« L'amitié est comme une lumière à une fenêtre pendant une nuit noire »


ft. @Magdalena Pastore & @Valeria Myers    
À la base d'entraînement des Furies, Monterey, CA.

mise en page made in Psyko

Allez, Miss Meteore. Tu peux y arriver.

C’est ce que je n’arrête pas de me répéter, en boucle, comme un putain de mantra auquel je dois croire pour surmonter l’impossible. Je m’y accroche, comme une planche de salut, alors que putain, c’est que des mots, dans le fond. Je n’ai jamais été capable d’y croire, à ces foutaises. Les promesses, les résolutions, les espérances, tout cela, ce n’est que du vent. J’ai déjà payé dans le passé cet excès de confiance et il ne m’a apporté que tristesse, déception et désolation. Alors, tandis que je me redresse, quitte le banc et fait mon apparition sur la piste, je sens mes jambes trembler. Je suis paralysée par la peur, voilà la vérité. Hésitante, je tiens toujours d’une main ferme la rambarde, me demandant toujours où est donc passé la Miss Meteore virulente et pleine d’énergie.
J’ai dû la laisser au Brésil, je suppose.
Je suis si épuisée, en ce moment. Terrassée par un mal sans précédent, épuisée dès que j'ai effectué quelques mouvements pourtant plus que normaux. Que m’arrive-t-il? Je l’ignore et le plus inquiétant, c’est que les médecins eux même font face à une énigme insoluble. Le timing ne pouvant être plus mauvais, j’ai reçu, il y a quelques jours, une proposition que je ne peux pas refuser: intégrer l’équipe nationale de Californie, troquant mon maillot de Furie de Monterey pour celui d’une hargneuse Valkyrie. Une étape sans précédent dans une carrière à laquelle je ne croyais plus, depuis le temps, et une marche qui semble impossible à atteindre, la faute à cette foutue maladie inconnue qui me suce mon énergie comme un vampire avec le sang. C’est vraiment la merde, là.
Alors, profitant d’une accalmie et d’une apparente tranquillité dans le gymnase, je suis venue m’entraîner. Réaliser, par moi-même, à quel point je ne suis qu’Échec et Déception.
Franchement, c’est n’importe quoi. Je vais y arriver, il suffit d’y croire. Allez… Lance toi, Val’, lance toi!
Mais je n’y arrive pas, je suis incapable de me mouvoir. Je soupire et balance quelques jurons. Soudain, un bruit se fait entendre. Une porte qui claque? Eddie le gardien légèrement pervers sur les bords qui vient se rincer l'œil? Une patineuse du dimanche qui a oublié quelque chose? Aucune de ces suppositions n’est la bonne, bien entendu, j’ai toujours été pitoyable afin d’émettre des suppositions. Alors, tout bêtement, je me racle la gorge et demande, haussant la voix:

Qui est là…?

Val’, c’est le genre de question à la con posée par l’héroïne d’un film d’horreur qui finit par se faire zigouiller par le grand méchant avec sa tronçonneuse. Tu es d’un prévisible, à la fin. Mais je suis également une femme sans peur et sans repproche, alors, je me laisse glisser maladroitement pour enfin apercevoir une silhouette avancer dans l’obscurité, un visage que je reconnais et auquel je hurle, paniquée:

OH PUTAIN, MAGDA, C’EST TOIIIIII????? TU M’AS FAIS PEUR!

Faut dire que je préfère amplement ma meilleure amie chez les Furies plutôt que ce dégoûtant Eddie qui nous reluque sans aucune retenue quand on se faufile dans les douches. Mais je ne suis pas franchement ravie qu’elle me surprenne en plein entraînement alors que je suis au bout du rouleau, épuisée et tentant vainement d’effectuer quelques enchaînements sur mes patins.
Elle serait bien déçue de moi.
Au moins autant que je le suis de moi-même…

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ft. @Magdalena Pastore & @Valeria Myers    
À la base d'entraînement des Furies, Monterey, CA.

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Je manque de pratique, c’est vrai.
Je manque de temps, c’est vrai.
Je manque de motivation ou de passion, c’est… un peu vrai.

