Plusieurs jours maintenant sont passées. Des jours que le jeune homme n’avait pas senti s’écouler. Depuis l’accident, Wally était plongé dans un coma. Le choc était tel qu’il avait perdu connaissance directement, sans se réveiller une seule fois depuis. Une situation banale, il rentrait chez lui, en voiture. Roulant dans les limites de la vitesse autorisé. Écoutant de la musique que ses haut-parleurs  lui offraient. Probablement deux trois petits regards envers son téléphone. Rien de bien méchant, toujours l’attention portée sur la route. Puis, les phares d’un véhicule sur sa gauche. Bien trop proche, bien trop rapide. Sans pouvoir l’esquiver, la voiture venait le frapper de plein fouet. Avant qu’un trou noir s’installe dans son esprit.

Le réveil était doux. L’impression d’être léger. De se réveiller d’un long, très long sommeil. Quelque chose que le garçon n’était plus habitué. Lui qui venait enfin de boucler ses études. Qui avait passé de très longue nuit à réviser, à essayer de faire son maximum pour finalement décrocher ce diplôme. Et enfin rentre dans la vie active. Se trouver son premier job en lien avec tout ça. Se lancer, avoir sa carrière. Des choses qui pouvaient sembler être banales pour pas mal de monde, mais qui était importante pour lui. Cette sensation d’indépendance. Surtout depuis sa séparation avec Tara. Il avait besoin de changer d’air, de réfléchir. L’obtention de ce fameux diplôme était un tournant dans sa vie. Il tournait en rond avec la rousse, et voulait un nouveau départ. C’était sans compter ce que la vie lui réservait. Ses yeux s’ouvraient tout doucement, flash lumineux qui venait lui brouiller sa vision, le forçant à plisser un peu plus ces derniers. Mais il lui fallait peut-être bien une ou deux minutes pour que ses sens commencent à refonctionner correctement. Perdu. Il ne reconnaissait pas sa chambre. Son cœur commençait à s’accélérer lorsqu’il tournait la tête sur sa gauche, pour voir tout pleins d’instruments qu’il ne connaissait pas. Avant de voir pas mal de câbles relié à lui. Lorsqu’il essayait de parler, il n’y arrivait pas, comme si sa voix n’était plus là, où bien trop rauque pour qu’il puisse l’utiliser aussi vite. Trop sèche. Wallace commençait à réellement paniquer, il ne savait pas où il se trouvait, ni même la raison de cette confusion. Il ne savait pas s’il était seul, ou non, mais impossible pour lui de trouver quoi que ce soit, simplement un influx de panique qui venait le faire souffler rapidement…

