Cette semaine, je n'ai pas Ella, et j'en profite je dois bien admettre pour récupérer le temps de sommeil qu'il me manque. Il m'est tellement difficile de trouver le sommeil, j'ai toujours cette angoisse, une fois la nuit tombée de laisser mon esprit vagabonder un peu trop loin. J'essaye d'avance un pied après l'autre, après tout les années et le temps me permettent de faire cela. Mais il y a des jours où c'est plus facile que d'autre. C'est une journée un peu plus facile qu'une autre. Callum a passé la nuit avec moi, il faut dire que nous sommes sur le point de vivre ensemble, après tout, ne m'a-t-il pas demandé en mariage. Je n'en reviens pas de cette proposition. Je suis assez silencieuse quand à la portée de mes sentiments pour lui. Quand je le regarde, sans qu'il ne s'en rend compte, je me sens chanceuse de l'avoir dans ma vie, il m'apporte une certaine sérénité que je n'avais pas retrouvée depuis un moment. Mais parfois, j'ai comme un pincement au niveau de ma poitrine et je me souviens alors combien il m'est douloureux d'être de nouveau heureuse. Je culpabilise trop pour cela... Parce qu'il y aura surement au dessus de ma tête, cette éternelle question, et si...
Et si... Jake n'avait pas eu cet accident ? Et si je m'étais un peu plus battu pour notre couple, et si je ne lui en voulais pas, et s'il m'avait disputé copieusement, me rappelant que je suis qu'une ingrate de lui porter toute la faute. Il y a tellement de si, qui se bouscule dans ma tête. Et si tout cela, nous avions été le couple dont on s'était promis de s'aimer malgré la mort et la maladie. Sauf, que je ne le saurais jamais, alors il est peut-être temps pour moi, d'avancer dans ma vie et d'aller vers les personnes qui me rendent heureuse. Je souris doucement alors que je me prépare pour aller à l'hôpital. J'ai une longue garde qui m'attends et je ne peux pas me payer le luxe d'être en retard. Je profite pour faire le maximum d'heure quand Ella n'est pas avec moi, comme cela je peux jongler entre mes deux métiers. Résidente et mère. Je suis heureuse de l'avoir dans ma vie, même si parfois, j'ai l'impression que le temps m'éloigne d'elle un peu plus. Je me souviens encore lorsqu'elle était toute petite, un vrai rayon de soleil, désormais elle sait très bien utiliser le non et le, c'est mieux chez papa. Elle doit faire exactement la même chose chez lui, mais à chaque fois que je l'entends me dire cela, mon coeur se noue un peu plus dans ma poitrine.
Je prends les dossiers en cours et je me rends compte qu'il y a un patient, un enfant de dix ans, qui attend l'intervention d'un pédopsychiatre. Je préviens ce dernier en garde et c'est lorsque je le vois arriver au loin que je me dis que parfois la vie peut-être cruelle ou assassine. Je savais qu'il travaillait dans le même hôpital que moi, mais j'avais espoir qu'il ne soit pas de garde aujourd'hui. Hors, c'était sans compter par le karma. Je le laisse arriver à ma hauteur, pour prendre un air très poli et très courtois, ce masque que je porte depuis de nombreuses années. Je triture le dossier que j'ai dans les mains c'est ce que je fais toujours quand je me trouve très nerveuse, ce qui est le cas. C'est idiot, ça l'est toujours.
« Salut... J'ai fait appel à toi, parce que nous avons un jeune patient dont on a besoin de l'avis d'un pédiopsychiatre. » Je lui tends le dossier avant d'ajouter. « Il est tomber dans la rivière, mais il semblerait que les circonstances soient assez floues. » Finissais-je par lui avouer.
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Isaac Ashton
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Sujet: Re: (isaac) + love has teeth which bite and the wounds never close. Lun 10 Juin - 22:00#
LOVE HAS TEETH WHICH BITE AND THE WOUNDS NEVER CLOSE.
Ma vie avait pris un tournant ces derniers temps. Le retour de Lou dans ma vie m’avait fait comme un électrochoc et m’avait aidé à entrevoir une issue plus sereine à mes tourments. Ca n’enlevait pas que mon fils me manquait toujours autant, mais mes retrouvailles avec mon amour de jeunesse m’avaient apaisé. Du moins, suffisamment pour arrêter de regarder les vidéos de mon fils tous les soirs. Je prenais le temps de retrouver une once de bonheur, cherchant à tout faire coïncider entre le travail au cabinet avec Nyls, à être un père exemplaire pour Ella les semaines où je l’avais, à guider Lou dans son rôle de mère de Kayla même si je n’étais pas le père de son enfant, et depuis peu, des gardes de plus en plus fréquentes à l’hôpital. S’occuper l’esprit était un mécanisme de défense pour faire face à ses problèmes. Ce n’était pas la solution la plus saine, mais ça m’évitait de m’apitoyer sur mon sort. Avec Ella, j’essayais de construire une véritable relation sans forcément comparer avec notre vie passée. Elle grandissait tellement vite que j’avais eu l’impression de ne pas l’avoir vue ces cinq dernières années. Et quand je posais mes yeux sur la petite fille qu’elle était, je retrouvais sa mère. Le sourire était le même, les mimiques, l’attitude, et c’était dans ces moments que le passé m’étouffait à nouveau, regrettant que ce bonheur ne soit plus. Pourtant, je m’étais rapproché d’elles, ne supportant plus la distance Los Angeles – Monterey, ne pouvant aussi plus vivre dans la maison où mon fils avait péri.
Les discussions avec Colleen étaient difficiles. En général, on n’osait pas franchir la barrière de la pluie et du beau temps. Il n’y avait pas ou peu de communication, j’osais à peine la regarder dans les yeux. Dès que mes yeux se posaient sur elle, je revoyais sa détresse, son cri de douleur alors qu’elle revenait du supermarché. Je l’entends encore me hurler que c’était ma faute, tabassant mon torse espérant me faire plus mal encore. Et surtout, je revoyais le jour où elle m’avait dit qu’elle ne pouvait plus m’aimer dans ces circonstances. Elle m’avait arraché le cœur et était partie avec. Je m’étais juré de l’aimer pour l’éternité, mais la pire des épreuves nous avait fait exploser en plein vol. Retrouver des sentiments aujourd’hui pour Lou, alors qu’elle aussi m’avait un jour brisé le cœur me faisait presque culpabiliser en silence, j’avais l’impression de fauter alors que Colleen avait refait sa vie. Serions-nous capables de nous remettre de nos blessures, pour le bien d’Ella, pour enfin parvenir à nous pardonner ? Je n’en étais pas certain. Si j’avais Ella cette semaine, j’avais accepté de remplacer un collègue ce soir parce qu’elle avait souhaité aller à une soirée pyjama. J’étais toujours réticent à la laisser quelque part loin de moi, craignant qu’on me l’arracherait aussi, mais elle avait usé de l’excuse qui fonctionnait toujours : ‘Maman a dit oui.’ Elle me mettait face à mon incapacité de m’accorder le pardon d’avoir fauté et d’avoir entrainé la mort de mon fils. Ella n’en parlait jamais. Je ne savais même pas si elle se souvenait de son frère et de lui poser la question me terrorisait. Aussi, je me concentrais sur mon travail. J’avais fort à faire en ce moment avec des patients aux lourds traumatismes, mais je m’évertuais à leur venir en aide. Tout comme je pouvais aussi accompagner les enfants en fin de vie et qui me promettaient de saluer mon fils une fois là-haut. Le bipper sonne, et je donne mes recommandations à une infirmière pour l’enfant que je viens de voir en état de choc et qui a besoin d’un tranquillisant et de rester en observation pour la nuit. Je marche alors dans le couloir pour me rendre sur les lieux de l’appel et mon cœur se serre à voir Colleen se présenter devant moi, droite comme un i, prenant un masque de circonstances, comme elle le fait toujours depuis notre divorce. Me pinçant les lèvres, je réalise que sans le drame de nos vies, elle serait médecin depuis de longues années puisqu’on avait étudié ensemble. Et le sentiment de culpabilité revient. « Tu n’es pas obligée de me parler comme si on était de parfaits étrangers… » lui fis-je remarquer en grimaçant. J’avais l’impression qu’elle s’adressait au docteur plus qu’à moi. Me saisissant du dossier, étant en mesure de l’aider également dans sa perception des cas qu’on lui confiait comme résidente, je me permettais de lui poser des questions : « C’est lui qui te l’a dit, ou c’est ce qui a été rapporté ? » Ce n’était pas la même chose pour moi, et je feuilletais le dossier pour voir que l’enfant s’appelait Duncan et était âgé de 10 ans. Connu des services sociaux, ce qui me faisait douter de la thèse de l’accident, mais je ne pouvais pas l’écarter. Avant de parler du patient, je me hasardais une nouvelle fois à faire la conversation à mon ex-femme. « Comment tu vas ? Tu…euh… la résidence se passe bien ? » Gêné au possible, je me fis violence pour poursuivre sur un sujet que je maitrisais un peu plus. « Ella est chez Vicky à une soirée pyjama. Elle a dit que tu étais d’accord. » Merde, j’aurais peut-être dû lui demander si c’était effectivement le cas.
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We're forced through the gauntlet like mice in a maze, we're running. We know we go under, like moths to the flames we're falling. We know it is cruel.
J'appréhende toujours un peu de me retrouver en face de lui d'une manière tout à fait banale. On dit que le temps permet de guérir toutes les blessures, j'ose y croire après tout, sinon je ne serai pas debout, je ne réussirai pas à avancer si tel n'était pas le cas, mais j'ai du mal à croire que tout puisse être aussi simple que cela. Le temps, cela fait quelques années maintenant que nous vivons comme cela tous les deux, comme des étrangers incapables de se reconnaitre, de parler, de respirer normalement. Je me rends soudainement compte que lorsqu'il se trouve en face de moi, mon corps tout entier se met sous pression, prêt à l'affronter comme si notre quotidien devait ressembler à un combat. Je dois admettre être las de tout cela, mais je sais également que c'est plus fort que la raison, que moi, que tout. Une fois encore et pour les circonstances, je tente d'être le plus neutre possible, de ne rien laisser paraitre. C'est surement terriblement difficile pour lui, d'échanger avec moi, parce qu'il m'a connu quand j'étais heureuse, quand tout était simple, quand le simple geste de respirer n'était pas une épreuve. Je ne peux pas faire illusion, il me connait que trop bien.
« Tu n’es pas obligée de me parler comme si on était de parfaits étrangers… »
Ses mots sont douloureux à entendre. Ne sommes nous pas des étrangers l'un envers l'autre désormais. Après tous les mots, les non-dits, les déceptions, ne sommes nous pas devenus ces gens là ? Parfois, j'aimerai revenir en arrière, trop souvent dans mes rêves, j'ai envie d'effacer une seule journée de notre existence, mais un tel pouvoir n'existe pas et je tente comme je peux de garder bonne figure. Parce que ses mots, aussi anodins sont-ils me font mal une fois encore. Et je tente de mettre un autre masque sur mon visage. Mais c'est difficile. Je ne suis pas sensée agir comme il faut, de toute manière. Et j'ai envie de lui rappeler que je ne suis plus la même personne qu'il a connu et que parfois, je ne le reconnais pas non plus. Mais ai-je seulement envie d'y répondre ? Pas maintenant.
« C’est lui qui te l’a dit, ou c’est ce qui a été rapporté ? » Je soupire légèrement. Même si je sais qu'il ne fait que son travail, le ton m'agace, le sous entendu également. « J'ai eu l'occasion de poser la question au petit garçon et ça ne correspond pas au dire de sa mère. Il n'y a pas de papa apparemment, et il est déjà venu ici il y a deux mois, pour une chute à vélo. »
Je me mordille la lèvre lui tenant le dossier où tout était écrit. J'avais pris le temps, de lui poser des questions, et je trouvais cela étrange qu'un garçon qui était inscrit à la piscine à l'école puisse se laisser avoir de la sorte, à moins de vouloir sauter de son plein grès dans la rivière. Il y avait des choses à voir, mais je n'étais pas du tout calé pour l'aider. Travailler avec les enfants était une bonne chose, mais parfois, c'était assez douloureux, une douleur qui prouvait une fois de plus que j'étais bien vivante.
