« La Traque. »

ft. @Alan Murray & @Caleb Adelson    
Août 2024 ; Monterey ; CA.

J’le sens pas, putain.

Des heures que j’suis en filature, coincé dans cette putain de bagnole où je crève littéralement de chaud. Et de soif. Et de faim. Et d’ennui. Pourtant, des planques, j’en ai effectué des dizaines, des centaines même, aux côtés du paternel. Prenant place côté passager, j’observais mon père faire calmement ses mots croisés, inspirer tranquillement, croquer dans une pomme histoire de se donner bonne conscience car après tout, c’est Maman Adelson qui préparait notre “pique nique” et elle voulait faire quelque chose pour contrôler le cholesterole de Papa. Mais quasiment à chaque fois, après avoir finit son trognon de pomme, on finissait au drive du fast-food du coin et si j’étais pas trop bavard et bien patient, il me payait une bière que je sirotais en souriant comme un pauvre con. De ce côté-là, les choses n’ont pas vraiment changé sauf que désormais, je me tiens côté conducteur. Ses mots croisés, mon père les fait dans son canapé et c’est devenu plus compliqué pour lui de s’exfiltrer pour manger un burger bien gras, ma mère veille au grain, il est sous haute surveillance. C’est pas grave, je le mange pour nous deux, mais là, j’ai plus rien à me mettre sous la dent et comme j’ai promis à Sio d’arrêter de fumer, je jette mon paquet de clopes à travers l’habitacle, sur les nerfs. Je réalise, avec ce simple geste, que je reproduis le schéma de mon père et qu’au fond, je suis heureux d’avoir une femme qui me tient en laisse. J’adore ça, même.
Mais je dois rester focalisé sur ma mission du jour: prendre sur le fait un notable de la ville soupçonné de tremper dans des affaires plus que louches. Un dossier que j’ai accepté avec grand plaisir, l’injustice, j’ai toujours détesté ça et que des fonds soient détournés pour qu’un connard se construise la plus grande piscine de la ville… Ça me débecte, faut bien que j’agisse, que je fasse quelque chose, à mon échelle, je sais que je peux être utile et que cette putain et interminable attente finira par payer. Tôt ou tard.

Je refuse de me distraire grâce à mon téléphone, faut que je reste concentré et que je ne lâche pas ma cible, sous aucun prétexte. Mais là, j’sais pas pourquoi, je me redresse. Je vois quelque chose, au loin. Ou plutôt… quelqu’un. Tiens, prenez ça dans vos dents, Madame Cooper, ma vue se porte à merveille, vous pourrez annuler ce rendez-vous pris chez l’ophtalmologue. Ça vous ferait plaisir, hein, de me voir avec des lunettes, espèce de vieille pie mal… Mais ce n’est pas le sujet, je ne dois pas m’emporter. Les traits de visage de cet homme, je les connais. Oui, il me dit quelque chose. Et je n’ai pas besoin de beaucoup de temps pour me souvenir d’où je le connais, ce gars.
C'est celui du couloir, pendant mon mariage. Celui qu’on a croisé avec Delia, qui était là mais certainement pas invité.
Putain de merde.
J’sais pas ce qui me pousse à agir de la sorte, mais je bondis hors de la voiture, claque violemment la portière et le poursuit, jusqu’à un coin tranquille de la forêt qui semble être le refuge de l'inconnu. Et ma cible principale, putain, j’en fais quoi, hein?! Mais c’est trop tard, j’ai quitté ma bulle professionnelle et je réagis en suivant mon instinct. Quelques minutes plus tard, quand nous sommes seuls, enfin, de ce que j’étudie, je me permets une incartade sans doute audacieuse:

VOUS! HÉ, VOUS! JE VOUS CONNAIS!

Mais pourquoi je hausse le ton, à la fin? Pourquoi je m’énerve, pourquoi je me mets à courir alors que ma cible, l’objet de toute mon attention depuis des heures, s’est déjà barré et a filé au coin de la rue?

J’sais pas pourquoi mais je le fais.
Et j’crois bien que j’vais finir par le regretter…

« La Traque. »

ft. @Caleb Adelson & @Alan Murray     
Août 2024 ; Monterey ; CA.

