tw :: aucun.

Fin de journée, 17h30

Je décide d’aller rejoindre Rosalie à son bureau, parce que j’suis pas loin et puis, je crois que je suis prête à lui dire certaines choses me concernant. Il est important pour moi, comme pour elle, d'instaurer une relation de confiance entre nous. Après tout, elle est devenue ma tutrice et si ma vie auparavant ressemblait surtout à un sac de nœuds, avec Rosalie c’est tout à fait le contraire : lacets bien ficelés et attachés. On fait pas n’importe quoi, et on a des règles à respecter. Et quand je dis “on”, je veux dire “moi”. Moi, j’ai des règles à respecter. Moi, je ne fais pas n’importe quoi. J’avoue, c’est pas simple tous les jours. Y’a des fois, j’ai envie de claquer la porte et m’enfermer dans ma chambre, mettre la musique à fond pour ne pas entendre les jérémiades de Rosalie à mon sujet. Ceci dit, depuis que je vis chez elle, je me sens beaucoup mieux. Je traîne plus les rues et surtout j’évite de faire des conneries. Et quand je dis j’évite, c’est volontairement. Ce que je ne fais pas exprès, par contre… c’est un autre débat. Comme le fait d'avoir participé aux enchères de la ville avec les économies de ma tutrice. Oh seigneur, je vais m'en souvenir de celle-là !!! C’est vrai que piquer quelques dollars dans le bocal de la cuisine, c’était pas très juste pour Rosalie et avec le recul, je sais que je n’aurais pas dû. Pour la peine, même si c’était pas grand chose, j’ai économisé mes maigres revenus que j’ai en bossant à la pâtisserie pour rembourser mes bétises. Et en parlant de remboursement, j’ai mon dernier vingt dollars à remettre à ma charmante tutrice dans ma poche !!! Et avec ça, je retiens la leçon.

Et donc, j'arrive dans les locaux du FBI, où l’on rentre pas comme dans un moulin. C’est très intriguant tout en étant apeurant. Franchement, ça donne pas l’envie d’y bosser pour ma part Je passe au détecteur de métaux, on me pose mille questions et je reçois un badge d’accès pour pouvoir me rendre à l’étage visé, non sans escorte. Et c’est que ça rigole pas ici, dans ces lieux. Ils ont peur de se faire flinguer ou quoi ?? En tout cas, après toutes ces péripéties pour pouvoir accéder à l’étage où se trouve le bureau ma tutrice, je remercie l’agent dans l'ascenseur et serrant mon sac en bandoulière contre ma poitrine, je me pose devant le bureau de Rosalie et cogne à la porte :

Coucou !!

Lorsque Rosalie relève la tête vers moi, je lui souris et entre dans la pièce. M’installant sur la chaise face à elle, j’ajoute :

Dis donc, faut rien avoir sur la conscience pour entrer ici... Et encore, t'as envie de confesser un crime que t'as pas commit... C’est flippant !

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Affalée dans mon fauteuil de bureau, incliné légèrement vers l'arrière, je fixe le plafond tandis que mes doigts torturent le pauvre stylo. Cela fait plusieurs mois que je suis devenue tutrice d'une adolescente. Une ado qui m’en fait voir de toutes les couleurs, mais je ne suis pas simple à vivre non plus. On s'apprivoise, on se prend la tête, mais putain, je l'aime cette gosse. Je ne lui ai jamais parlé de l'accident, de ce que ça m'a coûté. Elle ne sait donc pas à quel point elle illumine mon quotidien. J'ai cessé d'enquêter, de passer mon temps libre à fixer les photos de l'accident qui ornaient le mur de ma chambre. J'ai fini par lâcher prise et laisser Caleb bosser dessus. Peu à peu, je perds espoir de connaître la vérité sur cette nuit-là.

Dix ans, tout de même.

En prenant Adaline chez moi, je savais que je ne pourrais plus mener ma vie d'avant. Cette gosse en a tellement bavé, elle a besoin d'avoir une adulte forte et saine dans sa tête pour l'aider à vivre dans ce monde. Lui offrir un foyer aimant où elle peut se sentir bien et en sécurité. J'espère y arriver. Mon petit ouragan est en réalité mon rayon de soleil.

Un rayon de soleil que je pourrais bien perdre.

