« Une soeur est un cadeau pour le coeur, un ami pour l'esprit, un fil d'or au sens de la vie »

ft. @Siobhan Adelson & Oonagh Fitzgerald 
Plaza Hotel ; Monterey. CA.

tw :: mention de prison

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Me détendre. Choisir l’enfermement comme solution acceptable pour retrouver un apaisement salvateur. L’ironie de mon programme de la journée est si risible, et pourtant, je n’ai jamais été aussi impatiente de quitter mon appartement, dans l’immeuble communautaire, depuis que je m’y suis installé. On peut dire que ma prison pour quelques heures sera le Plaza Hotel de Monterey, rien que ça... Inutile de s'inquiéter, n'est ce pas?

La vie est pleine de surprises et parfois, nous acceptons des situations improbables pour simplement faire plaisir à l’être aimé. J’en sais quelque chose, en la matière, je peux affirmer être un serviteur dévoué, quand il s’agit de prouver sa loyauté. J’ai fait les frais d’un aveuglement sans faille mais je ne veux pas me laisser happer par le passé, aujourd’hui. Non, ce Samedi est un cadeau que je savoure, avant même d’avoir ouvert le paquet. Le programme d’aujourd’hui est simple: oublier ses tracas. Profiter d’une escapade dépaysante dans une ville que nous connaissons en large et en travers. Bulle d’oxygène convenue avec ma grande sœur, grâce à une longue conversation. Un commun accord qui coulait de source, tandis que nos états respectifs nous hurlait de nous écouter, pour une fois.

Siobhan ne va pas bien. Il suffit d’écouter mon instinct en la matière, celui qui nous relie toutes, nous, les sœurs Fitzgerald. Bien qu’écartée de ma tribu durant quatre années, je n’ai pas perdu cette intuition, dès que cela concerne ma famille. Je suis la petite dernière, celle qui ne faisait pas de vagues, jusqu’à ce que je me retrouve en prison pour un crime commis en parfaite connaissance de cause. Nous faisons tous des erreurs, j’en ai payé le prix. Et désormais, j’aspire à un avenir paisible, chargé de belles promesses et d’instants que je pourrais chérir, maintenant que j’en connais la rareté et l’aspect si précieux.
Oui, ces prochaines heures nous appartiennent et nous saurons chérir cette pause plus que méritée. Elle est notre salut, notre instant de grâce.

Mon sac n’a pas été compliqué à préparer, le plus dur a sans doute été de quitter Nikki, de l’informer que je ne serais pas présente pour notre légendaire soirée du Samedi, en pyjama en regardant notre télé réalité méga ringarde. Elle ne m’en veut pas, bien entendu, elle a compris, au son de ma voix, l’importance de consacrer du temps à Siobhan. J’ai emprunté sa voiture, tenant à participer activement à l’organisation de notre activité. J’arrive légèrement en avance au rendez-vous, me gare en douceur, dévorant des yeux cet immeuble qui comporte désormais le foyer de Siobhan, que je ne connais pas encore. Léger coup de klaxon afin d’indiquer ma présence à ma sœur, je profite de quelques secondes de répit afin d’envoyer un message à Nikki, qui me manque déjà atrocement… Ainsi qu’à Wallace. Les deux messages ne sont guère différents, beaucoup d’émojis coeur les composent, beaucoup de tendresse à l’égard de deux personnes essentielles à mon bonheur. Le coeur gonflé de soulagement tandis que j’aperçois Siobhan marcher en direction de ma voiture, je planque instinctivement mon smartphone dans mon sac, je me jette sur ses joues afin de déposer des tendres baisers pour la saluer, tandis que je lui dis, d’une voix enrouée:

Alors, Madame Adelson… Punaise, ça fait bizarre de dire ça mais bon… Fitz un jour, Fitz toujours, n’est ce pas…?

Clin d’oeil complice lancé à ma grande soeur tandis que j’ajoute, poussant du bout de l’index mes lunettes de soleil sur mon nez:

Allez, en route. Je t’avoue que je ne suis plus aussi à l’aise qu’auparavant au volant mais… Je peux compter sur ma copilote du jour. Hein?

Pressant le genou de Siobhan dans ma main fragile, je lui offre un sourire timide, persuadée que cette parenthèse est la seule chose dont nous avions vraiment besoin.
Car nous l’avons décidé. Le monde appartient aux audacieuses.
Mais également à celles qui choisissent de se préserver…

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MAI 2024

La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, malheureusement. J’ai connu des hauts, mais aussi beaucoup de bas, durant toute mon existence. J’ai toujours fait en sorte de garder la tête froide, de ne pas me laisser envahir par les déceptions, sauf quand il s’agissait de Conrad ; mon cœur s’est éloigné du sien, je n’arrivais plus à voir ce qui nous unissait vraiment. L’amour ? Il n’était peut-être pas aussi puissant que je le pensais au début de notre mariage. Nous avons vécu  bien trop de choses difficiles pour en sortir indemne tous les deux. La vie m’a offert une seconde chance, m’a prouvé qu’elle pouvait être généreuse et abondante lorsqu’elle le voulait. Ces deux dernières années ont été remplies d'épreuves, c’est vrai. Mes sentiments ont évolué et ont pris un autre chemin que celui que je leur croyais destiné mais la finalité de ces instants m’a amenée à unir mon être à une nouvelle âme : Caleb.

