Si on lui avait dit que cela se finirait ainsi, il dirait qu'il ne l'avait pas vu venir. Puis, il serait devenu incohérent avec ses paroles, parce qu'après la tromperie de Soleria, quelques mois plus tôt, Aiden savait. Il savait que cela arriverait. Il avait perdu confiance en elle, et même s'il s'était battu pour récupérer leur couple, en particulier à cause de son accident cet hiver, cela n'avait pas suffi. Une fois la période de convalescence passée, Aiden était retourné dans le travail pour oublier sa douleur. Il avait fait le contraire de ce qu'il fallait pour sauver son couple. Il avait tenté de l'emmener au restaurant mais il avait eu dû mal à trouver des sujets de discussion avec elle à cause de la tension qui planait entre eux. Dès qu'il se passait quelque chose dans la maison, ils haussaient le ton en présence ou non des enfants. Longuement, il avait discuté avec Alban, aussi avec sa grand fille qui avait très bien vu la situation dégénérer. Il avait tenter d'en discuter avec Eilidh à l'époque, qui l'avait aidé mais cela ne s'était pas forcément passé comme prévu. À la base, il avait trouvé de quoi recoller les morceaux mais tout avait volé en éclats quand il avait découvert que le mec qu'elle s'était tapé n'était autre qu'un homme, un ami, qui lui avait tourné autour pendant tant d'années. La douleur fut si vive qu'Aiden se rendit à son travail et manqua de le frapper sur place. Au lieu de quoi, Aiden finit par le menacer malgré les provocations. S'il perdait son sang-froid, il savait que cela remonterait et cela viendrait sûrement entacher sa carrière. Mais cela avait ravivé les tensions avec Soleria jusqu'au soir de trop, jusqu'à la dispute de trop où chacun prit ses affaires de son côté. Quelques jours plus tard, ils prenaient la décision de divorcer, entamant une longue procédure. Ce n'est qu'il y a quelques jours que les deux ont officiellement divorcé. Ils avaient décidé de vendre la maison et de prendre chacun un appartement étant donné qu'aucun de leur enfant ne vivaient encore sous leur toit.

Ce soir, Aiden avait quitté le travail tard. Il avait travaillé sur une affaire entre narcotrafiquants et disparitions, obligé de travailler aux côtés de sa femme. Les rapports étaient restés cordiaux, tendus et la journée l'avait finalement épuisé. Il avait poussé un immense soupir de soulagement en arrivant dans la voiture, content d'avoir fini sa journée. Il n'avait pas l'intention de rentrer chez lui : il irait voir son fils ce soir. Soleria et Aiden avaient mis au courant leurs enfants, plus ou moins, de leur séparation. Mais aucun n'avaient eu une vraie discussion avec leurs enfants. Aiden estimait que c'était le moment. Il tourna la clé de sa voiture et roula jusqu'au centre-ville, s'arrêtant devant l'immeuble de son fils. Il grimpa les marches doucement, prenant le temps de réfléchir à ce qu'il allait lui dire. En arrivant devant sa porte, il se rendit compte qu'il n'avait même pas envoyé un message à son fils pour le prévenir de son arrivée. « Merde. » Finalement, tentant le tout pour le tout, il frappa. « Cillian, c'est moi. » Il se frotta les mains de stress jusqu'à ce que la porte s'ouvre. « Ah, tu es là. Désolé, je ne t'ai pas prévenu avant de passer, je suis venu spontanément. Tu es dispo ? » Il n'ajouta pas la phrase qu'il aurait aimé dire, mais qui stresse tout le monde : Il faut qu'on parle.

Une corde est pincée, un son résonne. Ce n'est pas désagréable. C'est différent, bien entendu. Mais bon, il y a une grande différence entre un piano et une guitare folk – à part que les deux instruments soient à corde, bien que ces deux instruments divergent dans la mécanique de la vibration produisant le son. Le son est différent, aussi. Mais cette note lui arrache un sourire. C'est agréable. Très agréable. À nouveau, une corde pincée. Nouvelle vibration qui résonne.

Sauter le pas n'avait pas été simple. A-t-il la chance d'avoir un véritable piano ? Un coup de chance. Sa coach vocal – une amie, à force de passer du temps avec elle – lui a donné il y a quelques années ce piano droit. Un peu vieux, qui demande un certain entretien. Mais il n'avait pas eu à payer grand chose – par rapport aux prix du marché. Les raisons ? Un nouveau. Sans doute le changera-t-il, quand il aura lui-même suffisamment d'argent. Cette guitare est là aussi un coup de chance, de la même nature, bien que celui-ci ne lui a rien coûté. Un cadeau d'anniversaire en avance – le mois d'Octobre se termine bientôt, la fameuse date arrivant. Un ami, qui l'avait entendu dire qu'il serait intéressé par apprendre un tel instrument.

