tw ::.

Je ne t’ai pas tout dit, Matt.
J’ai attendu. Je ne sais pas vraiment pourquoi.
Enfin… peut-être que si, finalement.

Tu es parti longtemps. Tu m’as abandonnée au moment où j’ai eu le plus besoin de toi mais à présent, comment t’en vouloir ? Tu étais retenu contre ton gré, tu serais revenu vers moi, sinon. Je me suis protégée de ton retour, de cette proximité qui semble ne pas vouloir nous quitter. Au contraire, elle nous guide vers… vers quoi, au juste ? J’ai si peur de…

Non, je ne peux pas lui écrire de telles sornettes ! Je ne peux pas écrire une lettre alors qu’il vit juste à côté de « chez moi ». Je dois lui dire la vérité, mon frère a raison. Je ne peux pas continuer à garder le secret, je ne peux pas reproduire les mêmes erreurs du passé. Chiffonnant la feuille de papier qui atterrit à côté de la poubelle, je soupire une énième fois. Je ne trouve pas les mots. Je ne sais pas comment lui dire la vérité.

J’ai longtemps hésité, pour Connor parce qu’il voulait devenir son père mais comment pourrait-il l’être totalement si je m’éloigne encore et toujours. Ce n’est pas sa faute, bien évidemment, c'est la mienne. Je n’ai pas su prendre soin de lui, autant qu’il a pris soin de moi, de nous. Alors aujourd’hui, c’est terminé : on doit se rendre à l’évidence, cela ne peut plus continuer. Je lui ai brisé le cœur, je l’ai lu dans ses yeux, je l’ai entendu dans sa voix. Tout ce que je voulais, c’était y croire, le rendre heureux mais je n’ai semé que le chaos, autour de nous, autour de lui. Je ne suis pas digne de son amour, surtout que mon coeur ne lui a jamais totalement appartenu. Je m’en rends bien compte aujourd’hui.

Il m’a fallu surmonter bien des épreuves, bien des douleurs pour reconnaître mes fautes. En laissant Connor je sais que c’est mal, aujourd’hui, mais dans quelques temps, on finira par voir que c’était inévitable. J’ai besoin de me retrouver, de me recentrer sur mes enfants et moi. J’ai failli ne jamais revenir de l’enfer, je me sens si déconnectée de ma réalité que j’ai besoin de repartir à zéro pour être la mère que j’ai toujours voulu être mais que je n’ai jamais su être entièrement. Je dois pouvoir surmonter mes tourments pour vivre pleinement une histoire d’amour comme celle que j’ai cru avoir auprès de Connor. Il était là au pire moment de ma vie, pourtant, alors que je vis l’enfer, ce n’est pas de lui que j’ai besoin… En regardant les papiers d’adoption, je sais qu’une page aurait pu se tourner pour nous mais ce n’est pas la vérité. Et la vérité se sait toujours, je suis bien placée pour le savoir.

La vérité triomphe toujours.
Pour pouvoir être honnête avec moi-même, je dois l’être avec lui.

Je plonge le document dans mon sac en bandoulière, et récupère un carton, dans l’entrée de ce qui fût mon foyer. Charlie, meilleure amie et marraine de Jacob, m’a gentiment proposé son appartement, le temps que je me retourne. Elle n’y est que très rarement, appréciant son nouveau statut de petite amie amoureuse auprès de son ex-mari. Qui l’eut cru ? Un homme qu’elle a épousé par devoir et non par amour mais qui, au final, ressemble davantage à de l’amour que d’un devoir.. Je suis sincèrement heureuse pour elle, parce que quoi qu’on fasse, qu’on décide, l’amour trouve toujours son chemin…

En sortant de la maison pour déposer quelques cartons dans le coffre de ma voiture, j’aperçois Matt, installé sur une chaise, devant la maison de Sawyer. Mon cœur se met à battre tandis que je me rappelle les mots que je cherchais à lui dire sur ma feuille de papier. Est-ce le bon moment, alors ? De tout lui dire…

Poussée par je ne sais quelle force invisible, je me retrouve à quelques mètres de lui, les mains moites que je n’arrête pas de frotter contre mon pantalon en jean. Souriant timidement, je lui dis :

— Salut, Matt… tu as deux minutes ?

Il va t’en falloir bien plus que deux, si tu veux mon avis…

tw ::.

