suite à leur malheureux… Incident… Elle se retrouvait démunie.

Et ça faisait deux semaines qu’elle n’avait rien pris. Internet avait été clair, un sevrage brutal d’alcool et de drogue en même temps était la pire idée qui pouvait lui traverser l’esprit, aussi avait-elle commencé par se fixer des objectifs et éloigner ses prises. Le problème, c’était qu’elle ne pouvait pas en parler à un médecin. S’ils apprenaient, ils lui enlèveraient Mira. Et c’était elle, la raison de tous ses efforts. Harmony essayait de ne pas passer ses nerfs sur la petite, évidemment, et de la préserver. Mais elle se retrouvait à fleur de peau, épuisée, énervée, et c’était sans compter sur ses crises de douleurs qui se manifestaient encore… Et qu’elle ne devait plus anesthésier à coup d’héroïne. La vie lui semblait vraiment dure en ce moment.

Alors quand Mira lui demanda, après manger, de jouer aux barbies avec elle, Harmony opposa son veto. Elle expliqua gentiment qu’elle n’était pas d’humeur, et que ce n’était pas le moment d’insister, avant de se griller une clope dans le salon. Elle n’aurait pas le badge de baby-sitter de l’année c’était certain, mais elle faisait déjà de son mieux. Hors de question de virer les cigarettes de l’équation. Elle fumait comme un pompier, d’accord, mais ça au moins ça n’altérait pas son jugement. Quant à son espérance de vie… Elle était déjà bien réduite.

La petite avait assez d’imagination et de jugeote pour s’occuper toute seule, bien aidée par les montagnes de jouets qui défiguraient tout un côté de la pièce. Leur père la traitait comme une petite princesse et si l’argent dépensé là-dedans ne dérangeait personne, Harmony était moins fan de la teinte de plus en plus rose qu’avait pris le salon. Elle n’avait rien dit, avant. Parce qu’elle ne venait ici que pour dormir entre deux soirées, pour s’échouer quelque part, ou pour faire quelques-uns des faux papiers dont elle avait le secret quand les occasions se présentaient. Elle était douée, vraiment, mais elle n’avait pris sa place à la tête du business familial que lorsque Caleb avait disparu et qu’elle avait dû honorer tous ses engagements. Maintenant les choses roulaient, un équilibre précaire lui permettait de tenir le coup. Pour combien de temps ?

Elle soufflait sa fumée en regardant le plafond quand elle entendit qu’on frappait à la porte. Elle écrasa sa cigarette au fond du cendrier en lâchant un « Fait chier » dans un murmure, par réflexe, avant de tourner la tête vers Mira pour s’assurer que la petite n’avait rien entendu. Elle n’avait jamais eu l’habitude de se retenir de jurer, mais elle avait bien plus peur de recevoir un appel de la maîtresse de la petite que de tomber dans une guerre de gang. La petite n’avait pas bougé, en tout cas, et semblait toujours absorbée par son jeu à entendre son imagination qui débordait par sa bouche.

Peut-être qu’Harmony pourrait rester sur son canapé, et rallumer une clope, et ignorer la personne qui frappait devant chez elle. Elle n’attendait personne, et à cette heure un visiter qui ne s’était pas annoncé ne pouvait pas être le bienvenu. Ou alors… Ou alors c’était une urgence. Elle soupira en se pressant à peine, traversant le salon et l’entrée pour se poser devant sa porte. Elle colla son œil au judas avant de reculer brusquement la tête, surprise de trouver quelqu’un accolé si près, incapable de le reconnaître. Elle avait eu raison, ouais. Fait chier.

Elle tourna les clefs dans la serrure pour déverrouiller la porte, avant de tirer le panneau vers elle. Ses yeux bleus n’empêchaient pas son regard d’être noir quand il se posa sur l’inconnu. Sa tête lui disait rien et elle n’aimait pas ça. En plus, elle sentait une odeur d’alcool. Peut-être que les autres auraient trouvé ça dégueulasse, mais ça lui rappelait surtout dans quelle galère elle se trouvait en ce moment.

En vérité, elle lui aurait bien claqué la porte au nez. Mais elle avait la flemme qu’il insiste, la flemme qu’il frappe encore à la porte.

- Bah alors mon grand, tu t’es perdu ? Cracha-t-elle, son humeur évidente. Les inconnus n’étaient pas les bienvenus chez elle. Jamais. Encore moins avec la petite dans le salon. Elle se moquait bien de savoir que le type avait l’âge d’être son père, elle avait abandonné depuis un moment l’idée qu’un de ses amis se pointe ici comme une fleur et lui file des indices. C’est un peu tard pour la vente de gâteaux, tu crois pas ?