Un cadeau, qui n'a pas été acheté. Là encore, un cadeau qui passe d'une main à l'autre, utilisé. Mais qu'importe. Cela n'a pas véritablement d'importance. Oh, le clan Adelson n'a pas de véritables difficultés. Mais les fourchettes de prix sont toujours élevées. Et la vérité est que le jeune homme sait très bien jouer aux étudiants avec suffisamment de sous pour payer son loyer, sa bouffe et une partie de ses loisirs, mais qui doit toujours réfléchir longuement à ce qu'il doit faire.

Ah mais attendez. C'est vrai. C'est un étudiant avec suffisamment de sous pour payer son loyer, sa bouffe et une partie de ses loisirs, mais qui doit toujours réfléchir longuement à ce qu'il doit faire.
Et demander à ses parents de l'aide pour payer quoique ce soit n'a jamais été sa façon de faire – et ne le sera pas à l'heure actuelle. Surtout pas à l'heure actuelle. L'annonce de leur séparation avait fait l'effet d'une bombe au sein du cercle familial, certains ayant réagi de façon plus instinctives que d'autres. Quant au plus jeune de cette fratrie Adelson, encore maintenant il ne sait pas réellement comme réagir. Savoir que ses parents se séparent a été une annonce étrange …
La surprise était-elle pleinement présente … ? Non. Dire que cela ne l'avait pas touché serait faux. Mais, la vérité est que les choses ne semblaient pas être simples. Agréables. Non, la vie de famille n'était pas une véritable catastrophe – en tout cas, à première vue. Mais les signes étaient présents – et Cillian a toujours eu une certaine perception pour ce genre de choses, même durant l'enfance. Alors … Une surprise sans en véritablement une.

Il aurait pu demander. Directement ou non. Savoir auprès de Caleb. Savoir auprès d'une autre personne. Mais même auprès de ses sœurs, il n'a pas demandé. En grandissant il a compris une chose : s'il ne souhaite pas que l'on fouille sa vie privée, il est préférable de ne pas faire la même chose. Rien n'est simple. Et demander à quelqu'un d'extérieur serait le meilleur moyen de jeter de l'huile sur le feu – car cela ne serait que sa propre vision de la chose. Demander à une seule personne du couple ne serait qu'avoir sa version. Une histoire d'amour se construit à deux – ou à plus, parfois. Elle se brise à deux – ou à plus, parfois, là encore.

Pourquoi penser à cela, outre le sujet de l'argent ? Car des coups à sa porte résonnent, accompagnée d'une voix. Surpris, il dépose la guitare sur son support – près de son piano, justement – avant d'avancer vers l'entrée. Déverrouillant celle-ci, Cillian ouvre alors. Le jeune homme – vêtu d'un veston sans manche, d'une chemise et d'un pantalon, ayant abandonné la veste sur une chaise – regarde alors son père. « Eh, salut. T'inquiète pas. Tu as de la chance, l'un des cours a été annulé. » Le même jour, la semaine dernière, il aurait attendu encore deux heures avant son retour. Emploi du temps chargé, étudiants en quête de meilleures notes. Tout ça.

Un mouvement. Une bise familiale.

Puis, il entend la question. Ouvre un peu plus la porte pour l'inviter à entrer. « Oui oui, entre. » Il avance, le laissant fermer derrière. Toujours le même chaos ordonné. Il sait où sont les choses. Il se rappelle de ce qui est quoi. Un chaos, oui. Mais pas le genre de chaos qui abîme les livres ou les papiers. Et un chaos qui n'est pas perpétuel : sa bibliothèque est plutôt bien rangée, par exemple.
Approchant de la table basse, il récupère des pages agrafées, ainsi qu'une pochette transparente, contenant semble-t-il quelques dessins. « Comme d'habitude, certaines choses ne changent jamais. » Ce n'est pas comme s'il fonctionnait autrement, de toute façon. Il aime son chaos. Il le comprend. Il sait le lire. L'interpréter. Puis, le plus souvent, personne ne vient chez lui. Une habitude : il est celui qui vient voir la famille, il est celui qui vient faire la fête chez les amis. Rarement, cela arrive que ce soit l'inverse – il y a peu, c'est arrivé. Cela recommence, sauf que ce n'était pas prévu.

Ne t'inquiète pas, a-t-il dit. Il n'allait pas l'engueuler de ne pas avoir prévenu. Et les parents ainsi que la fratrie ont toujours des autorisations particulières. En tout cas, ils se les donnent.
Mais la période est particulière, donc. Rien ne vient troubler cela. Car il a remarqué la fatigue.

Léger sourire dans sa direction. « Installe toi. Tu veux boire un truc ? » Café ? Soda ? Thé ? Un truc plus fort ?
Bon. Il a le droit d'en avoir. Acheter, plus difficile. Plus pour longtemps, donc bon.

Calme, il semble l'être. En fait, ce n'est pas inhabituel. Oh, il n'est pas si différent des autres Adelson. Mais il a toujours eu ce visage tranquille. Qui est de circonstance à l'heure actuelle. Véritablement, de circonstance.