La traque était lancée. L’animal qu’était Alan était enfin lâché. C’était le moment où les places s’inversaient. Où il passait de la proie au chasseur. Et bon dieu, ce qu’ils étaient dans la panade. Déjà qu’Alan n’était pas docile ni faisait dans la dentelle en temps normal, il l’était encore moins. Il y allait avec qu’un seule idée en tête, eux dans une boite sous terre. Aucune autre solution ne serait envisageable. Pas de procès, pas de justice via des tribunaux. Non, la seule justice qui allait s'abattre était la sienne. Celle de son plomb dans le crâne de ces pourris, de ceux qui ont coûté la vie de ses frères. Et rien n’allait l’empêchait, pas même dieu…

Alan était déjà sur la seconde phase de son plan, il avait réuni les dernières informations dont il avait besoin pour lancer son assaut final. Il lui manquait des positions, des planning pour savoir où frapper. Mais il avait tout, il ne lui restait plus qu’à y aller. Il devait tout de même repasser à sa planque, prendre ses fusils, son équipement pour se transformer à nouveau en ange de la mort. Il avait ces deux rôles en même temps. Celui de la vie et de la protection envers Fraser, mais était le pire ennemi, ainsi que celui qui allait les faucher pour ses cibles. Un vrai démon parmi les humains. Il n’était plus le même, il se transformait quand il était dans cet état, ce n’était plus Alan, mais Grizzly. Comme une âme qui déambulait, comme un mal nécessaire qui infligeait, qui venait purger les terres de ceux qui n’avaient plus rien à y faire. Il était le juge, le bourreau et le persécuteur. Il était toutes ces faces à la fois.

Non loin de sa planque, il remarquait du coin de l’oeil un mouvement, surprit, lui qui n’était clairement pas quelqu'un de simple à suivre, cela montrait le talent de son poursuiveur. Mais il n’avait aucune idée de qui cela pouvait-être. Le cri de l’homme venait déchirait le silence de la forêt. Révélant sa position précise. Alan faisait glisser doucement sa main au niveau de son holster, prêt à sortir une arme de guerre, il en avait toujours une sur lui. Mais le fait qu’il lui sorte qu’il le connaissait venait le troubler. Il tournait la tête pour voir un peu plus loin l’homme. Il lui fallait une ou deux secondes pour que son esprit se souvienne. Il faisait partie de la famille de Delia, il se souvient de son visage pendant le briefing, mais aussi de son mariage. Il n’était donc pas dans la case des menaces. Enfin, Alan ne pensait pas qu’il le serait. Sinon, il aurait tiré plutôt que d’essayer de l’avertir de sa présence. La brume commençait à se lever. Et en quelques secondes, elle avait déjà pris le bois de son voile opaque. Alan ne bougeait pas, laissant sa silhouette disparaître. De nouveau dans son domaine, dans celui de l’ombre, d’être un fantôme, il se mouvait si bien, si facilement, si aisaiement qu’il n’était presque impossible à traquer. Comme s’il avait disparu soudainement…

Mais, quelques instants plus tard, il venait apparaître dans le dos de Caleb, pour plaquer une main contre sa bouche, l’autre autour de son cou pour lui faire comprendre de ne pas bouger. Il venait lui intimer, d’un ton très bas, presque imperceptible. Juste assez puissamment pour qu’il puisse l’entendre. “Nous ne sommes pas seuls ici.” Il regardait à gauche, à droite, avant de reprendre. “Etiez-vous seul?” Il attendait sa réponse, avant de lui dire finalement. “La prochaine personne que vous voyez, n’hurlez pas, sinon c’est vous qui serez au sol.” Il venait délicatement retirer ses mains de la bouche du détective, avant de montrer qu’il avait son arme de point en main. Il faisait ensuite un signe pour lui indiquer qu’il y en avait en avant. S’il n’était pas prêt à ce qui allait suivre, Alan ne lui en voudrait pas. Mais de son côté, avoir des poursuivants à cet endroit n’était pas bon signe, cela voulait dire qu’ils commençaient à se rapprocher de lui. Bien trop à son goût. Il fallait régler ce souci rapidement. Et d’une manière où il serait la dernière personne à respirer. Caleb compris s’il choisissait à combattre à ses côtés. Montrant s’il pouvait lui faire confiance ou non.

