might have to tell you
somethin'
ft. @Martha Sighbury

La nuit tombe. Il est tard. Il est très tard. J’regarde nerveusement l’carré d’ma montre. 22h est largement passé. J’crève la dalle. Obligé de m'empiffrer des quelques conneries que j’ai dans la bagnole. Un paquet d’chips – périmé – mais j’m’en suis rendu seulement après avoir tout mangé, ça s’annule, non ? Ensuite, un paquet de Tic Tac qui répond à mes pulsions nerveuses. J’suis pas bien à l’idée d’être là. J’me rends bien compte qu’être là, sur c’parking, à cette heure-ci, c’est pas normal, que si j’voyais un film avec moi dans cette situation, j’voudrais qu’j’aille en taule au bout des 1h45 de long-métrage. Malgré tout, combien j’suis pas à l’aise assis depuis de longues heures sur le siège, certes en cuire, mais foutrement douloureux pour l’derrière au bout d’un moment. Sauf que c’est comme si la honte m’empêchait d’sortir d’ma voiture.

Pour être honnête, et parce que j’sens que j’vais devoir en parler lors de l’une de mes réunions, j’ignore réellement c’qui m’amène ici. Est-ce que j’suis là pour aider quelqu’un à qui j’tiens ? Est-ce que j’suis là par simple jalousie ? Ou est-ce que j’suis ici juste pour me repeindre (ndlr : repentir) de toutes mes conneries récentes ? Franchement, j’l’ignore. Certainement un mélange des trois. En tout cas, j’suis là, sur l’parking de son agence, à attendre que Martha prenne sa voiture. Bordel, j’espère sincèrement qu’j’suis pas la raison qui la pousse à rester si tard dans son bureau. J’la vois, la lumière d’son bureau. Quelques fois, une ombre, la sienne à la fenêtre. Quand on y pense, j’suis foutrement pathétique… Jamais j’n’ai fait ça, jamais j’ne referais ça. Sauf pour elle. Sauf pour Martha. Parce que quelque chose fait que j’ne réagis pas d’la même façon avec Martha qu’avec le reste du monde.

C’est pour ça qu’j’suis là, à c’te heure-ci alors qu’j’serais largement plus à ma place avec mon fils. C’est pour ça qu’j’suis là, à attendre qu’elle arrive, la surprendre – peut-être d’la pire des façons qui soit – pour m'immiscer dans sa vie privée. Parait-il que c’est un stade que j’ne dois pas dépasser. J’crois qu’d’un côté, j’le comprends, l’idée n’est pas stupide. Seulement, si elle sait toute la mienne de A à Z, si elle cherche à réparer mon existence foireuse, pourquoi j’ne pourrais pas essayer, moi aussi, d’l’aider ? Bien sûr, j’paye ses talents d’avocate, tous les mois, j’ai un bon cachet qui tombe pour qu’elle me sorte de cette dite-merde. Seulement, j’ose croire qu’il y a aussi un plan humain qui prend l’dessus dans tout ça. C’est possible qu’ça soit à tort que j’pense ça. C’est vrai, tout le monde m’dit qu’j’suis trop naïve et Candice (ndlr : candide)… même si j’dois avouer pas comprendre c’que Candice fout dans tout ça ou même qui est Candice.

En tout cas, moi, d’mon côté, j’me sens mieux en sa présence. Et pas uniquement parce qu’elle cherche à me sauver de toute cette histoire foireuse dans laquelle j’me suis foutu tout seul comme le roi des cons au bal des enfoirés qu’j’sais être, mais parce qu’elle m’donne envie d’m’améliorer à s’battre d’la sorte pour moi. J’crois un peu plus en moi. Il est impossible que toute la thune du monde puisse lui rendre ça, jamais, en fait. Alors, j’veux l’aider à se sortir d’cette situation amoureuse merdique et peu problématique. Faut dire qu’j’m’y connais bien dans tout ça, j’sais c’que c’est d’être amoureux d’la mauvaise personne, d’penser avoir trouvé la bonne, celle avec qui on va finir sa vie avec et s’rendre compte que pas du tout. Quand j’y pense, j’méritais d’souffrir, j’veux dire, l’évidence était là tout le long mais Martha… elle ne mérite pas d’avoir une seule larme versée – aussi beau et intelligent c’Gregory est – ou d’avoir son cœur brisé.