J'ai appris tout récemment par la bouche d'Albano, un collègue du département des narcotrafiquants, qu'il est le père biologique d'Adaline. Son géniteur. Celui qui l'a abandonnée. Pendant plus d'une décennie, cette petite a été ballottée de foyer en foyer, et maintenant qu'elle est avec moi, que j'arrive à lui donner une stabilité dans sa vie, je vais devoir bouleverser ça. Oui, je dois le lui dire. Je ne sais pas comment elle va le prendre. Peut-être aura-t-elle envie d'aller vivre avec lui ? Elle a de la famille. Elle n'est pas orpheline, finalement. Je pourrais le comprendre, je ne suis rien de plus pour elle qu'une agente du FBI qui lui a sauvé les fesses plus d'une fois.

Je ne suis personne.

Je me redresse, posant mes coudes sur mon bureau et lâchant ce fichu stylo. Mes mains passent sur mon visage avant de terminer dans mes cheveux blonds, lorsque j'entends la voix de la demoiselle. La dernière fois que c'est arrivé, c'était pour m'annoncer son souhait d'arrêter l'école pour se consacrer à la musique. Je ne vous raconte pas la tête que j'ai tirée. Après avoir négocié qu'elle ait un boulot, j'ai accepté qu'elle cesse les cours et qu'elle se lance dans sa passion. Après tout, si jamais ça ne fonctionne pas, elle pourra toujours se réorienter. Mais c'était avant que j'apprenne que ce petit con de Kenny en faisait partie. Oh celui-là, si je pouvais le coincer, je ne le louperais pas.

Je lève mon regard sur la petite brune avant de rire doucement. Depuis juin de cette année, le département Profiling a quitté le commissariat pour rejoindre les bureaux du FBI. C'est plus simple, a lancé le big boss. En soi, tant que je suis dans le même bureau que Dareios, mon équipier, je m'en fous un peu où j'atterris.

- C'est clair que c'est autre chose que le commissariat. Mais, si ça peut te refroidir de faire des conneries, je te ferais venir me voir plus souvent, lançais-je avec un petit air sadique. Je termine de taper ce fichu rapport et on pourra rentrer. J'avoue que je suis étonnée que tu ne sois pas rentrée directement à la maison, lançais-je en plissant les yeux, c'est suspect qu'elle soit là finalement.

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Fin de journée, 17h30

C’est carrément impressionnant de débarquer dans les bureaux du FBI. J’étais déjà certaine qu’on ne rentrerait pas comme dans un moulin. Parfois, on peut croire ce qu’on voit dans les films, ce n’est pas toujours du pipeau ! Je sais que j’aurais pu rentrer directement à la maison, mais comme je traînais en ville, pas trop loin, et que j'avais vraiment envie de discuter avec Rosalie, je me suis dit que c’était le bon moment. Elle connait pas mal de choses à mon sujet à présent. J’ai fait des conneries depuis que je vis chez elle, et j’en paie les pots cassées, bien évidemment. Et puis, elle a été très compréhensive sur mon souhait de quitter l’école, mais en contrepartie, faut bien que je gagne ma croûte. Une chance que Thomas a accepté que je fasse plus d'heures à la pâtisserie. Mais y’a un autre sujet que j’aimerais aborder avec ma tutrice. Non, pas Dante. Elle en sait suffisamment à son sujet pour m’en demander davantage… Et je crois qu’il y a certaines choses que je préfère garder pour moi, le concernant. En tout cas pour le moment…. Après tout, j’ai le droit à mes petits secrets si cela ne fait de mal à personne, n’est-ce pas ?

Non, le sujet est tout autre. Il est tout aussi épineux mais complètement différent du garçon que je fréquente. Et je ne sais pas du tout comment lui en parler. J’ai peur qu’elle se braque… J’ai peur que cela change ma vie, à moi aussi. Pour être tout à fait honnête, vivre avec Rosalie, c’est pas de tout repos. Elle m’en fait voir de toutes les couleurs… oui autant que moi, je dirais mais bon dieu, que je me sens bien dans cette maison. J’ai vraiment l’impression d’avoir ma place. Je ne me sens pas de trop et j’arrive presque à dire que je suis chez moi, maintenant. Je ne suis pas certaine de vouloir changer ça, à cause de… de… Charlie. Je pourrais très bien faire l’autruche. Faire comme si je n’avais jamais croisé cette femme de toute ma vie mais il faut que je me rende à l’évidence ; c’est impossible. Ça fait quelques jours que ça me perturbe et il est devenu primordial d’en toucher deux mots à Rosalie. Mine de rien, elle est en droit de savoir et puis, je n’ai pas envie qu’elle l’apprenne par quelqu’un d’autre en sachant que je le savais, depuis le début…

