« Aux portes d'une nouvelle ère. »

ft. @Antonios Dimitriou Jr & Gregory Sutterlee 
Chez Tony ; Septembre 2024 ; Monterey. CA.

mise en page made in Psyko

Dans quelques jours, je vais me marier.

C’est si effrayant que je n’ose le dire à haute voix, je préfère l’écrire. Encore et encore, partout. Dans mon agenda professionnel, sur un brouillon débusqué dans ma pochette réservée à mon autre activité, celle de romancier, sur le mur des toilettes dans mon immense demeure. Je gribouille ces quatre mots afin qu’ils ne disparaissent pas, comme un gosse faisant un vœu silencieux et attendant sagement qu’il se réalise enfin.
Mais je connais mon destin, je sais ce qui m’attend. J’en suis quelque peu effrayé mais ça, il est hors de question de l’avouer à Sofia. Je suis heureux et il est hors de question de remettre en jeu l’avenir qui nous attend et que nous avons choisi, malgré les apparences. Je n’ai pas eu la corde au cou, l’épouser est une suite logique et l’épanouissement brutal de nos sentiments mutuels. Mais quand même… Une union est symbolique, surtout en liant la religion. La machine s’emballe, tout s'enclenche. Alors, j’écris. J’écris ces mots afin de les réaliser, de les ancrer dans mon sang, dans mon cœur, dans chacune de mes artères. Comme l’extension de cet incroyable sentiment que je ressens, j’ai besoin qu’il se réalise, de le lire, encore et encore, ne pouvant jamais me lasser de cette formidable sensation d’avoir accompli l’impossible.
Et je ne sais pas pourquoi, je ressens également l’irrépressible besoin de voir mon meilleur ami. Ce n’est pas la même relation que j’entretiens avec Martha, notre dynamique est plus masculine, je suis empli de fierté à l’égard d’un homme que je considère comme un véritable modèle. Je l’ai vu évoluer tandis que de mon côté, j’ai passé un nombre incalculable d’années à stagner, à me morfondre, à enchaîner les échecs. Maintenant que mon existence connaît un tournant sans pareil, j’ai besoin de son approbation. Aucune guerre d’égo n’est à prévoir, c’est plutôt la culpabilité de ne pas avoir provoqué notre rencontre physique après un certain nombre de messages qui me pousse à prendre les devants. C’est tout moi ça, passer de rien à l’excès sans sommation.
Moins d’une heure après que ma décision soit prise, je me retrouve à poser mon doigt sur la sonnette de la porte d’entrée de mon meilleur ami, espérant sincèrement qu’il soit chez lui. Gregory, tu aurais dû prévenir… Il doit sans doute être au travail, ou occupé à autre chose… C’était une mauvaise idée, de t’imposer de la sorte et…
Mais tandis que je découvre son visage, il devient impossible de faire machine arrière et je prends la parole, d’une voix bien incertaine:

Tony…? T’aurais un instant à m’accorder? Je sais, je suis venu sans prévenir mais ça fait plusieurs fois qu’on se loupe et ce que j’ai à t’annoncer est bien trop important, par message, je ne m’imaginais pas le… enfin…

Gregory, un peu de courage, un peu de contenance! Ce n’est quand même pas bien compliqué… Quatre mots, Greg, quatre mots que tu te répètes en boucle depuis des jours, que tu griffonnes partout où ton stylo peut se poser, quatre mots pour lesquels tu sembles béni, allez, rien de bien méchant, il suffit de les dire, de les souffler, c’est si facile…

Tony, je vais me marier. Dans trois jours.

Gregory, c’est ce qui s’appelle mettre les pieds dans le plat.
Mais après tout, existe-t-il de bonnes méthodes afin d’annoncer un changement aussi radical dans une vie?
Moi, le maître incontesté des mots, il semblerait que j’ai manqué de justesse, de finesse dans mes propos.
Pauvre de moi, il semblerait que je perde tous mes moyens…

« Aux portes d'une nouvelle ère. »

ft. Antonios Dimitriou Jr &  @Gregory Sutterlee  
Chez Tony ; Septembre 2024 ; Monterey. CA.

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Il parait que de l'amour à l'amitié, il n'y a qu'un pas tout comme de l'amour à la haine, au final. Venant d'une famille soudée, Tony a cru bêtement pouvoir créer la sienne avec Delia, son amour de jeunesse. Si les sentiments qu'il a eu pour la mère de son fils ont été intenses, aujourd'hui c'est avec une toute autre jeune femme qu'il veut écrire un nouvel avenir. Victoire a pris une belle place dans le cœur de l'éducateur. Après l'échec de ses deux précédentes relations, il a envie de croire à quelque chose de sérieux et surtout de sincère. Le mois de septembre passe à une vitesse folle entre la rentrée et son travail, il n'a quasiment pas une minute à lui. Pourtant le directeur du foyer lui a accordé un jour de congé face aux nuits qu'il va passer avec les jeunes pendant les vacances de la Toussaint. Se donnant à fond pour son métier, il se rend de plus en plus compte que profiter de la vie c'est bien. Comme souvent, lorsqu'il est en congé, il s'apprêtait à s'octroyer une séance de sport sur l'une des machines de musculation que ses parents lui ont offert lors de son précédent anniversaire mais il fut coupé dans son élan par le bruit de la sonnette.