« Comment tu vas ? Tu…euh… la résidence se passe bien ? » Je fus surprise de l'entendre me poser une question assez personnelle, cela faisait des mois que nous n'avions pas eu ce genre de conversation. Une conversation personnelle cela étant. J'allais dire quelque chose mais il me prit de cour. « Ella est chez Vicky à une soirée pyjama. Elle a dit que tu étais d’accord. »
Ella, notre futur petit démon, capable de nous manipuler émotionnellement parlant. Elle avait su, de nous trois être la première à gérer au mieux la séparation en utilisant de son charme pour faire de nous ce qu'elle désirait. J'aimais ma fille, mais je m'inquiétais de l'avenir, une fois adolescente elle allait réussir à nous avoir, émotionnellement parlant c'était une certitude. Je voyais qu'Isaac n'était pas bien, et je m'en voulais de rendre la situation plus compliquée. Il était difficile de communiqué au mieux avec lui, et faire en sorte que la situation soit aisée. Je me raclais la gorge.
« Je lui avais dis de t'en demander l'autorisation au préalable, mais je vois que l'information n'est pas arrivée comme il se doit. C'est de ma faute, j'aurai du te le dire. » Je ricanais légèrement, touchant nerveusement la bague que j'avais à mon doigt. Je voulais éviter au mieux les conflits et faire en sorte que cela se déroule le mieux pour elle. Mais elle ne devait pas du haut de ses 7 ans nous manipuler ouvertement. « Elle est bien trop maligne pour nous deux. La situation n'est jamais aisée... Parfois je ne sais pas comment me comporter. »
Je ne parlais plus de notre fille, même à vrai dire je ne savais pas toujours comment me comporter avec ma fille, mais de nous, revenant à ses paroles précédentes. Nous étions des étrangers, sur certains aspects, mais d'autres, beaucoup moins et parfois, je ne savais pas si je devais souffler le chaut ou le froid. C'était très étrange et usant à la longue. Peut-être devrions nous faire des efforts n'est ce pas ? Ne sommes nous pas sensés être les adultes de l'histoire.
Faire face à Colleen est toujours presque insurmontable. A chaque fois que je posais les yeux sur elle, tous nos tourments me revenaient en tête comme une éternelle rengaine et je ne pouvais plus lire dans ses yeux que ces reproches qui me poursuivaient toutes les nuits alors que je revivais inlassablement la mort de notre fils. Elle n’y avait pas assisté, elle n’avait pu que constater l’horreur. Mais moi, je portais ce fardeau d’être témoin du pire jour de nos vies. Je ne pouvais plus soutenir son regard parce que j’y voyais notre fils. Mon cœur se serrait à chaque fois que j’apercevais la mère de mes enfants comme s’il voulait mourir et s’étouffait volontairement de chagrin, refusant d’admettre que tout était perdu. Pouvais-je dire que je l’aimais encore alors que je donnais une chance à une autre histoire passée ? Je ne savais répondre à cette question. Selon moi, je ne pouvais pas cesser de l’aimer, parce que mes sentiments n’avaient jamais été en question, c’était surtout la culpabilité qui nous avait séparés, c’était le manque de Jake au quotidien qui tel une déferlante, avait tout emporté sur son passage. Colleen était une bonne mère, elle aurait mérité connaitre simplement le bonheur. D’être aux bras de Jake lorsqu’il aurait dû se marier. Elle n’aurait pas cette chance. Et rien que cette pensée m’écrasait le cœur dans la cage thoracique, comprimant ma respiration au point de n’être plus capable d’insuffler le repos de mon âme. Afin de ne pas sombrer, sentant les émotions me gagner, je me concentrais sur le petit Duncan. Je souhaitais l’avis du médecin qu’elle deviendrait, elle qui avait été toujours plus que brillante, mais qui avait dû mettre un terme à ses études pour Jake, qui avait été une agréable surprise, mais une venue stressante dans nos vies de jeunes irréfléchis. Elle me semblait tendue, et je ne savais pas si c’était à cause de moi, ou si elle prenait simplement mal mes propos. Je la connaissais bien, je la sentais agacée. Pourtant, je tentais simplement d’avoir plus d’information, sans avoir à lire le dossier que je lirais bien évidemment. « Que dit sa mère ? » Etait-ce là un moyen d’établir un contact plus aisé ? Possiblement. Même en parlant d’Ella nous nous adressions à peine la parole. « Des chutes multiples… Et si j’en crois son dossier, des fractures. » Ca ne présageait rien de bon. Ca pouvait être une condition médicale, comme la maladie des os de verre, mais ça pouvait également être expliqué par de nombreuses choses. Mine de rien, de parler du garçon avec elle me fit penser à notre fils. Lui était heureux, nous avions toutn fait en tant que parents pour qu’il ne manque de rien. Mais il nous avait été arraché. Je levais le regard momentanément vers le ciel, me mordant l’intérieur des joues pour réfréner mes émotions avant d’essayer de tourner la discussion vers autre chose. Trop mal à l’aise, je me rendais compte que je ne la laissais même pas répondre. Elle admettait qu’Ella avait transformé la situation à son avantage, et je voulais minimiser l’impact de notre manque de communication. « Ca ne fait rien, elle est en sécurité, la maman de Vicky est présente. » Visiblement, je continuais de ne penser qu’aux risques potentiels. Parfois, je pouvais percevoir la frustration de ma fille, parce que je la bridais, effrayé qu’on me l’arrache, elle aussi, et que ce soit de ma faute. Encore. J’espérais que sa mère soit moins conditionnée, mais je n’avais même pas osé lui en parler. Comme je ne savais même pas si notre fille se souvenait de son frère. Les émotions me submergeaient, et une fois de plus, pour ne pas rendre la situation encore plus pénible, je me hasardais à une plaisanterie. « Je suis censé être un spécialiste des enfants, et je me fais avoir par ma propre fille. » Je la laissais me manipuler de temps à autres, craignant cette image de mauvais père que je m’étais collée sur le dos. Et puis, je capte le regard de mon ex-femme, alors que sa phrase possède un double-sens que je perçois ou que j’invente. Parle-t-elle d’Ella, ou de nous ? Je regrette le temps où on se comprenait en un clin d’œil. Le malaise entre nous est grand. « Moi non plus. Et ça me tue. » Je baisse les yeux, grimaçant, regardant ailleurs comme un adolescent. Et mon regard se porte sur sa bague de fiançailles, et mon cœur se meurtrit un peu plus. « Ella me dit qu’il te rend heureuse. » Soufflais-je à demi-mot. Moi aussi je tente de m’en sortir avec Lou, à la reconquête d’un passé lointain, mais je ne peux m’empêcher de jalouser cet homme qui trouve les mots pour apaiser le cœur que j’ai tant aimé et que j’ai tant fait souffrir.
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Parfois, je me demande si je ne suis un peu maso, si je n'aime pas vivre dans cette douleur perpétuelle, comme si elle était là pour me rappeler le souvenir de mon fils, pour me prouver qu'il a bien existé, et que moi je suis toujours vivante. Pour me punir de tout ce que je n'ai pas fait. Car, quand je vois le métier dans lequel je me dirige, je me dis que je vais être souvent confronté à des enfants, des garçons de l'âge de mon fils, et me rappeler combien il était parfait, cet enfant, combien nous l'avons aimé tous les deux. Et puis, parfois, à travers eux, mon coeur et mon âme s'apaise pour mon plus grand bonheur et là je sais que j'ai fait le bon choix. Cependant, ce n'est pas toujours très flagrant et parfois, je me sens épuisée face à tout cela. Quoiqu'il en soit, je suis là, en face de mon ex mari, du père de mes enfants, nous parlons comme si tout était simple hors ce n'était pas le cas, et nous le savons tous les deux. Il y a une telle tension entre nous que je me demande quand les choses pourront évolué, entre nous. Quand arriverons-nous à nous regarder sans en vouloir à l'autre par nos silences, par nos peines. Parfois, je me dis qu'il suffirait juste de lui tendre la main, de dire un mot, puis ensuite la douleur est trop intense, et je n'y arrive tout simplement pas. Mon orgueil surement.
« Que dit sa mère ? » Je reviens à moi, de mes pensées et je repense à cet enfant. Il est difficile d'être factuel, de ne pas prendre parti, encore plus lorsqu'il s'agit d'un enfant. « Tout est désordonné dans les faits. Elle m'a donné deux versions différentes pour la dernière visite de son fils à l'hôpital. » En disant cela je grimaçais, parce qu'au fond de moi, je m'inquiétais fortement pour cet enfant, qui n'avait pas mérité tout cela. Je ne savais pas encore s'il s'agissait là d'accident volontaire ou provoqué par un membre de la famille. Ou bien même lui, je ne savais pas et clairement nous n'étions pas là pour cela. Je ne travaillais pas dans la police. Mais Isaac était là pour l'écouter et faire en sorte que cet enfant, quoiqu'il puisse endurer aille pour le mieux dans un avenir proche. Je me pinçais les lèvres. « Des chutes multiples… Et si j’en crois son dossier, des fractures. » Je ne faisais qu'acquiscer d'un mouvement de la tête. « Tu devrais le voir et parler avec lui. Je pense qu'il peut te faire confiance et dire ce qu'il ne va pas chez lui. » Pour le reste, je ne devais pas m'inquiéter. C'est ce qui était le plus dur, arriver à prendre le recul nécessaire. Parfois, je n'y arrivais plus vraiment, je me retrouvais perdue. Et cela, je ne devais pas alors je me contentais de me raccrocher à ce que je pouvais.
Puis bien évidemment, notre fille profitait un peu trop à mon goût de la séparation et de notre manque de communication. Quand je me disais que c'était nécessaire, je n'y arrivais jamais, ma rancoeur à son encontre était toujours plus forte. Ella savait comment obtenir ce qu'elle désirait, heureusement qu'elle n'était pas en danger, parce que c'était désormais ma plus grande crainte. Qu'elle le soit et que je la perde elle aussi. Je sais, quand je plonge mon regard dans le sien, Isaac, qu'il a la même crainte que nous. Je me surprends parfois à la regarder dormir, juste pour me rassurer, elle respire, elle va bien. Mais voilà, désormais elle grandit et aujourd'hui, elle nous a eu tous les deux. « Ca ne fait rien, elle est en sécurité, la maman de Vicky est présente. » Je tentais de sourire comme je pouvais. « Tant mieux alors. » J'avais confiance en la mère de Vicky et je sais qu'il nne l'aurait pas laissé s'il n'en était pas convaincu lui aussi, mais voilà, il y avait toujours ces insécurités autour de nous, plus fort que la raison. Je ne pouvais m'empêcher de laisser échapper un petit rire à ses paroles. « Je suis censé être un spécialiste des enfants, et je me fais avoir par ma propre fille. » « C'est qu'Ella est très douée dans son genre. Elle a l'art de la persuasion, que tu sois spécialiste ou non. » Mon sourire s'effaça doucement lorsque j'imaginais ce qu'aurai pu être notre vie aujourd'hui, si les choses avaient été différentes. Je sais qu'il ne faut pas penser à cela mais parfois, c'est compliqué de ne pas y penser, de ne pas imaginer.
« Moi non plus. Et ça me tue. » A ce moment précis, j'aurai aimé dire quelque chose d'un peu censé, encourageant, réconfortant. Je sais qu'il parlait de notre fille, mais je ne pouvais m'empêcher qu'il y avait quelque chose de plus profond. Parfois je me dis que le temps finira par arranger les choses, que nous arriverons à avancer, comme les adultes que nous sommes. C'est surement pour cette raison que nous vivons nos vies, désormais chacun d'un côté. Parce que le bonheur avait disparu lorsque nous étions ensemble. « Ella me dit qu’il te rend heureuse. » En pensant à Callum, bien évidemment un sourire vient se dessiner sur mes lèvres, il a la patience d'aimer chacun de mes défauts et de mes blessures, et il accepte cela, même si ce n'est jamais simple. Comme je ne veux pas qu'il prenne la place d'Isaac dans le coeur de notre fille. Je tente de tout lui expliquer, mais c'est parfois délicat. Je regarde ma bague me pinçant les lèvres. « Oui, j'ai accepté sa demande en mariage. Ella n'est pas encore au courant pour le mariage. » Et d'un coup, je me sens mal à l'aise encore, mais je me dois de demander. Est-ce que cela fait de moi une personne bizarre ou maso ? Ou les deux en même temps, j'imagine que oui. « Et toi, tout va bien dans ta vie ? Quelqu'un te rend heureux ? » Et là, je sais que ma question est maladroite et mal posée, et arff, je ne peux pas faire machine arrière maintenant. Nous sommes donc des adultes responsables. Non ?