Il n’avait pas vraiment la dégaine d’un scout venu lui vendre des cookies pour financer son prochain camp d’été, mais qu’importe. Elle était aussi soûlée de lui ouvrir qu’elle l’aurait été devant un scout, et ça suffisait.

- Ce que je crois, c'est que j’ai quelques questions à te poser et auxquelles tu ne te déroberas pas, crois-moi... mais pour ça, il faut que je rentre.

Harmony fronça les sourcils mais elle n’eut pas le temps de faire grand-chose de plus avant que le type ne la pousse assez pour entrer chez elle. Il ferma la porte, qu’elle entendit claquer derrière elle alors qu’il l’attrapait par le bras pour la conduire jusqu’à son salon. Mais qui c’était ? Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Il avait bien mal choisi sa journée. Elle commença à s’agiter, essayant de se dégager de son emprise avant de remarquer le pistolet qu’il tenait contre lui.

Ce n’était pas la première fois qu’un homme armé débarquait chez elle, mais avant il y avait toujours eu son père pour gérer ces cas là. Elle avait de quoi se défendre, mais là encore les choses étaient devenues plus compliquées avec le temps. Ils ne pouvaient pas cacher un flingue entre deux coussins de canapé avec une gamine de six ans et demi. Il fallait qu’elle réfléchisse, mais Harmony n’était pas la reine du sang-froid et encore moins en ce moment ou dans ces circonstances. Elle sentait la colère gronder alors qu’il s’installait dans un fauteuil.

- Je ne suis pas une menace. Garde bien ça en tête. Mais ma situation est urgente alors cogite pas à je ne sais quelle entourloupe pour parvenir à me foutre dehors ou avoir le dessus.

Une entourloupe ? Elle avait plutôt l’intention de le foutre dehors manu militari. Elle n’était pas impressionnée. Il ne tirerait pas de toute façon. Il avait besoin d’aide. Il avait besoin d’elle. Ce n’était pas très malin d’annoncer que sa situation était urgente, tout comme ce n’était pas très malin d’arriver chez elle en sentant l’alcool. Mais le vrai problème ? C’était qu’il avait un flingue et qu’il la traitait comme un chien devant Mira. La petite était plus ou moins dans le dos du gars, en train de jouer dans un angle mort du fauteuil.

- Je connais tes activités en dehors de la vie quotidienne. Cherche pas à nier. Je veux juste savoir si tu t'es chargé du cas de ce type ? Question simple nécessitant une réponse claire.

Il tapota la photo qu’il venait de déposer sur la table comme un flic en interrogatoire. Il n’y avait pas de mots pour décrire tout le mal qu’elle pensait de lui en ce moment.

- Après ça, je m'en vais.

Harmony éclata de rire, mais elle n’était pas vraiment amusée. Elle était affreusement agacée et en colère. Elle ne s’assit pas dans un fauteuil ni même sur le canapé, au contraire, elle resta debout devant la table basse. Elle ne jeta pas un seul regard à la photo, ça n’avait pas d’importance. Elle se moquait bien de ce que voulait ce type : en se comportant comme il le faisait il ruinait la moindre chance qu’elle l’apprécie ne serait-ce qu’assez pour lui répondre poliment.

- Tu te prends pour qui au juste ? Tu débarques chez moi avec un flingue, et tu crois que ça va marcher ? T’es encore plus con qu’un flic !

Harmony n’était pas du genre à se laisser impressionner. Dans ce genre de business, quand on était une femme, il fallait pas se laisser faire. Tout le monde pensait toujours avoir le dessus. Ils se trompaient souvent. Elle n’était même pas sûre que le pistolet soit chargé. Et elle avait l’intime conviction qu’il ne tirerait pas. Dans tous les cas, elle n’était pas du genre à s’écraser et elle avait la langue trop vive pour son bien.

- Tu sais ce qu’on va faire ? La voilà ta réponse claire : tu vas te tirer de chez moi, MAINTENANT. Comment t’oses te pointer là déjà ? Devant une GAMINE en plus !

Elle pointa Mira du doigt alors qu’elle hurlait sur l’intrus, réalisant seulement à ce moment là que la petite était terrorisée, recroquevillée contre ses jouets, à les regarder avec la peur au ventre. Elle désigna la porte d’entrée au bout du couloir d’un signe de tête.

- Tu prends tes cliques et tes claques et tu dégages le plancher de chez moi putain ! Cria-t-elle en approchant de lui, comme si ça allait l’aider à se décider. Mais la vérité, c’était surtout qu’elle se plaçait entre le type et sa demi-sœur. Parce que s’il décidait quand même de pointer son canon vers quelqu’un, il allait de soi que ce devait être elle.

