Je sais, c’est nul.
J’aurais pu trouver mieux que « Sweet_Rosie_ », franchement ! Mais j’étais pressée par le temps et puis, vous vous rendez pas compte de la pression que ça donne de devoir créer le profil de sa mère, sur un site de rencontre comme Tinder. Alors j’ai fait simple : Rosalie, 33 ans. Célibataire (oui oui). Blonde atomique, tout pour plaire. Et j’ai surtout éviter de dire qu’elle est profiteur au FBI, des fois qu’elle voudrait analyser le gars, là… Le but c’est qu’elle puisse rencontrer quelqu’un, pas qu’il prenne ses jambes à son cou, et qu’il disparaisse. J’inscris qu’elle donne des cours de danse, qu’elle chante à l’occasion, joue du piano et fait même de la moto. J’évite de trop en dire, je ne voudrais pas gâcher la surprise de sa personne ! J’suis certaine qu'il ne va pas s’ennuyer pendant le date, le coco ! Après, j’ai eu droit à un tas de chelous, surtout dans leurs pseudos à mourir de rire comme Lover_69, sex_symbol ou encore un doux_amer et j’en passe…

J’ai prétexté une sortie resto italien, entre elle et moi. On est vendredi soir, elle est toujours son nez dans ses dossiers et je lui ai clairement dit que j’aimais pas ça. Et puis, elle n’est pas comme à son habitude. Je la trouve distante et on ne se parle pas beaucoup. Il est vrai que j’aurais bien besoin qu’on se trouve un moment toutes les deux pour papoter ou juste se se regarder un film, et je me glisserai dans ses bras… je sais pas, quelque chose comme ça.

— Et si tu mettais ta veste rouge ? Tu sais que je l’adore.

Oui je l’adore mais j’ai surtout dit à son match que « je » serais vêtue d’une veste rouge, en guise de reconnaissance. Une blonde et une veste rouge, quelle merveilleuse association !!! Du coup pour parler de son match, il est carrément beau garçon. 36 ans, je crois. Ancien militaire qui aime croquer la vie à pleine dents. Une chance, nos échanges n’ont pas duré et n’ont rien eu de significatif pour me dégoûter à mort. DOOOOONC ; perfect match avec mama Rosita ! Si elle savait ce que je lui prépare, j’me ferais flinguer sur place.

Rapidement, nous voilà au restaurant, que j’ai choisi. J’ai envoyé un message à monsieur Tinder, pour lui dire que « j »’étais déjà sur place, habillée du code couleur convenu même s’il « m’a » vue en photo. J’ai pas pris n’importe lesquelles, de Rosalie. J’ai posté celles qui l’a mettent le plus en valeur, avec son sourire de déesse, et tout. Et le gars est en route, d’ailleurs. Il me signale dans deux minutes. J’ai le cœur qui bat si vite que j’ai peur de me faire prendre sur le fait. J’ai un œil sur la porte, tout en regardant la carte des menus. Et quand ce dernier arrive, il me faut deux secondes à peine pour le reconnaître d’après les photos qu’il a publiées sur le site.

Oh.
Oh la la.
Oh la la, la la !

Il est encore plus canon en vrai que sur l’appli. J’espère avoir de bons goûts pour Rosalie ! Je sens que la rencontre ne va pas tarder, d’ici quelques secondes, je crois que notre table a été repérée !!! Alors, je me lève d’un bond, et m’approche de la blonde pour lui dire, dans la précipitation :

— Pardoooon, j’ai une urgence. Vraiment, vraiment, vraiment désolée.

Je fais celle qui se sent mal de l’abandonner. non mais c’est juste parce que le type, là, il est à moins de trois mètres de nous. Je dépose furtivement un baiser sur sa joue, j’ai déjà tourné des talons :

— Bye m’man.

En poussant la porte du restaurant, je jette un œil par-dessus mon épaule en me pinçant les lèvres.

Contact prévu dans : trois… deux… un…

Pourvu qu’elle ne m’en tienne pas rigueur trop longtemps. Et que ce date imprévu fasse son petit effet ! T’as intérêt à assurer, l’inconnu de Tinder !

En ce moment, je ne suis pas des plus disponibles. Bien que je sois censée être en congé forcé — une information non divulguée à Adaline et au reste de la famille, pour qui l’information officielle est que j’ai pris congé de mon plein gré — j’ai toujours le nez dans un dossier. Actuellement, celui de l’accident de Wallace et de l’agression de Raph. Je à m’assurer que la police locale ne manque aucune preuve. Je n'ai pas obtenu ma justice, mais eux, ils auront la leur.

Ce soir pourtant, je laisse tout cela de côté pour me consacrer à ma fille. Légalement, peut-être pas encore, mais pour moi, elle l’est. Je me comporte comme une mère louve quand il s’agit d’elle. Donc oui, je la vois comme ma fille et non comme une simple ado que j’héberge. À sa demande, on se fait un resto entre filles. Sa proposition m’a surprise et touchée. Malgré tout, je reste angoissée qu’elle ait envie d’aller vivre avec Albano ou sa tante, qu’elle tire un trait sur les Hayes maintenant qu’elle a une famille biologique.

Je revêts une tenue noire élégante, ainsi que ma veste rouge. Bien que je sache qu’elle adore que je la porte, je suis malgré tout surprise par sa demande. Mais bon, si ça lui fait plaisir. J’attrape mon sac et on se met en route vers le restaurant italien qu’elle a choisi.

Déformation professionnelle, sans doute, mais je l'observe. Elle est étrange, stressée, tendue. Pourtant, on va juste manger un bout toutes les deux. Pitié, ne me dites pas qu’elle est enceinte ?! Est-ce la raison de cette sortie ? A-t-elle choisi un restaurant pour éviter une réaction excessive de ma part ? Non, elle sait que je ne l’engueulerais pas. Je ferais juste une syncope. En tout cas, ce ne sera pas une discussion sur le sexe, nous l’avons déjà eue et elle n’aurait pas choisi un lieu public pour ça. Peut-être quelqu'un à me présenter ? J’ai cru la voir discuter longuement avec un serveur au mariage de Sio et Caleb. Hm, faudrait que je leur demande le nom de ce jeune homme, pour mener ma petite enquête. Hors de question qu’un autre petit con vienne lui briser le cœur.

Assise à table, la carte des plats en main, je la regarde jeter un œil sur son téléphone. Plus de doute, elle me cache un truc. Elle a peur de me parler de quelque chose.

- Ada… tu… je m’interromps en la voyant se lever brusquement.
- Pardoooon, j’ai une urgence. Vraiment, vraiment, vraiment désolée.
- Que… quoi ? Mais Ada… je lâche sans trop comprendre ce qui se passe alors qu’elle me fait un bisou sur la joue. Et le resto ? Adaline !
- Bye m’man.

Parfait. Me voilà, comme une conne, assise face à une chaise vide. En plus, elle ne me dit même pas où elle va. Bah non ! Sérieusement ! Je viens de me faire poser un lapin par ma propre fille. Adaline Sharp « Hayes », nous aurons une discussion. Son attitude me paraît bien trop étrange. Bordel, je sais ! C’est encore ce petit con de Kenny qui doit l’entraîner dans des coups foireux.

Alors que je la regarde quitter le restaurant, mon regard tombe sur un homme se tenant face à moi, arborant un sourire charmant et inconnu au bataillon.

- Heu… oui ? Vous avez besoin de quelque chose ? demandai-je, sans me douter une seule seconde du guet-apens que ce p’tit démon vient de me tendre.