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Je me réveillais en sursaut, une nouvelle fois. Mon sommeil n’est d’ordinaire pas stable, je vous laisse donc imaginer à quoi il ressemble sur un lit de fortune improvisé. Ca fait des jours à présent que je ne bouge plus d’ici, que je me lève sur ce lit, que je me lave le visage dans les toilettes de l’hôpital et que j’attends. J’attends. Jamais, ô grand jamais le temps ne m’a paru aussi long. Les minutes durent des heures et les heures durent une éternité. Mes yeux ne quittent pas le corps de mon benjamin, Wallace, étalé sur ce lit d’hôpital. Un corps presque sans vie, branché à des machines dont je ne connaissais même pas l’existence. Sur un champ bataille, j’ai côtoyé la mort plus d’une fois, vu des soldats tombés, partir, perdre un membre ou finir handicapé pour toute leur vie. Mais voir son sang, la chair de sa chair dans la même situation, c’est encore bien pire. Un sentiment indescriptible, inqualifiable.
Je m’étais complètement laissé aller, ma barbe avait poussé, des cernes avaient logés sous mes yeux et j’étais dans l’incapacité d’avaler quoi que ce soit. Depuis des jours à présent, il était plongé dans un coma. Je venais de passer les pires jours de ma vie. Savoir son enfant sur un lit d’hôpital et se sentir totalement inutile, sans avoir la possibilité de faire quoi que ce soit pour l’aider est un sentiment que je ne souhaite à personne. C’est injuste. Parce que Wallace a 22 ans et toute la vie devant lui. Il a récemment eu son diplôme, il s’épanouit à présent professionnellement, il a une vie de couple, est heureux avec sa copine… J’en suis d’ailleurs étonné de ne pas avoir de nouvelles de Tara.
C’est moi qui devrais être à sa place. Je n’ai plus rien à perdre et je préfère largement prendre le relai à présent. Mais pas mes enfants. Tout, mais pas eux. J’ai appelé sa mère malgré nos différents, étant à l’extérieur du pays, elle fait des mains et des pieds pour essayer de rentrer et être à ses côtés. Jamais nous n’avons autant échangé depuis notre divorce et notre séparation. Mais il faut croire que le malheur reproche… Ca été ensuite difficile. Très difficile. Je ne savais pas si je devais ou non l’annoncer aux enfants, Wallace aurait sûrement voulu avoir ses frères et sa sœur auprès de lui. C’est là, sous mes yeux que le miracle se produit… « Wally… Wally, tu m’entends ? » Murmurais-je alors, pensant nager en plein rêve. Etait-ce le manque de sommeil qui me faisait complètement halluciner ? Non, non… Ses yeux… Je ne rêve pas, ils sont bel et bien ouverts ! « Il se réveille ! Il ouvre les yeux ! » Criais-je à l’intention du personnel hospitalier.

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Esprit embrumé. Comme l’impression de sortir d’un rêve. Tout était flou, tout semblait si peu réel. Un afflux lumineux traversait ses pupilles. Quelque chose de blanc. Trop indistinct pour comprendre  qu’il s’agissait du plafond de la salle où il se trouvait. Dans son esprit, le temps s’était arrêté déjà quelques jours plus tôt. Pendant une nuit, de la pluie qui s’habitait sur son pare-brise. Son cerveau n’avait plus rien enregistré suite à ça. L’incohérence entre ce moment et celui où il se réveille dans un lit ne le tiquait pas sur le moment. C’était comme s’il avait déjà assimilé cette nouvelle. Mais sans se rendre compte de la raison. Sa première réalisation est quand il se rend compte qu’il n’est pas libre. Il se sent bizarre. Quelque chose cloche. La panique qui lui monte alors qu’il se voit attaché, des fils sur son bras. L’envie de parler mais l’impossibilité de sortir un son. Ses yeux paniqué qui commençaient à chercher dans la pièce. La netteté commençait à arriver, l’image d’un homme par dessus lui, le bourdonnement qui explosait ses tympan bien présent. Une personne, une seconde. Venait lui faire des choses. IL ne comprenait pas, mais sa gorge venait le brûler jusqu’à ce qu’il se mette à tousser. Son aide respiratoire était enfin retiré. Et ses sens commençaient enfin à faire surface.

D’une voix bien trop faible, il lançait doucement. « Papa ? » Avant de le voir, essayant de lire sur son visage ce qui n’allait pas. Pourquoi était-il là ? Que faisait-il à son chevet ? Il semblait mal au point, avait une tête affreuse. Mais Wallace ne comprenait pas. Il ne sentait pas son corps, il savait que quelque chose n’allait pas, mais pas encore la réelle raison. Ses yeux ne quittaient pas ceux de son paternel. Personne la plus importante qu’il avait. Toutes les fois où il s’était pris la tête avec lui, tout était si insignifiant à ce moment. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’il soit ici, avec lui. Son cœur se réchauffait, et il sentait son courage monter en lui. Cette force qui lui manquait pour essayer de comprendre. « Qu’est-ce que ? » Disait-il, avant de passer sa main sur son front, ses yeux. Mais qu’une seule était là alors qu’il avait l’impression qu’il avait levé les deux. Première divergence. Il essayait une seconde fois, mais rien. Pourtant, il sentait, il le savait qu’il tendait son bras gauche. Il voyait son bras droit, mais pas le gauche. L’incompréhension pouvait se lire sur son visage. Une troisième fois, quatrième. Rien à faire. Lorsqu’il essayait de lever la tête pour regarder. L’impression qu’une enclume lui tombait sur la tête pour venir le sonner. Son bras gauche n’était plus là. Quelque chose de métallique remplaçait ce dernier. Aucun sens. Impossible. Il avait mal vu, c’était la seule raison. Son imagination. Il n’était pas encore réveillé. « Qu’est-ce… Pourquoi je suis là ? » Il tournait la tête péniblement pour avoir son père en visuel, pour qu’il puisse lui dire, lui expliquer pourquoi il était allongé ici.

