Comment ça c'est pas le brigadier Lian qui vient t'arrêter aujourd'hui ? Pourquoi ce policier que t'a jamais vu trouve justement sur toi ce qu'il fallait pour t'inculper bien comme il faut ? Ton client a pris la fuite, c'est un flagrant délit. C'est officiel, on te conduit au commissariat et c'est pas pour une visite de routine. C'est quoi cette malchance ? Tu titubes, perdu sans ta dose, réclamant à voir Qiang Lian mais on te dit qu'il ne travaille pas ce soir. Comment ça y'a des jours où il ne travaille pas ? Et puis ça changerait quoi ? Qui va te sortir de cette merde qui te pend au nez depuis des semaines ? Tu joues avec le feu et tu viens de te brûler bien comme il faut. D'abord la détective qui t'utilise pour avoir des informations et maintenant ça.

On t'interroge, on veut le nom de tes fournisseurs. Tu dis que tu parleras pas sans la présence de ton avocat. Tu as de l'aplomb. Tu sais qu'on t'en donnera un d'office. Mais après plusieurs heures à te poser des questions en boucle, t'as plus l'esprit très clair. Puis vient le moment de l'appeler ce foutu avocat. T'as les menottes aux poignets et on t'a mis devant une cabine téléphonique. Sérieux ? Ils en ont encore ? Ils vivent à quel siècle ? C'est là que tu te rappelles de Lou. La femme de Kole. Kole qui n'est plus là. Elle est avocate non ? Et si tu l'appelles et qu'elle te remballe en disant qu'elle s'occupe que de l'immobilier ou des entreprises, un truc à la con dans le genre ? Ce serait bien ta veine. Tu composes son numéro parce que tu sais pas quoi faire d'autres. Il est tard mais tu t'en rends pas compte. Il parait que c'est une urgence. Sans avocat tu seras directement transféré en prison en attendant ton jugement et qu'il faut négocier ta libération faute de preuves ou quelque chose du genre. T'as pas bien tout compris.

« Lou ? C'est Wolfgang… » Au moins ça a décroché, ça t'arrache un sourire. Un peu d'espoir dans cette situation de dingue. « Lou j'suis grave dans la merde… » Autant pas passer par quatre chemins. Tu trembles un peu, tu te rends compte que t'es épuisé. Désespéré. « Ils veulent que j'dorme en prison ce soir. Je sais pas… qui appeler d'autres.  » Est-ce que tu dois dire dans ce foutu combiné en plastique pourquoi t'es là ? Tu tapes ton front contre le mur tout proche. Tu te détestes. Les pensées envahissantes refont surface. « J'ai replongé…   » Kole lui en avait parlé. Ils ne se cachaient rien. Alors elle sait que t'es un putain de junky. « J'en avais une grande quantité sur moi… Tu peux venir ? Sinon… t'as un confrère je sais pas… Il me faut quelqu'un. Je veux pas, je veux pas finir en taule putain…  » Ta voix se brise. Comme si tu n'avais jamais pensé à cette éventualité depuis que tu dealais. Depuis que tu t'étais refermé sur toi-même pour couler de plus en plus profond. Sans l'espoir de revoir un jour la surface.

Il se passe tu sais pas combien de temps avant que tu la retrouves. T'as toujours tes jolies bracelets. T'as toujours deux gorilles en uniforme qui ne sont pas Qiang qui te trimballent d'une pièce à l'autre. C'est un foutu parloir encore ? Ça te file le bourdon. Elle a pas l'air super heureuse de venir Lou. Mais elle est là. Alors tu souris, tu es soulagé. Peut-être que t'as une chance de t'en tirer non ? Les preuves sont accablantes, faut pas te faire d'illusion. Mais tu te rends compte qu'après avoir fui tous tes proches, t'es quand même bien heureux de la revoir. Avec ta tête de gamin pris en faute, souriant de toutes tes dents en même temps, ça fait un drôle de mélange alors que tu tentes de cacher un peu ton désespoir. «  Alors ça gaze ? » Ouais. Une tête à claque là Wolfy. Va pas t'étonner si elle t'en met une.