Je suis surtout dans la lune. Dans les étoiles. Je ne descends pas de mon nuage malgré l’ombre grise qui pèse au-dessus de ma tête ces derniers temps. La pluie n’est pas loin, je manque cruellement d’affection mais je ne sais comment envisager cette putain de conversation sans attirer les foudres de mon cher et tendre fiancé. Je sais qu’il veut mon bonheur, me faire plaisir, ainsi soit-il mais j’ai tout de même quelques réserves à cette prétendue harmonie. J’veux pas sacrifier l’essence même de notre vie de couple. Ce qui nous lie, Pulcino et moi, va bien au delà d’une union physique, bien entendu mais je n’échangerai pas cette communion charnelle pour rien au monde et surtout pas au prix d’efforts afin de me faire plaisir, parce qu’il existe tout un tas de moyens de me faire plaisir et Stefan est à côté de la plaque !!

Mais je suis toujours dans la lune. J’aime préparer notre futur mariage. J’aime me documenter et laisser traîner sur la table basse du salon, des tonnes de revues spéciales wedding pour le bonheur de mes yeux. Après, je ne peux pas me payer tout et n’importe quoi. Je dois me montrer raisonnable et ce n’est pas pour rien qu’on travaille tous les deux afin d’économiser pour le grand jour. Ces choses-là coûtent la peau du cul, putain ! J’imaginais pas qu’un jour dans toute une vie pouvait hypothéquer un organe. Me marier ici serait nettement plus facile pour nous, c’est certain mais traditions italiennes obligent, je ne peux que célébrer notre union dans la ville où j’ai vu le jour : Corniglia. Et ça aussi, ça a un coût. Mes parents veulent à tout prix participer, et je dois en parler avec Pulcino,d’abord. Je n’ai pas envie qu’il pense que je choisi l’option de facilité. Ma grande sœur est sur le qui-vive et je lui ai demandé de m’aider à organiser mon mariage, elle y connaît tout un rayon. Et puis, comme elle est déjà sur place, j’imagine que ça va être moins compliqué ?

Mais avant tout, je dois absolument voir Val. C’est même primordial. Qu’elle sache depuis des semaines (pour ne pas dire dans l’heure suivante la déclaration fabuleuse et inattendue de Stefan), pour mes fiançailles, c’est une chose. Que je lui demande d’être mon témoin et demoiselle d’honneur en est une autre. Cette faveur compte énormément pour moi. Mis à part Giulia, je ne vois personne d’autre à cette place importante. Je récupère donc mon sac de sport que je laisse toujours dans mon coffre de voiture pour regagner notre quartier général, à nous les Furies. Je suis passée chez Val mais elle n’y était pas. Et en fin de journée c’est le seul endroit où j’suis capable de la trouver alors je pense que ça ne va pas me faire de mal de l'accompagner pour un entraînement imprévu. Quand je passe la porte du QG, lumières à peine allumées, je suis ravie de la voir, même si sa remarque me fait hausser les sourcils. Je balance mon sac devant les gradins et je lui dis :

Qui veux-tu que ce soit, voyons ?

Eddie ? C’est bien le seul à nous reluquer de façon malaisante mais le premier à prendre la poudre d’escampette dès qu’on lui fait une réflexion un peu censée. Valeria n’a pas l’air dans son assiette, je le remarque tout de suite. Alors j’ajoute tout en m’approchant d’elle :

T’as pas l’air bien, Val.

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À la base d'entraînement des Furies, Monterey, CA.

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Perdre l’équilibre sur des patins qui me l’avait pourtant rendu, autrefois.

