Début juillet 2024

All I need i your match ...

J’en profite que Sienna dorme encore pour prendre une douche. C’est qu’elle a besoin de récupérer, encore plus que ce que je ne pensais. De mon côté, je tourne en rond, façon lion en cage, depuis que Yaël est reparti sur les circuits. J’ai l’impression vraiment chelou d’être sur le point d’éclater, tiraillé entre la joie de le retrouver et une putain de lassitude écrasante. Puis, cette baraque, putain ! Je pourrais jurer qu’il l’a choisi justement parce qu’il savait que j’allais la détester.

Je passe sous silence le moment grotesque où, en me plantant de mode, je me retrouve à prendre une quantité astronomique de jets d’eau en pleine poire. Dire que c’est supposé être un truc de détente ! Comment il a dit déjà ? Des "jets massant". Je récupère une serviette-éponge pour me sécher, satisfait que la buée ait investi tous les miroirs. Aucune envie de voir mes traits tirés, mes yeux fatigués ou de constater que j’ai l’air… triste ? J’erre, telle une âme en peine. Pathétique. Au moins, quand ma sœur est debout, j'arrive à faire semblant.

Sans prendre la peine de m’habiller, je m’allume une clope en déambulant dans le couloir. Sur le trajet, je récupère un genre de saladier en cuivre chelou, que j’observe avec circonspection. C’est quoi ce truc ? Un bol tibétain ou une connerie dans le genre ? J’avoue que c’est un peu gros comme cendrier, mais j’ai rien de mieux sous la main. Dans les nouvelles règles de la maison, il est inscrit qu’il est interdit de fumer à l’intérieur. Disons que quand le chat n’est pas là, les souris dansent.  Je mets un point d’honneur à n’en respecter presque aucune. J’ai l’insolence dans le sang et la désobéissance comme leitmotiv. Pas ma faute. Pas vraiment.

Brusquement, les aboiements du chien se font entendre. - Ouai, ouai ! C’est bon, j’arrive, fais-je en roulant des yeux vers le plafond. Je me traîne littéralement jusqu’au salon, là où ce putain d’aquarium gigantesque trône. Tout ça pour…. Trois poissons. Et pas les plus sympas à regarder, non, plutôt des incarnations de la laideur et… Bordel, c’est qui cette meuf ?

Le chien lui tourne entre les jambes avant de s’assoir devant elle et d’essayer de lui tendre la patte. Le résultat est qu’il lui gratte la jambe plutôt qu’autre chose. Je tire une longue bouffée de cigarette en grognant : - T’es vraiment le pire gardien que la terre ait jamais connu, tu sais ? Dans la foulée, je siffle. Le son a pour effet direct de le faire tourner sa tête d’idiot fini vers moi. Pour autant, pas question pour lui de bouger d’un centimètre avant d’avoir eu les papouilles demandées. Et, si au passage, il peut balancer une léchouille, c’est un plus, évidemment.

Toujours nu comme un ver, je dessine un sourire sur mon visage. Totalement ironique, incroyablement moqueur, il relève le coin de ma bouche telle une provocation. - J’ferais pas ça à ta place. De l’index, je lui désigne la boîte de nourriture qu’elle tient encore dans la main. - Yaël va gueuler si tu leur donnes trop à bouffer. Je lui offre ma précision en haussant les épaules, étonné par ma propre tranquillité. Ceci dit, personne ne peut savoir qu’on est ici, elle a pas du tout l’air d’une meurtrière et… C’est une meuf. Aucune chance que ce soit la sienne à lui, aussi mignonne soit-elle. - Bordel, t’es qui toi ? craché-je en même temps d’un voile de fumée. Juste avant de tapoter ma cendre dans le…. Le truc là.


Septembre 2024

…And we can make an explosion

Ça y’est, c’est le moment de se venger de ce putain de casse-burnes, roi des coincés au pays des relous, j’ai nommé sa majesté Richard Cooper. Depuis la terrasse, je me plais à lui faire un petit coucou de la main alors qu’il sort son vélo pour sa promenade hebdomadaire. Pour toute réponse, il me fusille du regard, relève le menton et daigne ne m’adresser qu’un simple signe de tête. Gros con de snob, au pays des pétés de thunes. Pas question de s’associer à la plèbe, hein ? Je vous ai dis que j'aimais pas ce quartier ? Je m'y sens surtout pas à ma place. J’attends qu’il soit vraiment parti pour envoyer un sms à ma complice du jour, j’ai nommé, Valéria Myers.

Ilyas a écrit:

Il vient de partir, rejoins-moi près de la porte de derrière.

Ça fait des semaines que je le file. Je connais tellement bien son emploi du temps que je suis désormais capable de prévoir à quelle heure il va chier, au quart d’heure près ! Quand je disais que j’avais raté ma vocation de flic, c’est pas des conneries. J’ai pris un malin plaisir à recenser la moindre de ses habitudes, aussi sérieusement que lorsque je suivais une piste pour mes enquêtes journalistiques. Si vous vous demandez si je n’ai que ça à foutre ? Peut-être. Je m’emmerde, ok ? Et, ce con n’a rien trouvé de mieux à faire que de venir me chercher des poux en me regardant comme si j’étais un foutu cafard.

Autant vous dire que depuis, je m’arrange pour être le voisin le plus irréprochable qui soit. Parce que… Je rabats la capuche de mon sweat en cueillant ma voisine sur le trajet. - Prête à savourer ta vengeance ? Colle toi bien au mur le temps que je déconnecte son alarme, les caméras te verront pas de là.

En hauteur, sur le côté de la maison, je fais sauter un petit boîtier, à l'aide d’un tournevis. Quelques manœuvres plus tard, le clic révélateur de notre sécurité se fait entendre. Je récupère le double des clés derrière la mosaïque hideuse qu’il a choisi de poser ici. Ouai, même ses goûts en matière de déco transpirent l'élitisme. - On peut y aller, chiquita. J’ouvre la porte en m'inclinant. L’insolence de mon sourire égale seulement la ruse au fond de mon regard. - Si madame veut bien se donner la peine. De la galanterie ? - Par contre, n’oublie pas de rouler du cul aussi, que je puisse me rincer l’oeil un minimum. Quoi ? Je ricane, ravi de me comporter comme un branleur. Toute cette opération signe une sorte de retour aux sources, me concernant. L’adrénaline se distille délicieusement en moi. Je retrouve mes premières amours. Après la traque, vient l’heure de la fouille. - Allons découvrir tous les vilains petits secrets de ce bouffon. Il reviendra pas avant deux bonnes heures et sa femme de ménage n’arrive qu’en début d’après-midi. On est tranquille.

@Valeria Myers