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L’horreur, je vivais l’horreur depuis cet accident de voiture, depuis qu’une infirmière m’a appelé en pleine nuit, depuis que le dernier de mes enfants, le plus jeune, est allongé sur ce lit d’hôpital sans donner signe de vie. Une vague de tristesse m’envahit alors que je l’observais, tout pâle, branché à une multitude de machines dont je ne connaissais même pas les fonctions. Son corps était inerte, comme inhabité, et pourtant, je refusais de croire que la situation empirerait… J’ai côtoyé la mort un bon nombre de fois, j’y ai été confronté, j’ai perdu des soldats, des amis, des frères, j’ai vu leur corps trainé sur le sol, je les ai vu poussé leur dernier soupir. Ses images, bien que lointaines, continuent à me hanter à chaque fois que je ferme les yeux, à chaque nuit où j’espère trouver le sommeil. Mais la perte d’un enfant, la chaire de ma chair, je n’y survivrais, je n’y arriverais pas, je ne le supporterais pas.
Je n’avais pas mis le pied dehors depuis que j’ai appris la nouvelle, j’étais dans l’incapacité totale de faire quoi que ce soit face à tout ça. Mais l’heure d’annoncer tout cela aux enfants arrivaient, je ne pouvais plus retarder plus que ça. Wallace était là et la situation ne s’améliorait pas. Je n’avais pas la force d’entendre leur voix, de leur annoncer quelque chose d’aussi terrible, de les écouter s’effondrer face à la nouvelle, non, c’est au-dessus de mes forces. Un simple sms envoyé, je reposais mon téléphone dans un coin et continuais à le regarder.
J’occupais mes histoires à lui raconter des histoires. Je lui racontais des histoires, des histoires qu’il aimait bien écouter pour s’endormir lorsqu’il était enfant, mais cette fois, j’avais besoin qu’il se réveille, alors je lui racontais d’autres histoires, des souvenirs de son enfance, des souvenirs heureux, où il croquait la vie à pleine dents, où il déballait les escaliers de chez nous à grande vitesse, où il était heureux de me montrer la bonne note qu’il a eu à l’école, où il rougissait en avouant avoir sa première copine. Je lui racontais les étoiles dans ses yeux en découvrant que j’avais préparé des cookies pour le goûter, son rire à chaque fois que nous étions épatés en découvrant les animations sur lesquelles il travaillait. Non, la vie ne lui prendra pas tout cela, il a encore beaucoup de choses à vivre, à découvrir. Il a l’avenir devant lui et c’est hors de questions que ça s’arrête ainsi.
C’est là, sous mes yeux, que le miracle se produisit, qu’il ouvrit à peine ses yeux, qu’il essaya de les cligner. Et c’est sans attendre une seconde de plus que je fis appel aux médecins, le cœur tambourinant dans ma poitrine, fier, de voir mon combattant de fils revenir enfin à la vie. J’eu d’un coup envie de m’écrouler ou de fondre en larmes. Mais il en était hors de question. Pas maintenant. Alors je m’approchais doucement de lui et posais ma main sur sa tête, tout doucement
« Oui, oui c’est moi, c’est papa... » je lui murmure tout près de lui, les larmes qui me montaient doucement aux yeux. Je pousse un soupir de soulagement, au moment même où je comprends qu’il m’a vu et reconnu, il sait qui je suis ! Le médecin m’a prévenu contre d’éventuelles séquelles, et je vois que non, il a encore sa mémoire. « Tout va bien maintenant, tout va bien se passer… » je le rassurais alors en caressant ses cheveux et en posant ma main sur la sienne. Mon enfant… mon bébé. « Tu as eu un accident mon garçon… Tu te souviens de quelque chose ? » lui demandais-je avant de me retourner vers les médecins pour finalement reculer et les laisser faire leur travail comme il le fallait.