Je suis installé sur une chaise devant la maison de ma sœur, attendant qu’elle revienne d’avoir fait des courses pour nous quand j’aperçois Délia. Elle porte des cartons à la main et tout à coup mon cœur s’emballe. Et si elle l’avait enfin quitté, et si elle partait enfin… ce n’est pas que je n’aime pas qu’elle soit juste à côté de moi, bien au contraire mais savoir que toutes les nuits, elle se retrouve dans le lit d’un autre me fait beaucoup de mal, bien plus qu’à l’époque où elle était mariée avec Tony. Pourtant à l’époque, à chacune de nos permissions, elle retournait auprès de lui mais il est vrai que j’étais plus jeune, et que je ne réagissais pas de la même manière… peut-être aussi que mon amour pour elle a grandi, tout comme j’ai mûri depuis tout ce temps. Perdu dans mes pensées, je l’aperçois venir vers moi. Elle semble déterminée et alors qu’elle s’approche de moi, je tente de me rappeler ce qui m’a amené à cet instant précis.

La dernière fois que nous avons passé du temps ensemble tous les deux avec Délia c’est lorsqu’elle m’a emmené à l’hôpital, c’est lorsque j’apprenais que j’avais encore une infection sur mon moignon et qu’il ne pouvait alors pas m’équiper d’une prothèse. Je le reconnais je n’ai pas vraiment été d’une très bonne compagnie ce jour là, ni les jours qui ont suivi. C’en est suivi un repas, que je qualifierai de très instructif avec ma famille, l’information la plus importante étant que ma sœur a retrouvé sa fille et que Connor, qui partage actuellement la vie de Délia, plus pour très longtemps apparemment, est le père de Harper. Après tout ça, je le reconnais j’ai été plus distant avec Délia, et sans doute elle aussi. Nous ne nous sommes pas retrouvés dans le jardin en pleine nuit, nous n’avons pas échangé des textos pendant toute une nuit mais elle n’a jamais quitté mes pensées. Ce que je ressens pour elle est tellement intense, tellement fort que j’ai l’impression que cela me consume de l’intérieur, littéralement. Bien entendu lors de ce repas, tout le monde a aussi été très surpris d’apprendre que j’étais papa et que je n’avais, pour autant, aucune photo de mon fils. Mais je crois qu’eux aussi m’ont trouvé très désagréable !!

Je me redresse légèrement alors qu’elle me demande si j’ai deux minutes. Une réponse piquante a envie de passer le barrage de mes lèvres car même si un mois s’est écoulé depuis la mauvaise nouvelle je suis toujours aussi à cran, mais j’arrive à la retenir. Je n’ai pas envie d’être désagréable avec elle, je n’ai pas envie que l’on reste de nouveau un mois sans échanger le moindre message, le moindre contact, le moindre regard, le moindre mot. J’ai besoin d’elle. Je déglutis alors difficilement et tout en hochant la tête, je réponds simplement :

Bonjour ma belle... Oui bien sûr… j’attends seulement Sawyer qui est partie faire des courses…

A cet instant précis, j’aimerai la prendre dans mes bras mais très clairement, je risque de tomber et de l’entraîner dans ma chute étant donné que mes béquilles sont au sol. J’aimerai l’inviter à s’asseoir sur moi. J’aimerai tout simplement lui attraper la main. Mais j’ai l’impression que je n’en ai pas le droit. Peut-être que je me trompe, peut-être qu’elle le voudrait aussi mais je ne sais pas… j’ai cette sensation que ce n’est pas ce qu’elle est venue chercher. J’ajoute alors rapidement, mon cœur battant plus vite que d’habitude :

Tu déménages ?

Oui je sais c’est une question à la c*n mais c’est le seul truc qui m’est venu à cet instant précis !!  

tw ::.

Quand Matt prononce le nom de sa sœur, mon regard se lève vers sa maison dans un léger rictus, peu sincère. Depuis que j’ai découvert son lien de parenté avec ma douce Harper, je ne peux m’empêcher de vouloir la protéger de tous les maux de la terre. Harper fait partie de notre vie depuis qu’elle est enfant et être sa marraine à fait de moi un être un peu trop protecteur, même si aujourd’hui elle n’a plus vraiment besoin de protection. Enfin… pour le cœur d’une mère comme moi (parmi tant d’autres) nos enfants, peu importe l’âge qu’ils ont, restent nos tous petits à protéger. Avec Harper, c’est pareil. Je ne suis pas sa mère je le sais, pourtant je suis la figure maternelle qui la voit grandir chaque jour et ce, depuis son plus jeune âge. On ne pourra pas m’enlever cet instinct, que Sawyer ou même Eli, soient de retour dans sa vie…

Mes allées et venues entre ma voiture et mon ancienne demeure ne sont pas passé inaperçu pour Matt, qu’il m’interroge sur mon départ. En inspirant profondément, je jette un rapide coup d’œil en direction du coffre avant de me retourner vers lui, et plongeant mes mains dans les poches avant de mon pantalon, je lui dis, quelque peu gênée :

— ça se voit tant que ça ?

Cela signifie que je quitte Connor.
Que lui et moi… ça aurait pu être merveilleux, dans une autre vie.
Mon être est meurtri, mon cœur est dispersé, n’est pas à la hauteur de l’amour qu’il m’offre quotidiennement.