Il y avait des jours ou j'avais du mal à cadrer mes heures, pourtant, je devais être plus attentive à mes horaires qu'avant notamment parce qu'en étant maman solo, je n'avais pas franchement le droit à l'erreur. Kayla était petite et je ne me voyais pas la laisser tous les soirs de la semaine chez ses tantes ou ses grands parents. Certes, ça aurait facilité bien des choses mais j'avais besoin de garder le lien privilégié que j'avais créé avec ma fille. Kole n'étant plus là, il fallait que j'assure et même si j'adorais mon travail, il ne passait absolument jamais avant elle. Des carriéristes, il y en avait plein les cimetières. Après avoir terminé mon dernier rendez-vous de la journée, j'avais filé récupérer ma fille chez la nourrisse. Mon emploi du temps était plus léger ces derniers temps même si lorsque j'étais au bureau, j'avais tellement de travail que je prenais à peine le temps de manger. Réduire ses heures était une chose mais fallait il assurer la même proactivité sur celles qu'il me restait.

Kayla couchée, je m'installais dans le canapé, prenant à peine le temps de souffler, j'entendais mon téléphone vibrer. Sérieux... soufflais je en l'attrapant et en regardant le nom de l'interlocuteur qui m'appelait. Numéro privé ça ne sentait pas super bon. J'avais vu juste. Bon sang, t'es pas possible, pestais je alors que je ne pouvais décemment pas le laisser dans la merde. Peut-être qu'une nuit en prison allait lui remettre les idées en place mais quand bien même, il était de ma famille, cette leçon était bonne pour les autres. Tu ne parles à personne, j'arrive, dis je avant de raccrocher. En urgence, j'appelais Isaac pour qu'il s'occupe de Kayla. Heureusement pour moi il était toujours présent quand j'en avais besoin. Il ne chipotait pas, il ne posait même pas de question d'ailleurs et en moins de dix minutes, il était chez moi.

J'enfilais ma veste, attrapait des chaussures et je filais vers le commissariat. J'étais évidemment en colère mais j'avais aussi de la peine pour Wolfgang parce qu'il méritait mieux que de finir en prison ou même en garde à vue. Il gâchait littéralement son potentiel. Après m'être présentée à l'accueil, je le rejoignais à l'espèce de parloir ou nous pouvions nous entretenir. De un tu m'enlèves ce sourire de ton visage, de deux, non ça ne gaze pas puisque je viens de laisser ma fille en pleine nuit, et de trois, t'es qu'un petit con, dis je en mettant mes mains sur mes hanches comme ferait une mère devant son enfant ayant fait une grosse bêtise. Tu réalises la merde dans laquelle tu es ? Si il avait besoin d'un compte rendu, j'avais de quoi faire.

Dans le combiné, tu l'entends pester. Tu déballes alors tout ce qui se passe, tu paniques même un peu. Mais tu sais que tu peux compter sur elle et quand elle affirme qu'elle arrive, tu te sens enfin un peu soulagé. On te retire pas tes menottes. Tu appliques à la lettre son conseil de "ne parler à personne" en gardant un mutisme exemplaire jusqu'à ce que ta sauveuse débarque. Vous êtes seuls dans une pièce tout les deux. Tu as l'impression d'enfin pouvoir respirer. De retrouver un peu d'espoir. Mais Lou n'a pas l'air aussi enjouée que toi.  Sans déconner. Elle n'a pas aimé la blague et tu retires ton sourire de ton visage quand elle te rappelle qu'elle a dû laisser Kayla. Tu baisses un peu les yeux. Tu adores cette gosse.  Elle doit avoir tellement grandi depuis la dernière fois que tu l'as vu. Le troisième point est plutôt bien mérité et tu affiches maintenant une petite moue contrite.

Même si t'es un petit con… Elle est venue non, c'est le plus important ? Puis elle vient te gronder comme un gosse. Tu l'as bien mérité. Tu relèves tes yeux gris vers elle, penaud, comprenant bien ce qu'elle essaie de faire. « Oui… Oui je réalise. J'avais pourtant toujours réussi à pas me faire pincer, je t'assure que j'étais super prudent ! » Mais quand on fait des choses aussi dangereuses, Wolfy, faut pas s'étonner de s'attirer de très, très gros ennuis. « Ils veulent savoir qui me fournit. Mais si je balance ça… j'suis dans une merde encore plus noir. » Tu as bien plus peur de ceux avec qui tu fais affaire que de la police. Vraiment, d'un côté ou de l'autre, tu as tout à perdre. Tu te lèves de ta chaise, tes poignets toujours menottés et fais un pas vers ta belle-soeur. «  Je t'en prie… Tu as peut-être une idée ? Une défense non ? Un moyen de me sortir de là ? » Mais bien sûr, qu'au moment où tu allais prendre sa main dans la tienne, le maton frappe à la porte. Tu soupires et t'écarte, ton regard désespéré plongeant vers le sol. « P'têt que la prison c'est pas le pire. Faut juste pas que j'y vieillisse quoi. Pütain. J'ai vraiment merdé.  »