- Je vais te dire, tu vas gentiment aller coucher ta gosse, la rassurer et je décamperais quand t'auras répondu à ma putain de question. Fais pas chier avec tes simagrées.

Le sang d’Harmony ne fit qu’un tour. Comment osait-il mêler Mira à cette histoire ? Comment osait-il la désigner avec la même main qui tenait un pistolet ? Harmony essayait de faire rempart entre lui et la petite, pour la protéger comme elle le pouvait. Elle aurait pris toutes les balles du monde pour elle. Mais le sale type – qui ne s’était même pas présenté, quel manque de savoir vivre – était déjà à côté de Mira. Il s’accroupissait pour lui parler, en lui murmurant des mots mielleux qui donnaient à Harmony envie de vomir. La petite semblait un peu moins effrayée mais ses yeux cherchaient désespéramment ceux d’Harmony, et ils n’y lisaient qu’une colère sourde.

- Je ferais jamais de mal à une gosse, flippe pas.

Flippe pas, ouais. C’était lui qui devrait flipper. Elle allait lui faire la peau pour ce qu’il était en train de faire. Pour la manière qu’il avait de soulever Mira dans les airs, de la tenir dans ses bras alors qu’il était entré dans cette maison pour n’y apporter que chaos et vengeance. Harmony serrait les dents. Il y avait beaucoup de choses qu’elle voudrait dire et encore plus qu’elle voudrait faire. Mais il avait Mira dans ses bras, et elle ne pouvait prendre aucun risque.

- Avance.

Elle plongea ses yeux dans ceux de l’intrus. Des yeux bleus tranchants et déterminés. Elle approcha de lui, tendit doucement les bras vers Mira. Des bras inoffensifs. Vides.

- Viens ma grande.

Elle refusait de prononcer son prénom devait l’inconnu. Il pourrait sans doute le retrouver s’il n’avait que ça à faire, mais elle ne comptait pas lui faciliter la tâche. Qui sait ce qu’il pourrait faire, maintenant qu’il savait qu’elle était là ? Revenir ? Harmony avait bien vu que la présence de l’enfant l’avait surpris, mais est-ce qu’il ne compterait pas en tirer partie la prochaine fois ? Leurs yeux se jaugèrent un moment, comme ceux de deux chiens prêts à se battre. Il fallait avouer qu’Harmony avait tout l’air d’un pitbull prêt à se jeter à la gorge de quelqu’un qui attaquerait son maître. Elle n’avait jamais aussi mal porté son prénom.

Lentement, elle put récupérer la petite. Elle n’eut alors pas d’autre choix que de marcher dans le couloir, puis monter les escaliers, passer devant sa chambre entrouverte puis ouverte la porte de celle de Mira. Elle lui caressait le dos avec tendresse. La sentir contre elle faisait croître sa colère autant que son soulagement. Elle s’efforçait de ne pas en rajouter, de faire comme si ce n’était pas si grave, mais elle avait toutes les peines du monde à se montre convaincante. Elle n’aimait pas mentir à Mira.

Harmony déposa la petite dans son lit. Elle prit la peine de la border, d’embrasser son front trois fois : une pour elle, une pour son père, une pour sa mère. Elle lui promit qu’elle lui lirait deux histoires le lendemain pour compenser, mais expliqua qu’elle ne pouvait vraiment pour le moment, parce qu’elle devait avoir une conversation entre « grands ». Elle fit jurer à Mira de rester dans son lit, ou au moins dans sa chambre. Elle ne pouvait pas faire mieux.

Ses yeux se posaient sur tous les meubles. Il n’y avait aucune arme cachée ici, c’était une chambre d’enfant. Elle se repassait dans sa tête toutes les cachettes de la maison, essayant de penser à la plus proche, mais aussi à la plus facile d’accès, à celle qui serait sur sa route ou qui pourrait l’avantager. Elle ne comptait pas se laisser faire.

Lançant un dernier regard à sa demi-sœur, Harmony se dirigea vers la porte. Elle la referma doucement, en murmurant à la petite de faire de beaux rêves, en vérifiant par réflexe que la veilleuse était bien allumée. Mais dès qu’elle eut fermé la porte…

Son visage se ferma tout à fait, laissant absolument apparaître toute la colère et la haine qu’elle ressentait envers ce type.

Elle n’attendit même pas d’avoir descendu les escaliers. Harmony gifla le gars de toute sa force en plein visage.

- Tu la touches plus jamais.