Cela ne veut pas dire qu’il ne vaut rien, cela veut simplement dire que mon âme n’est pas faite pour la sienne. Oui, dans une autre vie, j’aurai pu le rendre heureux mais je dois me rendre à l’évidence que dans celle-ci, je cherche encore où est ma place, depuis mon retour à Monterey. On dirait que malgré mes efforts quotidiens, plus rien n’a de sens pour moi… Je peine à voir la lumière. J’ai perdu mon guide…

Je suis face à Matt pour une bonne raison. Je ne peux pas m’éloigner du sujet, ni m’en cacher. Je veux qu’il sache la vérité et c’est en arrêtant de fuir comme je l’ai toujours fait, que tout finira par s’arranger; Du moins, je l’espère.

Nouvelle inspiration, je tire sur la anse de mon sac en bandoulière pour le ramener vers moi. Dedans, se trouve le document d’adoption que Connor avait rempli pour devenir légalement le père de Jacob. Seulement, j’ai réfléchi et je ne peux pas exaucer le souhait de mon ex-compagnon en sachant que je punirai Matt. une seconde fois. Les circonstances ne sont plus les mêmes, la situation a changé. Je n’ai pas la prétention de lui enlever le droit d’être son père, à présent. Pas plus que j’avais le droit à l’époque pour Apollo. Je me dois de bien faire les choses, pour une fois dans ma vie. En sortant le document de mon sac, je sens mon cœur battre à mille à l’heure, mon être tout entier est accablé d’une angoisse sans pareille. Je tends le formulaire d’adoption à Matt, tout en prenant mon courage à deux mains afin de lui expliquer :

— Il y a sept ans, j’ai voulu protéger notre relation quand Apollo est venu au monde. J’ai menti à Tony en lui faisant croire qu’il était son père. Je t’ai menti à toi aussi, en te privant de ton droit légitime d’être son père. Je nous ai mis dans une situation difficile et je m’en voudrais toute ma vie, Matt, sache le… Je ne veux pas que cela se reproduise…

Je me mords la lèvre inférieure, les larmes aux yeux. D’une voix tremblante, je poursuis :

— … Quand tu es parti il y a deux ans, j’ai eu le cœur brisé. Je me suis repassée en boucle notre dispute encore et encore. Une punition bien méritée après tout ce que j’avais fait, ou ne pas fait, d’ailleurs… Et puis, j’ai découvert que j’étais enceinte…

Mes yeux plongent immédiatement dans les siens, lorsqu'il relève la tête pour me regarder. Je ne sais pas comment interpréter son expression mais en hochant la tête dans l’affirmative, j’ajoute :

— C’est ton fils, Matt.

Connor est un homme extraordinaire. Je n’ai jamais eu de doutes sur ses intentions, que ce soit vis-à-vis de moi, ou de mes garçons. Il s’est toujours montré très impliqué dans le souhait d’être un père pour Jacob, d’où les papiers d’adoption. Il voulait réellement devenir son père, aux yeux du monde, seulement je ne peux pas répondre à sa demande tout simplement parce que je ne peux pas priver Matt de son droit légitime. Je ne le veux pas…

tw ::.

Je suis installé sur une chaise devant la maison de ma sœur et Délia est devant moi, tenant fermement son sac devant elle, de ses deux mains. Elle vient de me confirmer qu’elle déménage, elle vient de m’avouer à demi-mot qu’elle est de nouveau libre et pourtant j’ai l’impression qu’un fossé s’est installé entre nous. Il y a une telle distance entre nous que c’en est douloureux. J’aimerai faire un pas dans sa direction, j’aimerai lui prendre la main comme nous le faisions mais j’ai la sensation à cet instant que ce n’est pas une bonne idée, que ce n’est pas ce qu’elle souhaite elle. Je n’ai toujours pas réussi à avoir ma prothèse, il m’est donc très difficile de me déplacer sans mes béquilles, pourtant à cet instant, je crois que je serai capable de le faire sans, juste pour me rapprocher d’elle, juste pour franchir ce fossé qui s’est creusé entre nous, juste pour démolir le mur qui s’est bâti entre nous. Je me mors la lèvre inférieure, je prends appuie sur les accoudoirs de ma chaise prêt à me lever quand finalement Délia me tend un document. Je dois bien le reconnaître, je ne comprends pas. Il me semble que ce sont des papiers d’adoption mais pourquoi me donne-t-elle cela maintenant ? Je réalise que le document a été complété, j’aperçois le prénom de Connor, et je sens mon cœur se déchiré. Et si elle ne déménageait pas toute seule ? Et si Connor partait avec elle ? Peut-être qu’il nous a vu tous les deux, ces nuits où on discutait à travers la clôture. Peut-être veut-il devenir le père d’Apollo, à ma place, à la place de Tony. Je ne comprends rien…