Est-ce qu'elle peut y faire quelque chose ? Parler c'est risqué. Se taire aussi. Mais ce qui te donne un peu d'espoir, c'est que malgré tout, tu n'es pas tout seul dans ce merdier. Ça te fait du bien de revoir un visage familier, surtout après ces longs mois de solitude. « Désolée que tu aies dû laisser Kayla. Elle va bien ? » D'avoir un peu de ses nouvelles te ferait le plus grand bien. Quand tu la regardes un peu plus longuement, tu vois ses traits tirés. Tu sais que c'est une bosseuse. Qu'elle doit travailler toute seule pour assurer l'éducation de sa fille. Lou est une putain de battante. Tout ton opposé. Elle t'inspire beaucoup quand toi tu ne fais que dériver un peu plus dans la vie sans pouvoir t'ancrer où que ce soit. « Et toi… comment tu vas ? Merci d'être là. Même si je dors au trou, au moins je t'aurais vu. Et ça c'est déjà quelque chose. » Tu dis alors d'un ton plus neutre. Plus amical. De celui que tu réserves aux gens qui comptent vraiment pour toi et à qui tu ne sais tout simplement pas dire "merci" quand il le faudrait.

J'étais bien évidemment énervée de devoir débarquer ici. Toutefois, au delà de l'agacement, il y avait le lien familial qui prenait le dessus. Oui, ce petit con s'était mis dans le pétrin et il aurait probablement fallu qu'il passe une nuit au chaud pour comprendre qu'il avait réellement merdé cette fois ci. Malgré ça, il restait un membre de ma famille, le frère de Kole et l'oncle de Kayla... Kole n'étant plus là pour lui sauver la mise, j'avais pris ce rôle sans vraiment réfléchir, comme un instinct, quelque chose de naturel parce que Wolfy était attachant, ou attachiant, au choix.

Il fallait donc que je le sorte de là mais quelque chose me disait que ça n'allait pas être une mince affaire. Pourquoi est ce qu'il avait besoin de plonger tête la première dans les ennuis ? Bon sang la jeunesse. 28 ans n'était même plus un âge décent pour être un adulte responsable apparemment. C'est pas le tout d'être prudent, c'est d'arrêter ce genre de conneries, le repris je presque comme une mère pouvant reprendre son fils qui venait de voler un gâteau dans le placard de la cuisine. Tu sais que t'arrives à un âge ou ce genre de trucs c'est plus possible ? Ca ne l'a jamais été tu me diras mais là, c'est trop, pestais je avant de le regarder. Tu ne peux pas être plus dans la merde donc on va voir ça, tu vas bien quand même ? J'étais peut-être énervée mais je voulais tout de même m'assurer que personne ne l'avait mal traité en l'emmenant ici. J'étais son avocate et j'allais donc utiliser tout ce que je pouvais pour le faire sortir d'ici et ce dans le même état qu'il était rentré, ou mieux, de préférence. Je jetais un regard vers la porte et soupirais. C'est un grand pas de le reconnaitre, dis je avant de reprendre. Va falloir que tu me racontes tout si tu veux que je te sorte de là, mais quand je dis tout c'est réellement tout, Je plongeais mon regard dans le sien tentant de percer à jour ce qu'il ne voulait potentiellement pas me dire. Je n'étais pas là pour le juger, comme son frère à l'époque, tout ce que je désirais, c'était qu'il aille bien, qu'il s'en sorte dans cette putain de vie. Elle va bien, tu lui manques, Ce n'était pas faux, elle avait été habituée à le voir, à jouer avec lui, Kayla était très proches des Clarke et malgré le fait qu'Isaac soit de plus en plus présent dans nos vies, je ne voulais pas pour autant qu'elle oublie sa famille. Je le regardais touchée par ce qu'il me disait ; je savais que c'était sa façon à lui d'exprimer son affection mais aussi sa gratitude. Je n'arrivais même plus à lui en vouloir, Wolfy était encore un gosse mais il avait de grande capacités, j'en étais persuadée. Ca va quand mon beau frère adoré ne m'appelle pas pour que je le sorte de taule, tentais je de plaisanter un peu. Je vais bien... et je ne compte pas te laisser tomber ok ? Ca ne m'empêchera pas de te faire la morale mais pour autant je serai toujours là pour sauver tes fesses, Il ne fallait pas non plus trop déconner et après ce coup là, j'avais bon espoir qu'il s'arrête et qu'il reconsidère ses activités en quelque chose de moins dangereux. En sortant d'ici, t'as ou dormir ? demandais je d'une voix plus douce.