Et oui, il faut que j’l’admette, ça m’emmerde de savoir ce type si charmant et sage avec elle. Pourtant, c’est exactement l’genre de mecs avec qui, une femme comme elle, s’marie, fait des gosses. Qu’est-ce que tu crois, petit con ? T’as eu d’la chance deux fois et jamais deux sans trois ? VA TE FAIRE FOUTRE, PETIT CON.

22h18. C’est là qu’la lumière d’son bureau s’éteint. Cette fois-ci, c’est bon, tout l’immeuble est plongé dans l’noir. Pas mal effrayant quand on voit l’truc d’l’extérieur. J’sais qu’il est plus qu’une question d’secondes avant qu’elle y sorte. Du coup, j’sors d’ma voiture. J’suis simplement éclairé des spots lumineux d’la ville – qui ont l’don d’me détruire la rétiaire (ndlr : rétine).

22h18. C’est là qu’la lumière d’son bureau s’éteint. Cette fois-ci, c’est bon, tout l’immeuble est plongé dans l’noir. Pas mal effrayant quand on voit l’truc d’l’extérieur. J’sais qu’il est plus qu’une question d’secondes avant qu’elle y sorte. Du coup, j’sors d’ma voiture. J’suis simplement éclairé des spots lumineux d’la ville – qui ont l’don d’me détruire la rétiaire (ndlr : rétine). Enfin, j’la vois sortir d’l’immeuble. Directement, son regard s’pose sur moi. Moi qu’elle a dû prendre pour un malade au premier abord. Qui traîne ici à c’te heure-ci ? Putain, j’suis vraiment inconscient. Bon, l’avantage c’est qu’même si j’m’en suis rendue compte trop tard, j’le sais maintenant et j’le referai plus. C’est mieux qu’rien, non ? … Ouais, pas vraiment mais ma psy m’dit d’aller à mon rythme – même si faudrait qu’j’me magne sur certains trucs. Sans grande surprise, j’vois qu’elle est étonnée, qu’elle s’attendait pas qu’j’sois là. En même temps, quel mec sur cette planète attend qu’son avocate termine l’taff pour émettre un avis sur sa vie amoureuse dont il n’avait rien à savoir et qu’il a appris par le simple fruit du hasard ? Ça donne un super synopsis d’film, ça… Merde, j’m’égare. Le sujet c’pas ça, le sujet c’est Martha. D’ailleurs, j’me tente à un sourire. J’crois au pouvoir d’mes belles dents blanches pour… accuser l’coup de cette venue inattendue ?

« Hasard de dingue ! J’savais pas qu’vous finissiez à c’te heure-ci ! Quelle bonne surprise, ça va ? »

J’me tente à mon meilleur acting. Toutefois, rapidement, j’vois qu’elle n’est pas convaincue. J’ai pas eu l’temps d’me préparer… Enfin, si, j’ai eu deux longues pour m’préparer à c’qu’j’allais dire sauf que j’y ai pas pensé sur l’coup, la façon dont j’allais l’aborder. Qu’est-ce que j’peux être con ! C’est la base, pourtant ! Tant pis, j’laisse tomber l’rôle de ce pseudo hasard. Autant assumé, non ?

« Faut qu’j’vous dise un truc super important. J’sais qu’j’vous ai dit ça pour vous raconter la fois où j’ai mis un râteau à Avril Lavigne mais là, c’est pour de vrai. J’vous l’jure. »

Et mieux qu’personne, elle sait qu’j’ne jure jamais pour rien. Que c’est un principe très important du rétablissement chez les alcooliques et narcotiques anonymes.

« Montez, s’il vous plaît. »

Et j’n’ai rien d’mieux à lui proposer qu’ma voiture. Pour l’coup, pas sûr qu’ça soit l’endroit idéal pour entretenir une conversation sérieuse. La plupart du temps, chez nous, elles s’font dans un café ou dans l’banc d’un parc sauf que faute de mieux, il n’y a qu’ma voiture. Naturellement, j’lui ouvre la porte du côté passager tout en la regardant avec mes yeux de merlan frit.