La peur de l’inconnu m’a submergée mais pas autant que ce flot d’amour à son égard; Caleb Adelson est non seulement un ami merveilleux sur lequel j’ai pu trouvé une oreille attentive et une épaule pour pleurer, toutes ces années d’amitié mais il est également ma personne, mon âme soeur. De toute évidence, c’est lui que je cherchais depuis toujours. Caleb m’apporte tellement plus qu’il ne l’imagine. Il est d’un soutien sans faille alors que nous vivons la période la plus difficile à vivre en ce début de mariage. Nous n’avions jamais envisagé d’avoir des enfants. D’une part, parce que je pensais que ce serait impossible, bien que mon miracle est la preuve que rien n’est impossible dans ce monde mais il est évident que ce n’est pas quelque chose de réellement à notre portée comme pour la plupart des gens de ce bas monde. Et puis, parler d’enfants alors qu’on vit à peine notre relation amoureuse, ça ne m’a même pas effleuré l’esprit. Madeleine occupe déjà tellement notre vie quotidienne que je trouvais notre famille suffisante.

Jusqu’à maintenant.
Perdre ce bébé, me fait remettre tout en question. J’ai chéri ce cadeau surprise dès l’instant où je l’ai su et l’idée d’avoir un autre bébé ne me quitte plus depuis. J’aimerais qu’on essaie mais je ne suis pas prête pour ça. Et puis, il faudrait qu’on en parle avant, ça me semble important. Mais pour l’heure, j’ai décidé de consacrer du temps à ma petite sœur. Il est temps que je laisse mes peines de côté et qu’on rattrape surtout le temps que nous n’avons pas passé ensemble toutes les deux. Alors, j’ai déposé Maddie chez Conrad comme je le fais depuis quelque temps, le samedi. Je ne suis pas très à l’aise, je l’avoue mais c’est ce que nous avons convenu à l’amiable. Je trouve que c’est mieux ainsi, plutôt que de passer par des avocats et se faire la guerre pendant des années. Depuis que j’ai appris qu’il allait avoir un bébé, avec une autre femme, je tiens à préserver ma santé mentale alors je choisi mes batailles, avec soin. J’en délaisse et c’est bien comme ça. J’ai simplement demandé à Conrad de déposer Madeleine à la maison en fin de journée. Il risque de se retrouver nez à nez avec Caleb, mais pas le choix, je n’ai pas à dire à mon ex-mari ce que je fais de mon emploi du temps. Et je suis certaine que mon amour s’en sortira parfaitement avec notre puce, il est tellement le père parfait.

En rejoignant ma sœur jusqu’à sa voiture, je souris de toutes mes dents. On laisse les ondes négatives à l’extérieur de l’habitacle. Je laisse même ma sœur m’embrasser avec enthousiasme, qui risque fort de me contaminer, c’est bien ce qu’il me faut, après tout !! Et puis, le fait de m’appeler Madame Adelson, ça me gonfle de fierté, elle n’a même pas idée !! J’incline la tête à ses paroles, complètement d’accord que la part de Fitzgerald en moi ne ternira jamais. Alors même si je porte le nom de mon époux, je serais toujours fière d’être celle que je suis grâce à nos parents. Faisant pareil que ma jeune soeur, je m’habille de ma plus belle paire de lunettes de soleil et j'affirme à Oonie :

— En route, capitaine. J’ai toute confiance en toi !

L’exercice n’est pas si difficile même si je sens Oonagh quelque peu hésitante au volant par moment. Durant le trajet jusqu’au Plaza, nous avons poussé la chansonnette comme deux grandes folles, mais peu importe l’image qu’on donne, arrêté aux différents feux de signalisations, l’important c’est qu’on se sente légères, pleine de vie, toutes les deux. Loin de s’imaginer que nous vivons des épreuves compliquées dans notre quotidien. Je récupère nos sacs dans le coffre de la voiture et lance à la plus belle :

— Dis donc, t’avais pas menti quand tu m’as dit que l’endroit serait au top.

Ma petite sœur n’a pas hésité à nous faire plaisir. L’endroit est splendide, il fait beau, le soleil et la chaleur sont avec nous. Les pelouses sont également resplendissantes et je sens déjà le parfum de la détente se faufiler dans mes narines. Mais avant tout, allons nous installer dans notre chambre, ensuite on ira profiter du spa et des massages.

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Siobhan a toujours été une source inépuisable d’énergie et un modèle qui m’inspire. Une femme qui gère sa vie, sur tous les fronts, qui se trompe, certes, qui échoue mais à la fois qui se bat et qui réussi, envers et contre tout. Je n’ai jamais osé lui dire franchement ce que je ressens à son égard, mais je l’aime, inconditionnellement. Et je l’admire tellement. La déception que j’ai pu lui inspirer à cause de la “bêtise” que j’ai commis il y a quatre ans me dégoûte mais je tente d’aller de l’avant, de regarder vers l’avenir à défaut de ressasser le passé.
Je pense qu’aucune de nous deux n’a besoin d’entretenir les erreurs et les actes manqués qui font de nous des êtres humains, tout simplement.
L’union fait la force et c’est la seule leçon de notre incroyable et vaste famille.
Siobhan est complète: une grande soeur aimante, un sage femme incroyable et professionnelle, une épouse éperdument amoureuse. J’espère, un jour, connaître le bonheur qu’elle a ressenti, qui a explosé dans sa poitrine le jour où elle s’est unie avec son âme sœur. Je me suis surtout senti chanceuse d’être présente, d’être libre tandis que Siobhan prenait la décision de ne plus l’être, au profit d’un mariage qui l’a rendue si comblée.