J’avais songé après la perte de notre fils à tout quitter, tout arrêter. Je ne parvenais plus à faire face à des enfants, et les aider, non sans voir à travers eux, le fantôme de ma progéniture partie trop tôt. Je voyais Jake partout, et j’alimentais ce sentiment en faisant tout par rapport à lui. Il ne se passait pas une journée, sans que je ne regarde des vidéos ou des photos de lui ; pas une nuit où je ne revivais pas l’accident qui avait détruit ma vie. Pendant de longs mois, je n’avais plus pu trouver la ressource nécessaire pour venir en aide à ceux qui pourtant en avaient le plus besoin. J’avais voulu porter ce fardeau sur mes épaules parce que j’avais assisté à la scène et que j’avais été impuissant. Mais qu’aurais-je fait de ma vie alors que j’avais passé une dizaine d’années à étudier la pédopsychiatrie et tout autant à exercer ? Je n’étais pas capable de faire autre chose et j’aurais failli également à la promesse que je m’étais faite gamin, celle d’aider les enfants issus de milieux défavorisés comme moi. Je ne sais pas ce qui avait fait que j’avais doucement repris goût à la vie, alors que mon mariage avait volé en éclats et que je ne savais plus me comporter comme un père normal pour Ella. Là, devant mon ex-femme, je perdais de nouveau la face, parce que j’avais beau aller mieux, mon cœur se serrait dès que je posais les yeux sur elle. J’avais la sensation qu’elle ne me pardonnerait jamais. On prétendait qu’on était capable de nous adresser la parole, pour Ella, mais tout était difficile, comme si nous communiquions par interférence.
Je sens que même dans sa façon de parler au médecin, elle ne sait pas comment s’adresser à moi, mais je tâche de me focaliser sur une seule chose et c’est les faits qu’elle avance. Il est clair qu’il y a anguille sous roche. Je percevais son inquiétude, et elle était communicative. Quand les parents n’étaient pas capables de s’en tenir à une seule version, cela indiquait la plupart du temps qu’ils mentaient. Grimaçant moi aussi, je l’incitais à ouvrir l’œil, tandis que moi je ferais en sorte de protéger l’enfant du mieux que je le pourrais. « Okay… Je crois qu’il va falloir être très vigilants. » J’aurais à avoir plusieurs discussions avec lui, j’en étais convaincu. Et pour éviter de partir du mauvais pied et de le braquer, je proposais à Colleen. « Oui, après je vais d’abord lire son dossier avec attention, je ne peux pas prendre de risque vu comme ça me parait bancal… » Il deviendrait la priorité du jour, mais mon travail serait de longue haleine. En général dans mes sessions avec les enfants, je n’obtenais pas toutes les réponses dès le premier rendez-vous. Ce dernier servait souvent à briser la glace et gagner leur confiance. Cet enfant ne devrait pas déroger à la règle.
Je peinais en revanche à faire l’éducation de ma fille comme je le souhaiterais. Déjà, parce que je craignais qu’il lui arrive quelque chose, et je la bridais donc bien plus que de raison. Mais également parce que Colleen et moi ne faisions pas d’efforts. On pensait que de faire le strict minimum marcherait, mais c’était tout l’opposé. Et puis je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que l’homme qu’elle fréquentait, prendrait un jour mon rôle de père. Ca m’effrayait, d’autant plus qu’il n’avait pas la mort de son ainé sur la conscience et pouvait donc me remplacer dans le cœur de mon ex-femme mais également dans celui de ma fille avec qui je ne savais même plus me comporter. Si bien que je percevais une once d’inquiétude dans la voix de Colleen alors que j’avais dû laisser ma fille chez une amie à elle. « Je sens dans ton ton que tu n’approuves pas… » Je la regardais d’un air désolé, comme si j’avais fait une bêtise et que je venais d’être pris sur le fait. Cependant, la voir sourire et rire me rassurait et me faisait beaucoup de bien. Mais ça ne dura pas. Son sourire disparut aussitôt, comme si quelque chose l’avait contrariée. « Elle profite de mes faiblesses… » Elle aurait peut-être même fait tourner en bourrique Jake. Encore, Ella avait la décence de ne pas me comparer à son beau-père.
Je ne sais pas si d’ailleurs elle percevait cette mélancolie que je ressentais, cette tristesse infinie de la voir là devant moi mais de me dire que notre histoire n’avait pas supporté la plus lourde épreuve. Je ne parlais pas que de ma fille, je parlais de nous, de notre couple, de la façon dont j’étais incapable de me pardonner de l’avoir détruite, de lui avoir pris son fils, de lui avoir infligé la pire des sentences. Et cette jalousie que je ressens, alors qu’autrefois c’était la bague que je lui avais offerte qu’elle portait au doigt, pas celle d’un autre. Et ça fait combien de temps qu’ils se fréquentent ? Est-elle déjà prête à refaire sa vie ? J’ai du mal à l’encaisser et ça transparait dans l’affirmation que je laisse planer. « Tu vas déjà te remarier. » C’est un coup d’arrêt pour moi. C’était comme si elle venait de me dire que je n’existais plus. Ca fait mal. Et pourtant, comme elle, je tente de reprendre goût à la vie, avec mon premier amour, la première à m’avoir brisé le cœur. Je ne peux m’empêcher de me comparer, de me dire qu’il a sûrement bien plus de qualités que moi, mais je ne peux pas prétendre plus longtemps, alors je lui donne le fond de ma pensée. « Je sais que ça ne se fait pas, mais hm… Je, j’ai du mal avec cette information. Je veux dire, tu as le droit d’être heureuse, mais… » Je me coupe, parce que je ne veux pas lui faire de la peine, mais j’aurais voulu qu’elle refuse de passer la bague au doigt tout de suite. « Je peux pas m’empêcher de mal le vivre. » Ce n’est pas juste, j’en ai conscience et j’espère qu’elle comprendra que ce n’est pas par méchanceté mais avec sincérité que je lui avoue prendre un coup sur la tête. Toutefois, elle cherche à connaitre des détails de ma vie amoureuse et je réalise que ma réaction est stupide, car comme elle, je fréquente quelqu’un. Certes, je n’ai pas encore la bague au doigt, mais elle est la personne qui avait pris mon cœur d’adolescent, et c’est peut-être pire encore pour Colleen. Ce pourquoi je reste pudique à ce sujet. « Oui, enfin j’ai retrouvé quelqu’un qui m’était très cher avant de te rencontrer, mais ne parlons pas de ça, veux-tu. »
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Je savais que cela allait arriver, croiser sa route à l'hôpital, après tout nous avions un endroit en commun. J'avais beau essayer de gérer les choses de la manière la plus adulte qu'il soit, par moment, je voulais oublier tout cela, je voulais m'éloigner de tout cela. Je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir encore cette pointe de tristesse peser lorsque je posais mes yeux sur lui. Je revivais tous les moments que nous avions partagés, il y en avait tellement. De très bons je devais admettre malheureusement, ces dernières années, les bonnes disparaissaient sous le poids des souvenirs bien trop douloureux. Je me souviens encore de l'image de lui, quand j'étais arrivée avec notre fils dans ses bras. Je ne crois pas que ce soit une image que je sois capable d'oublier, et pourtant je ne voudrais qu'une seule chose. Je voulais que ce soit le cas. Alors, à l'hôpital, je tentais de faire comme si c'était naturel de travailler avec lui. Le temps ne dit on pas soigne les blessures, n'importe qu'elle blessure ? J'en avais l'espoir bien secrètement en tous les cas.
Le cas de ce petit garçon était préoccupant et n'étant pas habilité à faire quoique ce soit, je laissais la main à Isaac. Je le connaissais assez pour savoir qu'il allait pouvoir faire quelque chose. Je lui souhaitais en tous les cas. « Okay… Je crois qu’il va falloir être très vigilants. » Je faisais un mouvement de la tête, pour confirmer ses paroles. J'allais l'être comme d'habitude mais encore plus lorsqu'il s'agissait d'enfant. Je ne sais pas pourquoi, parfois je m'infligeais tout cela, comme si la douleur permettait aussi de ne pas oublier. J'avais cette crainte, si encrée en moi, d'oublier de perdre mes souvenirs, que parfois je m'y accrochais quitte à ce que ça soit bien trop douloureux. Voilà à quoi ressemblait désormais mon existence. « Oui, après je vais d’abord lire son dossier avec attention, je ne peux pas prendre de risque vu comme ça me parait bancal… » Je fis un mouvement de la tête, pour constater qu'il avait tout à fait raison de faire cela. J'avais toujours été très impressionnée, déjà par le passé de sa faculté à gérer les choses, à affronter les patients dans son boulot. Avec un tel professionnalisme. « D'accord, si je vois quelque chose ou qu'il me parle de quoique ce soit, je n'hésiterai pas à t'en parler. »
Après tout, c'était la procédure à subir. Nous aurions du rester dans une discussion purement professionnelle, mais malheureusement non. On parlait d'Ella et de sa faculté à nous mener la vie dure. Je ne savais pas comment gérer et je constatais que c'était également le cas pour Isaac. Je ne savais pas comment me positionner. Je ne voulais pas le détester éternellement, et je n'étais même pas certaine de le détester, je ne voulais pas que notre fille puisse pâtir de notre relation, je voulais qu'elle soit heureuse, je culpabilisais bien assez de l'avoir séparé du modèle familiale où les parents sont près d'elle et heureux ensemble. Mais parfois, j'avais des réactions disproportionnées et je ne savais pas comment gérer les choses. « Je sens dans ton ton que tu n’approuves pas… » Je fronçais silencieusement les sourcils à ses mots, ne m'étant pas rendu compte que mon ton était aussi dur. Non, je ne voulais pas le mettre dans cette position, elle aurait très bien pu agir de la sorte avec moi. J'étais plutôt en colère contre moi, de ne pas pouvoir gérer les choses aux mieux pour qu'Ella n'est pas à profiter de nous de la sorte. « Non du tout... c'est juste qu'il va falloir faire attention, en grandissant elle risque vraiment de profiter de la situation à notre désavantage. » J'essayais malgré tout d'avoir un ton léger comme si cela suffisait malheureusement ce n'était pas aussi simple. « Elle profite de mes faiblesses… » tu croisais les bras, en l'écoutant ne pouvant t'empêcher de répéter en modifiant légèrement. « De nos faiblesses. Les nôtres. »
Je constatais alors que nous allions avoir un énorme travail à faire pour éviter que tout cela ait du sens. Pour éviter que notre fille se retrouve à faire des choses contre nous. Pas maintenant, mais je me doutais bien qu'une fois l'adolescence proche, elle pouvait tout à fait profiter de la situation. J'espérais que d'ici là, tout se passe pour le mieux. Et voilà que nous parlions désormais de mon mariage. Et là encore je ne savais pas trop si c'était une bonne idée. Au contraire, je savais exactement que je ne voulais pas parler de cela avec lui et pourtant. « Tu vas déjà te remarier. » Sé phrase était désagréable à entendre. Mais je m'en voulais de l'avoir déjà pensé par le passé. Ma première réaction quand Callum avait posé son genou à terre, était de refuser une demande. Je ne voulais pas vraiment me marier, recommencer ce sacrement que j'avais accepté il y a des années de cela. Mais je ne sais pas, quelque chose de différent, la douceur du moment, le fait que je me sens très bien dans ses bras, en sécurité et loin de mes problèmes m'avaient rassuré quand au choix de ma réponse. Oui, bien sur que oui, je voulais devenir sa femme, mais là, lorsqu'Isaac venait dire de cela. Je ne sais pas, je me sentais vexée. Et en colère. Mais surtout triste. « Je sais que ça ne se fait pas, mais hm… Je, j’ai du mal avec cette information. Je veux dire, tu as le droit d’être heureuse, mais… » Je fronce les yeux et je le regarde interdite.
« Encore heureux, que j'ai le droit d'être heureuse. » Sont les seuls mots que j'arrive à prononcer. Là tout de suite, parce que je ne comprends pas pourquoi l'idée le dérange autant. Nous étions deux à prendre cette décision que de divorcer et qu'à partir du moment où nous nous étions séparés, nous avions le droit d'être heureux de notre côté vu que nous n'arrivions plus à l'être tous les deux ensemble, dans la même pièce. J'étais d'un seul coup très en colère, une colère qui montait en moi. Comment pouvait-il dire cela, il voulait quoi me faire culpabiliser d'arriver à me marier avec quelqu'un d'autre ? Que c'était égoïste de sa part. « Je peux pas m’empêcher de mal le vivre. » Oh bien évidemment. Il le vit mal. Je ne sais pas pourquoi mais aucune insulte ne sort de ma bouche, pourtant mon cerveau est empreint d'un nombre incalculable de mots ignobles à son égard. J'ai envie de faire cela sauf que voilà, il me répond enfin et là... « Oui, enfin j’ai retrouvé quelqu’un qui m’était très cher avant de te rencontrer, mais ne parlons pas de ça, veux-tu. » Et là... Et là, j'éclate complètement. Sauf que nous sommes dans un hôpital et je n'ai pas du tout envie de me faire remarquer. Il faut que... Je regarde autour de nous, avant de l'attirer dans la première salle vide que je croise. Je passe nerveusement mes mains dans mes cheveux, avant de me tourner vers lui furieuse.
