Min Ki esquisse un nouveau sourire, légèrement plus franc. Il y avait une époque où il souriait toujours aujourd’hui, ceux-ci étaient rares mais bien sentis. Il était ravi que son cocktail plaise à l’autre homme puisque c’était tout ce qu’il pouvait faire pour le consoler. Ça, et l’écouter. Pourtant, le client le questionne sur les raisons qui l’ont amené ici, à Monterey, et Min Ki doit mentir. Enfin, il ne doit pas mais il préfère. S’ouvrir sur les véritables raisons n’était pas approprié de toute façon, et il détestait soutirer la pitié des gens. Min Ki retourne donc rapidement la question à l’autre jeune homme qui mentionne être américain. Ça se voyait un minimum. C’était plus difficile d’avouer son homosexualité lorsqu’on avait encore un ancrage avec la Corée. D’ailleurs, le fait que les parents du barman soient morts le soulageaient un minimum en ce sens, même si c’était terrible à dire.
Votre coréen est très bon.
Sans doute meilleur que l’anglais de Min Ki qu’il pratique uniquement au travail puisqu’il n’a aucune vie sociale. Il n’a que Jae Sun et ce dernier est également coréen. Il secoue légèrement la tête en réponse à la question de son client.
Non… Je ne suis pas particulièrement proche de ma famille. Je pense même refaire ma vie ici. C’est plus simple, je m’habitue à la mentalité américaine.
Il me complimente sur mon coréen et je lui souris. Je n’ai pas vraiment de mérite. On le pratiquait à la maison. Mes parents ont toujours été soucieux que je garde un lien avec mes racines, ce qui me permet de communiquer facilement avec ma famille restée en Corée. En revanche, pour ce qui est de le lire et de l’écrire, c’est une autre histoire et je ne ferais pas illusion bien longtemps. « Je manque quand même d’occasion pour le pratiquer. » Alors je suis content de pouvoir le faire avec lui. En plus ça m’aide à me changer les idées et j’en ai besoin ce soir après cette déception. Enfin, il parait qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. Alors je serais bien mieux sans Greg, ça c’est une certitude.
Quand je lui demande s’il compte rentrer en Coréen ou plutôt s’il l’a fait depuis son installation à Monterey, il m’explique que non. Qu’il aimerait refaire sa vie ici. Le rêve américain en somme. D’une certaine manière, c’est ce qu’ont fait mes parents alors j’espère que ça fonctionnera pour lui. « Vous avez réussi à vous intégrer ? Ce n’est pas facile quand on est étranger, même si je trouve que les gens de cette ville sont plutôt accueillants et sympas. » J’imagine que tout est relatif et dépend sur qui on tombe. J’ai un bon karma, j’attire de bonnes personnes en général, sauf en amour. Là c’est encore une autre histoire…
Évidemment, même s'il y avait une certaine communauté de coréens dans la région, il était inévitable que les opportunités pour le pratiquer viennent à manquer. Pour Min Ki, qui était encore loin d'être fluent en anglais, il trouvait parfois bien difficile de ne pas avoir davantage l'occasion de parler sa langue natale. Il est donc aussi ravi que Sam de pouvoir le faire à cet instant. Il se sent déjà bien plus détendu. Les questions du jeune homme ne dérangent donc pas le barman qui se montre même plus bavard qu'à l'habitude, principalement parce que c'est plus simple et que les contacts humains lui manquent alors qu'il fait tout pour les éviter. Un peu paradoxal vu le métier qu'il pratique.
Je n'ai pas eu de mal à m'installer et à trouver du travail alors c'est déjà pas mal. Les gens sont plus ouverts d'esprit...
D'ailleurs, l'idée d'assumer son attirance pour les hommes en Corée lui avait toujours paru impossible. Ici, c'était différent. Il sourit faiblement à cette pensée avant de questionner Sam en retour. Après tout, son rôle était de le distraire, non ?
J'imagine que vous sortez assez souvent, non? Vous êtes étudiant?