L’atmosphère est légère dans la voiture, nous chantons, de mon côté, ce n’est pas toujours juste, mais ça a le mérite d’être spontané. Grâce à cette bonne ambiance, le trajet s’écoule en un claquement de doigt et nous sommes arrivés à l’heure à l’hôtel Plaza. Tout aussi émerveillée que ma grande soeur, je pose ma main sur son avant bras que je presse doucement, d’un geste tendre, tout en lui disant, manoeuvrant de mon autre main libre:

Je suis ravie que ça te plaise, Shiv’. Allez, je me gare, on pose nos affaires et on va en profiter!

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la vérité sort de la bouche de nos aînés. Le lieu, que j’avais découvert grâce aux photographies de son site internet, est encore plus merveilleux en vrai. Je déambule jusqu’à l'accueil, où nous récupérons les clés de la chambre, pour déposer à la hâte nos maigres bagages. Notre objectif principal est de profiter de tous les services de l’hôtel, notamment les soins. Alors, bras dessus dessous, nous nous rendons dans la zone réservée, l’endroit semble désert, ce qui me convient parfaitement, un brin d’intimité ne nous fera pas de mal. Une hôtesse nous explique que nous allons bientôt être prises en charge mais que pour patienter, le personnel nous invite à profiter du grand bain, première étape afin de nous détendre comme il se doit. Alors, je m’engouffre dans une cabine, laisse mes vêtements de côté afin d’enfiler mon maillot de bain. Je gigote dans tous les sens, j’attache mes cheveux grâce à un large élastique afin de ne pas les mouiller, enfin, c’est un espoir vain, mais dont je n’ai pas encore conscience. Enfin, je retrouve ma sœur tandis que je découvre l’étendue d’eau, déserte et si reposante.

La piscine.

Me dénuder est un acte encore nouveau. Ce n’est pas à cause d’un manque de confiance envers Siobhan ou la faute à une pudeur mal placée. Non, il s’agit tout simplement de cicatrices que je ne suis pas prête à dévoiler. Des stigmates de mon incarcération qui me rappellent cette période de ma vie, bien que je souhaite plus que tout l’oublier. Mais le corps est une machine bien étrange, qui elle, retient tout, ne laisse absolument rien de côté. Souhaitant faire diversion et renouant, malgré moi, avec mon âme d’enfant, je me précipite dans l’eau tout en avertissant ma soeur, qui se glisse dans la piscine grâce aux marches, du côté opposé:

Attention, la bombe!

PAAAAAF! Bon bah au moins, c’est réglé, hein! Et tant pis pour les cheveux, ils seront mouillés, un point c’est tout. Récupérant mon élastique échoué non loin de là, j’effectue quelques brasses pour rejoindre Siobhan, souriant de toutes mes dents, sincèrement heureuse d’être ici et de profiter d’un instant privilégié:

Bon… J’ai beau me comporter comme une enfant, je n’en suis plus vraiment une… Je suis adulte, désormais. Et je peux même t’annoncer que je suis officiellement une stagiaire au FBI!

Je n’en pouvais plus, j’avais besoin de partager cette bonne nouvelle avec Siobhan. Tourbillonnant dans l’eau, je fais la fière, j’arbore un masque de confiance alors qu’au fond, je ne cherche qu’une chose: Prouver à ma sœur que je m’en sortirais toujours et qu’elle aura enfin des raisons d’être fière de moi…

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MAI 2024

L’hôtel Plaza.
C’est qu’elle n’a pas fait les choses à moitié, ma petite sœur adorée.
Quand ça va mal, ça va mal et le remède à ce qui va mal, c’est de profiter des choses simples de la vie avec un petit vent de folie qui est grandement apprécié. On laisse alors de côté nos tourments, pour seulement garder ce qui nous fait du bien. Et passer du temps rien qu’avec ma petite sœur, c’est ce dont j’ai le plus besoin en ce moment. Ses erreurs de jugements l’ont conduite en prison, et pendant quatre ans, j’ai été privée de mon rayon de soleil. Oonie était très solaire avant et j’espère qu’elle retrouvera ce tempérament, même si elle a vieilli et surtout mûrit, ces dernières années. Je me souviens quand j’allais la voir au parloir au début, ce n’était pas simple. Elle a dû s'imposer entre ces murs hostiles, je me rappelle très bien encore des équimoses sur le visage, la lèvre fendue… et ce qu’elle réussissait à me dire en souriant c’était : « Tu verrais la gueule de l’autre… ». Oonie en a bavé, je le sais et maintenant qu’elle est enfin dehors, je veux qu’elle laisse derrière elle, cette partie d’elle qui n’a pas sa place dans notre existence. Certes, j’ai été déçue de ses choix mais ça n'enlèvera en rien, mon amour pour elle. Ce qui compte aujourd’hui, c’est qu’elle en tire la meilleure des leçons pour que cela ne se reproduise plus jamais. Faisons rase du passé. Profitons de ces instants précieux entre soeurs. La vie est trop courte, pour perdre encore plus de temps à être heureux.