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Sa force, cette force de combattre, de rester parmi les vivants, toute cette envie, cette puissance. Il venait la capter de son père. Il venait tirer cette envie de rester ici, de combattre, de tenir. Sans s’en rendre compte. Mais sa présence était si importante, si vitale. Il n’aurait peut-être jamais rouvert les yeux s’il n’était pas venu, s’il n’avait pas réussi à le rejoindre. A lui tenir compagnie dans ce moment. Même inconscient, il se sentait mieux depuis son arrivée. Son âme le savait. Son corps avait reçu l’ordre de se battre. De ne rien lâcher. Wallace était un Hayes, et il n’allait certainement pas sortir perdant de ce combat. Pas avec son père à ses côtés. Petit yeux qui s’ouvraient, il était confus de ne pas tout retrouver d’un coup. Ses sens lui jouaient des tours. Les choses ne fessaient pas sens. Mais c’était étonnamment pas si perturbant que cela. Pour le moment du moins.

Wallace voyait les son père, voyait ses lèvres bouger, même sans bien l’entendre, ni assimiler ses paroles, il savait qu’elles étaient pour lui, qu’elles étaient là pour le soutenir. Et sentir sa main sur son front, c’était tout ce qu’il avait besoin. Il aurait envie de le prendre dans ses bras, si fortement, mais il n’arrivait pas à bouger, pas pour le moment. Alors il se contenterait de le faire avec ses yeux. Des mots, une voix roque, il essayait de communiquer avec tout le mal qu’il avait. Son audition lui revenait de plus en plus, tout comme sa vision. Voir son père dans un tel état lui faisait monter de la panique. Que lui arrivait-il ? Était-il malade ? Lui qui n’était pas facile à montrer ses émotions, que lui arrivait-il ? Wallace ne comprenait pas.

Tout va bien se passer maintenant ? Pourquoi ? Tout ne se passait pas déjà bien ? Totalement confus, il ne comprenait pas ce qu’il lui disait. Tant de question, avant que son esprit n’essaye de retrouver la piste. Même en voyant le métal sur le côté, son cerveau n’était pas encore prêt à l’assimiler. C’était presque normal, ça ne faisait pas si bizarre. Mais sa cervelle était bien trop en retard, elle ne fonctionnait plus bien. Il venait ensuite répondre. « Je… Non... » Il avait eu un accident ? Mais pourquoi s’en souvenait-il pas ? Avant qu’un flash lumineux ne surgisse dans sa mémoire. L’image d’un phare bien trop rapide, du coin de l’œil, avant de perdre cette vision. Ce souvenir qui lui donnait une frousse, qui venait lui parcourir l’échine et lui donner un sentiment de peur et de panique immense. Il commençait à bouger la tête frénétiquement, la gravité commençait à s’encrer dans sa tête. « Accident… Je… Je me souviens d’un phare… » Il tournait la tête, ses yeux étaient bien trop secs pour réussir à faire couler les larmes qui voulaient monter et se libérer. « Papa… Pourquoi je sens rien ? » Il continuait de le fixer, il ne voulait pas parler aux médecins, mais à son père. « Je me sens bizarre, ça va pas... »