Quand Rosalie m’informe qu’être ici pourrait me geler l’envie de faire des bêtises, je lève déjà les bras l’air, et hausse les sourcils. Ravie de savoir qu’elle ne trainera pas dix ans de plus en ces lieux, je me dis que je pourrais venir plus souvent aussi. Elle rentrerait plus tôt à la maison, et on pourrait au moins souper ensemble, pour changer.

Oh non, j’ai pas envie de me faire taper sur les doigts encore une fois… J’ai ma dose. Et puis pour tout t’avouer, j’aime bien mon… « nouveau moi » ?

Oui, nouveau moi, c’est le mot. Moins de conneries, moins de séjours en prison. En vrai, depuis février dernier, je n’ai plus mis les pieds au commissariat ! J’pourrais même demander une médaille à Rosalie, vous en pensez quoi ?? Puis, je me mordille la lèvre inférieure, me souvenant de sa question. ça va être compliqué à expliquer, ça…

Ouais euh… y’a un truc qui m’embête depuis quelques jours et comme je passais dans le coin, je me suis dit que c’était le moment de t’en parler…

Je m’installe sur la chaise face à son bureau. Cette fois, je pique dans le vif. Elle est toute ouïe. Je croise les jambes, ramène mon pied droit sur ma cuisse, et joue nerveusement avec le lacet de ma converse.

Tu sais… quand t’es partie en weekend avec… ton copain mystère… (Je souligne le fait que je ne suis pas idiote. Si elle est partie, c’est bien avec un gars! Celui avec lequel elle tchat en s’imaginant que je ne vois rien là…) Oui oui… Zeck, j’suis au courant…

Bref, c’est pas ça le plus important, tu t’égares, Ada!

… Bref, quand tu m’as déposée à la plage pour ce truc avec la maison des jeunes… j’suis tombée sur une… (Je continue de jouer avec mes lacets. ça me perturbe tellement plus que je ne le voudrais)... femme, qui ressemblait trait pour trait à ma mère biologique. Et… de fil en aiguille, j’ai su qu’elle était sa sœur…

Je redresse la tête, plonge mon regard vers Rosalie. C’était compliqué à dire, mais au moins, c’est sorti là. Libérée d’un poids oui, mais pourquoi je me sens mal, alors ? Je fais claquer ma langue sur mon palais, soupire.

Voilà…

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Adaline. Une petite rebelle qui m'a bien donné du fil à retordre. À force, quand la police locale l'arrêtait, on me prévenait directement. Allez savoir pourquoi elle et pas une autre, je ne saurais pas vous dire. Je l'ai prise sous mon aile et je lui ai sauvé les miches plus d'une fois. Aujourd'hui, je ne regrette rien, je vois le changement opérer en elle depuis qu'elle vit chez moi. Elle me semble un peu plus apaisée, et je ne sais pas si c'est dû au fait que j'arrive à lui donner une stabilité et qu'elle soit parvenue à trouver sa place dans ma vie. Elle a sa propre chambre qu'elle a pu décorer comme elle le souhaitait. J'ai acheté les meubles qu'elle aimait, et même au salon, on a modifié certaines choses. J'ai mis un point d'honneur sur le fait qu'elle se sente chez elle. À son contact, j'ai également changé. Je ne suis plus obnubilée par l'accident, et j'essaie d'être accessible au maximum. Je pars moins souvent en déplacement, là où avant j'étais la première à me proposer pour aller aider la police locale sur place.

D'ailleurs, elle me le dit elle-même, elle aime son nouveau elle. Je suis soulagée et heureuse d'entendre ça. Loin de moi le souhait de la changer, je tiens à ce qu'elle garde sa personnalité, mais je veux seulement qu'elle se sente plus sereine dans sa vie.

- Si tu l'aimes, c'est le principal. C'est vrai que je ne te l'ai pas encore dit, mais je suis fière de toi. Je suis consciente que tu t'es calmée sur les conneries, et tout le mérite te revient. Tu peux en être fière, dis-je avec un sourire sincère sur les lèvres.