Et c’est maintenant que ça commence tandis que nous nous adressons à l'accueil de l'hôtel. Enfin, c’est Oonagh qui s’en occupe, c’est elle qui a réservé. Moi, je ne fais que la suivre, tout en regardant autour de moi, la beauté des lieux. En vrai, c’est pas l’hôtel le plus chic de Monterey (Faudrait déjà avoir les moyens pour ça) mais l’ambiance qui règne, embellit davantage le lieu où nous sommes, ma sœur et moi. Rapidement, nous récupérons les clés, déposons nos affaires dans la chambre et direction : la piscine. Une chance qu’Oonagh m’ait avant tout rappeler de prendre un maillot de bain, j’ai bien failli l’oublier ! Donc en attendant de se faire dorloter avec les différents soins que propose l’établissement, le grand bain est la première étape de cette formidable journée entre filles. Dans ma cabine, je me retrouve seule avec mes pensées, tout comme Oonagh mais je suis loin d’imaginer à quel point son corps a souffert de son incarcération, et combien le mien souffre encore du traumatisme qu’il a vécu, y'a pas deux mois. J’ai opté pour un maillot une pièce, moi qui d'ordinaire affectionne le deux pièces mais lorsque je regarde ce ventre vide dans le miroir, j’arrive pas à faire le tri dans ma tête, comme si ma silhouette me rappelait sans cesse cet affreux jour où tout a basculé. Non, je ne suis plus capable de m’admirer dans un miroir. Non, je ne suis plus capable d’apprécier les caresses de mon mari sur ce corps maudit. Encore moins, le laisser rejoindre mon intimité. ça reviendra, je me dis mais pour l’instant, c’est compliqué.

Je soupire une bonne fois, balayant ainsi cette ombre néfaste qui perturbe ma belle journée et rejoins ma petite sœur au bord de la piscine, déserte. Si ça, c’est pas un cadeau !!! Ce sera juste nous deux et je suis bien heureuse ! Ceci dit, je ne veux pas avoir l’air insistante, quand je découvre les cicatrices sur son corps. Vestiges d’une période d’emprisonnement qu’elle n’a pas choisi et dont le traumatisme a été violent. Toutes les deux, nous portons les marques d’une vie qui ne nous a pas épargnée. Qu’elles soient visibles ou non, c’est à nous d’avancer et je suis certaine qu’ensemble nous y parviendrons. Je croise les bras, protège mon visage quand Oonagh saute dans l’eau, ce qui me fait pousser un léger cri. Il est certain que j’ai beaucoup plus de retenue qu’elle et que non je ne sauterai pas aussi spontanément qu’elle. Je crois que je dois peser le pour et le contre avant de le faire réellement ! Peut-être que c’est ça, vieillir ? Analyser la situation sous plusieurs fronts afin de ne choisir que la plus sécuritaire ? Je souris à ma soeur qui revient vers moi et l’entend m’annoncer qu’elle est une stagiaire au FBI, j’écarquille les yeux, ouvre la bouche jusque par terre et plonge mes pieds dans l’eau afin de m'asseoir sur le bord de la piscine :

— QUOI ???? Attends … Au FBI ?? Je savais même pas que tu avais postulé pour un emploi !!!

J’approche mes mains de son visage en me penchant et dépose un baiser sur son front sans arrêter de sourire

— Félicitations Oonie, je suis tellement fière de toi !! Tu l’as dit à papa, maman ?

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Oublier? Ignorer? Accepter?

Je ne sais toujours pas quelle option choisir au sujet de mon passé. De mes erreurs, de ce mauvais jugement que j’ai adopté, de cette confiance aveugle que j’ai fourni à la mauvaise personne. Sur le moment, c’était tout sauf une abominable bêtise, bien entendu. Folle amoureuse, flottant sur mon petit nuage de tendresse et de bonheur, j’ai foncé tête baissée en direction d’une situation conflictuelle au possible sans réfléchir aux conséquences. Me ronger les sangs à propos de cette mauvaise décision est contre productif, je ne peux pas revenir en arrière, même si je prie tous les jours pour que cette option infaisable devienne possible. Mais je me dois de garder la tête froide, de rester lucide. Non, tout ce qu’il me reste à faire, c’est me pardonner. Tout simplement. Réaliser que ma dette envers la société est payée et que j’obtiens enfin le droit de reprendre ma vie là où je l’avais laissé afin de la rendre encore plus merveilleuse que jamais.
Chaque plaisir simple de la vie est un fragment à chérir, notamment ce séjour aux côtés de Siobhan. Sans doute la sœur qui m’a apporté le plus farouche soutien et à qui je dois la vie. Littéralement. Je ne compte plus les souvenirs de nos échanges, au parloir de la prison. Ils n’étaient pas réalisés dans les circonstances les plus favorables mais ils avaient le mérite de m’apporter un immense baume au cœur. J’ajouterais même qu’ils étaient essentiels à ma survie. Ils m’ont permis de tenir jusqu’à cet instant précis, là où je savoure ma liberté aux côtés de celle pour qui j’ai tenu bon. Qui le méritait.
Pas peu fière de mon annonce, je me trémousse dans l’eau, ne pouvant empêcher mes joues de rougir, tout en détaillant mes explications:

C’est pas vraiment un… vrai boulot, tu sais. Je suis stagiaire, pour compléter mes études. Mais pour le moment, ça me plaît beaucoup. Je pense postuler de manière définitive dès l’obtention de mon diplôme, j’espère avoir l’appui de mon maître de stage… Raphaël. D’ailleurs, je croise souvent Rosalie! Je ne sais pas si elle m’a reconnu…

