La journée a été un chaos bien organisé, un peu comme un opéra où chaque note se veut parfaite, mais où tout sonne faux. Tu es partie de chez toi ce matin pleine d’espoir, convaincue que les étoiles alignées allaient faire de cette journée un moment marquant de ta carrière. Mais voilà, les étoiles, ce soir, semblent plutôt s’être effondrées dans un ciel grisâtre, laissant derrière elles une traînée de frustration et d’épuisement. Le dernier mail de ton client, celui qui semblait écrit pour te faire douter de tes propres compétences, t’a achevée. Un ton sec, des demandes absurdes, et cette phrase: ‘Peut-être devrions-nous envisager un autre avocat ?” - un poignard dans le coeur, mais avec un sourire corporate. alors, en fin de journée, au lieu de reprendre ta voiture pour rentrer chez toi, tu as simplement jeté les clés dans le tiroir de ton bureau et tu es sortie. Pas besoin de verrouiller ta voiture. Personne ne viendra te la voler, là où elle est garée.
Tu décides de marcher. A quoi bon t’enfermer dans cette boîte métallique pour affronter les embouteillages et rentrer chez toi dans une humeur encore plus sombre ? Tes talons claquent sur le trottoir, mais tu n’as pas envie de rentrer tout de suite. Il te faut un peu d’air, un peu de calme, ou même un peu de chaos, mais un chaos qui ne soit pas lié à des contrats ou à des dealines absurdes. Tu t’enfonces dans les rues de Monterey, ce petit coin de Californie qui mélange les maisons aux façades en bois pastel et les échoppes à l’ancienne. L’air est chargé d’humidité ce soir, et l’odeur saline de l’océan s’invite dans tes narines comme un rappel que tu es vivante, malgré tout. Le ciel est encore teinté d’orange au loin, mais les ombres s’allongent, et les réverbères commencent à projeter leur douce lumière sur les trottoirs.
Tu t’arrêtes un instant devant une vitrine. C’est une boutique de fleurs où tu passes souvent sans t’arrêter, mais ce soir, quelque chose te retient. Les bouquets soigneusement arrangés semblent presque respirer derrière la vitre. Un lys blanc te regarde, majestueux, presque insolent dans sa perfection. Tu te demandes si acheter des fleurs pour soi-même est un acte de mélancolie ou de triomphe. Mais tu ne t’attardes pas. Pas ce soir. Et tu pars, en laissant le lys à ses admirateurs invisibles. Ta marche te guide sans vraiment d’objectif, et tu réalises que tes pieds te ramènent presque instinctivement vers ton quartier. C’est un peu absurde non ? Tu voulais t’échapper, et te voilà à revenir sur tes propres traces. Mais peut-être est-ce justement cela, le secret: revenir aux endroits qui te connaissent, aux ruelles qui ont été témoins de tes fous rires, de tes hésitations, et parfois même de tes larmes.
En passant devant ce petit café où tu as passé tant de samedis matins avec ton journal et un espresso, tu ressens une pointe de nostalgie. Il est fermé à cette heure, bien sûr, mais tu pourrais presque entendre le bruit des tasses en porcelaine qui s’entrechoquent, et l’écho des conversations animées. Plus loin, tu arrives devant le parc, ce petit espace de verdure coincé entre deux immeubles, presque invisible pour ceux qui ne le connaissent pas. C’est la que tu t’arrêtes enfin. Tes pieds te remercient silencieusement de cette trêve, et tu te laisses tomber sur un banc en bois. Le bois est un peu rugueux sous ta paume, mais c’est un contact rassurant. Tu laisses échapper un long soupir, comme si tout le poids de la journée s’échappait enfin de tes épaules. Le vent joue doucement avec tes longs cheveux blonds, et tu te surprends à observer un couple qui marche main dans la main, leurs rire s’envolant dans l’air comme des bulles fragiles. Une autre version de toi, celle d’avant le divorce, aurait peut-être ressenti une pointe d’amertume en les voyant. Mais ce soir, il n’y a rien de tout cela. Juste une curiosité tranquille, une reconnaissance discrète que toutes les histoires sont uniques, et que la tienne n’a pas besoin d’être comparée.
Un bruit attire ton attention. C’est un enfant qui court derrière un ballon rouge, poursuivi par un chien aussi maladroit qu’enthousiaste. Tu esquisses un sourire malgré toi. C’est ça, la vie. Une série de petits moments qui te surprennent quand tu t’y attends le moins. Le banc commence à te sembler trop dur, et tu décides de te lever. Tes jambes protestent légèrement, mais tu les ignores. Le chemin vers chez toi n’est plus très long, et pourtant, tu prends un détour. Tu longes une ruelle étroite, celle que tu évites d’habitude parce que très peu éclairée, mais ce soir, elle te semble plein de promesses. Au bout de celle-ci, tu tombes sur une petite librairie que tu n’avais jamais remarqué avant. La lumière à l’intérieur est tamisée, et une clochette tinte doucement lorsque tu pousses la porte. L’endroit est désert, sauf pour un vieil homme derrière son comptoir, qui te salue d’un sourire chaleureux. L’odeur des livres anciens t’enveloppe, et tu ressens une paix soudaine. Tu te promènes entre les étagères, laissant tes doigts courir sur les couvertures, comme si tu cherchais un trésor sans savoir exactement quoi.