Qu’il la menace, qu’il la frappe, elle s’en remettrait. Elle n’avait même pas pensé au fait qu’il avait toujours un flingue, que le frapper c’était peut-être ce qui le pousserait finalement à tirer. Mais elle gardait bon espoir qu’il n’en fasse rien puisqu’il avait besoin d’elle. Et de son cerveau en état de marche.

Il n’avait pas bougé d’un centimètre, se prenant la gifle de plein fouet. Harmony s’attendait plus ou moins à ce qu’il pointe à nouveau son canon vers elle, à ce qu’il lui retourne une bonne claque ou quelque chose de ce genre, pourtant il ne se passa rien. C’était assez déroutant. Il avait osé s’introduire chez elle comme ça, mais même maintenant que la petite n’était pas là pour voir ce qui se passait et alors qu’il avait théoriquement l’avantage étant donné qu’il était le seul à être armé, il ne l’attaquait pas vraiment. Enfin, il la força tout de même à descendre en la maintenant à distance de bras, comme pour éviter qu’elle ne s’en prenne à lui. Il avait bien raison. Elle cherchait encore un moyen de lui voler son flingue ou de récupérer un des siens. Elle finirait par trouver.

- Écoute. Je m'y suis mal pris. Abstiens-toi de le relever, on le sait tous les deux. Mais je ne voyais que ça pour te forcer à parler, et vite.

Harmony le regardait toujours avec la même colère. Il ne voyait que ça pour la forcer à parler, et elle n’avait pas dit un mot qui lui soit utile. Est-ce qu’il ne pourrait pas tout simplement comprendre qu’elle était muette comme une tombe et la laisser tranquille ? Ce serait la moindre des choses. Après une telle irruption chez elle, elle serait en droit d’exercer une véritable vendetta. Et elle connaissait des gens à même de l’y aider. Ils étaient face à face dans le salon, debout, aucun des deux ne semblant vouloir s’asseoir. S’asseoir, ce serait reconnaître l’ascendant de ce type sur elle. Et Harmony n’en avait aucune intention.

- Tu vas me dire d'aller me faire foutre et de dégager. Je vais te tenir tête. Tu vas t'obstiner, ça risque de déraper et de monter en tension. C’est con. T'as pourtant un choix très simple... : "oui j’ai vu ce type et il m'a demandé de lui dégoter une nouvelle identité" Après ça, je veux juste savoir où cet enfoiré qui a tenté de me tuer s'est carapaté.

Elle rit encore. Il croyait vraiment ça se finirait comme ça ? Il était arrivé en demandant simplement si elle avait vu le type, et il commençait déjà à rajouter des questions alors qu’elle n’avait même pas fait mine de répondre à la première. Il n’avait aucune chance d’obtenir quoi que ce soit. Elle n’était pas une balance. Elle n’avait même pas regardé la photo jusqu’à présent, et elle s’en moquait bien. Que ce type soit venu ici ou non, ça ne regardait pas l’intrus. Elle menait un business, il y avait des règles, et surtout une confidentialité à garantir. Qui irait chez un faussaire qui ne tenait pas sa langue ? Personne.

Elle voyait son regard se poser partout dans la pièce, comme s’il allait se jeter sur les coussins pour fouiller, mais elle savait qu’il n’y trouverait rien. Elle ne gardait aucune preuve. Aucun double. Rien de tout ça. Pourquoi faire ? Se faire choper par les flics ? Hors de question.

- Écoute bien, parce que je vais pas le répéter deux fois. Je te répondrai pas, tu peux te tirer tout de suite. On est pas dans un salon de thé ici. Tu dis que tu sais ce que je fais, alors fais marcher tes deux neurones cinq minutes. Mes clients me racontent rien, et je veux rien savoir. Et je donnerai pas leurs nom, et je dirai jamais s’ils passent ici ou pas. Ton type là, j’ai même pas regardé la photo, je m’en fou, qu’il soit passé ou pas c’est pas tes oignons. Alors je te le dis ouais, va te faire foutre, dégage, et si t’as un peu de jugeote c’est très exactement ce que tu vas faire, parce qu’il y a rien pour toi ici, et que t’as déjà bien assez foutu la merde.

Il avait amené un flingue dans le salon, devant Mira. Il avait osé se mettre entre elle et sa demi-sœur. Est-ce qu’il croyait vraiment qu’il arriverait à ses fins ? Harmony n’avait aucunement l’intention de le laisser faire. S’il décidait ne serait-ce que de se diriger à nouveau vers les escaliers, elle le plaquerait au sol comme une joueuse de football américain s’il le fallait, elle n’en avait pas peur. De toute façon, le type avait quand même l’air un peu chancelant et l’odeur d’alcool ne l’avait pas trompée. Il était pas tout frais. Réflexes émoussés.