Je ne doute pas une seconde que ma sœur sait de quelle fratrie je parle: les Hayes. Une famille avec laquelle nous sommes intrinsèquement liés, cela ne fait plus aucun doute. Et on dirait bien qu’avec Wallace, en bons derniers de nos clans respectifs, nous perpétuons cette étrange tradition… Mais les confidences amoureuses attendront encore un peu. Pour le moment, je me focalise sur la question posée par Siobhan, répondant, tout en rejoignant l’escalier de la piscine:

Non, pas encore. Je t’attendais, figure-toi! Je ne sais jamais quoi écrire… Tu m’aides? Attends, je vais le chercher…

M’extirpant hors de l’eau, je sèche rapidement mes mains grâce à ma serviette et déniche mon smartphone. Je m’accroupis sur le rebord de la piscine, nous échangeons quelques paroles jusqu’à tomber d’accord sur le message parfait. Appuyant fièrement sur “envoyer”, je jette ensuite mon téléphone en direction de mon sac et cherche le regard de ma soeur, lui avouant, ma voix chargée d’une tendresse incommensurable:

Tu sais… Je… Merci, Siobhan. Pour tout. Je t’aime, tu sais.

Je me jette ensuite dans ses bras, la bousculant dans l’eau, nous tombons la tête la première, étant immergés durant quelques secondes. Après cette baignade forcée, je fais quelques brasses, rieuse, tout en lui demandant, grandement apaisée:

Bon… Je crois que nous sommes bonnes pour nous laver les cheveux, hein! On pourrait s’installer sur les transats, là dehors? Il fait encore bon, nous pouvons sécher avant de rejoindre la cabine de soin. Comme ça, tu pourras me raconter… Comment tu vas.

Le séjour ne fait que commencer mais je suis certaine d’une chose:
Ce tête à tête entre Fitzgerald sera bénéfique. À elle comme à moi.
Je dois lui rendre l’attention et l’amour qu’elle me porte.
J’en fais la promesse solennelle…

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Oonagh reprend doucement ses repères en dehors de la prison. Quatre ans, ça laisse des traces, bien sûr, mais elle est courageuse, ma petite sœur adorée. Elle ne se laisse pas démonter pour un rien et bondit sur la moindre occasion d’améliorer sa vie, de se reprendre en main. Je ne peux qu’être fière d’elle, en toute circonstance. Comme la savoir stagiaire au FBI me rend très heureuse pour elle. Une nouvelle preuve de sa détermination, bien que je n’ai jamais douté d’elle une seule seconde. Ce qui est flagrant dans notre existence, ce n’est pas seulement la ressemblance physique entre nous, mais il y a bien des choses que je fais comme elle. Ou plutôt, des choses qu’elle fait comme moi. Entamer un projet et n’en parler qu’une fois celui-ci bien commencé ou à peine fini. Travailler au FBI en alternance avec ses études me fait tellement plaisir à entendre. Je suis émue, oui. Je ne pouvais rêver mieux pour elle, et au même titre que nos parents, tout ce que l’on souhaite avec la dernière de la famille, le bébé en quelque sorte, c’est qu’elle puisse rêver en grand, pour réussir ce qu’elle entreprend. Et qui de mieux placé que les Hayes pour aider ma jeune sœur à accomplir son ascension sociale ?

— T’es pas partie assez longtemps pour qu’elle t’oublie hein. Mais je suis rassurée d’une chose, tu ne peux pas être entre de meilleures mains que celles des Hayes. J’ai toute confiance en eux et surtout en toi. Tu vas être incroyablement douée, et stagiaire est un métier j’te signale… tu commences tout en bas, certes, mais dis-toi que le sommet n’est pas loin, si tu t’en donnes les moyens pour y arriver. Et compte sur moi pour t’encourager autant qu’il le faudra !

Je l’interroge quant à nos parents. Les connaissant, je sais qu’ils seront ravis de voir les progrès de leur petite dernière et je suis d’autant plus honorée d’être la première à le savoir. Alors je regarde Oonagh sortir de l’eau et se précipiter vers son téléphone afin de trouver les mots justes pour maman et papa mais je sais que mon aide est superficielle, parce que tout ce dont Oonagh a besoin, c’est de croire en elle, tout simplement. Et puis, nos parents seront de toute façon fiers de leur fille, quoi qu’elle choisisse de faire de sa vie. Ils nous ont toujours encouragé, avec bienveillance malgré nos erreurs, nos faux pas. L’important c’était de ne jamais baisser les bras même quand on ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Il y a toujours une sortie. Ses mots d’amour me réchauffent le cœur mais je n’ai pas le temps de lui renvoyer autant de douceur qu’elle se jette à l’eau en m’emportant avec elle. La spontanéité de ma petite sœur m’avait vraiment manqué. Elle a gardé son cœur d’enfant et la légèreté de notre sortie ne peut que nous apaiser un peu plus. Surtout mon âme en peine. J’avais oublié ce que ça faisait, de lâcher prise un instant. Je sors de la piscine en récupérant une serviette tout en répondant à sa suggestion ;

— On peut sécher dehors avec un cocktail, aussi. Et je te raconterai comment je vais.

