Le jour se lève sur ma chambre encore sombre. J'ai du mal à décoller. Les filles m'ont tenue éveiller très tard hier avec ce fichu film d'horreur...merde! À mon âge, continuer d'avoir peur de ce stupide fantôme au long couteau. Pffiou! J'avais beau faire ma dure à cuire, n'empêche, j'avais regarder dans le placard avant de me coucher. Saoirse était venue me rejoindre au petit matin comme dans les premiers mois où Callum était parti. J'y avais pris goût évidemment. Sa longue crinière brune, comme son père, m'avait fouetter le visage. J'avais passé mon bras au-dessus de son petit corps frêle, déposant un baiser bienveillant sur son front. Décidément, il n'y avait pas que moi qui avait rêver à Ghost face! Quelle mere indigne je faisais.

C'était jour de congé et pourtant, je continuais de recevoir plusieurs messages du boulot. Tant de l'hôpital que de la clinique. Évidemment, l'un d'eux retint mon attention plus que les autres:« Suivi de grossesse ce pm, apporte le café Bisous chérie» c'était la patronne, mais aussi, ma grande amie et belle-soeur adorée: Sio! Je souris en refermant mon téléphone portable. J'entends un petit grognement provenant de ma fille cadette. «Bonjour ma princesse! Je suis ravie de voir que je ne suis pas la seule qui a eu peur!» que je lui dis en la serrant fort dans mes bras. «ah- ah! Ne le dit pas à Sin' s'il te plait!» Je fais un signe de motus et bouche cousue. « Ton secret est bien gardé avec moi! Bon! Il faut que je me lève, je dois aller à la clinique, Tata Sio' viens de m'écrire. On a du pain sur la planche. Y'a des fruits, des croissants et du yaourt pour ce matin! J'devrais être de retour avant 17h.» que je lui dis en me levant.

Je passe à la salle de bain, histoire de mettre un peu d'ordre dans mes cheveux en bataille. Je peigne mes cheveux et les attaches en chignon haut, laissant deux petites mèches encadrant mon visage. Une petite touche de mascara et de gloss et puis hop! J'enlève mon appareil de nuit et met mes lunettes. J'enfile un jeans délavé et un chemisier de couleur pêche. Me voilà fin prête. Je dépose un baiser sur le front de ma grande et lui dit aurevoir en ramassant mes clés qui traîne sur le coin de la table. Je sors enfin... pour réaliser que j'ai oublié mon portable. Mes filles rigolent bien en me revoyant revenir. Je leur fait chacun un dernier bisous puis quitte en voiture. Je m'arrête évidemment sur la route entre la maison et la clinique prendre deux grands cafés bien chaud. Je demande à ce que dans le mien, il n'y ait que de la crème et je demande les autres condiment à côté afin que Sio puisse mettre à sa guise ce qu'elle souhaite.

En arrivant plus tôt, ça me permet de faire un peu de paperasse au bureau sans être dérangée. Je pousse la porte du cabinet et aperçois le réceptionniste. Je lui fais un grand sourire et un petit signe de la main. Je me dirige vers mon bureau. J'y dépose ma valise puis me dirige vers la salle des employées. J'y retrouve ma belle-soeur assise sagement, sûrement dans ses pensées. Elle est de dos. Je m'approche d'elle et l'entour de mes bras : « La patronne a demandé un café bien fort, et bien le voici!» dis-je en déposant le café bien fumant sur la table devant elle. « Hello la jolie!»

