a life, a story

Le rêve californien. Ce n’est pas tout à fait ce que tu imaginais, n’est-ce pas ? Rassures toi, tes parents non plus.
Ils pensaient juste vivre des jours meilleurs, bien que tout allait pour le mieux en Angleterre, quand on y pense.
Hélas, la vie ne se passe pas souvent tel que l'ont vous l'annonce. On vous vend du rêve, des espoirs…et puis un jour, ça part en couille. Et plus personne. Même “Maman” disparaît du jour au lendemain. Et comme ce n’est pas assez, elle pousse le vice jusqu'à choisir entre toi et ton frère pour l’accompagner vers sa prochaine destination. Si ça peu te réconforter, elle a toujours été un peu folle, ta mère. Menteuse, manipulatrice, insatisfaite, infidèle, lâcheuse…la liste est longue. Bien évidemment, il te reste la figure paternelle: un homme à la psychologie fragile qui s’est retrouvée du jour au lendemain larguée comme une vieille chaussette malodorante dans le coin d’une chambre. Un homme au fond du trou et qui trouve toujours une solution dans le fond d’une bouteille, mais lorsque celle-ci est vide…Ô surprise ! Il n’y a rien, si ce n’est la lueur d’un regard, celui du démon qui vous promets monts et merveilles.

Finalement, il n’y a plus rien qui puisse te faire rêver en Californie…ni autre part d’ailleurs ?

Alors tu te contentes de ton quotidien: les études, gérer le caractère fluctuant de ton papounet…sans oublier tes propres humeurs. T’es qu’une boule de nerf, derrière tes airs d’adolescent paumé. Tu serais capable d’en vouloir à la terre entière, mais au lieu de ça, tu te fais discret et tu t’efforces d’embellir la réalité, ignorant ce que disent les autres…car le voisinage sait parfaitement ce qui se trame entre les quatre mûrs de cette maison que ton père ne pourra plus assumer. En fait, tu ne comptes que sur toi-même et peu importe les moyens que tu mets en œuvre pour garder la tête hors de l'eau et faire…semblant. Mais tu sais…un jour, tu devras voir les choses en face et tu ne trouveras plus d'excuses.

Malgré tout, tu te marres pas mal. Cela pourrait même être assez mal interprété, dans le genre : il se fout de ma gueule, celui-là. Alors qu'en vrai, tout te parait si anodin avec tout ça. Les risques, tu sais les prendre, car rien n'est jamais "si grave". À se demander même ce qui pourrait t'inquiéter, mais ça toi seul le sait. Au pire, comme le dit ton père: ça va s'arranger.
Et tu le crois ? Bien évidemment, car c'est la seule chose qui te reste dans cette ville…même dans ce monde peut-être. Bizarrement, tu as de l'affection pour cet homme, quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, ce ne sera jamais entièrement de sa faute. Le pauvre. Après tout, c'est normal, c'est la famille.

Et ce sentiment de tout envoyer valser. Tu le connais, n'est-ce pas, dans les moments critiques. Quand ça te dépasse. Toi aussi tu rêves, par moment d'une vie autre celle-ci…on parlera de futur à ton âge. Un futur que tu imagines et qui te réconforte: toi, avec quelques années de plus, vivre de tes "horror story" qui ne vont pas plus loin qu'une note dans un fichier d'ordinateur. C'est donc ça qui t'anime encore aujourd'hui: les Stephen King, les Lovecraft, les Bram Stoker…de l'horreur fictive pour oublier l'horreur réelle et ce dire encore une fois: il y a pire. J'en conviens, c'est mâlin…et sans doute efficace, mais ne te perdrais-tu pas un peu dans cette sorte d'auto-manipulation ?

L'amour propre dans tout ça ? Tu me diras, comment en avoir quand on sait que l'on a été un jour délaissé par sa propre mère, par simple choix. La question éternelle: qu'avais-tu de moins ? Apparemment, tout. Y a t-il quelqu'un qui tienne à toi dans ce monde ? Ton père, peut-être…mais dans ce cas, pourquoi ne trouve-t-il pas la force de se hisser dans cette sphère infernale ? Oh…désolé. Ça te blesse, mais justement. N'est-ce pas ce que tu aimes ? Après tout, je ne suis que ta conscience.