« C'est une blague ? C'est ça une putain de blague ? » Je ris, nerveusement avant d'ajouter. « Ne parlons pas de ça veux tu ? Après ton laïus sur ... Je le prends plutôt mal, tu t'écoutes un peu Isaac ? » Je marche dans la pièce essayant de calmer la colère, la douleur et l'immense tristesse que je ressens en cet instant. La colère prend le dessus sur tout le reste et je sais que c'est une très mauvaise idée que de paraitre hystérique, ça ne fait que me conforter dans l'idée qu'on ne peut pas être en bon terme avec les personnes qu'on a aimé tellement fort par le passé. Je ne sais pas ce qui me rend le plus en colère, qu'il ose dire qu'il n'aime l'idée que je me mari, ou l'hypocrisie dans ses mots lorsqu'il m'avoue avoir renoué avec une vieille connaissance. Nous savons tous les deux de qui il parle et je crois que c'est ce qui est le plus douloureux, savoir que finalement il reviendra toujours dans les bras de son premier amour. Avons nous seulement été qu'une parenthèse dans sa vie en attendant ce moment, le moment où il se remettra avec elle. Connerie. Je passe pour l'ex femme hysrérique, mais je suis tellement en colère. « Lou.. ça ne peut être que Lou, ton premier grand amour. » Je soupire alors fortement avant d'ajouter. « L'hôpital qui se fou de la charité, t'es qu'un hypocrite. Isaac.Je peux pas m'empêcher de mal le vivre. Sérieusement ? Regarde toi alors. » Lui avouais-je en colère.
Parfois je me demandais si Colleen m’en voulait d’avoir quitté Los Angeles pour me rapprocher d’Ella, et à fortiori d’elle, pour avoir ce droit de garde alterné qui m’était vital. Sans Ella dans nos vies, je n’en serais pas là, je ne serais pas capable de tenir debout. Jake ne quittait pas mon esprit, l’accident dont j’avais été témoin resterait marqué à jamais dans mon esprit. Et pourtant, je connaissais toutes les techniques d’imagerie mentale pour me forcer à balayer l’horreur de mes songes. Rien n’y faisait. Même dans le regard de celle qui était ma femme, je voyais les yeux rieurs de notre garçon. Sans Ella, sans ma volonté de me racheter auprès d’elle après une descente aux enfers, ce ne serait pas le docteur Ashton qui ferait face à Colleen qui ne serait pas sur le point de se marier, mais qui serait veuve. Toutefois, j’étais tout de même heureux de ne pas en être arrivé là. Ca aurait été trop infliger à celle qui pourtant s’efforçait de se remettre de la perte de son premier né. Je l’admirais. Colleen avait trouvé le courage de reprendre ses études de médecine après le drame. Colleen était de ces femmes qui survivent à toutes les épreuves que la vie leur inflige. Et je me rendais compte chaque jour de ce que j’avais perdu en étant incapable d’être le soutien dont elle avait besoin au pire moment de notre vie. C’était elle qui avait supporté en silence, alors que la douleur devait être à son paroxysme. Notre vie me manquait chaque jour, notre famille n’avait fait que me combler de joie, pour désormais laisser un vide en moi. La détresse que nous avions partagée ce fameux jour du drame, ses yeux horrifiés alors que mon corps tremblait à en crever, hurlant d’un son que je ne saurais qualifier tant il m’avait arraché les entrailles, ce petit corps inerte encore tiède, la vie l’abandonnant, dans mes bras tétanisés, était le dernier sentiment commun. A y repenser, mon corps se tendait. Ma vie avait basculé depuis, et ne serait jamais plus la même. Je ne croyais même plus en la possibilité de renouer, parce que je continuais de penser qu’elle ne me pardonnerait jamais. Elle n’avait pas besoin de le dire pour que je le perçoive. Mais c’était son abnégation et sa force qui lui permettait aujourd’hui de garder Ella dans le droit chemin. Il n’y avait pas meilleure mère pour Ella. Notre fille, espiègle, se jouait de nous avec une grande aisance, mais je ne m’inquiétais pas tant que Colleen était là. Pour elle, ça devait être une autre histoire. Est-ce qu’elle se demandait sans cesse si elle pouvait me la confier ? « J’aurais dû t’appeler et non la croire sur parole. » Avançais-je, réalisant que j’avais accordé ma confiance à notre fille sans réaliser qu’elle était capable de s’en accommoder. Perdu dans les méandres de mon esprit, je ne me rendais même plus compte que j’étais à l’hôpital et que je devais m’occuper de patients. Pourquoi ? Parce que j’accusais le coup. Elle refaisait sa vie avec brio. Avec cet homme, elle devait retrouver goût à la vie, sourire, et il avait la chance de l’entendre rire, de la voir s’épanouir, de chérir ce corps que j’avais tant aimé serrer contre moi. J’enviais cet homme, je le haïssais de m’avoir volé ma femme. Et pourtant, je savais que ce n’était pas le cas. Ce n’était pas lui qui me l’avait dérobée. C’était moi qui avais détruit notre famille. « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça… » Soufflais-je penaud, alors qu’elle s’agaçait de mes propos. Pourtant si, je savais très bien pourquoi c’était sorti d’entre mes lèvres. Une partie de moi espérait encore que nous pourrions nous retrouver. Je voyais très bien pourtant, que ce n’était pas ce à quoi elle aspirait. J’ai beau tâcher de me dépatouiller, le sujet est trop sensible, et l’inévitable se produit. Elle explose, alors qu’elle m’entraine dans une salle vide, tempêtant face à mes propos contradictoires et je n’ai pas le temps de me défendre qu’elle m’accable. Ce n’est pas tant ma jalousie qui lui pèse, c’est la réponse à sa question. « Je… » Balbutiais-je alors qu’elle insiste bien sur le prénom qui lui cause tant de souffrance, et qu’elle associe à mon premier amour. Elle n’a pas tort. J’ai aimé Lou et je n’aurais pas rencontré Colleen si les parents de la première ne l’avaient pas forcée à rompre. Mais depuis le lycée, je n’avais jamais revu Lou jusqu’à ce jour. Or, j’avais la sensation que Colleen pensait que nos années de vie commune, nos deux enfants, n’avaient aucune grâce à mes yeux. La colère transparait chez elle comme si j’avais allumé un grand brasier. Tous ces non-dits des années durant commençaient à refaire surface. L’incitant à me regarder, je saisis doucement son poignet pour qu’elle cesse de remuer. « C’est exactement pour cette raison que je n’ai pas mentionné son nom. » Attestais-je. Et je ne peux m’empêcher de durcir le ton, blessé qu’elle me perçoive de façon si négative. « Hypocrite vraiment ?! » Ca fait mal de réaliser que cette femme qui avait été mon bonheur, qui m’avait offert les plus beaux cadeaux du ciel comme enfants me percevait comme responsable de tous les maux, comme un abject personnage. Le cœur serré, je tentais de faire bonne figure, mais l’émotion était telle que je déglutissais et peinait à garder mon calme. « Donc toi tu as le droit de te reconstruire d’épouser un mec comme si nous deux ça n’avait jamais existé, mais pas moi ?! » J’étouffais un rire nerveux, lâchant son poignet, me passant une main dans les cheveux, regardant en l’air, lâchant un profond soupir en secouant la tête. Et évidemment, je replonge, le flots d’émotions m’accule et je ne peux garder mon calme. « C’est toi qui me supportais plus ! Toi qui ne pouvais plus me regarder dans les yeux sans m’en vouloir. » Son regard accusateur, il me hantait. Mais je n’avais pu lui en vouloir, j’avais par ma négligence ôté la vie de notre petit ange. Les yeux embués, je serre la mâchoire pour ne pas craquer, mais l’exercice est au-delà de mes capacités. Je n’arrive pas à lui faire face. « Je vis mal que tu en aimes un autre, oui ! Je me suis toujours dit qu’on pouvait tout surmonter, mais c’est un échec ! » Comment pouvait-elle penser que je serais heureux ? J’avais beau m’efforcer de refaire ma vie, je l’aimais encore. C’était évident. Et comme elle me blâmait de chercher du sens auprès de quelqu’un qui ne m’était pas étranger, j’allais au bout de mon raisonnement. « Oui Lou a été mon premier amour, mais c’est avec toi que j’ai fondé une famille, toi que j’ai épousée, toi, à qui j’ai promis que rien ne nous séparerait ! » Et pourtant nous voilà dans cette chambre vide sans lit du patient qui devait être au bloc, à s’écharper plutôt que de discuter. « Ca fait presque cinq ans que je revis le pire jour de notre vie tous les soirs. Que je le vois… » Lui avouais-je, les larmes se faisant la malle sur mes joues, mon esprit revenant me marteler que j’étais fautif. Incapable de finir ma phrase, je lui tourne le dos, me reprenant tant bien que mal, inspirant avant de soupirer bruyamment pour me calmer. « Ca ne fait pas longtemps que j’ai renoué avec elle. Et c’était par hasard. Je ne suis pas sur le point de me marier, parce que je suis incapable de tirer un trait sur notre passé. » Je voulais qu’elle comprenne ce que je ressentais, pas qu’elle pense que je lui en voulais. C’était un sentiment que je ne parvenais pas à maitriser. « J’essaie, je fais ce que je peux pour accepter notre réalité, mais ça fait mal de te voir heureuse avec un autre. Et je ne peux rien faire contre ce sentiment. » Simplement.
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Et notre fille profitera toujours de la situation, elle sera toujours cette coquine que nous aimons intensément. Une bouffée d’oxygène. De vie. « J’aurais dû t’appeler et non la croire sur parole. » Je haussais les épaules, convaincu que cette petite tête blonde allait nous rendre la vie dure, mais elle était là, avec nous vivante et même si parfois je l’étouffais un peu trop de mon amour et de mes angoisses, j’étais heureuse qu’elle soit ce qu’elle était. Elle grandissait sans son frère, avec le fantôme de ce dernier et des parents brisés. Parce que nous l’étions tous les deux et la seule raison de vivre était Ella et personne d’autre. Elle m’avait sauvé de la dépression dans laquelle j’étais tombée et quand le poids de la tristesse se faisait encore trop lourd, j’allais la voir dormir, m’assurer qu’elle va bien et qu’avec elle, je pouvais tout affronter. Alors oui, elle allait profiter de la situation, mais elle était vivante. « Tu le feras la prochaine fois, on apprend de ses erreurs. » Et j’allais en faire autant si c’était possible. Etant donné qu’elle devait absolument être en sécurité. « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça… » Et moi, je le savais parfaitement. Il ne pensait qu’à lui, à sa personne sans se soucier du reste. J’étais désormais en colère contre lui, alors que j’essayais ces derniers temps de passer à autre chose, d’avancer. Je ne voulais pas être continuellement en colère contre lui. Je me souvenais du temps où nous étions heureux ensemble et cela me manquait terriblement. Mais désormais, la colère voilait mon jugement, je parlais trop fort, je débitais mes émotions un peu trop facilement et j’étais consciente qu’une fois seule chez moi, j’allais surement m’en vouloir de lui avoir montrer autant d’importance et de colère. La colère que je ressentais, elle m’énervait parce que je savais qu’elle était le signe que j’avais encore beaucoup trop de sentiments contre lui. Je n’arrivais pas à passer à autre chose et par conséquence, je culpabilisais vis à vis de Callum que j’aimais et avec qui je voulais construire une vie. Mais comment construire une vie quand votre ex est encore trop présent dans votre vie. Surtout pour être en colère de la sorte. « Je… » Commence-t-il par me dire, alors que je veux juste je ne sais pas le secouer afin qu’il fasse quelque chose, mais quoi ? Je n’en ai pas la moindre idée. Je n’arrive pas à penser normalement, le mal reprenant le dessus sur tout le reste.