Comment je vais sincèrement ? Mal. Elle s’en doute, bien entendu, mais pouvoir me confier à ma soeur est important pour moi. Alors je ne lui mentirais pas, je lui dirais les choses comme elles sont et ensuite, nous passerons à autre chose. Je récupère une autre serviette que je pose sur mes épaules et fais un signe de tête à Oonagh pour qu’elle me suive. Je me jette sur le premier transat que je trouve, en ayant bien fait attention d’en avoir un autre juste à côté. Installées toutes les deux, il ne faut pas longtemps pour qu’un serveur s’approche de nous et demande si nous désirons des rafraîchissements. J'acquiesce de la tête, commande pour ma soeur et moi. Lorsque ce dernier s’éloigne, je tourne la tête vers Oonagh et lui dit :

— Tu voulais savoir comment j’allais ?

Je fais une moue, avant de poursuivre en toute sincérité. Je n’ai pas besoin de filtre ni de lui cacher quoi que ce soit. De toute façon, ça se verrait comme le nez au beau milieu du visage.

— C’est pas la joie tu sais. Je me sens tellement coupable de ce qu’il s’est passé. Je m’en veux et je suis en colère… et c’est Caleb qui subit tout ça. J’ai l’impression de ne laisser que cet événement nous dominer et je n’arrive plus à rien. Je n’arrive plus à apprécier les choses simples de notre vie de famille. Je n’arrive plus à le laisser… m’approcher…

Je marque une pause, en soupirant. J’en reviens pas de la facilité que j’ai de déballer mes désespoirs à Oonagh. C’est déconcertant mais ô combien primordial de n’avoir aucun secret pour elle. Le serveur nous apporte alors nos cocktails, m’obligeant à m’arrêter dans mes confidences. Lorsqu’il s’éclipse poliment, je comprends que ma sœur attend la suite. Je lui dis alors :

— Enfin… je ne veux pas avoir l’air de me plaindre, Oonagh. Ça finira par passer.

Oui, ça passera. Comme à chaque fois. En tout cas, c’est ce que je tente de faire croire. On n’oublie pas, on vit seulement avec les échecs en espérant éviter le prochain…

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Les Fitzgerald sont bien plus qu’une famille.

C’est un clan puissant de par sa grandeur sans vergogne, certes, mais pour tellement plus d’aspects qu’une question de taille. Après tout, nous sommes une majorité de femmes, nous n’avons que faire de ces futilités réservées d’ordinaire aux garçons. Nous existons depuis des décennies grâce à notre force, notre courage et l’amour que nous éprouvons pour chacun de ses membres. Telle une devise que nous nous répétons sans relâche, se serrer les coudes n’est pas une option, c’est la clé pour que notre famille persiste dans le temps et brille, quelles que soient les difficultés et les traumatismes. Les épreuves existent, certes, mais peuvent être surmontées grâce à une cohésion sans faille et cet esprit de famille qui nous habite, tout autant que nous sommes. L’ambition a également toujours fait partie de nos valeurs communes. Mais j’ai tellement déçu mes proches, avec cette erreur commise sur un coup de tête et qui m’a coûté si cher… J’ai la sensation de ne plus tout à fait être dans les clous, d’être à côté de la plaque et de décevoir mes parents ainsi que mes sœurs.

Et pourtant, Siobhan sait trouver le juste milieu entre les mots à employer et l’attitude à adopter pour me faire sentir que je reste, je suis et je demeurais une Fitzgerald, malgré tout. Si elle savait à quel point je l'en remercie...  
Retrouvant mon sourire légendaire, je réalise la portée de notre conversation à venir et lui suggère cette vérité à laquelle je me raccroche, coûte que coûte:

Un cocktail, c’est bien. Et t’écouter, c’est encore mieux.

Sourire tendre que j’offre à ma grande sœur, qui se veut sincère, profondément véridique. Comme une dette que je ne pourrais jamais véritablement honorer, je la suis, ne pipe mot quand elle nous commande un verre et s’installe sur un transat. Elle maîtrise la situation, mène la barque dans laquelle je pagaie, en rythme, tel un brave soldat. Je garde le silence et tend l’oreille afin de l’écouter, telle qu’elle a agit pour moi, pendant que j’étais enfermé en prison. Rendre l’appareil, c’est la moindre des choses quand on aime l’autre, n’est ce pas?
Ce que j’entends me foudroie le cœur et à la fois, je ne peux pas m’empêcher de sourire. Oui, apprendre que Shiv’ est une humaine, telle que moi, pourrait presque me pousser à rire. Cela fait de moi une mauvaise petite soeur? Assurément! Je n’arrive pas à contenir ma réaction tandis que je balbutie quelques mots, profondément confuse et à la fois si soulagée:

Te plaindre? Alors que tu te confies sur ce qui t’es arrivé…? Tu te trompes de combat, ma sœur.

Juger mon aîné? Quel affront, vraiment! Et pourtant, je n’arrive pas à culpabiliser. Pour la première fois de ma vie, j’estime Shiv’ sur le même pied d’égalité que ma petite personne. Nous sommes des femmes Fitzgerald, nous vivons, nous réussissons, nous échouons, nous apprenons. Et surtout, nous sommes ensembles, présentes pour nous soutenir. Sans attendre, j’ajoute ces mots, en lesquels je crois, plus que jamais:

Tu sais, payer pour ses erreurs, je sais ce que c’est, je l’ai déjà vécu. J’estime que tu n’as pas fauté, rien de ce qui est arrivé n’est de ta faute. Même si ça n’enlève pas l’aspect tragique de la chose…

C’est étrange, d’évoquer une situation à demi-mots. Comme si prononcer des vérités trop crues serait un affront contre lequel il serait impossible de lutter. Réfléchissant à toute vitesse, une pulsion me vient et, incapable de la retenir, je propose à Shiv’, sur le ton de la rigolade la plus sérieuse qui soit:

J’ai une idée! Et si on… On faisait ce jeu, hein, celui quand j’étais petite et que tu m’as appris quand j’avais huit ans? Le j’ai jamais? Parfois, j’ai la sensation d’avoir été écarté de tout, pendant quatre ans. J’ai besoin de rire, d’être légère, de tout redécouvrir. Et puis, ce cocktail serait beaucoup plus apprécié si on ajoutait un peu de piquant, non? Je commence!... Je ne suis jamais tombée amoureuse.