L’histoire qui me lie au roller derby est aussi inattendue que passionnelle. C’est par pur hasard que je suis tombé, à l’époque, sur le flyer des Furies, et qu’un poste soit disponible de manière permanente ne m’a pas empêché de réfléchir des jours durant. Hésitante, surtout en mes capacités à intégrer une équipe, j’ai préféré passer par toutes les émotions possibles avant de me résoudre à accepter l’essentiel: j’étais profondément attirée par cette aventure. Bien entendu, j’étais effrayée à l’idée de composer avec un nouvel échec, moi qui avait vu ma carrière professionnelle dans l’escalade s’envoler à cause de ce fichu accident de moto. Faire une croix sur un avenir tout tracé est suffisamment compliqué alors imposer une raison de me décevoir une fois de plus… Non, je n’en avais aucune envie. Et puis, l’idée a germé dans mon esprit, elle a pris racine et finalement, j’ai passé le cap. Pousser la porte de ce QG a été la décision la plus formidable de toute mon existence, le risque le plus salvateur que j’aurais pu prendre. Personne au sein des Furies ne connaissait mon passé, mes erreurs, mes fêlures. Sauf Magda. Dès que je l’ai rencontré, j’ai su que je pouvais lui faire une confiance aveugle et lui expliquer la vie de la pas si grande Valeria Myers. Et puis, nos caractères s'assemblent à la perfection, comment ne pas la considérer comme une candidate sérieuse au poste d’amie très proche de mon cœur? Elle y est entrée, sans forcer la serrure, malgré moi, j’avais déverrouillé l’accès.
Voilà pourquoi je ne suis pas le moins du monde surprise qu’elle me lâche une telle réflexion, de sa voix dure, fatale et criante de sincérité. Je sais qu’elle s’en fait à mon sujet et bien que je lutte pour continuer de sourire et que je cherche mille manières de détourner le sujet futur de notre conversation inévitable, je baisse subitement les armes, trop tôt à mon goût pour cracher un venin qui ne concerne pas vraiment Magda:

Ah merde, ça se voit tant que ça…

Dépitée. Voilà ce que je suis désormais. Déçue de ne pas réussir à donner le change, en colère que ma tromperie n’ai pas réussi à convaincre ma meilleure amie. Mais Val’, tu te prends pour qui, hein? Pour Dieu? T’es personne et surtout pas en ce moment. Fatiguée, voir même épuisée, exténuée, je rejoins le banc réservé aux membres de l’équipe mis sur la touche, le temps d’un match, comme pour m’exclure de la réussite pour laquelle je me bats pourtant avec acharnement. Le regard dans le vide, je retire mes patins avec une colère injustifiée, les pauvres n’ont rien fait. Mais ils sont dans un état déplorable, à l’image de leur propriétaire. Je les balance donc sans ménagement sur la piste, ils se fracassent avec un lourd bruit qui crève le silence ambiant. La tête me tourne, j’observe mes mains trembler doucement, j’ai envie de chialer, putain. Au lieu de cela, je conserve mon calme, autant que faire se peut et confie à Magda qui m'a rejoint:

J’arrive pas à me remettre de ce putain de virus. Magda, j’angoisse, comment je vais faire, quand je serais officiellement pro’, hein…?

Merde, qu’est ce que ça fait chier, de le dire à haute voix. C’est trop vrai, trop épouvantable. Je ne peux pas échouer, c’est impossible. Je me suis retrouvé avec un genou à terre, le second presque au sol. Je me suis sortie de ces enfers et maintenant que la vie me sourit, timidement, je ne peux pas faire machine arrière. Mon corps ne peut pas me faire faux bond, je refuse que l’histoire se répète. Alors, sentant la fureur se manifester avec quelques larmes qui coulent le long de l’arrête de mon nez, je murmure, sachant que mon amie pourra m’entendre, ma voix étant amplifiée par la gigantesque salle occupée par deux nanas un peu délurées mais toujours présentes l’une pour l’autre:

J’ai peur, Magda. J’arrive pas à me débarrasser de ce sentiment.

Contre toute attente, je laisse ma tête se poser lourdement sur son épaule, expirant avec force, comme pour me décharger de toute cette tension qui me tord le ventre.
Quand est-ce qu’on va me foutre la paix, hein? Ou plutôt, quand me sentirais-je en parfaite adéquation avec le monde qui me tend les bras…?

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ft. @Magdalena Pastore & @Valeria Myers    
À la base d'entraînement des Furies, Monterey, CA.