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Le trop plein d’émotion me submerge et je me retrouve face à une situation que je n’aurais jamais cru connaître un jour : ne pas savoir quoi faire. Je suis noyé par mes sentiments qui remontent, par le soulagement de le voir enfin ouvrir les yeux, par la joie de comprendre qu’il sera toujours parmi nous, par la fierté de le voir se battre pour rester des nôtres. D’abord figé en remarquant ses mouvements, je me rapproche ensuite de lui, avec la force de faire seulement deux pas au risque de m’effondrer. “Ne t’inquiète pas…Tout va bien…” Lui soufflais-je doucement d’une voix grave et brisée en caressant sa tête et ses cheveux. J’ai l’impression de revenir sur terre à présent que je pouvais me rapprocher de lui et le toucher.

Je remarque la panique dans son regard, l’incompréhension et cette sensation de vide qui le traverse alors qu’il a à peine ouvert les yeux. Je sens les miens se remplir de larmes, je ne sais même pas comment lui expliquer la situation, pour la première fois de ma vie, je manque de courage. En réalité, je refuse surtout de voir de la tristesse dans ses yeux, Prêt à lui répondre, je remarque les médecins qui approchent et comprend ensuite la panique sur le visage de mon fils. Je continue à doucement lui caresser les cheveux et refuse de les laisser l’approcher tant que je ne vois pas d’approbation dans ses yeux. “Les médecins vont juste vérifier que tout va bien, d’accord ?” je lui demande d’une voix plus douce que précédemment. Je me rapproche d’avantage et c’est avec un sourire en coin, le premier depuis des jours que je lui murmure tout doucement.  “Juste quelques contrôles… Je reste à côté de toi, promis.” Lorsque Wallace acquiesce enfin, je lâche un soupir de soulagement et me pousse, laissant les médecins font leurs boulots.

Les médecins s’attardent un peu et font toutes les vérifications nécessaires pour s’assurer que mon fils ne court plus aucun danger. Je remarque mes mains qui tremblent et mon cœur prêt à exploser dans ma poitrine, je suis incapable de maitriser ses émotions, et pourtant, je refuse de craquer en sa présence. Je passe nerveusement une main sur mon visage et attend que les médecins nous laissent pour rapprocher une chaise de son lit et m’y installe. Nous devons avoir une discussion, il faut que je lui dise. “Je suis très fier de toi, Wally...” Il est toujours allongé et j’ai volontairement choisi le côté droit pour que je puisse lui prendre la main. “Extrêmement fier. Tu t’es battu mon garçon et…Ce n’était pas facile, mais tu es là, parmi nous.” Nous avons failli le perdre. Il a failli y passer et juste en y repensant, je sens mon cœur se décrocher de ma poitrine et se briser en mille morceaux. Les mots me manquent, je ne sais même pas lesquels utiliser. “Je… Tu me fais perdre mes mots, ce n’est pas simple du tout ce que j’ai à te dire...” je dis en serrant sa main d’avantage et en fermant les yeux. C’est à moi de le dire. Allez. Je prends une inspiration, une inspiration profonde qui me remplis les poumons d’air. “Ton accident a eu des conséquences assez grave et…” je marque un temps de pause, fermant les yeux quelques secondes. C’est si difficile à prononcer, je m’en sens incapable. Je prends une profonde inspiration avant de me lancer, je e sentirais mieux ensuite. “Il a fallu t’amputer.” Voilà, c’est dit. La bombe est lancée. “Un bras bionique a été installé à la place, Wally, je suis...” Tellement désolé. Je ne sais même pas quoi ajouter d’autres, je me sens incapable de dire le moindre mot. L’émotion me gagne et j’en perds ma voix. Je serre encore plus sa main dans la mienne, signe de tout le réconfort que je peux lui apporter.