Et fatalement, je bois une gorgée. Penser à Steeve, c’est une très mauvaise idée. Je dois résolument me tourner vers l’avenir et non en direction du passé qui noircit mon âme. Je lève donc les yeux en direction de Shiv’... Attendant son prochain aveu, sa prochaine preuve d’audace.
Ne me déçois pas, grande sœur… Sois un modèle. Sois une Fitzgerald!

« Une soeur est un cadeau pour le coeur, un ami pour l'esprit, un fil d'or au sens de la vie »

ft. @Siobhan Adelson & @Oonagh Fitzgerald 
Plaza Hotel ; Monterey. CA.

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MAI 2024

Il s’agit là de confidences, loin d’être anodines. Avouer à ma petite sœur que je tente de mettre le traumatisme que nous avons vécu avec Caleb il n’y a pas si longtemps, n’est pas facile en soi. C’est avouer mes faiblesses, lui montrer que je ne suis pas la guerrière que j’ai toujours été, à ses yeux. Après tout, même les plus grandes personnalités de notre monde ne sont pas infaillibles. Je reconnais avoir agit comme avant, à m’éloigner de mon mari, m'enfermer dans ma bulle et souffrir sans rien dire à personne. Le pire, c’est que je sais que j’agis de la plus mauvaise des manières. C’est ainsi que nous nous sommes éloignés avec Conrad. Et j’ai vraiment pas envie de répéter les mêmes erreurs. Au contraire, j’ai besoin que l’on s’en sorte tous les deux afin qu’on puisse se projeter ensemble, vers l’avenir.

Et les confidences à ma petite sœur s’arrêtent là, je ne veux pas plomber l’ambiance. Après tout, nous ne sommes pas là pour évoquer nos passés douloureux mais justement pour embellir nos futurs, peu importe les moyens que nous emploierons. Les cocktails sont choisis, il n’est jamais trop tôt pour s’amuser et puis, le weekend entre filles nécessite à mon esprit de laisser le mari et la fille dans un coin de ma tête. Je suis juste Siobhan, pour quelques heures. Je ne suis ni l’épouse de, ni la mère de. Et quel bien fou de se dire ce genre de phrases !!! Les mots d’Oonagh me font sourire. Bien sûr, rien n’enlèvera l’aspect tragique de ce que nous avons traversé mon mari et moi, mais à cet instant, à travers la parole, ce n’est pas à ça que je pense mais je me rends compte qu’elle a drôlement changé. Qu’elle a grandi, surtout. Oonagh n’est plus cette petite fille qui déambulait la nuit, dans le couloir avec sa lampe de poche, trottant nus pieds, sans faire de bruit telle une petite souris pour se glisser sous mes draps parce qu’elle avait fait un cauchemar et qu’elle avait peur du « monstre » dans son placard. Bien que la petite différence d’âge n'ait plus d’impact à l’heure d’aujourd’hui, quand on a huit et douze ans, la dynamique n’est pas la même. J’étais missionnée pour prendre soin de ma petite sœur adorée, tout comme Nini l’était pour moi, et Callum pour notre aînée. Tout ceci est relatif puisque d’une manière ou d’une autre, on se soudait les coudes, tous les quatre. Une main sur ma joue, j’observe avec attention Oonagh, et lui dit, d’une voix attentionnée :

— Depuis quand t’as grandi, toi ?

Constatation évidente, ce n’est plus un bébé. Et je ne la traite plus comme un bébé depuis longtemps, certes, mais je n'ai pas vu le temps passé. Ou alors c’est simplement parce que j’suis dans la trentaine, que je me rapproche des quarante (ok, j’ai encore six ans, MAIS tout de même!) que tout défile trop vite ? Une idée bien audacieuse traverse l’esprit de la plus jeune des Fitzgerald et mon sourire s’étire jusqu’aux oreilles. Il est question de légèreté, oui et donner du peps à notre cocktail ne peut que me faire plaisir ! La question d’Oonagh ne passe pas inaperçue. Je sais de qui elle parle. Pas mal le seul gars pour qui elle a fai sa plus grosse bêtise, par amour. Steeve. Que je souhaite…. On va boire aussi, hein ! Pour ma part, je suis tombée amoureuse plus d’une fois. Roulant les yeux vers le ciel, je soupire et réfléchi à une question, tant qu’à être dans ce genre de questions, je lance, sans réfléchir

— J’me suis jamais faite arrêter par la police…

Tu voulais du piquant ma soeur. En voilà !! Petit clin d’œil en sa direction, elle qui est sortie de taule y’a pas si longtemps. Je bois, sans honte. Je ne me suis jamais faite arrêter de toute ma vie, j’ai toujours été dans les rangs sans faire d’histoire… sauf l’année dernière, à Vegas, avec Caleb, où j’ai passé une nuit en garde à vue en sa compagnie. Et ça, la dernière Fitz ne le savait pas… Je hausse les épaules en croisant son regard dubitatif :