Qu’est ce que je croyais au juste, que je pouvais tirer un trait pour de bon à quelqu’un qu’on a tellement aimé. Mais pour cela, il faut penser que ce soit le cas, inversement. Je tournais en rond, accablée par un trop plein d’émotions. J’avais besoin que ça sorte, que le monde tourne enfin rond pour une bonne cause. Hors, ce n’était pas encore le cas. Et je devais faire avec. Je ne sais pas pourquoi je voulais tant avoir des réponses, je savais que ses mots allaient me faire mal, ils allaient être douloureux et insupportables. Cependant, comme pour se persuader d’être envie, je voulais les réponses mais les émotions étaient comme un tourbillon, une immense tornade dont je ne contrôlais absolument rien. Il prend mon poignet m’obligeant à le fixer et surtout à m’arrêter de marcher en rond. Je le fixe et je lutte contre l’envie de fondre en larmes. Je ne veux pas être faible, je suis déjà bien assez en colère pour lui montrer une autre émotion à son égard. C’est comme si nous avions accumulé durant toutes ces années des émotions et que maintenant, sous le forme de cette alliance, toute la colère et les bons-dits que nous avions accumulés ces derniers temps. Que c’était douloureux. « C’est exactement pour cette raison que je n’ai pas mentionné son nom. » Et je levais les yeux au ciel. Son ton est exactement comme je l’avais imaginé dur et détestable. « Hypocrite vraiment ?! » « Oui, vraiment. » Et j’affirmais ouvertement que je le pensais hypocrite. Il faisait une réflexion sur mes fiançailles mais à côté de cela, il renouait avec son amour de jeunesse, mieux son premier amour. Comme si tout ce que nous avions vécu ensemble, construit n’avait plus aucune importance. « Donc toi tu as le droit de te reconstruire d’épouser un mec comme si nous deux ça n’avait jamais existé, mais pas moi ?! » N’importe quoi ? Ce n’était pas… Il comprenait tout à l’envers, je ne balayais pas d’un coup de main tout ce que nous avions vécus l’un pour l’autre. J’avançais, j’avançais comme je pouvais, je suivais ma vie là où la douleur était le moins insupportable. Je détestais cette façon qu’il avait de retourner la situation. Lui, qui par ses grands discours, ne supportaient pas cela. Je n’avais pas le droit au bonheur ? Il était mieux que de rester malheureuse, triste chez soi. Il lâchait mon poignet, et je tentais de me calmer. Je n’y arrivais pas. Lui non plus apparemment. Je l’avais rarement vu ainsi et je ne pouvais que m’efforcer de l’ignorer, parce que je refusais de lui donner cette satisfaction. « C’est toi qui me supportais plus ! Toi qui ne pouvais plus me regarder dans les yeux sans m’en vouloir. » Et j’avais soudainement l’impression de retourner dans le passé.
Durant ces mois où nous n’arrivions plus à nous comprendre. Il n’avait pas tord et l’entendre me dire cela, prononcer les mots douloureux rendaient les faits plus réels. J’ai essayé de passer à autre chose, de me raccrocher à lui, de l’aimer comme au premier jour, mais je voyais dans ses yeux toute la culpabilité d’avoir laisser notre fils un seul instant. Au fond, de moi, bien évidemment que ça aurait pu m’arriver à moi et non à lui, mais j’ai toujours voulu le faire culpabiliser et trouver une raison de trouver quelqu’un à haïr d’un drame comme celui-là. « Je vis mal que tu en aimes un autre, oui ! Je me suis toujours dit qu’on pouvait tout surmonter, mais c’est un échec ! » Ah la bonne blague, je ne pouvais m’empêcher de lui dire. « Et cela ne t’as pas empêcher de me laisser partir, sans me retenir. » Et là, je me rendais compte en disant cela à voix haute, que si j’étais partie c’était parce que c’était douloureux de vivre avec lui mais c’était aussi un moyen de provoquer en lui quelque chose, un électrochoc afin qu’il je ne sais pas, me retienne, me rappelle qu’avant être la mère de son fils, j’avais été l’amour de sa vie. C’était idiot, en prenant le recul nécessaire d’agir de la sorte. « Oui Lou a été mon premier amour, mais c’est avec toi que j’ai fondé une famille, toi que j’ai épousée, toi, à qui j’ai promis que rien ne nous séparerait ! » Et il me le dit maintenant, là dans cet endroit aseptisé, après cinq ans de douleur, de chagrin, de rancune, de souffrance. Ses mots étaient tellement réalistes et mettaient en avant une réalité amère, celle que j’essayais d’oublier depuis le moment où Callum m’avait demandé ma main. J’entendais tous ses arguments. Mais j’avais besoin d’avancer dans ma vie. D’aller là où le bonheur résidait. « Ca fait presque cinq ans que je revis le pire jour de notre vie tous les soirs. Que je le vois… » « Tu n’es pas le seul. » Soufflais-je entre mes lèvres, comme un murmure alors qu’il me tournait le dos. Il était clairement très difficile pour lui de me dire tout cela, et surement si ma colère n’aveuglait pas ma raison, j’aurai compris ses mots, mais là je n’y arrivais tout simplement pas. Il ne savait pas combien parfois la douleur était tellement intense que ça m’empêchait de me lever le matin et que souvent je restais là sous les draps à repenser à notre fils.
Sauf que je me rendais compte maintenant que je n’étais pas la seule à ressentir cela, qu’il avait été là, dans le même état que moi. A quel moment avons-nous refusé de partager cette douleur ensemble et de l’affronter à deux au lieu de chacun de notre côté ? « Ca ne fait pas longtemps que j’ai renoué avec elle. Et c’était par hasard. Je ne suis pas sur le point de me marier, parce que je suis incapable de tirer un trait sur notre passé. » C’est plus douloureux qu’une claque qu’on m’aurait donné, plus douloureux que tous les mots qu’il a pu dire. Je me rends compte combien la situation a pris une tournure que je ne maitrise plus du tout. Je m’en veux, je me sens coupable et en même temps j’ai mal. De l’entendre dire cela, parce qu’il a été tellement pour moi, que pour moi aussi c’est douloureux de tirer un trait pour de bon sur lui. « J’essaie, je fais ce que je peux pour accepter notre réalité, mais ça fait mal de te voir heureuse avec un autre. Et je ne peux rien faire contre ce sentiment. » Je soupire, fortement et je laisse couler cette larme le long de ma joue. Je cache mon visage entre mes mains et j’essaye de calmer les tremblements qui parcourent mon corps. J’ai mal, la douleur ne s’explique pas et je ne sais pas d’où elle vient. Je ne la comprends pas vraiment, je n’arrive pas à mettre des mots dessus, c’est comme un long silence, un silence qui n’a pas de forme, de sensation, de sentiment. Au contraire, il y a trop de sentiments, trop de sensation, trop réel. Je ne peux m’empêcher de le contourner et de lui faire face. Ma colère gronde toujours, ma jalousie également parce qu’il faut bien appeler un chat un chat, est toujours là. Mais je tente de comprendre et d’arrêter de tout foutre en l’air. « J’essaye Isaac, j’essaye d’avancer, d’accepter, de guérir mais c’est douloureux. Je n’ai pas assez écouté ta propre douleur, mais je n’arrive pas à m’excuser de chercher le bonheur dans les yeux d’un homme qui m’aime sans culpabilité. LA tienne a pris le dessus sur l’amour que tu me portais et je ne voulais pas te briser plus que je ne l’étais moi-même. » Je prends sa tête entre mes mains et je le force à me regarder dans les yeux. « On a baissé les bras Isaac, on a arrêté de se rendre heureux et d’essayer de l’être. C’est douloureux pour toi ? J’essaye de le comprendre, ça l’est pour moi également. Tellement… Lou… A compté plus que tu ne le dis, la preuve. Mais… j’aurai aimé, je te le promets être cette femme à qui tu as promis que rien ne nous séparerait. Il est difficile de tirer un trait sur notre passé. Mais tu es le mieux placé pour savoir qu’il faut essayer… C’est ce que j’ai décidé… » De faire même si c’est douloureux, pas facile et un chamboulement émotionnel.
Il m'était plus que délicat de m'imposer avec rigidité et rigueur dans l'éducation de ma fille. J'en étais absolument gaga. C'était elle qui m'avait maintenu en vie après la tragédie. Elle qui m'avait empêché de sombrer à tout jamais et rendre mon dernier souffle. Mon combat perpétuel c'était pour cette enfant qui ressemblait tant à sa maman. Que mes enfants lui ressemblent m'avait toujours enchanté. Cette femme que j'aimais tant, qui avait pansé mon cœur, qui m'avait rendu heureux comme jamais et m'avait fait oublier mes tourments. Pourtant, au moment où je pensais qu'elle allait encore me sauver, elle m'avait laissé tomber. Elle était partie, notre fille avec elle, et vivre à cinq heures de route n'était pas envisageable. Et je me voyais mal lui faire prendre l'avion un weekend sur deux. C'était Ella qui m'avait fait renouer avec Monterey. Qu'elle se plaise à user de son pouvoir sur moi ne me dérangeait pas. Elle me menait par le bout du nez du haut de ses sept ans, mais je ne la changerais pas. Je ne le pouvais pas, tout ce que je souhaitais, c'était qu'on ne me l'arrache pas. Je hochais la tête au dire de mon ex-épouse, non sans me dire que j'espérais ne plus faire trop d'erreurs, mais j'y semblais abonné. Et si nous parvenions à nous entendre relativement pour le bien d'Ella, dès que nous abordions l'échec de notre couple, notre déchéance, nos travers ressortaient. Elle, en colère, comme depuis la perte de Jake, moi tel Atlas portant toute la culpabilité du monde sur mes frêles épaules. Elle ne supportait pas ce sentiment, et elle n'avait pas pu lutter contre ce dernier. Impossible de prendre sur moi autant que ce qu'elle n'avait pas pu m'enlever de la tête que le seul responsable de la mort de Jake, c'était moi. Je l'avais rarement vu dans un tel état, ou du moins plus depuis notre séparation. Pourtant, même si le temps avait passé, la douleur restait vive, comme si la plaie ne se refermait pas. Accablé par le spectacle qu'elle m'offrait, j'avais envie de fuir, mais je restais figé, encaissant ses réflexions, ses remarques acerbes. Perturbé et mal à l'aise, je ne savais que faire d'autre. J'en avais le souffle coupé. Elle pointait du doigt mes retrouvailles avec Lou qui n'étaient qu'au statut de fœtus par rapport à son mariage imminent. Toutefois, cela ne signifiait qu'une chose: ni l'un ni l'autre n'avions tiré un trait sur notre mariage. Et ça me soulageait presque. C'était difficile à supporter de se dire qu'on aimait encore tant une personne mais qu'on était à la fois capable de développer des sentiments pour une autre. Cet entre-deux me tiraillait, et je n'étais pas sûr d'avoir une réponse toute prête si jamais elle me demandait d'oublier Lou. Serais-je en mesure de choisir ? Je refusais de laisser mon esprit divaguer à ce genre de sentence. C'était peut-être la première fois que j'arrivais à formuler des phrases sur mes sentiments, à lui parler honnêtement de ce que je ressentais, moi qui m'étais fermé comme une huitre pour me protéger du mal qui me consumait. Elle me reprochait de ne pas l'avoir retenue, et j'accuse le coup, les émotions prenant le pas sur tout, je m'étrangle, détruit par cette culpabilité d'avoir été impuissant dans toutes les situations. "Tu crois que j'étais capable de te retenir ?! J'arrivais même plus à te faire comprendre que j'avais besoin de toi, que je prenais l'eau..." Mais elle non plus ne parvenait pas à surmonter l'épreuve, et elle ne pouvait pas me soutenir en plus de faire son deuil et de s'occuper de notre petite fille de deux ans. Mais s'il y avait un sentiment contre lequel je ne me battrais jamais, c'était ma culpabilité. "Je ne pourrais jamais me pardonner, Colleen. Jamais." C'était mon chemin de pénitence, c'était la souffrance éternelle que je m'infligerais pour avoir perdu mon fils. "Crois-moi, je n'ai jamais souhaité que tu t'en ailles, et j'ai espéré que tu reviennes. Je me suis même demandé si au fond je revenais à Monterey pour Ella, ou pour toi." J'osais à peine la regarder alors que je formulais cette vérité qui me tuait. Avais-je utilisé ma fille pour chercher à récupérer ma femme ? Il fallait que j'arrête de me torturer l'esprit, il fallait que je prenne de la distance, j'étouffais. "Mais tes yeux ne mentent pas. Et je sais que même si je te demandais qu'on se retrouve, tu n'y arriverais pas." J'étais réaliste, il n'y avait qu'à voir son comportement. Elle pensait que je l'attaquais dans son bonheur, alors qu'au fond, j'étais juste jaloux du bonheur de l'autre, que cet homme puisse avoir le droit de l'aimer, alors que je ne demandais que ça. Alors qu'elle laisse entendre que je ne suis pas le seul à vivre le cauchemar chaque jour, je la différenciais de moi. Elle avait eu la chance d'être absente, de ne pas avoir vu l'horreur, même si elle l'avait encaissée tout autant. J'étais l'unique responsable. "Je sais. Mais ce n'est pas toi qui a provoqué tout ça, c'est moi." Elle n'avait rien à se reprocher. Ca n'empêchait pas mon ex-femme de souffrir l'agonie, parce qu'elle avait porté Jake, c'était elle la mère, elle qui avait dû renoncer à tant de choses pour lui, celle dont il avait été le plus proche, et je lui avais ôté son petit garçon. A lui tourner le dos, je cherche à souffler, parce que s'écharper ne sert à rien, j'essaie de m'ouvrir, de lui apporter les réponses que j'ai tues pendant tant d'années. Et elle revient me faire face, une larme sur sa joue, un discours à cœur ouvert, qui fait mal. Très mal. Ses mains sur mon visage n'apaisent en rien la douleur, elles ne font que l'exacerber, mes yeux continuent de ruisseler telles les chutes du Niagara, et je refuse d'entendre ce qu'elle me dit, de constater qu'on a baissé les bras. Je ne peux pas l'accepter. "Pourquoi on n'a pas tenté de guérir tous les deux ? Pourquoi on en est venus à se séparer?" Elle m'avait déjà fourni la réponse, mais je préférais la questionner à nouveau, parce que renoncer n'était pas ce que je souhaitais. "Je voudrais tellement me dire que tout n'est pas perdu." Dis-je alors que mon index venait récupérer la larme qui coulait le long de sa joue. "Que tu sois jalouse, ça signifie quelque chose non ?" Elle me parlait encore de Lou, et si elle n'avait pas tort, parce que Lou avait représenté de nombreuses choses pour moi, je ne savais pas ce que la vie nous réservait, étant encore sonné par mon propre drame et elle probablement du sien. Des êtres brisés, perdus, voilà ce que nous étions. Je la serrais alors dans mes bras, tourmenté. "Tu me manques... Notre bonheur me manque." Soufflais-je alors que mes lèvres vinrent se poser sur sa joue comme un aveu. Je ne voulais pas qu'elle m'oublie, pas qu'elle pense que le bonheur était ailleurs.