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Valéria compte beaucoup pour moi.
Elle est une amie si chère à mon cœur, à ma vie.
Faire partie des Furies a été notre premier contrat. J’ai signé en bas de la page sans me poser de questions. Je savais que je voulais faire quelque chose de significatif qui m’aide à centraliser toute cette énergie qui émane de moi constamment. Je suis ce qu’on appelle “nerveux-bidon”, j’bouge sans arrêt. Je fais mille et une chose à la fois. (Bon remarque, nous les femmes, on est réputé pour être multitâche alors…) et donc intégrer cette équipe de follasses n’a été que bénéfique depuis son tout début. J’ai fait la connaissance de meufs vraiment géniales, avec chacune un tempérament différent mais bien trempé. On s’ajuste, bien entendu, mais quelle équipe de malade ! Et Valéria s’est démarquée des autres (chut).

Elle est devenue mon amie, ma confidente, ma sœur de cœur. Valéria peut avoir beaucoup de fonctions dans mon existence et je n’échangerai cette place avec personne d’autre. Ce soir, j’veux lui offrir une nouvelle fonction, une nouvelle façon de lui montrer que notre amitié m’est précieuse et que j’ai envie de l’embellir davantage. J’ai envie qu’elle sache qu’on l’améliore cette relation de dingue, elle et moi. Même si un mal inconnu la ronge, je sais que ça lui fera du bien d’entendre ce genre de choses. Lui remonter le moral, c’est tout ce que j’espère. Pas loin d’elle, j’ajoute :

C’est pas à moi que tu vas réussir à mentir, si tu veux mon avis. Donc ouais, ça se voit.

Comme le nez au milieu du visage.
J’aimerais pouvoir l’aider, lui enlever son mal par un tour de passe-passe mais ce n’est plus des trucs auxquels je crois, aujourd’hui. Elle ne semble pas dans son assiette autant qu’elle est en colère et c’est légitime. à sa place, je casserai tout, moi aussi alors ça ne m’étonne pas le moins du monde quand ses patins s’écrasent sur la piste si violemment que la résonance pourrait réveiller tout le pâté de maison si on veut. Je fronce les sourcils en frottant mes oreilles avant de rejoindre Val sur à la même hauteur du banc qu’elle. Je colle alors mon épaule contre la sienne avant de me confier à mon tour :

Il te reste encore du temps Val. Tout n’est pas perdu. On va finir par l’envoyer se faire foutre, ce virus de merde et tu débarqueras chez les Valkyries plus en forme que jamais !! ça, j’en suis convaincue… Et quand je dis quelque chose, tu sais à quel point j’en démords pas hein ?

Un pas après l’autre ma Kirikou. Je suis certaine qu’on finira par s’en sortir. Que tu finiras par vaincre ce putain de virus et que tu vas pouvoir faire chier bon nombres de joueuses dans les semaines à venir. Et si c’est pas le cas, alors crois moi, je me battrais pour toi et cette place en nationale que tu rêves tant.

Elle est vulnérable, Val. Elle a peur et je dois être son roc, je ne dois pas flancher ni me montrer défaitiste. Optimiste, c’est la meilleure façon d’agir. Je dois lui montrer que tout peut s’arranger. J’essuie une larme sur sa joue en passant mon index sur cette dernière avant qu’elle ne vienne poser sa tête sur mon épaule.

Je sais ce qui pourrait t’aider à oublier ta peur…

Je ne sais pas si c’est le bon moment pour me lancer mais l’espoir, ça guérit souvent bien des choses. Et si ça l’aidait dans sa convalescence ? Valéria relève la tête vers moi alors en inspirant un bon coup, je me lance tout en tournant ma bague de fiançailles :

Si t’es pas en forme pour intégrer les Valkyries, tu le seras encore moins pour organiser  mon enterrement de vie de jeune de tout ce putain de siècle… tu le seras encore moins pour être ma demoiselle d’honneur… T’es prête à déclarer forfait pour tout ??

J’espère que non ! Allez, bats-toi ma grande. Te laisse pas aller, t’as des tas de choses à faire encore comme rejoindre l’équipe national telle la météore que tu es ou être ma fidèle demoiselle d’honneur qui risque –sans l’ombre d’un doute– de m’en mettre plein les mirettes !