Bien que la voir débarquer à mon bureau me fait plaisir, je la connais par cœur. Je sais que ce n'est pas simplement pour venir voir ma petite gueule, mais bien parce qu'elle doit avoir quelque chose à me dire. Comme la fois où elle m'a parlé de contraception, de son souhait d'arrêter l'école... Autant dire que je m'attends à tout maintenant. Pour autant, je suis contente qu'elle s'ouvre à moi, qu'elle n'hésite pas à me parler de ce qui peut la tracasser ou de sujets délicats. Ça prouve qu'elle me fait un minimum confiance. Sentant que la conversation qui va suivre est importante, je referme le dossier et pose mes avant-bras sur mon bureau.

Pendant ses explications, j'apprends qu'elle a capté que je suis partie en week-end avec Ezeckiel. Bon, en vrai, j'ai le droit de partir avec un ami... oui, car il s'agit d'un ami... un ami avec qui ça finit souvent au lit. Ouais... Elle n'a pas besoin de savoir ça.

Mes sourcils se froncent quand je la sens un peu perturbée par ce qu'elle veut me raconter. Une fois la révélation faite, je reste sans voix. Ce n'est pas étonnant qu'Ada soit un peu perdue quand moi-même je le suis. Sérieusement, pourquoi les gens sortent-ils de l'ombre quand, enfin, elle trouve une certaine stabilité dans sa vie ? Ils n'auraient pas pu se manifester plus tôt ? Avant qu'elle ne finisse à l'orphelinat peut-être ?! C'est bien beau de débarquer maintenant que les choses semblent aller mieux pour l'adolescente. Quand je tisse enfin un lien avec elle, quand tout simplement je me suis rapprochée d'elle.

Une tante…
Un père…

Égoïstement, je vois ça d'un mauvais œil. J'ai envie de lui dire de rester loin de cette femme, loin de son père... Putain, il va falloir que je lui annonce ça. Je veux la protéger à tout prix, mais rien ne me dit que ces gens sont néfastes pour elle. Albano, il m'est déjà arrivé de bosser avec lui. C'est un homme bien. Par contre, pour la tante là, je compte bien mener ma petite enquête.

Je reprends mes esprits et passe mes mains dans mes cheveux blonds pour les remettre en arrière.

- Je vois... hum… Tu te sens comment ? Ça doit te faire un choc…

Ma priorité, c’est elle. J’ai besoin de savoir comment elle se sent psychologiquement face à ça, avant de lui lancer une autre bombe. Je sens mon cœur qui se serre, car déjà je m'inquiétais qu'elle veuille aller vivre avec Albano, maintenant elle pourrait vouloir habiter avec sa tante. Même si légalement, je suis sa tutrice et qu'ils n'ont aucun droit sur elle, Adaline en a suffisamment bavé dans la vie. Je veux qu'elle soit heureuse, et si c'est en vivant avec un membre de sa famille biologique, je ne pourrais pas le lui refuser. J'aurais le cœur brisé, mais elle au moins, elle se sentira bien.

- Tu as envie d’apprendre à la connaitre ?

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Fin de journée, 17h30

Aimer mon “nouveau moi” C’est bien étrange je le reconnais mais ce changement me fait vraiment du bien. J’ai l’impression d’être moins sur les nerfs mais ça, je crois que c’est le fait de fréquenter un garçon qui me donne des papillons dans le ventre. Je n’ai jamais été aussi bien, malgré ce qu’il se passe dans ma vie, ces dernières semaines. Je me suis confiée à Wallace, qui est le petit frère de Rosalie. On s’entend très bien du fait qu’on a pratiquement le même âge et du coup pas mal de points communs en tous genres mais c’est vraiment facile de discuter avec lui. De ce fait, je lui ai d’abord parlé de Charlie et de mon lien de parenté. Je ne savais pas du tout quoi faire de cette information, en sachant que deux options pourraient s’offrir à moi. La première étant que Rosalie se braque et ne souhaite rien savoir à ce sujet. Et la deuxième serait qu’elle voit l’opportunité de me mettre dehors en se disant que, puisque j’ai de la parenté, elle n’a plus besoin de s’occuper de moi, tel le chien battu que j’ai l’air par moment !