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Entendre de son père que tout allait bien se passait était primordial. Il n’avait plus beaucoup de force, mais il venait puiser celle de son père, à ses côtés. C’était la raison pour laquelle il tenait encore. Qu’il s’accrochait toujours aussi férocement à la vie. Il n’était pas seul, il était bien entouré et le premier et le plus important de cet entourage était déjà à ses côtés à le surveiller. Rien de mal ne pouvait arriver s’il était là, pas vrai? Il venait lui faire comprendre d’un petit geste de tête qu’il avait compris avant de se laisser faire, sans comprendre totalement ces tests. Il cherchait juste du regard son père. Les minutes paraissent si longues. Mais venait enfin le moment où il pouvait parler un peu plus avec lui, où les tests étaient enfin finis et qu’il pourrait avoir un peu de discussion, comprendre finalement…

Un petit sourire au coin de ses lèvres se formait. L’écoutant, entendant qu’il était fier de lui. Il sentait un sentiment de fierté, quelque chose de chaud, de bon grandir dans sa poitrine. Il était content que son père lui dise ces mots. Des mots si importants pour le garçon, presque crucial pour la suite. Il en avait tant besoin. “Je me suis battu ?” Contre quoi? Il comprenait bien que quelque chose n’allait pas, mais pourquoi devait-il se battre? C’était cette partie qu’il n’avait pas bien saisi. Il se souvenait des flashs d’un accident. Mais pourquoi était-il si important ? Il n’avait rien non? Alors pourquoi n’allait-il pas sortir d’une minute à l’autre ? Il laissait son paternel continuer. Quelque chose de terrible allait suivre.

Pourquoi ce n’était pas simple? Il n’avait qu’à les dire non? Wallace ne comprenait pas, pensant que son père en faisait des caisses mais il était bien loin, très loin du compte. il sentait le contact chaud de sa main  se refermer autour de la sienne, il venait y puiser de la chaleur, il venait récupérer à nouveau de la force à travers lui. Avant de se faire assommer. Des conséquences graves ? “Des… Conséquences graves?” Il n’était pas mort? Bien que cette pensée le traversait quelques secondes, c’était impossible. Il était bien là, à continuer de converser avec son père. Il sentait les choses, il avait encore ses sens. Alors, qu’avait-il pu bien se passer ?

Non. Il s’était trompé, ce n’était pas possible. C’était surréel. Il fronça le regard, avant de lui dire, voix encore un peu trop roque. “Voyons papa, c’est pas possible” Il venait le regard avec un peu plus d’envie de le regard, avec un peu plus de vie qui remontait en lui, d'énergie qui reprenait le bon chemin. “Amputer ? Mais je le sens, je sens mes deux bras, c’est pas possible regarde…” Il regardait son premier bras, celui avec lequel il tenait son père, avant de se tourner et de voir à nouveau le bras métallique. Bien que la première fois l’assimilation ne s’était pas faite dans son cerveau. Ici, elle frappait un grand coup et sa tête venait se nicher au fond de son oreiller. Regardant le plafond, comprenant enfin tout. L’impression de couler, de s’étouffer, d’avoir la vision qui se rétrécissait. Son cœur se serrait si fortement qu’il en avait mal. Ses yeux bien trop asséchés commençaient à virer au rouge, ses traits du visage se déformaient avant qu’il ne commence à sangloter. “Pourquoi? Pourquoi moi?” Il n’arrivait pas à monter sa main pour venir essuyer les rares larmes qui sortaient, alors c’était encore moins avec le bras bionique qu’il allait réussir. “Qu’est-ce que j’ai fait de mal?” demandait-il, finalement…