J’écoute alors attentivement Délia, elle m’explique avoir fait une erreur il y a sept ans, et qu’elle ne souhaite pas reproduire cette erreur. Mon regard est plongé dans le sien, mes mains n’agrippent plus les accoudoirs de ma chaise, je sais à cet instant que je serai finalement incapable de me lever. Je la laisse parler, elle semble avoir quelque chose d’important à me dire et quand elle m’avoue finalement que le bébé que j’entends pleurer parfois la nuit est mon fils, je sens mon monde s’écrouler. Une nouvelle fois, je suis père d’un enfant que je ne connaîtrais pas. C’est pour cela qu’elle part ? Elle ne veut pas que je sois trop près de mes fils afin que leur « faux » père puisse s’occuper d’eux sans que je ne m’immisce dans cette vie là. Mais cette fois je ne me laisserai pas faire. Ces papiers d’adoption ne sont pas valables, n’est-ce pas ? Je ne peux pas perdre à nouveau un enfant !! La vie ne peut pas me faire cela une deuxième fois. Nos regards sont toujours accrochés l’un à l’autre, alors que mon cerveau tourne à cent à l’heure. Puis je détache mon regard du sien pour venir le poser sur le document qu’elle m’a donné. Non cette fois je ne resterai pas sans réagir. Je déchire alors le document. J’imagine sans difficulté que ce n’était qu’un double et que de toute façon c’est réglé pour eux, mais pas pour moi. Je tente alors de me lever comme je peux, m’agrippant au dossier de ma chaise et je lui réponds :

Tu ne peux pas me faire ça Délia… pas deux fois… je ne te laisserai pas faire… tu m’entends… je ne te laisserai pas faire… pas une seconde fois… je veux être présent pour… pour mon… pour mes fils… Connor ne sera pas son père, tu m’entends… même si vous partez loin de moi tous les quatre, ça ne change rien… je ne me laisse pas faire…

J’ai envie de m’approcher d’elle, j’ai envie d’avoir un contact, mais finalement elle a sans doute raison ce n’est pas une bonne idée, pas à cet instant. Mon cœur voudrait tellement que je la serre dans mes bras, mais ma raison m’en empêche. Je ne peux pas perdre à nouveau un enfant !!

tw ::.

Quand j’ai découvert il y a deux ans que j’étais enceinte une nouvelle fois, j’ai cru que mon monde s’écroulait de nouveau. Quelques semaines auparavant, j’ai cru bêtement à un avenir avec Matt mais je lui avais caché la vérité à propos d’Apollo et notre dispute cette journée-là marquait la fin de ce que nous représentions l’un pour l’autre. Pendant les cinq premières années de mon fils, il a ignoré son lien avec lui parce que j’avais décidé que je ne voulais pas mettre en danger notre relation, je ne voulais pas que Tony l’apprenne. Pourtant, je lui ai tout dit : pour Matt mais aussi pour Apollo. Ça été un sacré coup dur pour mon ex-mari, de surmonter le fait que je lui avais aussi menti pendant des années. Aujourd’hui, deux ans plus tard, les choses semblent s’être apaisées pour le bien de ce petit garçon qui n’a pas demandé à vivre dans un tel bourbier. Un jour il connaîtra la vérité mais pas pour l’instant.

Et donc, quand j’ai découvert ma grossesse, c’était le même schéma qui se répétait. Matt allait avoir un autre enfant, et il ne serait pas là pour le voir grandir. Où était-il d’ailleurs ? Je ne savais pas, à cet instant, qu’il était retenu prisonnier par nos ennemis et je lui en voulais terriblement de me laisser porter ma croix, pour la première fois de toute mon existence. J’ai pu compter sur le soutien infaillible de mon grand frère, il ne m’a pas lâché une seule seconde et s’est montré très présent pour la grossesse et une fois que son filleul est venu au monde. Et puis, il y avait Connor, son meilleur ami. Il m’a vu grandir et adolescente, j’avais le béguin pour lui. Dès qu’il débarquait à la maison, je rougissais à en faire pâlir une écrevisse. Si, si ! Je crois que j’ai surtout aimé la sécurité qu’il m’offrait, à mes fils et moi.