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We're forced through the gauntlet like mice in a maze, we're running. We know we go under, like moths to the flames we're falling. We know it is cruel.
C'était comme si nous étions revenu en arrière, comme si on revivait le drame une nouvelle fois, comme si les années n'avaient pas eu l'effet d'estomper la douleur. Au contraire, la douleur était toujours présente, vivace, violente. et voilà que nous parlions pour une fois à coeur ouvert, mais bien trop tard sur des sentiments que nous avions eu. J'ai longtemps cru que nous pourrions nous retrouver, nous aimer et surmonter l'épreuve de la perte d'un enfant. Sauf, qu'avec le temps, la rancune, les silences, et les non dit, on s'est éloigné, l'un de l'autre, sans qu'on s'en rend vraiment compte l'un de l'autre. J'ai préféré fuir, oui, bien sur. J'ai baissé les bras, parce que je ne voulais plus être malheureuse, je ne voulais plus souffrir, respirer pour survivre, alors que je devais juste vivre librement. J'ai parfois l'impression de l'entendre, notre fils. Quand la maison est silencieuse, quand Ella n'est pas là, quand je suis allongée dans mon lit, j'ai parfois l'impression l'entendre rire, comme il le faisait avec l'innocence d'un enfant au travers les fenêtres de la maison, lorsqu'il jouait au foot avec son père. Alors, je peux lui jeter toutes les fautes, je peux être en colère, jalouse de ces retrouvailles avec Lou, je reste quand même fautive à mon tour dans cette histoire. Et je le sais, je n'ai en rien arrangé les choses entre nous. Mais je suis incapable de le lui dire, maintenant. PArce que la boule de chagrin m'empêche de respirer normalement. Je ne dois pas culpabiliser de chercher mon bonheur dans les bras de Callum, parce qu'il ne me juge pas, et ne sais pas combien ma douleur est immense. Sauf que je ne dois pas, inversement faire la même chose avec Lou et Isaac. C'est tellement dur.
Je lui en voulais de ne pas avoir eu l'audace de me retenir. J'ai attendu qu'il le fasse, qu'il me dise de rester lorsque j'ai pris la décision de me séparer de lui, sauf que je savais également qu'il ne pourrait pas le faire. Parce que nous n'étions plus que les ombres de nous-même, des étrangers sous un même toit. « Tu crois que j'étais capable de te retenir ?! J'arrivais même plus à te faire comprendre que j'avais besoin de toi, que je prenais l'eau... » Ses mots sont douloureux. Nous étions tous les deux dans le deuil, la perte d'une partie de nous et on n'a pas su se relever ensemble. On plongeait peu à peu et s'éloigner était LA seule solution, alors pourquoi ? Suis-je si en colère ? Pourquoi l'est-il lui aussi ? « Je ne pourrais jamais me pardonner, Colleen. Jamais. » « Isaac... Non. » C'est toujours aussi douloureux de l'entendre dire cela. Et je refuse qu'il soit également dans cette tourmente toute une vie, il mérite de pouvoir avancer à son tour. Je refusais qu'il porte la culpabilité uniquement sur ses épaules. Je m'en voulais aussi, de ne pas avoir été là, de ne pas avoir appris à notre garçon de faire attention, éviter la situation, comme si c'était aussi simple de dire ainsi les choses. ça ne l'est jamais. « Crois-moi, je n'ai jamais souhaité que tu t'en ailles, et j'ai espéré que tu reviennes. Je me suis même demandé si au fond je revenais à Monterey pour Ella, ou pour toi. » Je ferme les yeux à ses paroles, essayant de rester la plus lucide possible, même si nous avons dépassé ce stade depuis quelques minutes maintenant. Je ne sais si c'est là des aveux, ou une manière de se faire encore plus mal. Qu'aurais-je répondu si j'avais entendu cela plus tôt, je ne sais pas, et c'est là tout le problème, je n'ai aucune réponse à mon existence. « Mais tes yeux ne mentent pas. Et je sais que même si je te demandais qu'on se retrouve, tu n'y arriverais pas. » Je relève les yeux vers lui. Pourquoi m'inflige-t-il tout cela ? Je n'ai pas envie d'entendre ses mots.
Je n'ai pas envie de savoir la vérité. Si les choses avaient été différentes, s'il n'était pas trop tard. ça l'était. On s'est aimé. On s'aime encore ? La réponse s'embrouille dans mon esprit alors que je le sens sur le fil. Il faut avoir cette discussion, nous aurions du l'avoir plus tôt. Nous aurions du nous dire cela quand le champ des possible nous le permettait. Mais maintenant ? Il est trop tard. Je crois ? « Je sais. Mais ce n'est pas toi qui a provoqué tout ça, c'est moi. » Je respire avec difficulté. « Tu ne peux pas t'en vouloir pour quelque chose dont tu n'es pas maitre. Il... y a tellement de si qui permettrait de faire revenir notre fils, mais ça n'arrivera jamais. Si je n'étais pas partie faire des courses, si nous avions fait une grasse matinée ce jour-là, si ce chauffeur n'était pas sous l'emprise de la drogue. Te persuader que tout est de ta faute, ne le fera pas revenir... Malheureusement.. » C'est ce que j'ai appris avec le temps, que rien ne peut faire revenir notre enfant. J'ai été en colère contre lui, parce que c'était plus simple de lui en vouloir, que de m'en vouloir à moi-même mais ça ne sert à rien. Il est déjà bien assez meurtri comme cela. Mes mains autour de son visage, je le force à me regarder dans les yeux, à entendre le chemin que nous avions emprunté, par le passé. « Pourquoi on n'a pas tenté de guérir tous les deux ? Pourquoi on en est venus à se séparer? » Je fis un mouvement de la tête. « Nous n'étions pas en mesure de le faire. La blessure et le chagrin étaient trop important. On arrivait à peine de survivre. » Une réponse bien maigre face à la réalité de la situation.
Nous avions raté notre opportunité, notre moment. Je fermais les yeux, perdue dans un sentiment étrange, de presque... Et ensuite, et après. « Je voudrais tellement me dire que tout n'est pas perdu. » Je sentais son doigt essayer la larme qui coulait le long de ma joue. Et ensuite, si tout n'était pas perdu, qu'est-ce que cela changerait à notre existence ? Il n'y avait pas de hasard dans les choix du coeur, il n'y en avait pas concernant Lou. Je pouvais la détester autant que je le voulais, je n'en avais seulement aucun droit. Et je n'en avais pas de vouloir mon bonheur égoïstement et lui rester dans la douleur d'un passé. Je n'avais aucun droit là dessus. Il me serra si fortement dans ses bras, que l'espace d'un instant, j'eus soudainement l'impression d'être comme à la maison. A l'endroit exacte où je devais me rendre, mais en même temps mon coeur se mit à hurler si violemment que j'en devenais presque sourde. Qu'attendait-il de moi ?« Que tu sois jalouse, ça signifie quelque chose non ? » Je soufflais contre son épaule. « Isaac... » Tu nous tortures. Avais-je seulement envie de lui dire. « Tu me manques... Notre bonheur me manque. » Je sentis ses lèvres se poser sur ma joue, dans un sanglot que je n'arrivais pas à retenir. Je reculais légèrement la tête, mes pensées, mes sentiments, mes larmes embrumant tout le reste. Je ne sais combien de temps je suis restée là, à le regarder dans les yeux, les larmes coulant sur mes joues. Je savais qu'il avait raison, ce bonheur qu'il était, qu'il représentait que nous avions vécu l'un l'autre me manquait. Cette attraction, cette chimie entre nous me manquait cruellement, son amour tout entier me manquait. Je ne savais plus ce que je disais, ce que je pensais, ce que je devais faire. « Toi aussi... Je t'aimerai toujours Isaac... » Dans un coup de tête, dans un non sens, comme dans un besoin presque viscéral, mes lèvres vinrent s'accrocher aux siennes, comme se prouver que nous n'avions pas tout perdu. Cet amour, ce bonheur n'était pas perdu à jamais. Au fond, de moi je savais que c'était la réponse de deux âmes perdues dans un flot de sentiments sur lesquels ils ne pouvaient rien dire, mais au final... Etait-ce seulement raisonnable. Détachant ses lèvres contre les siennes, relevant les yeux vers lui. « Ce n'est pas la bonne solution... » Soufflais-je à bout de souffle.