Elle se rappela qu’il y avait un flingue dans le buffet. Ses yeux se posèrent rapidement sur le tirroir par réflexe. Il faudrait qu’elle le récupère, mais elle se pressa surtout de regarder à nouveau l’intrus pour éviter qu’il n’interprète son coup d’oeil. Si elle se ruait dessus, peut-être qu’il allait tirer. Mais ça valait le coup de prendre le risque.

Harmony se jeta en direction du buffet, bien décidée à se défendre une fois qu’elle aurait trouvé l’arme tant convoitée. Rétablir l’équilibre.

L’adrénaline. Le type s’était déconcentré une minute et Harmony avait bondi. Il n’y aurait peut-être pas d’autre occasion comme celle-ci, il fallait faire vite. La saisir au vol. Elle se précipita contre le buffet, se cognant dedans, avant de tirer sur le tiroir d’un grand coup sec. Elle plongea la main à l’intérieur jusqu’à sentir le contact glacial mais rassurant du pistolet qui se trouvait là. Elle referma ses doigts sur la crosse avant de se retourner, prête à braquer le type, quand elle réalisa que c’était vraiment son jour de chance.

Il avait commencé à fouiller partout et avait fini par se prendre les pieds dans le tapis en fouillant dans le tiroir du meuble télé. L’occasion était trop belle, elle devrait penser à remercier son ange gardien ou sa bonne étoile à l’occasion. Ses doigts glissèrent instructivement sur le canon de l’arme, et elle abattit la crosse sur le crâne de l’intrus de toutes ses forces. Et il s’aplatit par terre, un peu de sang dans les cheveux à cause du coup.

Merde. Qu’est-ce qu’elle devait faire maintenant ? Elle le toucha un peu avec son pied, pour être sûre qu’il ne faisait pas semblant d’être assommé pour lui jouer un sale tour. Mais le type ne bougea pas. Merde. Elle le détailla du regard, se décidant rapidement à attraper son flingue. Elle vérifia s’il était chargé avant de l’ajouter à sa ceinture, histoire d’être sûre de ne plus se retrouver désavantagée face à lui.

Harmony le retourna sur le dos et entreprit de fouiller ses poches à la recherche d’informations sur son identité, bien plus intéressante que toutes les questions pourries qu’il avait voulu lui poser. Après avoir trouvé quelques tickets de caisse de supérette et autres paquets de mouchoirs, elle finit par mettre la main sur un portefeuille qu’elle ouvrit rapidement. Elle connaissait bien ces objets, c’était son métier. Ses yeux se posèrent tout de suite sur sa carte d’identité, pour en mémoriser le nom, et elle commença ensuite à fouiller le reste du portefeuille.

Il y avait une carte du Diesel & Dust. Putain. Creed hébergeait ce type ? Ce n’était peut-être pas lui le patron, mais il savait toujours tout ce qu’il y avait à savoir sur cet endroit, et si ce type en venait, il était probable qu’il le connaisse. Elle regarda une nouvelle fois le visage du type, de Murphy Rivers apparemment, avant de reculer. Son propre pistolet dans une main - hors de question qu’elle le lâche avec ce type ici – elle attrapa son téléphone avec l’autre.

Elle composa rapidement le numéro de Creed, sans même avoir besoin de regarder dans ses contacts. Il connaissait son père depuis qu’ils étaient adolescents, depuis plus longtemps encore que Caleb ne connaissait César Gore. Il allait l’aider. C’était à ça que ça servait la famille, même quand elle n’était pas unie par le sang. Creed savait que son père avait disparu depuis plusieurs mois maintenant, et il avait été d’un soutien précieux. Il n’allait sans doute pas la laisser tomber maintenant.

-Aller putain Creed, réponds… Elle attendit plusieurs secondes, la sonnerie lui parut durer des heures avant qu’elle entende qu’on décrochait. Putain Creed, tu connais Murphy Rivers ?

Elle ne lui laissa pas le temps de dire bonjour, pas le temps de poser la moindre question, pas le temps de répondre.

- Il vient de se pointer chez moi avec un flingue, devant la petite en plus ! Dis quelque chose !

Elle aurait voulu porter le corps inconscient de ce type et le balancer dehors, mais les voisins étaient bien trop curieux pour qu’elle puisse faire ça sans soucis. Elle devait éviter d’attirer les soupçons à tout prix, encore plus vu la situation délicate de sa famille en ce moment. Ses yeux ne quittaient pas Murphy, juste au cas où il se réveille. Dès qu’il serait capable de se mettre sur ses deux jambes, elle le foutrait dehors.