Et quand j’ai retrouvé Matt, en enfer, je n’ai pas pensé un seul instant au lien qui l'unissait à mes garçons. J’ai surtout espéré en réchapper vivante pour pouvoir les voir grandir. Le retrouver dans ma vie quotidienne me fait énormément de bien mais j’ai aussi paniqué parce que je n’ai pas pu lui dire la vérité. Je le voulais mais en même temps c’était renoncer à la sécurité de Connor et je n’étais pas prête à quitter ce que j’avais réussi à construire après le départ de Matt. J’ai finalement pris conscience des choses importantes dans ma vie ; ne surtout pas reproduire les erreurs du passé. C’est ce que je tente d’expliquer à Matt, sur la pelouse voisine de mon ancien foyer. Je veux qu’il comprenne que je n’ai jamais voulu le mettre dans une situation pareille mais que je veux faire les choses dans l’ordre cette fois. Lui montrer que ce formulaire d’adoption, qui n’a pas été validé, prouve finalement que ce n’est pas Connor, le père biologique de Jacob. Faisant référence à la question de Matt, il y a quelques mois, à l’hôpital. Je n’avais d’ailleurs pas répondu, prise entre deux feux.

L’attitude de Matt est en train de changer. Ses traits se durcissent, son empressement me surprend tandis qu’il se lève tant bien que mal, déchirant les papiers d’adoption. Je fronce les sourcils, écoute sans broncher sa tirade en comprenant rapidement que nous ne nous sommes pas du tout compris, à ce sujet. JE me mordille la lèvre inférieure, je veux rectifier la situation avant que cela ne dégénère :

— Matt, non… ce n’est pas…

Je soupire tout en secouant la tête. Je m’approche de lui, et grimpe les deux marches du porche pour me retrouver à moins de vingt-cinq centimètres de Matt.

— Ce n’est pas ce que j’étais en train de te dire… Je veux que tu sois son père, parce que c’est ton fils… Je n’ai pas osé te le dire à l’hôpital quand tu m’as posé la question, j’étais si bouleversée…

Je pose alors ma main sur son avant bras et poursuit :

— Connor et moi c’est (je secoue la tête) fini. J’ai un appartement, au centre-ville. J’y vais déposer mes dernières affaires… Matt, je t’ai dit que je ne voulais pas reproduire les mêmes erreurs du passé.

tw ::.

Je suis pris entre deux feux mais j’ai l’impression à cet instant que mon cœur bascule quand même d’un côté. Tout d’abord je suis amoureux de Délia, j’aime cette femme plus que je ne pourrai jamais le dire, plus que je ne pourrai le montrer. Et il y a mes fils… elle m’a déjà privé d’Apollo, je ne peux pas la laisser me priver de mon deuxième enfant. Je n’ai clairement pas envie que la situation se reproduise, je n’ai pas envie de revivre cela… j’ai été tellement dévasté lorsqu’elle m’a annoncé qu’Apollo était mon fils que je sais que pour moi c’est impossible d’être à nouveau dans cette situation. Je me lève difficilement, et je dis à Délia ce que je pense. Je ne me laisserai pas faire. Je l’aime c’est vrai mais je ne peux pas la laisser faire. Pourtant quand elle s’approche de moi, quand elle se rapproche de moi, je sens mon cœur vaciller. Je ne peux pas me laisser faire, non je ne peux pas me laisser faire… mais je l’aime, je l’aime tellement. Elle est la seule personne au monde qui pourrait me détruire, littéralement me détruire. Elle ne le sait sans doute pas, en tout cas pas à ce point, mais elle tient littéralement mon cœur entre ses mains. Et si elle le décidait, elle pourrait me faire tellement de mal.

Mais voilà, elle me dit tout autre chose. Je n’ai pas compris, je ne l’ai pas compris. Elle souhaite que je sois le père de notre fils, elle n’a pas osé me le dire à l’hôpital. Je sens une vague d’émotions intense me submerger. C’est difficile, vraiment très difficile. De la joie, du bonheur, de l’enthousiasme et tout ça en même temps. Pourtant, je le sens, des larmes me montent aux yeux. Ce sont des larmes de bonheur bien évidemment, mais il est vrai que c’est perturbant de voir mon corps réagir ainsi. Je suis capable de rester de marbre, tellement facilement, et là, face à Délia, face à l’amour de ma vie, je me sens fragile, je me sens à découvert. Je déglutis difficilement quand elle vient poser sa main sur mon avant bras alors que je m’accroche encore à ma chaise. Et quand elle finit par me dire qu’elle a rompu avec Connor et qu’elle déménage loin de lui, je ne peux pas résister plus longtemps. Je viens déposer mes lèvres sur les siennes.