La confrontation est douloureuse, occupe tout l'espace et me prend au tripes. Colleen bouleverse toutes mes certitudes, comme lors de notre première rencontre. J'avais été meurtri de la séparation avec Lou, et elle était apparue comme salvatrice, embaumant mon coeur, pansant mes plaies pour se l'approprier et le faire sien. Elle n'en avait jamais eu conscience mais elle m'avait soigné avant même de devenir médecin. La chute avait été rude quand je m'étais rendu compte que cette fois, elle ne me sauverait pas, mais elle se sauverait elle. Elle avait eu raison de le faire, parce qu'il fallait reconnaitre que ma souffrance n'était pas unique. La sienne en tant que mère, avait dû être diablement plus prenante, et pourtant, je la voyais là, aux portes d'un bonheur renaissant de ses cendres. Et moi je voulais le lui arracher, préférant souffrir ensemble. Ce n'était pas juste, ce n'était pas recevable, même par amour. Colleen m'était cependant essentielle, et la perdre signait une nouvelle petite mort. Trop de monde m'avait été arraché sans crier garde, à commencer par ma soeur, puis mon fils et désormais, j'avais l'impression qu'elle aussi souhaitait s'éloigner à tout jamais. Pourtant, elle pointait du doigt une évidence: Lou incarnait elle aussi mon renouveau, les prémices d'un bonheur que je ne pensais plus possible. Et c'était étrange malgré tout de se sentir partagé, de se raccrocher au passé, de ne pas vouloir que la tourmente cesse, tout ça pour garder un être cher auprès de moi. La douleur, c'était le souvenir de notre histoire, de notre unité, de notre famille. Ce souvenir, je voulais qu'il perdure, parce que je l'aimais encore, et je le réalisais alors qu'on s'écharpait plutôt que de se soucier de cet enfant que je devais aider. Elle ne voulait pas tourner la page véritablement, moi non plus, ça transparaissait dans cet échange, nos cœurs à vif se répondaient comme pour attiser la flamme, chercher à semer le doute dans nos esprits bouleversés. Elle refuse que je me blâme seul du drame, mais elle savait comme moi que j'étais on ne peut plus honnête quand je disais que je mourrais un jour de culpabilité d'avoir écourté la vie de notre fils par manque de vigilance. Et c'était peut-être cette infliction éternelle qui l'avait faite fuir. La tourmente n'attirait pas de lumière radieuse qu'elle représentait. Colleen était solaire, elle se devait de rayonner, là où je n'étais devenu que tristesse. Je baisse les yeux alors qu'elle est plus réaliste et terre à terre que moi, et qu'elle cherche à me faire oublier mon châtiment. Serrant la mâchoire, je prends une profonde inspiration, soupirant ensuite désabusé: "Je le sais, mais comment vivre alors que la sienne a été arrachée ?" L'amour que je portais à mon fils avait eu raison de tout. Ses mains sur mon visage, douces comme la soie apaisaient un tant soit peu le chagrin que je ressentais. Ses yeux dans lesquels je m'étais plongés maintes fois, me captivaient à m'en couper le souffle. Tout ça était le résiduel de notre amour, mon cœur s'emballait. Je ne parvenais pas à faire une croix sur elle. Nous étions si proches l'un de l'autre que ça en était déroutant. La flamme se ravivait, loin de la rancœur. Pouvait-elle le sentir elle aussi ? Nos gestes étaient si naturels, effaçant ses larmes, lui offrant une grande étreinte, j'avais l'impression de la retrouver, et mon corps s'y habituait et la quémandait. J'avais besoin de son affection, de son amour. Et pourtant, j'étais également certain de ce que je ressentais pour Lou. Pouvait-on ressentir tant de choses si fortes pour deux femmes ? C'était différent. L'une avait représenté une passion adolescente, l'autre la stabilité familiale. Et à cet instant, cette dernière éclipsait tout. Son parfum m'enivrait, et je voulais que cette étreinte dure une éternité. Je ne m'octroyais pas le droit de retrouver ses lèvres, pourtant je demeurais épris d'elle et son visage et je voulais lui démontrer que mon affection était toujours présente. Elle recula, ses larmes coulant davantage, comme si je lui avais porté une estocade. Mais après une longue pause qui sembla durer toujours, ses mots s'échappant d'entre ses lèvres enflammèrent mon coeur avant qu'elles ne viennent s'unir aux miennes qui ne purent que répondre avec ferveur au baiser qu'elle m'offrait, m'accrochant à son corps comme si c'était synonyme de retrouvailles. Cela faisait cinq ans que j'attendais un tel moment. Mais il fut malgré moi bien trop court. Ce n'était pas une bonne idée, jugeait-elle. Elle avait sûrement raison, ce n'était décemment pas juste pour l'homme qui partageait sa vie, pour Lou. Mais une voix dans ma tête m'incitait à tout envoyer balader, pour elle. Je caressais doucement sa joue, comme pour apaiser ses tourments alors que je les ranimais probablement, et mon pouce se mit à caresser ces lèvres qui auraient raison de moi. "Quelle est la bonne solution, Colleen? Mon cœur en redemande, tes sentiments et les miens sont toujours là..." Je perdais la tête, je n'étais plus en mesure de réfléchir et mon visage se rapprochait à nouveau du sien, pouvant mêler nos souffles l'un à l'autre. "Tout ce que je sais, c'est que je t'aime encore." Le coeur s'emballant, je retrouvais ses lèvres, réalisant cette fois que je lui faisais du mal et une larme s'échappa, roulant sur ma joue.
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Je ne m'étais pas rendu compte à quel point nous avions beaucoup à se dire, que la tristesse que l'on ressentait mutuellement explosait à ce moment précis de notre existence. J'étais surprise, et en même temps je savais que c'était inévitable. Comme si nous avions attendu tout ce temps pour se dire les choses, une bonne fois pour toute. Je tentais de calmer les nombreuses émotions qui me submergeaient, je ne contrôlais plus grand chose, je savais également qu'après coup, j'allais surement culpabiliser sur ce que j'étais en train de faire. Au fond, je ne savais pas vers quoi cela allait nous emmener, comme si je ne voyais pas la fin de tout cela. J'étais en colère, comme lui d'ailleurs. Nous avions des rancoeurs, et malgré tout cela, je tentais de penser à notre fille. Ella, qui se trouvait au milieu de notre relation. Il n'y avait jamais eu de dispute par le passé, notre divorce s'était prononcé, de la manière la plus simple qu'il soit, sans cri, sans tout ce drama que nous étions en train de vivre en ce moment. Je préférais que ce soit, maintenant, qu'avec Ella dans le coin et en même temps je ne comprenais pas vraiment comment tout gérer.
« Je le sais, mais comment vivre alors que la sienne a été arrachée ? »
Il s'en voulait, il se pensait coupable de la mort de notre fils, et je refusais de le laisser dire cela. Ça aurait surement été plus simple s'il portait toutes les responsabilités sur le dos, mais je refusais que ce soit le cas. Je me sentais également fautive, parce que je n'avais pas été là. Je m'en voulais de ne pas réussir à sauver mon fils et je lui en voulais également de ne pas m'avoir fait par de toute cette douleur. Je me retrouvais en face de lui, et le présent ainsi que le passé se bousculaient de nouveau. Qu'étions nous sensé faire finalement ? Je me posais sans cesse la question, les parents ne sont pas sensés vivre alors que leurs enfants non. Je ne le souhaitais à personne et je crois également qu'on ne vit pas vraiment, c'est plutôt une façade et qu'en réalité on ne survit pas à la mort de son fils. Pourquoi notre douleur ne nous a-t-elle pas rapproché ? Pourquoi a-t-elle eu l'effet inverse ? Elle nous a séparé, éloigné... comme si nous ne nous connaissions plus vraiment. Je ressens cette énorme tristesse en moi et en même temps, je ressens une impression étrange, une évidence. Ma peine m'aveugle, me rend vulnérable.
« on ne survit pas... »
Je venais de chuchoter ses mots, entre mes lèvres pratiquement comme un aveu. On ne peut pas survivre, je tentais de trouver une solution, mais nous nous étions rapprochés l'un de l'autre, sans que je ne puisse vraiment m'en rendre compte. Je savais que c'était une mauvaise chose de faire cela, ce n'était pas ce dont j'avais besoin d'entendre. J'avais dit oui à Callum, je comptais l'épouser, je l'aimais mais en même temps, je devais bien admettre que la situation était bien plus complexe que cela. J'avais également des sentiments pour lui, on ne pouvait pas effacer toutes les années passés avec lui et désormais, comme si je me retrouvais enfin à la maison, comme si la douleur silencieuse de mon coeur se taisait l'espace d'un instant. J'attendais qu'il me reproche mon geste parce que clairement j'avais dépassé les bornes mais non, il était là, près de moi, aussi essoufflée que je ne pouvais l'être. J'essayais de me convaincre que ce n'était pas une bonne idée, parce que nous devions agir comme des adultes, les adultes que nous étions.
« Quelle est la bonne solution, Colleen ? Mon cœur en redemande, tes sentiments et les miens sont toujours là... »
Son front contre le mien, je ne sais que penser. Je perds une nouvelle fois le fil de mes pensées, je suis submergée par cette sensation de besoin, de nostalgie, et d'oubli. J'oublis tous les sentiments que nous avons eu ensemble, les disputes silencieuses, les reproches, l'éloignement, tout disparaissait. Je savais que j'avais raison, que ce n'était pas logique de faire cela, que ce n'était pas la solution, mais je savais également qu'il avait raison aussi. Mon coeur demandait tout, tout. Maintenant et à jamais. Sans conséquence, sans regret, sans pouvoir ordonner. Je vivais pour ce moment, toutes les épreuves nous avaient menés à ce moment. Je voulais garder cette sensation de plénitude, mêlée à du chagrin un instant. Mon coeur saignait de tout l'amour que j'avais pour lui et en même temps, je savais que ce n'était pas la solution. Que nous serions bien plus heureux l'un sans l'autre. Lui avec Lou, moi avec Callum. Je savais que nous étions en train de faire une erreur. Et pourtant, je me laissais seulement submergée par l'envie, par l'amour que je lui portais, qui je croyais avait disparu et qui désormais m'inondait de toute part.
« Tout ce que je sais, c'est que je t'aime encore. »
Et c'était comme un cri d'alarme, une certitude, une pulsion. Quelque chose qu'on ne contrôle pas. Je sentis ses lèvres s'écraser contre les miennes, je sentis son souffle chaud caresser mon visage, le besoin presque vital de le presser tout entier contre mon corps. Mes lèvres gouttèrent malgré elles, le gout salé de ses larmes. Il pleurait et je crois bien que nous étions tous les deux en train de le faire. C'était douloureux et en même temps bon, réparateur et destructeur de la même manière. Je ne réfléchissais plus, et je ne sais plus à quel moment, exactement, mon coeur avait-il fait le choix ? Mais il en fit un... Repensant à tout cela bien plus tard, quand la réalité reviendrait. Je quittais ses lèvres dans un mécontentement. JE relevais la tête pour croiser son regard, à bout de souffle, à bout de vie. Ma main essuya les larmes sur sa joue et j'observais doucement tout cela.
« Isaac... j'ai tellement besoin de toi... »
Combien de temps, je ne sais pas ? Si seulement j'avais la réponse à toutes mes inquiétudes, mais en tous les cas, je ne lui laissais plus vraiment le choix. Je me focalisais seulement sur le trop plein qui envahissait mon coeur vide des derniers temps. J'avais tellement voulu le retrouver comme cela, il y a des années de cela, qu'il soit l'homme a m'avoir épousé, l'homme que j'aimais. Je refusais de penser, je refusais juste tout le reste et je me poussais contre lui, mais main tirant légèrement ses cheveux dans un baiser enivrant. Mon coeur frappait tellement fort dans ma poitrine que j'en devenais sourde. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais, mais maintenant, dans cet endroit c'était lui. Juste lui et moi, son corps et le mien, mon besoin vital de le retrouver lui. Mes mains glissaient dans sa nuque, sur son torse, c'était un besoin urgent de le sentir, de vibrer pour lui. De me sentir vivant et qu'il réussisse à éteindre le feu ardent qui s'était mis à bruler pour lui.
Cinq ans que nos cœurs ne s’étaient pas ouverts, n’avaient pas pris le risque de souffrir davantage. Aujourd’hui était inédit, tant de non-dits voyaient le jour. Tout ce que j’avais été incapable de lui communiquer à l’époque, ressortait avec force, et nous nous confrontions à notre réalité peu armés pour lutter davantage. Ca faisait mal, mais en même temps, ça m’aidait. J’avais la sensation d’enfin pouvoir mettre des mots sur ce qui m’avait détruit. J’arrivais enfin à la regarder sans penser à Jake, ces grands yeux reflétant pourtant tant ceux de notre petit ange parti trop tôt. Au fond, ce qui nous avait anéantis, c’était cette douleur partagée mais qu’on avait préféré garder pour nous, plutôt que d’accabler l’autre avec. Finalement, on réalisait qu’ensemble on aurait peut-être pu faire face, si seulement on avait osé partager ce fardeau. Mais je n’avais pu pleurer devant elle, lui avouer que le poids de cet accident me donnait envie de me donner la mort, d’abandonner Ella pour retrouver Jake. J’avais tenu bon, mais à quel prix ? J’avais tout perdu dans l’histoire et je continuais de me blâmer de n’avoir pu le sauver. Et s’il était là présent avec nous ? Sourirait-il à notre tentative d’y voir plus clair ? Joindrait-il nos mains nous répétant qu’on était les meilleurs parents du monde ? « Alors que doit-on faire, Colleen ? Pour s’en sortir ? » Parce que je n’avais aucune solution, je ne savais pas comment réagir, comment lui faire comprendre que j’errais, et que j’avais besoin de retrouver mon chemin. Et si j’entravais sa route, si je m’immisçais dans cet équilibre qu’elle semblait avoir trouvé, c’était parce que j’avais l’intime conviction que la vie me demandait de le faire.
