Quelque chose d'emprunté... Paraît-il que ça porte bonheur!



ft  @Azara Salazar    

C’est le grand jour. Ou presque.
Dans le reflet du miroir, je peux pourtant lire une certaine appréhension, qui provoque un vif éclat dans mon regard. Quelque chose de nouveau, de différent, d’agréable. Je suis tout aussi impatiente que terrorisée, excitée mais aussi très nerveuse. J’oscille entre ces deux états, de manière presque bipolaire. C’est étrange, cela faisait des longtemps que je ne m’étais pas laissé porté par des émotions aussi primaires. J’ai passé plusieurs heures à me préparer, choisissant ainsi une tenue sobre, parfaitement en phase avec la météo plus que clémente qui règne sur Monterey ces derniers jours. Une jolie robe que je me suis offerte dernièrement, dans les tons de rose pastel, accompagnée d’une jolie paire de spartiates en cuir végan couleur camel et de quelques bijoux en acier inoxydable, fantaisie qui reste accessible pour ma bourse parfois fluctuante.
Oui, cet accessoire en particulier est bien au centre de toutes nos attentions, à nous les femmes. Tout particulièrement à ma belle-sœur et moi-même.

Je n’en reviens pas: mon frère jumeau Jeremy va se marier. D’ici quelques semaines, il va transcender son état d’homme, de frère, de simple être humain pour devenir un mari aimant et dévoué. Je me souviens, dans un sourire presque nostalgique, de ce que j’ai éprouvé en lisant cette fabuleuse nouvelle dans un de ses messages. Et bien entendu, je n’ai pas hésité une seule seconde à questionner ma moitié au sujet de la sienne.
Oui, je vais devoir partager Jeremy désormais… Pour mon plus grand bonheur. Je me sens si soulagée qu’il soit heureux en amour, moi qui ne connaît pas cette chance. Ces derniers temps, j’ai été tourmenté par un certain procureur… J’ai cru que quelque chose était naissant, possible entre nous. Mais je me suis profondément fourvoyée. Je refuse qu’il en soit de même à propos de Jeremy et son couple deviendra d’ici quelques semaines officiel, sacré même. Tout naturellement, j’avais demandé le numéro de sa future épouse afin de créer un contact, bien que timide aux premiers abords, mais qui avait fini par une rencontre programmée dans le centre ville de Monterey afin de faire un peu de shopping. Une activité féminine sans doute lambda pour beaucoup d’autres, mais pas à mes yeux: j’allais surtout avoir le privilège de passer quelques heures en compagnie de la future Madame Hopkins. Ou allait-elle conserver son nom de famille? Que d’interrogations qui allaient finir par vraiment me mettre en retard! Allez oust, en route!

Nous nous sommes donnés rendez-vous en plein cœur de la rue commerçante, non loin de la fameuse boutique de bijoux dont m’a parlé Azara dans l’un de ses textos. Nerveuse, je ne cesse de plaquer mon sac à main contre ma poitrine, il contient un objet de valeur que je n’aimerais certainement pas me faire voler. Allez, respire, Andrea, tout va bien se passer. J’enfile une large paire de lunettes de soleil, tandis que je m’installe à la terrasse du café. J’en profite pour en commander un, ce qui n’est pas des plus sages, je suis déjà sur les nerfs. Le soleil caresse mon visage, réchauffe ma peau et réussit à me faire sourire de la plus spontanée des manières. Mais quand une ombre vient obscurcir mon champ de vision, je fronce des sourcils et remarque une présence sans équivoque.
Elle est là. Devant moi.
Bondissant hors de ma chaise, je me débarrasse de mon accessoire visuel et demande, d’une voix impatiente:

Azara? Tu es… Azara? Enchantée, Andrea Hopkins.

Spontanément, je tends ma main droite, offrant un sourire presque admiratif.
Elle va me prendre pour une folle… Bienvenue dans la famille Hopkins!

Quelque chose d'emprunté... Paraît-il que ça porte bonheur!



ft  @Azara Salazar    

À la seconde où je pose mon regard sur elle, je sais.
Je sais qu’elle est la bonne personne pour mon frère jumeau, qu’elle est exactement la femme que je m’imaginais. Très mignonne, unique en son genre, gaffeuse et à la fois si assurée. D’un simple coup d'œil, je comprends parfaitement pourquoi mon frère est tombé sous le charme, pourquoi il l’a choisi pour devenir son épouse. Je bondis hors de ma chaise, fais le premier pas avec une salutation presque méprisante, que je ne désirais certainement pas. J’ai plutôt honte de cette entrée en matière, bien trop formelle. Franchement, Andrea, lui tendre la main…? Même à tes clients, tu ne leur réservait pas un accueil aussi distant. Sans doute que cette façon de faire découle du fait que tu connais très bien son père, pour avoir passé une soirée en tête à tête avec lui?
Non, non, non. Il ne faut pas que j’y pense. Non, non, non, sous aucun prétexte. Respire, Andrea, tout va bien se passer. Tout va s’arranger.
Fort heureusement, elle prend les devants, m’offre une accolade bien plus chaleureuse, que j’accepte avec un plaisir véritable. Après tout, nous serons, d’ici quelques semaines, de la même famille! Je m’adoucis et lui réponds, d’une voix enjouée mais toujours très hésitante:

Moi aussi, très heureuse, Azara. Et je ne connais pas bien Harry Potter, tu ne m’en veux pas…?

Il fait si chaud, tout à coup, non?! Je peux sentir la gêne envahir chacune de mes cellules… Et franchement, c’est plus que douloureux. Je n’étais pas aussi stressée lors de mon diplôme de fin d’études, alors, que m’arrive-t-il?! L’envie de plaire est assurément la cause de ces mains moites, de ce regard fuyant, de ce sourire répondant aux abonnés absents. Reprenant enfin mes esprits, je propose à Azara, tout en récupérant mon sac à main et mon assurance qui est plutôt absente depuis quelques minutes:

Et si nous… On… On se met en route? Pour cette fameuse boutique de bijoux?

Fort heureusement, elle ne se trouve qu’à quelques mètres du café où j’étais installée, le silence qui règne durant le trajet n’est donc pas gênant trop longtemps. Ouf. J’avoue que je suis sans voix, complètement déstabilisée par cette rencontre. Laissant passer Azara avant de pénétrer dans l’établissement, j’écarquille les yeux, découvrant des merveilles de boucles d’oreilles, de bagues, de bracelets. Comme une enfant le matin de Noël, ayant toujours adoré ce domaine, je détache mon regard d’une vitrine et demande à Azara, étudiant elle aussi les produits proposés:

Tiens, attends, je… Je crois que le plus simple serait de te montrer… la broche?

De mes doigts tremblants, je récupère le bijou, protégé dans un écrin, dans les entrailles de mon sac à main.
Et je ne peux pas apporter de symbolique plus intense:
Celle de lui transmettre un bijou de famille, afin de, officiellement, lui souhaiter la bienvenue dans la nôtre. Accepter cette union, de la plus bienveillante des manières.
Qu’elle soit la plus belle pour ce jour sacré, où elle deviendra une Hopkins…