Ce moment je l’ai tellement attendu. Cet instant je l’ai tellement rêvé. Lorsque j’étais captif, c’est ce qui m’a permis de tenir, m’imaginer entrain d’embrasser ma belle. Alors le vivre là, maintenant, c’est un véritable torrent d’émotions qui se déverse en moi. Je n’ai jamais douté de mes sentiments pour elle, mais clairement ce que je ressens à cet instant, au moment où mes lèvres retrouvent les siennes, me conforte encore davantage, je l’aime. L’une de mes mains est toujours accroché à la chaise pour ne pas tomber mais l’autre vient immédiatement se poser sur la joue de Délia. Notre baiser s’intensifie alors. Mes lèvres se détachent des siennes puis reviennent immédiatement se poser sur les siennes. Et instinctivement, comme si le temps n’avait pas d’emprise sur nous, sur notre amour, sur la symbiose de nos deux corps, ma langue passe le barrage de ses lèvres pour un baiser fougueux. Mon désir pour elle grandit encore et encore. Ma main passe de sa joue à son dos. J'aimerai la serrer contre moi, j'aimerai ne plus me détacher d'elle, j'aimerai en faire qu'un avec elle.

Je ne sais pas exactement combien de temps dure notre baiser, mais à cet instant, si quelqu’un nous apercevait, il penserait de nous que nous nous comportons comme des ados pourtant je le reconnais je m’en moque. Enfin jusqu’à ce que l’on entende un raclement de gorge nous interrompre. Je suis tellement surpris, j’étais parti tellement loin avec Délia que ma main glisse sur le dossier de la chaise et que je tombe entrainant Délia avec moi dans ma chute. Allongés tous les deux sur le sol, nous apercevons…

tw ::.

Maintenant que tout le clan Salomon est au courant pour l’enfant que tu as eu pendant ton adolescence, tu te sens beaucoup mieux. Les secrets de famille comme le tien ont toujours eu tendance à mettre en péril vos relations les uns avec les autres. Tu as fui, tu as abandonné tes frères et soeurs et même s’il y aura toujours un part d’eux qui risque de t’en vouloir encore longtemps, tu te dis que maintenant, il est temps de passer à autre chose et de vraiment profiter de chacun de vos moments, aussi insignifiant soient-ils. Il y a quelques mois encore, tu as cru que ton frère ainé était mort au combat, alors le savoir maintenant chez toi, te fait le plus grand bien. Et en parlant de ce dernier, il semblerait qu’il passe beaucoup de temps avec la voisine… Ouais, celle qui est très proche de ta fille Harper et que tu jalouses un peu, faut pas se mentir ! Mais une chose est sûr que c’est tu n’avances pas doucement juste avec ta fratrie, il y a maintenant cet jeune femme qui te laisse enfin rentrer dans sa vie. Doucement, mais sûrement. Et ce n'est pas en un jour qu’on a construit Rome alors t’es confiante et tu acceptes ce que Harper te donne, sans broncher.

T’es parti faire des courses pour les prochains jours. T’es même passé voir Caleb à son bureau pour voir s’il avait besoin d’un petit coup de main. Tu adores ton frère mais l’avoir H24, c’est comme pour Stefan… Un peu ça va, tout le temps, c’est infernal. C’est pour ça qu’il s’est barré pour voler de ses propres ailes. Bon la situation de Matt est différente, et tu ne le jetteras jamais dehors, c’est simplement que pour toi, la cohabitation elle est très difficile. Tu as toujours eu l'habitude d’être seule, sans vivre réellement avec quelqu’un alors t’es plutôt vieille fille avec ses viiiiieilles habitudes pourries et t’en a rien à carrer si ça ne plait pas. Quoi qu’il en soit, zéro pression, Matt reste le temps qu’il veut, mais en attendant, tu profites pour voir du monde et t’as longuement discuté du cas de ton frère avec la voisine. Même par texto, Caleb n’a pas plus d’info que toi… mais il se pourrait que cela change la donne. En déchargeant la voiture, tu remarques sans peine qu’ils sont en train de… de se galocher et là… OUI LÀ, tu comprends tout !

Ah ouais, c’est comme ça…

Tu ne sais pas si t’as envie de rentrer chez toi, ou d'aller taper la discussion avec un autre voisin, le temps qu’ils terminent mais finalement, tu avances à pas de souris dans l’allée centrale de ta demeure tout en tenant entre tes mains, ton sac d’épicerie. Et comme ils bloquent l’entrée, tu te racles la gorge assez bruyamment. Ca te fout mal de les interrompre mais aux dernières nouvelles, Délia, là, elle était pas en couple avec Connor ? C’est tout de même gonflé de sa part, de venir juste à côté pour embrasser un autre homme. Du coup, ils se retrouvent par terre tous les deux et tu soupires. Ne comptez pas sur moi pour aider ! Elle est là, elle…

Je ne fais que passer, ne vous gênez pas pour moi…

Mais tout en faisant les gros yeux à ton frère, il sait que la conversation en tête-à-tête est de mise quand il aura fini de faire l’idiot avec la voisine !!!!

tw ::.