Bon j’exagère un peu mais c’est ce que je ressens parfois mais à cet instant, je me sens bien, légèrement gênée par les mots de Rosalie. Savoir que je la rends fière me soulage, me procure une telle confiance en moi que j’suis certaine que ça déborde. Qu’elle soit fière de moi, ça me pousse davantage à l’être encore plus. Et quitter l’école est un sacré défi, c’est vrai mais il n’est pas question de flancher, je dois lui prouver que je suis capable de faire de grandes choses sans pour autant passer par de grandes études. Alors, je ne lâcherai pas, je continuerai à la rendre fière de moi. Et me rendre fière moi-même, à cette occasion.

Ceci dit, le souci est tout autre et j'éprouve beaucoup de difficultés à lui parler de Charlie. Seulement, il le faut, je ne veux pas qu’elle l’apprenne par quelqu’un d’autre genre la travailleuse sociale ou j’sais pas quoi ! Puisque c’est moi qui ait découvert son existence, c’est à moi de tout lui dire. Elle mérite au moins ça. J’irais pas me cacher derrière mes notes de musique pour ne pas affronter mon destin. Ça sera quitte ou double, j’imagine. Soit je reste, soit je m’en vais, non ? En tout cas Wallace dit qu’elle ne me mettra jamais dehors. Après tout, c'est sa sœur qui la connaît mieux que moi. Si elle tient autant que je tiens à elle, alors j’devrais pas m’en faire. Pourtant j’en tremble presque, quand je lui annonce la nouvelle. Elle fait l’effet d’une bombe, hein j’suis pas idiote, elle ne sait plus quoi dire, alors moi, je la fixe, intensément, à la recherche du moindre pétage de plombs dans : trois… deux… un… Je me mords la lèvre, j’imaginais pas du tout ce calme hors du commun. Je ne l'ai jamais vu si… zen. Pourtant j’viens de lui annoncer que j’ai une tante, la soeur de ma mère sait qui je suis, et je sais qui elle est… Du coup, je hausse les épaules à sa question. Je murmure, quelques mots, sans oser la regarder.

Mal… J’me sens mal. J’y comprends tellement rien.

Pendant les dix huit premières années de ma vie, j’ai cru que je n’avais pas de famille. Que mis à part ma pauvre mère biologique qui est morte quelques mois après ma naissance, je n’avais personne d’autres. Quand j’ai été placée dans une institution pour orphelins, personne ne m’a réclamée. J’étais vouée à vivre seule, sans amour, sans personne… jusqu’à ce qu’elle débarque, la blondinette… Elle est la première à m’offrir un foyer où je me sens enfin chez moi. Je n’ai pas envie que tout cela change. Et quand Rosalie me demande si j’ai envie de la connaître, c’est plutôt tout autre chose qui me perturbe, alors, c’est en étouffant un sanglot dans le fond de ma gorge que j’ose planter mes yeux dans les siens pour lui demander, suppliante :

Est-ce que tu vas me renvoyer maintenant que tu sais ?

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Un père et une tante qui resurgissent après dix-huit ans. Se sont-ils donné le mot ou quoi ? C’était avant qu’Adaline ait besoin d’eux ; maintenant, elle a une nouvelle famille : les Hayes. Je sais que mon père et mes frères l’adorent, surtout Wallace. Je suis heureuse de voir qu’ils l’ont aussi bien intégrée dans notre petit clan. Sans compter que je pense réussir à lui offrir cette vie stable qui lui manquait. Certes, on se prend parfois la tête, mais elle ne manque pas d’amour. Du moins, je l’espère. Maintenant, pour être honnête, j’ai peur. Peur qu’en nouant le contact avec sa famille biologique, elle ait envie d’aller vivre avec cette femme ou Albano. Je ne suis que sa tutrice après tout.

- Mal… J’me sens mal. J’y comprends tellement rien.
- C’est normal. Ça a dû te faire un choc… Mais sache que la décision de la revoir et d’établir ou non un lien avec elle te revient. Tu y vas à ton rythme, et si jamais elle te met la pression ou que tu te sens suivie, tu me préviens, et j’irai lui dire deux mots.

