confidences à une amie
ft. @Perséphone Rivers

Faire bonne figure. Prétendre être à l’aise dans c’lieu qui chlingue l’alcool. Bordel, ça pue la bière à outrance. Si j’m’écouterais, j’commanderais une pinte… puis deux, puis trois pour ensuite finir sur des alcools plus forts, qui m’niqueraient davantage l’corps, l’esprit. J’traîne là, avec des gens qui, très certainement, ne connaissent rien d’mes addictions ou s’en tapent, qui ? J’suis là, obligé d’faire comme si d’rien n’était. J’peux pas me permettre d’foutre la honte à qui que ce soit. Alors, tandis que tout le monde est à commander des boissons, j’suis le rythme. J’commande un cocktail. Rien d’bien méchant, la proportion d’alcool est basse dans ces trucs-là. Sauf qu’c’n’est qu’une illusion, alors qu'ils poursuivent leur conversation, j’m’éclipse, l’air d’rien. Ils remarquent rien. Est-ce qu’ils remarquent même ma présence ? C’est à s’demander. Bon, j’vais pas m’en plaindre, ça m’convient parfaitement d’pas être vu, pour cette fois-ci. J’vais à la hauteur du serveur qui a pris nos commandes il y a quelques secondes. J’rectifie ma commande, j’précise que ce cocktail, j’le veux sans alcool. Hors de question que j’replonge dans mes conneries… Surtout lors d’une rencontre orchestrée par Martha. J’peux pas la décevoir. J’n’ai pas l’droit. Pas avec elle. J’ai déjà tant déçu mes proches, j’veux pas avoir la tâche horrible d’la rajouter sur la liste, déjà trop longue.

Alors qu’j’vois les types toujours dans leur délire, sans réaliser mon absence, j’file dans les chiottes. J’ai chopé un coup d’chaud avec tout ça. Alors, j’fonce dans les toilettes pour homme. J’me fous un bon coup d’flotte sur l’visage. J’me le tape par la même occasion. Faut qu’j’me ressaisisse. Peut-être que grâce à ces mecs, que j’trouve franchement imbuvables, j’vais avoir l’droit à un retour à Hollywood, dans les plateaux de cinéma. J’peux pas foirer cette rare chance. Si toutes ces années m’ont appris quelque chose, c’est bien à quel point c’est précieux, d’une rareté inquantifiable. Putain, faut qu’j’me reprenne en main. L’seul truc qu’j’sais faire, c’est jouer. L’seul truc qu’mes parents m’ont appris. L’seul truc qui a basé leur éducation à la con. L’seul truc où j’passe pas pour l’dernier des bouffons. L’seul truc où j’ne suis pas obligé d’me supporter toute la journée, où j’peux d’venir un personnage, parfaitement écrit par un mec ou une nana cent fois plus intelligent qu’moi.

J’reviens des toilettes, l’ambiance est devenue étrangement silencieuse. Tout le monde se tait, j’n’entends qu’la musique de fond et des chuchotements. J’ne connais cette situation qu’trop bien. J’l’ai vécu de très, très nombreuses fois. Toutes ces fois où j’me foutais des races si phénoménales qu’tout l’monde se mettait à m’juger parce que j’étais putain d’ridicule. J’jette un coup d’œil à la table avec ces producteurs et casteurs, j’les vois adopter cette même attitude, un regard jugeur, analyseur, moralisateur envers la source de ce silence pourtant bruyant d’hypocrisie. Une sacrée brochette de connards, putain ! J’vois que de nombreux clients regardent en direction du comptoir. J’fais de même pas. Pas pour juger, bien au contraire, juste pour voir s’il y a pas une façon d’aider la personne dont tout le monde semble se foutre plus qu’autre chose. Et… Putain d’merde. Persé ? Elle semble complètement à côté de ses pompes, elle gueule dans un dialecte qui n’lui ressemble pas du tout, celui des gens complètement torchés. J’peux pas la laisser, surtout pas elle.

J’m’avance vers elle, doucement, j’fais signe au barman d’arrêter d’lui servir après c’dernier verre qui lui a accordé, sans trop avoir l’choix. J’entends ces quelques mots, “je le déteste”. J’parie savoir de qui elle parle. Enfin, ça n’serait pas étonnant qu’elle parle de Killian, véritable maestro dans l’art d’chier dans la colle. J’m’assois à côté d’elle, ce qu’elle n’remarque pas. J’prends les serviettes posées à porter d’main avant d’lui tendre.

« Il mérite pas qu’tu pleures pour lui. », dis-je doucement pour ne pas la brusquer.