Finalement, ton regard tombe sur un recueil de poésie, un livre qui semble avoir été laissé là pour toi. tu l’ouvres à une page au hasard, et les mots te frappent comme une caresse:
‘Quand les étoiles s’effacent, cherche la lumière dans ton souffle. Quand le monde crie, trouve le silence dans tes pas”
Tu refermes doucement le livre et le poses sur l’étagère où tu l’as trouvé. Ton regard continue de se poser ça et là, puis sur le visage du libraire à qui tu adresses un sourire, avant de t’éloigner et de ressortir de la librairie, sans un mot. Une fois dehors, la nuit est tombée pour de bon. Les étoiles sont bien là, bien sûr, comme toujours, mais elles te semblent moins distantes ce soir. Tu reprends le chemin de ta maison et tu ressens cette étrange légèreté dans le coeur.
T’arrives dans ton quartier, tu passes une main dans tes cheveux, et tu te félicites de ne pas avoir sorti ton portable de tout le trajet. Ce n’est pas dans tes habitudes, mais pendant ces détours pour te ramener dans cette rue que tu connais tant, et dans laquelle tu passes tous les jours, t’as ressenti le besoin de ne plus exister pour tout ce petit monde et de te prouver que sans toi, le monde continue - quand même - de tourner. La journée n’a pas été parfaite, non. Mais elle a été humaine, pleine de petits détours et de surprises. Et dans ce silence chaleureux du quartier, tu te rends compte que c’est peut-être suffisant.
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- - My mind is a place that I can't escape your ghost
Silas Gore
35
feeling free (she)
garrett hedlund.
fassylover (av)
none.
38 années écoulées.
un immense désert. il sait qu’un second amour l’attend ailleurs. un jour, peut-être ?
garde forestier. le métier de toute sa vie, de tout son cœur.
encore trop dur de passer la porte d'entrée et de faire face au silence. alors il alterne, et passe le plus clair de son temps au ranch familial.
Sujet: Re: Pattern of hope | Silas&Daniella Hier à 19:29#
Une journée écoulée, une de plus. Silas a eu l’impression d’avoir cligné les yeux une seule fois depuis ce matin, et pourtant, quand il les rouvre, l’obscurité commence déjà à reprendre le dessus. C’est à la fois fascinant et effrayant. Une vie qui défile, à toute allure, sans compter les jours qui raccourcissent avec l’hiver aux aguets. Tous les jours, il peut observer les changements opérés sur la forêt — l’un des avantages de son travail, selon lui. La nature s’adapte, fait ses réserves et se prépare à affronter une saison plus difficile. Si résiliente. Une véritable source d’inspiration. Et à chaque période, il y trouve des éléments plus merveilleux les uns que les autres. Le printemps restera malgré tout celle qu’il préfère, comme un renouveau.
Ce soir, il est seul. Seul dans la maison aux volets bleus, qu’il aime autant qu’il déteste. Ellie passe une soirée au ranch avec la famille, pendant que son paternel s’octroie un peu de temps pour souffler. Mais l’absence de sa fille laisse une maison amèrement vide. Pas de rire d’enfant, pas d’histoire à raconter, et encore moins un bonne nuit empli de tendresse. Alors comme pour éviter de se retrouver à l’intérieur, Silas décide de se poser sur les marches du perron, débouchant sur un jardinet. Il n’a jamais été frileux, se sentant même revivre quand sa peau refroidit. Peut-être que c’est aussi son amour pour les grands extérieurs qui parle pour lui. Oui, c’est certain. Odie, sa chienne, se trouve à ses côtés, sa véritable ombre. C’est un peu leur endroit favori, comme un couple de personnes âgées sur leur banc. Non pas à surveiller les faits et gestes des voisins, ni à nourrir les oiseaux, mais à s’imprégner d’une ambiance particulière qu’est celle de la rue dans laquelle on vit.
Silas finit par sortir son carnet de croquis, à la couverture noire abîmée par le temps. C’est son jardin secret bien à lui. Il reprend là où il s’était arrêté, pas plus tard que cet après-midi : un immense séquoia, plus majestueux que n’importe quel autre arbre. Celui qu’il préfère. Son stylo à la mine plutôt fine court sur le papier, légèrement texturé. C’est une sensation qui le réconforte, mais surtout qui l’extrait des maux de la vie. Une parenthèse accueillie à bras ouverts. Il n’oublie pas de poser des mots sur ses pensées, qu’il note dans un coin de la page.
L’homme lève son crayon quand il pense entendre des pas. Il parierait sur des talons, qui avancent à une allure modérée. Et bien vite, il l’aperçoit, cette femme qu’il voit passer de façon régulière dans la rue. Il y a eu des sourires, des échanges mais tout par des regards. Comme une petite routine, leur routine, qui apporte cependant de la lumière aux journées moroses. Posant son carnet sur la marche, Silas lève soudainement son mètre quatre-vingt-dix et avance de quelques pas dans sa direction. Seule la clôture blanche les sépare. « Excusez-moi. Bonsoir. » qu’il lance de sa voix grave. Les premiers mots qu’il lui adresse. « Est-ce que je peux vous faire patienter quelques secondes ? J’ai quelque chose pour vous, à aller chercher à l’intérieur. » Cette idée qui lui a traversé l’esprit dès lors qu’il l’a entendue échanger au téléphone devant chez lui. Silas, c’est aussi parfois ce type aux allures mystérieuses qui peut surprendre. Imprévisible, il l’est totalement. Et quand il la questionne, son regard n’a pas quitté le sien.