Je crois que j’apprends doucement de mes erreurs et il vaut mieux tard que jamais, n’est-ce pas ? Je n’ai pas été très honnête avec Matt toutes ces années et encore il y a quelques semaines, à l’hôpital quand je suis allée lui rendre visite. Mon histoire avec Connor touche à sa fin mais celle de Matt n’en est pas la cause. Je ne me sépare pas de Connor pour filer le parfait amour avec mon ancien amant, on s’entend que je m’éloigne de lui parce que c’est la meilleure chose à faire pour lui comme pour moi. Je me suis sentie seule, au pire moment de ma vie et je crois que mon béguin d’adolescente a pris tout à la place aussi bien dans ma tête que dans mon cœur. Je me suis fourvoyée et ça fait mal. Je pensais sincèrement l’aimer de tout mon être mais au final, ce n’est pas la définition que j’ai de l’amour. Et il mérite quelqu’un qui l’aime sincèrement, pas quelqu’un qui cherche du réconfort pour combler un manque. Ou simplement quelqu’un qui n’est pas cent pour cent là, tous les jours. Et depuis mon retour à Monterey, je sens bien que je ne suis plus à la hauteur de ce que Connor m’offre, alors c’est la seule solution que j’ai trouvée pour le libérer de cet amour à sens unique. Je ne doute pas un seul instant des ses sentiments envers moi et ce serait égoïste ou injuste de ma part de rester avec lui, par sécurité.

Cependant, je ne m’attendais pas à ce que Matt m'embrasse à la suite de mes derniers aveux. Surprise, je ne bouge pas d’un centimètre. Je le laisse faire, avant de me détendre et de lui rendre son baiser, sans que je ne contrôle quoi que ce soit. Comme si tout mon être s’était mis sur pilotage automatique et que je le regarde faire sans dire un mot. Et quand sa langue passe le barrage de mes lèvres, j’ai l’impression de me revoir deux ans plus tôt, où je n’ai pas eu peur de mes sentiments pour lui, autant qu’il assumait les siens. A ce moment là, j’allais divorcer. Je le savais, c’est ce que je voulais. Mais aujourd’hui, je ne sais pas ce que je veux. Notre proximité me fait pourtant du bien, elle m’apaise mais je n’ai pas envie qu’il comble quelque chose de perdu en moi. Je veux pouvoir le faire moi-même, sans lui. Et tandis que j’entends un raclement de gorge, la bulle parfaite dans laquelle nous étions plongés Matt et moi, ce dernier aussi surpris que moi, tombe à la renverse et m’entraîne avec lui, dans sa chute. En relevant la tête, je découvre Sawyer qui n’a peut-être pas l’air d’apprécier la scène, et immédiatement, je me relève. Je lui lance :

— Sawyer !! Salut…

Visiblement gênée, je me penche vers Matt, pour l’aider à se relever. Le processus n’est pas trop long et je dévisage la grande soeur avant d’ajouter :

— J’étais sur le point de partir alors…

C’est ça, y’a rien de mieux que de fuir les Salomon..

tw ::.

Au départ, lorsque mes lèvres touchent celles de Délia, je sens comment dire…. Pas forcément de la réticence de la part de celle-ci mais plutôt un manque de partage, heureusement cela ne dure pas et notre baiser est tellement intense, tellement enflammé, tellement endiablé et si réconfortant en même temps. Toutefois, le destin s’en mêle de nouveau et ma sœur nous interrompt. Son regard sur moi alors que je viens de nous faire tomber Délia et moi est plus qu’explicite, elle n’apprécie pas. Délia se relève la première et salue ma sœur avant de m’aider à me relever. Je m’accroche à la chaise sur laquelle je m’appuie depuis tout à l’heure et je m’apprête à demander à Délia de me donner mes béquilles quand celle-ci s’éloigne en disant qu’elle ferait mieux d’y aller. Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle a quitté notre allée. Et bien évidemment sans mes béquilles difficile de la suivre ou d’essayer de la retenir. Pour couronner le tout ma sœur vient de rentrer dans la maison. Je regarde la voiture de Délia s’éloigner avant de me déplacer à croche pied pour retrouver mes béquilles. Bien accroché à celle-ci, je tente de comprendre ce qui vient de se passer avant d’entrer. Je connais suffisamment ma sœur pour savoir qu’elle va vouloir en savoir plus, alors il faut que je mette de l’ordre dans mes idées avant. Ce que j’ai ressenti en embrassant Délia est tellement fort que cela ne peut pas être à sens unique… mais est-ce que c’est ce qu’elle souhaite maintenant ? Est-ce qu’elle souhaite qu’on s’offre enfin cette chance que le destin nous refuse depuis si longtemps maintenant ?

Je n’ai toujours pas d’idées bien précises sur ce qui va se passer entre Délia et moi par la suite, mais la nuit commence à tomber et je ne peux clairement pas rester plus longtemps à l’extérieur. J’entre alors dans la maison et je pars à la recherche de Sawyer. Autant avoir cette discussion maintenant. Je la trouve finalement dans la cuisine entrain de ranger les quelques courses qu’elle vient de faire. Il faut que je trouve quoi lui dire rapidement alors je lance sans trop réfléchir :

Ca va soeurette ?