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Vivre un accident est un événement déstabilisant et traumatisant. Je n’aurais jamais cru que j’y serais confronté un jour au travers de mes enfants. En une fraction de seconde, Wallace a vu sa vie basculer, il est passé d'un voyage tranquille à l'obligation de faire face à l'indicible. Mon garçon, mon jeune cadet… La mienne aussi a basculé, d’une toute autre façon certes, mais elle ne sera plus la même. J’étais passé par un tas d’émotions indescriptible, on se sent choqué, effrayé, inquiet ou désemparé pour celui que l'on aime, pour mon fils, pour la chair de ma chair. “Wallace…” je finis par murmurer, la voix brisée. Difficile pour moi de contenir mes émotions à ce moment-là, l’indifférent, l’impassible succombe à sa douleur et je me lève, m’approchant de lui pour aller déposer un baiser sur son front. Il suffit d’un clignement des yeux pour que la première larme roule sur ma joue, avec l’impossibilité pour moi de la retenir plus longtemps. Une larme amère, celle de toute l’inquiétude ressentie ces derniers jours, celle du stress, de l’angoisse, de l’appréhension, celle des battements de mon cœurs trop douloureux à supporter, celle de la panique. D’un geste vif, j’éliminais toute trace d’humidité sur ma joie et repris ma place sur la chaise, à ses côtés.

De nombreuses personnes affirment avoir vu leur vie défiler devant leurs yeux lors de cette expérience terrifiante. Les accidents graves peuvent entraîner des blessures physiques, voire même pire. J’eu envie de croire que le pire est passé, mais pour Wallace, le pire s’apprête à arriver. J’évoque les conséquences graves sans être certain de continuer. Je cherche mes mots, les bons mots, les mots rassurants qui ne le poignarderont pas en plein cœur, les mots qui le réconforteront. Il va sans dire que cet accident a bouleversé la vie de mon fils de manière significative et permanente. Mais il va se battre, il va continuer sa vie et il va avancer. Tout ne s’arrêtera pas là, je veux qu’il prenne sa revanche sur sa vie, sur son destin, qu’il lui montre ce dont il est capable. L’entendre me questionner sur la raison, la raison que ce soit lui, sur ce qu’il a fait de mal finit de m’achever. Les contractions de mon cœur sont si douloureuses, que j’aimerais crier mon désespoir face à cette situation. Wallace a peur et éprouver ce sentiment après une telle épreuve est normal, il prend à peine conscience de ce qu’il lui arrive. Tous ses repères sont brutalement remis en cause, et ce changement est extrêmement difficile à assimiler.

Savoir qu'une personne qui nous est chère souffre à la suite d'un accident est dur, très dur, extrêmement dur. Je me devais néanmoins de lui montrer que je comprenais sa situation, que j’avais beaucoup d’empathie pour lui, bien qu’il me soit difficile de la traduire par des mots. Je crois qu’il n'existe pas de mode d'emploi pour ce type de situations, bien qu’il m’aurait été très utile, car je me retrouve totalement dépourvu. “Tu n’as rien fait de mal mon champion…” soufflais-je doucement en caressant le dos de sa main. Mon regard déborde de tristesse, mais je refuse de le laisser la voir. Il va être fort, nous devons tous l’être. Alors, avec plus d’assurance, je relevais les yeux à la recherche des siens. Je laisse tomber le voile et le laisse voir tout le réconfort que je pourrais lui apporter. “Tu es quelqu’un d’incroyable Wallace et je crois en toi.” Mes mots d'encouragement peuvent lui remonter le moral et l'aider à se concentrer sur les points positifs plutôt que de s'attarder sur ses blessures ou les dommages subis, mais je peine à les trouver. Ma main monte doucement jusqu’à sa joue, essayant la perle de larme qui y coule. “Je suis là, je vais t’accompagner, je vais faire tout ce que je peux pour t'aider, et tu vas surmonter tout ça.” L’encourageant alors, je serrais plus fort sa main dans la mienne. Je déposais ensuite un baiser sur son front tout caressant doucement ses cheveux. Il va s’en sortir, bien sûr qu’il s’en sortira. “Tu pourras bientôt rentrer à la maison et reprendre ta vie exactement là où tu l’as laissé. Tout le monde a hâte de te retrouver.” Je continue, sur un ton réconfortant. A présent qu’il est réveillé, tout rentrera dans l’ordre, j’en suis persuadé.

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