Dire que je m’apprête à lui causer un second choc. Putain, Albano, tu n’aurais pas pu garder ça pour toi encore quelques mois, ou bien me le dire plus tôt ? Comme si elle avait besoin d’un second coup de massue. Tant de questions doivent germer dans sa tête. J’aimerais pouvoir l’aider, répondre à ses questions, mais je ne suis pas certaine d’avoir les réponses. D’autant que d’un point de vue totalement égoïste, je serais plus encline à l’inciter à laisser ces personnes loin d’elle. Elle n’a pas besoin d’eux. Sauf que si. Eux seuls pourront répondre à ses interrogations, lui parler de sa mère, de ses origines.

- Est-ce que tu vas me renvoyer maintenant que tu sais ?

Mon cœur manque un battement en entendant cette question. Le regard plongé dans le sien, je peux voir ses yeux s’humidifier légèrement. J’en ai le cœur brisé. Je n’ai pas pensé une seule seconde qu’elle puisse craindre que je voie ça comme l’opportunité de me débarrasser d’elle.

- Ada… ma puce, bien sûr que non ! lançais-je avec effroi avant de quitter mon siège.

Je contourne le bureau et je prends la chaise à côté de la sienne pour la rapprocher. Je tourne la sienne pour qu’elle puisse être face à moi, avant de prendre ses mains dans les miennes et les serrer tendrement. Mon regard s’égare dans le sien, avant de glisser ma main gauche sur sa joue pour la caresser doucement.

- Adaline, sache que je ne laisserai rien ni personne se mettre entre nous. Ta maison, c’est celle où tu vis avec moi. Rien ne changera ça. Je n’ai aucune envie ni intention de te faire partir. Les Hayes sont ta famille. Et ce n’est pas parce que tu as une tante qui sort de je ne sais où, que ça va changer, dis-je sincèrement sans lâcher son regard. Et sache aussi que tu as le droit d’avoir envie de la connaître, je ne te tournerai pas le dos pour autant. Je t’aime, ma p’tite emmerdeuse préférée, lançais-je pour un peu de légèreté.

J’espère être parvenue à la rassurer. Qu’elle comprenne que je ne laisserai personne venir s’immiscer entre nous. On a créé un lien, et aujourd’hui, on fait en sorte de le renforcer et de le contenir. Si seulement elle pouvait entrer dans ma tête et mon cœur pour comprendre la place qu’elle tient dans ma vie, l’impact positif qu’elle m’apporte au quotidien.

Sentant que le moment de la vérité est maintenant, je ne peux pas reculer. Surtout que je préfère le lui annoncer moi-même. Je refuse que cette femme ou qu’Albano le fasse à ma place. Entrelaçant mes doigts aux siens, je prends une profonde inspiration.

- J’ai aussi quelque chose à te révéler. Je ne le sais que depuis quelques jours et je voulais m’assurer que c’était vrai avant de t’en parler… Albano Diaz. Tu vois qui c’est ? L’agent du FBI qui travaille dans un autre département. Tu as déjà eu affaire à lui d’après ce qu’il m’a dit… Il m’a annoncé que… qu’il était ton père biologique. Je suis désolée de te le dire maintenant alors que tu es déjà perdue et pas bien avec le fait que tu viens de te découvrir une tante…

CODAGE PAR AMATIS

tw :: aucun.

Fin de journée, 17h30

Je ne sais pas si j’ai envie de revoir Charlie. Je ne sais pas si j’ai envie de changer ma manière de vivre depuis quelques mois parce que tout se passe bien, il faut le dire. J’ai arrêté les conneries parce que je l’ai promis à Rosalie et jusqu’à présent, j’ai l’air d’être une fille digne de confiance. Bon, j’avoue qu’il y a eu quelques “Kouak” avec ma tutrice depuis que j'ai emménagé chez elle en février dernier mais dans l’ensemble, on forme un très bon duo, vous trouvez pas ?  Je n'arrive cependant pas à comprendre pourquoi, après dix-huit ans, elle refait surface ? Enfin, elle ne le savait pas elle-même, Charlie. Ce fût tout un choc pour elle aussi et j’crois que ma façon de réagir a été très exagérée mais à la hauteur de mes émotions, c’est évident. Quand on se rend compte qu’on est seule depuis toujours, qu’on s’habitue à ne compter que sur soi-même, on éprouve de la difficulté à faire confiance aux autres. Et Rosalie peut en témoigner d’ailleurs. J’suis pas des plus bavardes quand il s’agit de confier mes secrets hein ! D’ailleurs, c’est son petit frère qui écope de mes tourments, le pauvre!!! Mais au moins j’suis pas fermée comme une huître, c’est le point important.