Je ne sais pas du tout pourquoi je lui dis cela, je ne crois d’ailleurs jamais l’avoir appelé ainsi.

tw ::.

Tu viens de trouver ton frère et la voisine dans une situation légèrement malaisante. Pour toi, peut être moins mais tu sens bien que pour Délia c’est différent. T’es quand même agacée par ce comportement. Après tout, n’est-elle pas en couple avec Connor déjà ? En vrai ça ne te regarde pas mais Matt vient de revenir d’un très très long voyage, des plus éprouvants et ce n’est ni le lieu ni le moment de le faire souffrir. Enfin, jamais tu ne laisserais une femme faire du mal à ton frère même si c’est l’aîné. Dans ces cas là y’a pas d’hiérarchie fraternelle qui compte! En quittant les tourtereaux, tu préfères simplement saluer Délia et de jeter un regard qui en dit long au frangin avant de disparaître dans la maison. Direction la cuisine où tu défais ton sac d’épicerie. Sur l’entre fait, tu envoie un message à Caleb en secouant la tête. Il ne va pas en revenir, le coco! Et puisque ton frère et sa sœur sont au centre de vos conversations ces derniers temps, il va de soi que tu dois lui dire ce que tu as vu. C’est bien plus sérieux que tout ce que vous pensiez jusqu’à présent. Mêmeeeeee si cela reste que ce ne sont pas vos affaires !!

Tout en marmonnant, soupirant parfois, tu ranges tes courses ; placards, réfrigérateur, etc, quand Matt revient tel un gamin pris en flag’ mais qui cherche a détourner l’attention pour ne pas parler de ce que tu as été témoin. Soufflant par le nez, tu lui jette un regard noir avant de placer le paquet de céréales dans l’un des placards du haut :

« C’est ça, fais l’innocent… »

Revenant devant le comptoir, tu ajoutes :

«  Tu peux me dire ce qui te prend, Matt ? … Parce que vos petites escapades nocturnes jusqu’à la clôture, ça va cinq minutes mais là ? … »

Ouais, ces fameux tête-à-tête dont t’es pas supposées connaître…

« … C’est plus la même chose, Salomon !!! On parle de la voisine, qui est avec Connor, … J’veux pas te ramasser à la petite cuillère, t’as franchement pas besoin de ça en ce moment… »

tw ::.

En retrouvant ma sœur dans la cuisine, je sais parfaitement que je ne vais pas pouvoir éviter cette conversation mais je reconnais aussi que je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’elle me dit. Elle semble savoir que Délia et moi nous retrouvons parfois en pleine nuit près de la clôture, enfin que ma sœur se rassure ce n’est pas prêt d’arriver à nouveau puisqu’elle vient de déménager, elle évoque Connor, sans savoir, et enchaine sur un sujet que j’évite soigneusement depuis mon retour. Je n’ai clairement pas envie de me fâcher avec ma sœur, nous avons été séparé trop longtemps pour cela, mais je veux quand même lui faire comprendre que sœur ou non, ce sont mes affaires et que je ne souhaite pas qu’elle s’en mêle. Je m’appuie contre le comptoir à mon tour, je n’ai qu’une envie aller m’allonger tant la douleur dans ma jambe est intense mais je dois répondre à Sawyer. Je lui lance alors :

Je ne savais pas que tu m’espionnais la nuit… et sache qu’elle n’est plus avec Connor… même si pour être honnête avec toi, qu’elle soit avec quelqu’un ou non, ne m’a jamais vraiment arrêté…

Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails de cette histoire ce soir, peut-être même jamais. Sawyer sait déjà que je suis papa, même si le jour où je l’ai annoncé je ne suis pas entré dans les détails de cette histoire. Forcément les jours qui ont suivi, elle a voulu en savoir plus mais j’ai préféré taire le fait que Délia était la mère de l’enfant que je n’avais pas connu. Aujourd’hui, je sais que je suis papa pour la deuxième fois, et je sens que si j’en dis trop, ma sœur risque de finir par comprendre. Cela me fait sans doute du bien d’en parler avec elle, mais je n’ose pas. Toujours cette pudeur ! Je sais ce que Sawyer a vécu et c’est sans doute pour cela que je ne souhaite pas entrer dans les détails avec elle. J’ajoute rapidement avant qu’elle n’ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit et pour tenter de désamorcer la situation :

Je l’aime tu sais… je l’aime, depuis toujours je crois… et je te rappellerai que c’est toi la petite sœur… c’est donc à moi de veiller sur toi, pas l’inverse !!