a life, a story -

Juan n’est pas quelqu’un de difficile. L’homme est né au sein d’une famille relativement pauvre. En pleine banlieue Puebla. Il ne sait pas ce qu’est grandir avec tout ce dont une personne normale à besoin. Il n’a pas de frère ni sœur. Mais ses voisins étaient comme sa famille. Il y avait développé un fort attachement avec eux. Lui, sa famille. Tout le monde. Le petit quartier dans lequel il vivait était comme une immense famille. Avant que bien trop jeune, le garçon ne prenne la réalité dans la face. Son pays était le théâtre de beaucoup d’affrontement. Des guerres intestines. Beaucoup trop de  dégâts collatéraux. Des personnes qu’il voyait la veille, et ne revoyait plus de sa vie. Une haine qui grandissait au fur et à mesure que son âge augmentait. Jusqu’au moment de pouvoir rejoindre l’armée mexicaine. Il savait qu’en les rejoignant, il pourrait combattre, empêcher du mieux qu’il pouvait ce genre de drame de se reproduire.

Sa vie lui allait. Il faisait ce qu’il aimait. Il était là où il devait être. Tout semblait être comme il l’avait imaginé. Il s’était même trouvé de nouveaux frères d’armes. Jusqu’au jour où sa vie changeait. Durant une perdition. Un voyage à New York, il rencontrait cette femme. Une personne qui aurait très bien pu être qu’une inconnue. Mais Juan, pour la première fois de sa vie, était attiré plus que pour la chair. Une vieille connaissance tenait une exposition. N’étant pas loin, Morales profitait pour y mettre les pieds, bien que très loin de son monde. La Cubaine était là aussi. Très rapidement, quelque chose se créa entre eux. Au point de venir passer tout son séjour auprès d’elle. Il n’avait jamais senti une connexion aussi forte, puissante. En si peu de temps, il avait l’impression d’avoir passé des mois. Et que c’était très loin d’être suffisant. Mais l’heure était venue. Il devait retourner à son boulot.

De longs mois. A simplement discuter par message, comptant les semaines avant de pouvoir l’avoir dans ses bras, de continuer là où il avait tout laisser. Au point où, quand Juan retrouvait Selena, il venait lui poser la question. Claderia acceptait pour devenir l’épouse de Morales. Tout semblait si lunaire. Tout se passait bien, trop bien même. L’homme n’était pas habitué à ça, lui qui connaissait plutôt le malheur, la dureté de la vie. Ce côté lui allait aussi bien. Assez pour quitter l’armée. Voulant rester avec Selena, sa vie n’était plus dans les combats. C’était ce qu’il pensait.

Un soir, ses collègues venaient le voir. Une ultime demande. Une ultime mission avant qu’il ne parte. Un dernier combat pour faire tomber un cartel. Il ne voulait pas, il préférait rester auprès de sa princesse. Mais il se souvenait comment la vie était lorsqu’il était enfant. Sortir dans la rue était un aussi grand danger que de marcher au milieu d’un champ de tir. Il savait qu’il ne se pardonnerait jamais d’abandonner. Promettant un retour rapide, Juan partait, retourner à la guerre, à la guérilla comme il savait le faire.

Les jours se transformaient en semaines. Semaines en mois. Puis en années. Un conflit qui s’enlisait . Il n’y avait jamais de victoire, toujours des escarmouches qui ne faisaient rien avancer. Comme l’impression de taper dans un mur indestructible. Son envie était toujours là, mais c’était compliqué. C’était une autre façade de la guerre. Celle où il voyait les civils dans son viseur. Où il frappait proche de maison, de ville où des amis à lui vivaient. En parallèle, l’homme n’avait plus de nouvelle de sa femme. Il lui envoyait des lettres, mais aucune réponse. Commençant petit à petit à se faire à l’idée qu’elle été déjà probablement passé à autre chose. Pensant que ce pan de sa vie n’était qu’une distraction finalement. Et que sa vie n’était destiné qu’à combattre. Il n’était pas prêt à la découverte qu’il faisait deux ans plus tard.

Morales découvrait que non seulement ses lettres n’avaient jamais quitté le Mexique. Mais que Selena ne l’avait pas oublié, qu’elle lui avait écrit durant toute cette période. Qu’il avait un fils. Elio. Irréel. Furieux de ne l’apprendre que maintenant, l’homme disparaissait pour la rejoindre. Avant de la voir, avec l’enfant dans ses bras. Il voulait les rejoindre. Mais il n’y arrivait pas. Ses jambes étaient figées. Il ne pouvait tout simplement plus bouger. Il venait se dire que d’un côté, il ne grandirait pas comme lui. Il n’y avait pas de conflit ici, il bénéficierait d’une bonne vie. Et que ne pas connaître son père était peut-être le prix à payer. Que de son côté, il n’avait pas le droit à ce bonheur. Pas tant qu’il avait fini sa tâche. Cette mission. Il décidait donc de repartir. Oubliant qu’il avait ce droit lui aussi d’être heureux.

L’homme retrouve ses fameux collègues. Dont certains lui avaient tout caché. De grosses engueulades, des mises au points. Il était impossible pour lui d’y retourner s’il ne pouvait pas leur faire confiance. Rapidement, sa routine revenait. Puis, un jour, une explosion, une balle qui lui frôle le visage. Une mort qui aurait dû lui venir. Il venait d’échapper à la fin de sa vie. Mais ce manqué miraculeux venait réveiller quelque chose qui s’était éteint. Celle de passer à côté de ce qui était important à sa vie. Il avait assez combattu. Avait assez donné de sa personne. Son temps, ses efforts, ce n’était plus ceux de son passé à qui il le devait, mais à sa femme, et à son enfant. C’était eux la raison de sa vie. Il venait le comprendre presque trop tard, mais avec cette chance, il pouvait retourner auprès d’eux. Corriger les erreurs qu’il avait commis, Construire un futur qu’il ne pensait pas possible quelques jours plus tôt. Juan débarquait donc à Monterey, sans rien, un petit sac à dos, deux trois affaires. Des économies bien entamées. Et une nouvelle volonté.