« La Traque. »

ft. @Alan Murray & @Caleb Adelson    
Août 2024 ; Monterey ; CA.

C’est un putain de coup fourré et je le sais très bien.

Pourtant, j’peux pas m’empêcher de plonger tête baissée, de risquer… je ne sais pas quoi. Pas grand chose, au fond, hein? Après tout, cette forêt n'a rien d'angoissante, non, les films d'horreur ne commencent pas comme ça, voyons. C'est un cliché, voyons. Mais je m'interroge, tandis que je plonge dans ses âtres terrifiantes. Mon attitude est-elle causée par un certain manque d’adrénaline dans ma vie professionnelle, ces derniers temps? Peut-être. Est-ce que je me m’emmerde? ÉVIDEMMENT! Mais je ne le dis pas à Madame Cooper, elle va me proposer de l’aider dans le grand archivage de rentrée de ses dossiers, et moi, assis à même le sol, en train de trier des pochettes cartonnées par centaine, c’est pas vraiment l’idée que je me faisais de mon métier. C'est une passion, ça coule dans mon sang depuis des générations, c'est une évidence familiale et j'suis du genre à adorer le terrain. Ce dont j'ai besoin, c’est d’action, de fureter, de me jeter dans la gueule du loup.
Mission accomplie, n’est ce pas?
J’sais pas ce qui me prend à lui courir après, comme ça. Mais quelque chose, au fond de mes tripes, me hurle de le faire. Quelque chose de suspect flotte dans l’air et mon instinct primaire de détective privé ne se trompe jamais. Jamais. Après un clignement d'oeil plus que furtif, une demi-seconde à peine, je perds sa trace. Merde.

…

Bah, il est où…?

Comme une foutue question rhétorique à laquelle une réponse est fatalement apportée, je peux rapidement sentir une main sur ma bouche, l’autre dans mon cou. Une sacrée poigne énergique, voire même… mortelle? MAIS MERDE, IL FAIT MAL, PUTAIN! Soudainement, toute ma vie défile sous mes yeux. Putain, avec Sio, on a pas fait de testament! Et Maddie, putain, j’veux pouvoir retrouver ma petite fille… Et ma soeur, et mes parents… BORDEL, J’VEUX PAS MOURIR MOI! Bon, retiens toi, Caleb, pleure pas, panique pas, tout va bien se passer. T’as des notions de jujitsu, grâce à Sawyer. Bon, elle t’a expliqué les bases pendant l'une de vos soirées au bar du centre… Mais ça devrait revenir, hein?! T'étais pas si bourré que ça, au fond, tu dois te souvenir. Stimule ta mémoire, pense à d’autres trucs… Oh bordel, et Lucy? Si je meurs, qui prendra soin de ma moto? Et, et, et…
C'EST TROP POUR MOI, J'VEUX HURLER!
Je me contente de gémir, en réalité, je manque d’air, j’arrive plus trop à respirer. Mais ça doit être le but de la manœuvre, n’est ce pas? Dès que la prise se relâche, miraculeusement, je quitte son emprise, passe une main distraite dans ma barbe (et contre ma gorge, hein, j'vais avoir une sacrée marque, pour sûr) et balance, de ma voix la plus déplaisante:

… Vous faîtes pas semblant, hein!

Quelle répartie, Caleb, vraiment, tu es le roi. Méfiant au possible (comme l’être autrement), j’écoute sagement son espèce de charabia, la tête penchée dans sa direction. Et je dois reconnaître que je n’y comprends rien. Quedal. Peanuts. Décontenancé comme jamais, j’ose questionner, penaud et ayant la sensation d’être le dindon d’une farce dont je suis certain de ne pas aimer le goût:

… Comment ça, on est pas seuls…?

Et allez mon vieux, encore une foutue question à la con. T'en as pas marre, d'être à côté de la plaque, en permanence? Fronçant des sourcils, je tourne autour de moi-même, je tente de repérer dans cette forêt dense une autre âme que les nôtres.
J’suis pas vraiment sûr, mais j’dirais que y’a personne, ici…

Jusqu’à ce qu’une balle frôle mon oreille de quelques centimètres à peine et que je finisse par me jeter à même le sol boueux.
Putain, Sio va me tuer, quand j’vais lui refiler mon linge à laver…