Qui pouvait bien lui rendre visite en plein après-midi ? Se dirigeant alors vers la porte, il ouvrit le judas pour voir qui se trouvait derrière sa porte. Il s'agit de son plus vieil ami, le connaissant depuis l'enfance, Gregory fait partie de ses rares amis qu'il a gardé après toutes ses années. Le fils Sutterle a toujours été fidèle et loyal. Leurs emplois du temps n'étant pas toujours très compatibles, rares sont les fois où ils ont l'occasion de se voir mais à en croire la mine nerveuse du brun, celui-ci a besoin d'une oreille à qui se confier. Ouvrant donc la porte, il afficha un sourire à son ami.

« Bien sûr, je t'en prie, entres. Je ne travaille pas aujourd'hui. » déclara-t-il, alors.

Il s'écarta ensuite pour le laisser entrer et lui fit une accolade amicale. Il se rappelait alors de leurs derniers échanges, de ses confidences sur une certaine Sofia. Visiblement son éditrice. Si bien sûr, il a acheté le livre qu'il a écrit, il n'a pas encore eu le temps ou plutôt pris le temps de le lire tout court. L'entrainant dans le salon, il remarqua tout de suite qu'il semblait ailleurs. Etait-ce sa prochaine paternité qui le met dans tous ces états ? S'apprêtant à le féliciter, il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit. Voilà pourquoi, un mariage. Mais la question serait plutôt avec qui ? Martha ou la belle Sofia dont il n'avait fait que parler depuis ?

« Et ce n'est pas une bonne nouvelle ? Avec qui, Greg ? Tu sembles un peu perdu. Est-ce que je me trompe ? » demanda-t-il, inquiet.

Le regard relevé vers celui de son acolyte, il fronçait les sourcils. Sachant pertinemment que le mariage n'est pas quelque chose à prendre à la légère, il voulait surtout s'assurer de comment se sent, Gregory face à tout ça. Après tout, peut-être que ça a quelque chose à voir avec l'enfant qu'il s'apprête à avoir. Ayant lui-même grandit dans une famille chrétienne orthodoxe, ses parents l'ont toujours encouragé à se marier avant d'avoir des enfants. S'il s'est bel et bien marié avec Delia, il a divorcé et a cru que cela sonnerait la fin de ses relations avec son père et sa mère comme cela a pu l'être lorsque sa soeur ainée s'est marié avec une homme de confession différente. Ayant volontairement omis de dire toute la vérité sur la raison du divorce, il a gardé contact avec eux et ils sont toujours des grands parents gâteux avec Apollo.

« Aux portes d'une nouvelle ère. »

ft. @Antonios Dimitriou Jr & Gregory Sutterlee 
Chez Tony ; Septembre 2024 ; Monterey. CA.

mise en page made in Psyko

C’est si étrange de réaliser à quel point l’être humain est capable de changer.

Lorsque je signale ma présence à Tony, un ami fidèle et de longue date, je ne suis plus tout à fait l’homme qu’il a connu. Enfant timide, adolescent renfermé, jeune adulte balbutiant en tentant de trouver ses marques, tel un agneau dans un monde peuplé de loups. Oui, c’est sans doute l’image qu’il a gardé de moi, qui me caractérise depuis toutes ces années. J’ai évolué, jusqu’à cette seconde précise où tout s’apprête à basculer, la pièce de mon avenir pourrait tomber du bon côté. Enfin. Je suis bien entendu fier de pouvoir narrer ces bonnes nouvelles à Tony mais également angoissé, sentiment que je tente de refouler, lui offrant un large sourire tandis que nos retrouvailles démarrent de la plus chaleureuse des manières:

Un fait rare pour être souligné, je me trompe. Viens là, que je te salue!

Une pareille démonstration tactile n’est pas dans mes habitudes mais je choisis de suivre mon instinct et de répondre à l’appel lancé par Tony. Mais rapidement, les faits sont énumérés par des lèvres qui s’entrouvrent, qui bougent et qui expliquent des évènements au sein desquels je me retrouve flottant, mon univers ayant exclu la gravité que le commun des mortels nomme: la raison. Mon ami me connaît bien, il souligne mon état désorganisé et je lui rétorque, surpris mais pas vexé pour autant:

Perdu… Quelque part… Oui? C’est… complexe à expliquer…

C’est le moins qu’on puisse dire! N’osant m’installer sur son canapé ou l’une des chaises entourant une table vide de tout objet, je trépigne, sur place, baisse le menton en direction du sol et tente de résumer ma trépignante et nouvelle vie:

Il s’agit de Sofia, mon éditrice, tu te souviens, je t’en avais parlé. Mon roman enfin publié, nous avons entrepris ensemble une tournée de dédicaces. Et un soir, à Seattle, nous avons… bref. Sofia est maintenant enceinte et ce n’est pas dans les traditions de sa famille de concevoir avant d’être unis devant Dieu. Voilà pourquoi nous nous marions si précipitamment. Et… je suis heureux, bien sûr! Mais…

Ouf, j’en ai le souffle coupé, j’ai narré mon histoire d’une traite! Mais un détail me chiffonne soudainement, et j’interromps mon récit pour revenir sur une question auquel je n’ai pas répondu et qui, de mon point de vue, n’a pas lieu d’être:

Attends… Tu pensais à qui, quand je te parlais de mariage…?

Ma question est légitime, mes sourcils se froncent tandis que j’attends une réponse de la part de mon meilleur ami, celui à qui je viens de dérouler un flot de nouvelles toutes plus étonnantes les unes que les autres.
Il est bien loin le temps de la tranquillité de mon existence, voir de son aspect morne…
Au jeu de celui qui se retrouve chahuté, il semblerait que je gagne le premier prix!