Et les autres dans tout ça…
Tu dis t'en moquer, mais tu sais à quel point le jugement est lourd et ce dès que tu passes le seuil de la porte. Tu es le fils de l'autre soulard, le pauvre gamin qui gère son père complètement bourré à l'autre bout de la rue, tu es celui que l'ont plaint, mais pas seulement…t'es celui qui finira mal, celui dont le destin ne sera que la triste reproduction de l'exemple parentale que tu as. Bien sûr, les gens font les compatissants derrière leur fenêtre au rideau tiré, mais pas de pitié…toi aussi, ils veulent te voir foutre le camp du quartier et le moindre faux, la vieille d'en face ( tu sais, celle qui te souriait et qui demandait des nouvelles dans le seul but d'ébruiter les ragot. ) n'hésitera pas à te pointer du doigt.
T'en es conscient. C'est le principal, alors tu arbores un sourire, avant de lui montrer ton meilleur majeur, bien dressé: Quel insolent ! Grossier en plus du reste ! C'est sûr, tu finiras mal. Que vas-tu provoquer ces gens-là ?
C'est donc ça, cette méfiance. Voir les autres comme des diables. Serait-ce la raison de ta solitude ? Celle de tes amitiés éphémères et de tes animosités persistantes ? Un faible, mais qui n'acceptera jamais une défaite sans avoir au moins rendu un coup. Il y a des jours, tu as la gueule d'un boxeur…ou bien d'un emmerdeur.

Mais un jour…tu verras, tout s'arrangera. Il faudra seulement être prêt au sacrifice et comprendre qu'il faut parfois avancer, sans se préoccuper de ce que tu laisseras derrière…tu sais, un peu comme ta mère, il y a maintenant huit ans.

Et sur ce…Joyeux Anniversaire, Dustin Bates. Souffle, fais un voeux. Sur un malentendu, ça peut marcher.

-Alors…ça te plait ? Te demande, Ronald.
- Merci…c'est… exactement ce que j'voulais. Tu lui réponds, tenant dans tes mains une boîte de maquette de dinosaure. Bien évidemment, tu n'as jamais demandé ça. En plus, ça ressemble étrangement au cadeau de l'année dernière, mais inutile de montrer des doutes. Ton père semble dans un bon jour, inutile de le contrarier.
- Et encore un autre… Un deuxième ? Peut-être une autre maquette identique à la première. Non, je plaisante.
-C'est…des… Tu portes un regard à la fois surpris et mal à l'aise, soulevant une série de préservatif.
-Ouais, je sais…c'est spécial. Mais à ton âge…je sais que c'est le genre de chose qui travail et vaut mieux que tu te protèges. Je ne savais pas comment l'aborder…

En effet, rien de tel qu'un anniversaire et un peu de papier cadeau.

-P'pa…c'est…
-C'est des tailles standard. Conseil de la pharmacienne…
-Non, c'est pas ce que…mais okay…bref…passons au gâteau. Quoi t'es pas content ? Un peu déstabilisé peut-être. Tu préfères sans doute quand ton père ne joue pas au parent model et se contente de se foutre de tout. Je comprends.
-Le gâteau…ouais…le gâteau… Ne me dit pas qu'il a oublié le gâteau. Tu le vois chercher du regard. Si, il a oublié le gâteau. Mais pas de panique, chez les Bates on s'arrange toujours. Et le voilà qui part dans la cuisine. Tu entends les portes de placards s'ouvrir et se fermer. En attendant, tu jettes un oeil sur tes cadeaux. Bordel, des capotes, c'est quoi cette idée ?
-Attention ! Joyeux A-nni-ver-saire ! Il revient, avec une assiette et une pile de cinq pancakes industriels, planté d'une bougie…de ses 14 ans. C'est mieux que rien…et on va dire que ça fait des souvenirs. Allez. Souffles…et oubli pas. Fais un voeux.

C'est ça. Un voeux. Tu souffles, mais t'en penses pas moins. Le vœux de l'année dernière, tu l'attends toujours. En même temps, la vieille d'en face est encore en sacré forme pour passer l'arme à gauche.
Bref. C'était pas si mal pour un anniversaire de dernière minute. Ensuite, chacun dans son coin. D'un côté, un père avec la sensation d'avoir effectué son devoir de père et de l'autre, un fils qui préfère passer à autre chose.