Retrouver ma femme. En cet instant, plus rien d’autre n’avait d’importance. Son corps contre le mien, j’avais la sensation d’enfin sortir la tête de l’eau. Ses lèvres répondant aux miennes avec violence comme si on luttait contre une force invisible qui cherchait à nous séparer. C’était étouffant et à la fois puissant. Mon cœur explosait en des milliers de particules. La femme que j’avais épousée, la mère de mes enfants, férocement accrochée à mes bras. Ca semblait si simple. Il n’y avait plus de mariage latent qui importait. Nous avions besoin l’un de l’autre, c’était une évidence. Sa supplique ne faisait que le confirmer. Je caressais ses cheveux alors que mes yeux la regardaient à l’agonie, languissant de me plonger dans les siens, le souffle coupé. Je ne voulais plus la quitter. C’était comme si les émotions étaient si fortes que mon corps en tremblait de vivacité, comme si Colleen avait réinsufflé la vie en moi. Nous reprenions nos baisers langoureux, un léger gémissement s’échappant d’entre mes lèvres alors qu’elle se placardaient contre les siennes. Oh elle m’avait manquée. Terriblement. Je la poussais contre le mur, mes mains tirant sur le tissu de sa tenue de résidente, avant de glisser en dessous, remontant le long de son corps. « J’ai tellement attendu que tu me reviennes… » Commençais-je entre deux baisers qui dévoraient sa mâchoire. « J’avais tellement besoin de toi, mon amour… » Je remontais ses bras au-dessus de sa tête. Mon cœur battait à outrance, prêt à exploser. La regardant dans les yeux, caressant du bout du pouce sa joue si douce. « J’ai tant besoin de toi. Et Ella aussi. » Je cédais à mes émotions, à tout ce dont mon cœur avait besoin, ne réalisant même pas le mal que nous pourrions faire autour de nous. Notre divorce avait eu un goût d’inachevé. Avions-nous besoin de nous dire adieu afin que nous puissions accepter notre tragédie et aller de l’avant, ou était-ce parce que nous avions encore des choses à sauver ? Je n’avais pas la réponse, incapable de réfléchir. Je ne voulais qu’elle, que je connaissais par cœur, bien que les années aient eu un impact sur tous les deux, elle restait resplendissante. Je comprenais pourquoi cet homme avait voulu lui demander sa main. Je ne l’acceptais pas pour autant. J’espérais qu’elle reviendrait sur sa décision, qu’elle m’accorde son temps, son amour. Regrettait-elle ce qui se passait dans cette pièce ? Pensait-elle à son futur mari ? J’eus une pensée pour Lou. Ce n’était pas juste pour elle. Comprendrait-elle que c’était un besoin de l’ordre vital de retrouver ma femme, de sentir son corps brûlant contre le mien, de le chérir comme j’avais tant pu le faire avec les années ? Bien sûr que non. Elle se sentirait trahie, elle m’en voudrait et mettrait un terme à ce que nous essayions de construire, même si j’étais effectivement meurtri, subissant mes émotions, détruit par la perte de mon premier né. Mais même de savoir que j’allais au devant de problèmes car je ne pourrais le lui cacher, je ne savais pas comment m’arrêter. Et je retirais son haut dans le même temps, cajolant mon ex-femme, cherchant à la faire défaillir comme nous l’avions fait depuis tant d’années, oubliant même que nous travaillions. Descendant sur mes jambes, je caressais son ventre de mes lèvres, abaissant son pantalon pour l’en débarrasser. Ce moment était hors du temps, comme une parenthèse de laquelle je ne voulais plus m’extirper. Parsemant la peau de ses cuisses de baisers chauds, je les délaissais ensuite pour la reprendre dans mes bras, rapprochant ma bouche de son oreille. « Laisse-moi t'aimer encore un peu. » Et si nous allions faire une connerie, au moins nous allions la faire ensemble.
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Les années avaient glissés sur nous, comme si le monde entier désirait que le temps passe mais que les coeurs restent meurtris. C'était en tous les cas, l'impression que j'avais et ce n'était que maintenant, que nous arrivions tous les deux à dire ce que nos coeurs avaient besoin d'exprimer. Je n'étais pas certaine que ce soit une bonne chose, je ne doutais pas que c'était nécessaire, mais je ne savais pas si cela allait résoudre nos problèmes. Je m'en voulais, d'avoir été silencieuse durant toutes années, ne pas avoir mis des mots sur ce que je ressentais. J'ai laissé le deuil et la peine de la perte de notre fils prendre le dessus sur tout le reste, comme si je me retrouvais incapable de survivre à ma propre tristesse et du coup, en parallèle, celle d'Isaac. Ma jalousie m'empêchait d'ouvrir les yeux, ma volonté de tourner la page avec Callum avait eu raison de moi, je me sentais bien avec lui, j'oubliais la douleur du passé, et je pensais que ça suffisait clairement. Lorsque nous nous retrouvions ici, tous les deux, je me rendais compte que ce n'était pas suffisant.
« Alors que doit-on faire, Colleen ? Pour s’en sortir ? » « Je ne sais pas... Je n'ai pas la réponse. »
Pas encore en tous les cas. Mes mots ne sont en rien réconfortant, ils n'aident pas, ils ne soignent pas l'âme et le corps, non. Ils sont vides, sans espoir et pourtant là tous les deux dans cette même pièce, je ne sais pas quelle est la réponse à tout ça. Ce que je sais, c'est la sensation au creux de mes reins, l'électricité sur mon corps, lorsqu'il me regarde avec le désespoir qui le qualifie et un tout autre sentiment. L'envie, le désir. Isaac a été trop souvent le point d'encrage dans ma vie, il m'a sauvé d'une vie que j'avais, il a été l'amour de ma vie et désormais, il est tant de dire au revoir. Alors, pourquoi n'arrivais-je seulement pas à le laisser partir librement. Un signal d'alarme, désormais de plus en plus silencieux raisonnait dans ma tête, surement pour me rappeler que j'étais en train de suivre le mauvais chemin ? Je n'en savais rien, ce que je savais c'était la sensation que j'avais ressenti lorsque nos lèvres se retrouvèrent dans un baiser enivrant. Détournant les problèmes, affronter sa peine et la mienne, je le laissais me dévorer de son regard désespéré, son souffle chaud se heurtant au mieux dans une succession de baisers.
« J’ai tellement attendu que tu me reviennes… » Mon coeur manque un battement alors que je mon haut touche le sol. Je souhaite le toucher, caresser sa peau qui me manque tant, hors je ne peux rien faire de tel. Il tient mes bras. Je plonge mon regard dans le sien, essayant de calmer les émotions qui me traversent, de la peine d'être passée à côté de lui, du désir rien qu'à l'idée de sentir la chaleur de son corps contre le mien, l'envie que ça ne s'arrête plus jamais. « J’avais tellement besoin de toi, mon amour… » Je cherchais à être plus connecté à lui, mon corps quémandant le sien. « Isaac... » Soufflais-je la voix légèrement alourdit par le désir. « J’ai tant besoin de toi. Et Ella aussi. » J'avais envie de pleurer et quelque par je refusais d'entendre ses mots. Je ne savais pas ce que notre fille pouvait penser de tout cela, je n'avais pas envie de savoir comment la préserver de la folie de ses parents.
Je refusais de penser à tout le reste. J'étais bouleversée, de toute part. Je le voulais, mon coeur, mon coeur, ma tête demandaient à ce que je le retrouve, qu'on s'aime pour se dire un dernier adieu ou pour se laisser une chance sur un avenir, j'en sais rien. Je refusais de penser à toutes les conséquences de nos actes, j'agissais égoïstement, pour une fois, je faisais ce dont j'avais envie maintenant. C'est à dire de lui, ici, maintenant. De faire taire, le manque de ces derniers temps et je n'avais plus envie de me poser des questions. Je ne voulais que lui. Ici et maintenant. Je gémissais contre ses lèvres, avant qu'il ne descend. Mon corps ne pouvait rester de marbre gigotant dans tous les sens à ses baiser. J'avais la chair de poule à ses baises, mes mains glissant dans ses cheveux. « Isaac. » Je gémissais une nouvelle fois, le laisser revenir ses mes lèvres. Pratiquement nue, je me sentais comme la jeune étudiante que j'avais été, des années plus tôt. Un rire nerveux glissa sur mes lèvres. « Laisse-moi t'aimer encore un peu. » Je roules des yeux, et je m'accroche à lui pour ne pas le laisser s'enfuir. Je colle mes lèvres contre les siennes. « Toujours, mon coeur t'appartient. »
Pas de réponse. Le deuil nous avait accablé et on avait perdu de vue les choses les plus simples qui nous avaient à l’origine tant plu. J’avais perdu la raison au moment où le chauffard percutait le petit corps de mon fils sous mes yeux, impuissant face à la cruauté du monde. C’était imprimé dans mon esprit comme marqué au fer rouge, inoubliable. Pouvions-nous nous reconstruire ? Moi le pédopsychiatre, j’étais persuadé que les enfants pouvaient surmonter tous leurs traumatismes, quid des adultes ? Pour le moment, je me prouvais seulement que j’étais encore bien trop fragile et loin d’être tiré d’affaire après cinq ans de tourmente. Et j’avais besoin de Colleen pour m’en sortir. Je réalisais que tant qu’elle ne me sortait pas la tête de l’eau, je ne pourrais pas avancer. Rien ni personne ne pourrait m’aider. Il n’y avait qu’elle qui comprenait la perte de Jake, notre petit ange parti trop tôt, à qui je racontais le semblant de vie que je tentais de mener sans lui, tous les mois, comme un compte-rendu de pénitence. « Tu te demandes pas des fois ce que Jake voudrait ? » Soufflais-je, en attente d’une réponse qui pourrait peut-être nous aider à y avoir plus clair. Mon fils ne voudrait certainement pas qu’on se déchire. Si Jake était encore là, la question ne se poserait d’ailleurs pas. Notre couple n’avait jamais souffert le moindre tumulte avant la descente aux enfers. Cet homme qui voulait épouser Colleen n’aurait eu aucune chance de bouleverser notre bonheur. Et je n’aurais jamais revu Lou. Ou peut-être que si, mais m’aurait-elle tourmenté au point de remettre en question ma vie de famille ? Je n’avais pas la réponse. La boucle était bouclée. J’étais bien trop en proie à des actes irraisonnés et irréfléchis pour que je les questionne. Seule Colleen subsistait dans mon esprit, son souffle faisant écho au mien, lourd sous l’intensité de ce qui nous animait. Ca n’avait pas disparu, et la frustration rendait presque l’instant encore plus soutenu. Mon nom qu’elle parvenait à prononcer entre les baisers, comme une supplique mettaient tous mes sens en alerte. Mon corps la quémandait tout entière. Sa silhouette cherchait à épouser la mienne comme dans une réminiscence du passé. L’oubli du monde qui nous entourait, le chagrin du cœur qui s’accroche irrémédiablement à ses certitudes. Tous ses gestes me rappellent nos instants partagés, notre désir ardent qui n’avait jamais cessé. Je nous revois faisant l’amour de la manière la plus sensuelle qui soit, apprenant quelques semaines plus tard que nos ébats amoureux avaient instillé une graine en elle qui deviendrait le petit garçon le plus exceptionnel du monde. Notre fils. Mes larmes continuent de couler, et pourtant je m’étouffe de désir. C’est déroutant de souffrir autant alors que mon cœur s’emplit de joie et ressent le besoin de faire taire l’inacceptable dans un élan de tendresse presque trop passionnelle. « Je t’aime Colleen. » Ces mots vinrent ricocher contre ses lèvres que je ne souhaite plus quitter. Je veux lui faire comprendre, là, que ce n’est pas auprès d’un autre qu’elle sera heureuse.
« Pour toujours. » Répondis-je alors qu’elle m’offrait son cœur sur un plateau. Je nage en plein délire. J’ai l’impression de faire une bêtise et à la fois, avoir ce que je souhaite depuis tant d’années désormais. La retrouver. Ma femme, celle qui m’avait offert le bonheur, celle avec qui j’avais connu les joies d’être père de famille. Son corps m’appelle irrémédiablement, j’en suffoque, ma peau brûle de désir pour elle. Elle me fait perdre la tête de par ses gestes, ses caresses. Je n’ai qu’une envie, que nos corps se touchent, s’embrasent, se rejoignent, s’enivrent d’un bonheur retrouvé derrière notre douleur immense. A sa supplique, je saisis ses lèvres avec force, tirant sur sa lèvre inférieure d’envie destructrice. Je veux la faire mienne à nouveau, et je retire mon pantalon, mon sous-vêtement pour laisser libre cours à nos envies.
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(isaac) + love has teeth which bite and the wounds never close.
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