Rosalie est d’un calme remarquable, que je trouve son comportement étrange. J’ai pas l’habitude de la voir si posée. En général elle est tout feu tout flamme mais j’me dis que c’est surement quand j’suis pas docile qu’elle est comme ça. Et la situation actuelle fait que je ne me sens pas bien, que c’est sérieux et qu’il n’y a rien à en rire, d’ailleurs. Elle se montre très prévenante, et réagit carrément en adulte responsable. A sa place, je l’aurais envoyé chier, cette femme qui sort de nulle part. J’aurais mis un droit de véto sur ma personne, je pense. Vous savez, un peu comme une mère lionne qui protège ses petits ? Un truc dans ce goût-là, parce que j’sais que Rosalie, c’est pas ma mère. Parfois elle se comporte comme telle alors, ça m’embrouille les idées… Puis, Je ris à sa dernière phrase, en relevant les yeux vers Rosalie :

D’accord, j’en prends bonne note.

Alors c’est bien beau de détendre l’atmosphère et tout, mais j’me sens pas mieux pour autant. En fait, j’ai toujours une angoisse profonde qui me bouffe de l’intérieur. Et j’en ai d’ailleurs discuté avec Wally, l’autre jour. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai commencé à imaginer le pire pour moi. Que Rosalie finisse par me jeter, comme tous les autres, parce que j’ai de la parenté à Monterey. Après tout, elle pourrait se décharger de moi et retrouver sa vie d’avant, avec son copain que j’vois jamais mais dont je connais l'existence (n’est-ce pas ????). Elle pourrait avoir un p’tit bébé aussi, qui serait bien à elle. Elle n’aurait pas besoin de s’occuper d’une adolescente presque majeure. Le surnom qu’elle me donne, me surprend, parce que c’est bien la première fois qu’elle me donne un nom affectueux mais je ne m’arrête pas à ces mots, je vois ses mains se glisser dans les miens, tandis qu’elle s’est levée de son siège sans que je ne m’en rende compte. Mes larmes sont au bord des yeux, je ne pensais pas que ça me ferait un tel effet, de dire à voix haute ce que je crains en silence depuis des jours et des jours. Sa main qui caresse ma joue, et ses paroles qui se veulent rassurantes, m’obligent à la regarder droit dans les yeux. Je hoche la tête en l’écoutant. Les Hayes sont ma famille. Rosalie est ma famille à présent mais je sens l’émotion m’emporter, j’ai la gorge nouée. Son “je t’aime” me foudroie, littéralement. C’est la première fois que j’entends ces mots-là de toute ma vie. Enfin, je veux dire, d’un adulte. Kenny et moi on n’arrête pas de se le dire, mais ce n’est pas la même chose en fait. La c’est différent. C’est puissant, et ça me laisse sans voix. Et sans attendre, je plonge dans les bras de ma tutrice, j’enfouis ma tête dans le creux de son cou et la sert si fort que je pourrais presque l’empêcher de respirer. Mais c’est parce que j’ai besoin de ce contact, une étreinte que je n’ai jamais réclamée à qui que ce soit mais qui est devenu un besoin vital pour ma survie. Je n’ai jamais été expressive, avec personne, mais je crois que nous venons d’entamer une nouvelle étape avec Rosalie…

Quand je mets fin à notre étreinte particulière, je ne suis pas au bout de mes émotions. Soutenant son regard qui semble avoir quelque peu changé, je fronce les sourcils, je l'écoute attentivement. Elle m’apprend que j’ai donc… un père. Un géniteur au nom de Diaz et que j’ai déjà eu à faire à lui, dans le passé. Et tout en me décomposant, littéralement sur place, je me revois avec lui, plusieurs fois, à me montrer sauvage au commissariat. Je le hais. C’est officiel, je déteste cet homme !!!! Je fronce davantage les sourcils, soupire et me remets à pleurer. Aaaaah que je détesteee çaaaa !!!!

Ah non ! Me dis pas ça putain… Non, j’veux pas. J’veux plus !!!

ça suffit ces gens qui sortent de nulle part et qui revendiquent leur lien de sang avec moi !!!!

CODAGE PAR AMATIS