— J’te jure que c’est vrai ! J’suis pas coincée comme fille, hein

Je me mets à rire. Franchement, j’ai toujours eu l’air d’une fille bien tranquille, bien rangée, qui ne fait aucune connerie… pourtant, je dois bien l’admettre, me faire arrêter par la police n’a pas été la pire de toutes. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fière dans le passé, mais j’ai suffisamment été discrète pour ne pas me faire prendre. Depuis, c’est dans l’un de mes placards à squelettes. J’ai jamais dit que j’étais irréprochable… Tu

« Une soeur est un cadeau pour le coeur, un ami pour l'esprit, un fil d'or au sens de la vie »

ft. @Siobhan Adelson & Oonagh Fitzgerald 
Plaza Hotel ; Monterey. CA.

tw :: mention de prison

mise en page made in Psyko

Elle ne saura jamais si je ne lui dis rien.

Tandis que je détaille ma grande sœur, l’admirant au travers de chacun de ses faits et gestes, cette profonde réflexion m’assaille, celle dont j’ai pleinement conscience depuis pourtant un moment déjà. Sans le vouloir, je suis plongée dans les souvenirs de nos échanges inoubliables, lorsqu’une paroi de plastique séparait nos paumes de main pourtant résignées à se rejoindre, tandis que nos chaires ne pouvaient rassurer nos tourments inéluctables. Je ne lui racontais pas grand chose, elle seule parlait. Et c’est tout ce dont j’avais besoin, tout ce qui me suffisait pour tenir jusqu’à la prochaine visite. Elle n’a jamais failli, tout comme Nicole. Mais au contact de ma meilleure amie, mon attitude était bien différente, moins légère, plus dans la retenue. Car j’avais peur de décevoir celle que j’avais choisie comme une sœur, tout comme j’étais morte de trouille à l’idée de faire planer une honte monumentale sur notre famille. Mais j’ai toujours su que l’amour que je portais à Siobhan était réciproque et que c’est grâce à cette confiance mutuelle que notre monde commun continuait de tourner. Avouer mes plus profondes pensées lors de mes années en prison n’était pas une mince affaire, voire même un miracle que je n’ai jamais su réaliser. C’est comme ça, je ne peux pas vraiment m’en vouloir de ce manquement, j’étais tout simplement dans… l’incapacité de produire, je recevais uniquement.

Et maintenant je sais car elle me dit, juste un peu.

Je réalise l’ampleur du traumatisme qu’a vécu Siobhan avec son mari. Obtenir puis ensuite perdre, c’est sans aucun doute l’une des épreuves les plus traumatisantes dans une existence. Nous sommes si peu, au final. Tout est si fragile. Mais ce dont je suis plus que certaine, c’est que sans elle, je ne suis rien. Elle m’a aidé à tenir le coup durant toutes ces années d’enfermement, pour obtenir sa fierté, j’ai dû garder la tête hors de l’eau. Il est bien naturel que je tente de lui inspirer la même force, désormais! Sa question me foudroie et je réalise à sa suite à quel point le temps a fait son œuvre, me concernant. Dans un rire, je lève les yeux au ciel et lui réponds, non sans un savant mélange d’ironie et de sincérité brute:

Oh, tu sais, depuis que j’ai enfilé cette combinaison orange, j’ai bien changé…

Et c’est une réalité inévitable, que je dois côtoyer sans cesse depuis que j’ai quitté ce vêtement non sans un immense soulagement. Certes, j’ai dû l'enfiler, jour après jour, semaine après semaine, mois après semaine. Mais tout a une fin et si j’ai pu obtenir la patience nécessaire afin d’appréhender l’arrêt de ce cycle, c’est grâce à une certaine maturité, notamment obtenue grâce à Siobhan. Elle ne s’imagine pas à quel point ses visites représentaient une véritable bouffée d’oxygène. Et qu’à la fois, maintenant que je m’aperçois que c’est à son tour de désirer souffler, pour de vrai, je suis prête pour cela. Je donnerais tout pour lui offrir le contexte propice à son bien-être. C’est ce qui s’appelle rendre l’appareil. Ou aimer inconditionnellement, pour faire plus simple.

Et quelle idée, vraiment, ce jeu où vérité et alcool cohabitent. En l’observant avaler une gorgée après sa proposition du “j’ai jamais”, je manque de m’étouffer et ose hausser le ton en demandant:

Mais… QUI ÊTES VOUS ET QU’AVEZ VOUS FAIT DE MA GRANDE SOEUR?!

Bon, mon enthousiasme est sans doute un peu trop audible, quelques têtes se tournent autour de nous, un véritable affront de se montrer aussi enfiévrée tandis que le calme et le repos sont des vertus hautement recherchées en ces lieux. M’excusant avec la politesse qui me caractérise depuis toute petite, je me penche en direction du visage de Siobhan et ajoute, impatiente à l’idée d’en savoir davantage:

Non mais je veux absolument tous les détails… Mais d’abord… Je n’ai jamais tenté l’aventure avec une fille…

Quitte à pousser les confidences à un niveau inimaginable… Autant boire, n’est ce pas?
Allez, à ma santé…