Les suivis de grossesse sont mon quotidien, parce que je l’ai choisi. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu faire partie de ce milieu. Assister à la venue au monde d’un nouvel être, c’est fabuleux. Pouvoir y contribuer, ça n’a pas de prix. Je suis à ma place, c’est inscrit dans mes gènes. Pourtant, il y a quelques mois, je n’osais plus y pénétrer. Je ne voulais pas me confronter au bonheur d’une nouvelle vie sur terre tandis que je venais de perdre le mien. On ne l’avait pas choisi, ni prévu avec Caleb. A peine marié, c’était pas du tout dans nos projets. Enfin… on ne l’avait même pas évoqué en tant que possibilité pour notre avenir. J’veux dire… Il y a Madeleine et elle nous rend suffisamment heureux pour le nombre d'enfants qu’on n’aura certainement jamais. On ne s’est jamais posé la question, jusqu’à ce que je tombe enceinte. Et tout à coup, la perspective d’avenir avec d’autres enfants était devenue une évidence. Je veux un autre bébé. Plus que tout. Je veux devenir mère, encore une fois. Encore dix fois, même ! (Façon de parler hein). Et la discussion a été accueillie avec pleins d’espoirs. Caleb et moi… on s’est rapidement mis au travail. Sans relâche, nous mettons tout en œuvre pour que mon test de grossesse vire au bleu.

Ce matin, le test est négatif. Un autre qu’on accepte moyennement mais on s’est dit, le mois prochain sera le bon. On commence à peine alors je ne veux pas qu’on se mette la pression inutilement. On profite de nos moments intimes, c’est le plus important. Parfois, après une fausse couche, il faut du temps au corp pour se remettre d’un tel traumatisme et il se peut que je ne tombe pas enceinte avant un an. Et puis, vu nos antécédents médicaux à ce niveau, ce n’est u n secret pour personne, c’est plus compliqué. D’ailleurs, avec Emilie, on en discutait, si après six mois, ça ne fonctionne pas, on envisagerait une autre solution : l’insémination, par exemple. Je connais très bien cette voie là, pour l’avoir empruntée avec Conrad, pendant plus de cinq ans. Ce n’est pas un terrain inconnu pour moi, sauf pour Caleb mais nous sommes confiants, quoi qu’il arrive.

Ce matin, j’ai plusieurs suivis de grossesse dont un, plus particulier, qui nécessiterait la présence de l’obstétricienne ; Kitty. Après quelques minutes d’hésitation, je décide de lui envoyer un message pour qu’elle me retrouve ici, et avec du café. Il y en a dans la machine, mais je préfère celui du Andy’s Coffee, et ça, ma belle sœur, le sait !! Sur mon bureau, se trouve une grande enveloppe que j’ai reçue ce matin, Eugène est venu me la déposer à son arrivée. En début d’année, j’avais envoyé un dossier de candidature via l’hôpital pour pousser mes cours encore plus loin. La gynécologie me donnerait plus de responsabilités, plus de « droits » pour pratiquer à la clinique. Je pourrais prendre des décisions que je suis actuellement obligée de déléguer à Kitty vu que je n’ai pas le statut pour œuvrer à ma guise. Il me faut un mentor pour mon cursus et je ne veux personne d’autre qu’elle, comme enseignante. J’envoie un message à Caleb pour lui annoncer la bonne nouvelle, ça nous remettra d’aplomb, après ce matin décevant.

Plongée dans mes pensées, je n’ai pas entendu Kitty entrer dans mon bureau, jusqu’à ce qu’elle passe ses bras autour de moi, avec le café que je lui ai demandé de rapporter. J’étire un large sourire en attrapant mon gobelet et lui lance :

— Ooh, t’es parfaite ! Merci Kit’

Je referme les dossiers dont je n’ai pas besoin afin de me concentrer sur celui qui m’intéresse le plus ce matin. Pour mon cursus en obstétrique, on y reviendra plus tard. J’ajoute donc :

— Je suis désolée de te faire venir mais j’ai besoin de toi pour madame Moreno.

Madame Moreno est atteinte d’une cardiopathie congénitale. La grossesse lui étant déconseillée, celle-ci n’a pas voulu interrompre sa grossesse malgré nos avis médicaux. Du coup, la surveillance est étroite et régulière. Je lui tends le dossier, elle est à 20 semaines.