Depuis son réveil qui avait été marqué par le bruit des voitures dans le centre-ville, il s'évertuait à déballer chaque carton un par un. A vrai dire, si ça n'avait tenu qu'à lui il pouvait vivre encore quelques semaines dans les cartons… toutefois Uli, prenait un malin plaisir à les décortiquer pour les disperser dans tout l'appartement. Il faut dire qu'elle avait un passif avec les cartons. Finalement, Jay avait tout de même plus d'affaires à son retour, à croire que les quelques mois passés loin de tout lui avait permis de commencer à s'ouvrir à nouveau. La veille il avait eu le courage de brancher son téléphone, histoire de recharger la batterie sans pour autant oser encore l'allumer… bientôt se promettait-il… lundi..

La lettre était également posée à côté du téléphone, légèrement froissée à force de lire chaque ligne. Il n'avait pas été à la hauteur de sa promesse… ni d'elle d'ailleurs, mais il ne pouvait pas rester caché indéfiniment et encore moins ignorer de nouvelles pistes. Il avait senti tout à coup le museau de sa chienne contre son bras puis le bruit de la laisse qui tombait sur le parquet. Du haut de ses 5 mois, sa patience dans cet appartement était arrivée à bout et il était plus que temps d'aller se changer les idées au grand air comme ils en avaient eu l'habitude ces derniers mois.

La plage le matin n'était pas suffisamment fréquenté pour recevoir des reproches à laisser son chien en liberté. Jay avait enfin retrouvé le calme, les jappements joyeux d'un chiot, heureuse de retrouver une sensation de liberté à courir après sa balle sur le sable avait même fini de le sortir de sa torpeur... pour le moment. Un sourire s'étirait sur le visage de Jay et quelques pattes d'oies commençaient à apparaitre aux coins de ses yeux lorsque Uli commença à jouer à travers les vagues. Ebloui à cause du soleil, il avait mis ses mains au-dessus de ses yeux au moment où il aperçut sa chienne sortir à toute vitesse pour venir le retrouver avant qu'elle ne prenne un temps d'arrêt pour se secouer juste à côté d'une silhouette féminine. Le jeune homme sifflait la chienne en la reprenant dans l'espoir de la stopper dans son élan tout en se mettant à courir pour se rapprocher devant l'incident inévitable.

Le jeune homme eu l’occasion de prendre toute l’ampleur de ce moment, il y avait toujours deux catégories de personnes. Ceux qui pouvaient comprendre l’agitation d’un jeune chiot et ne pas prendre ombrage d’un éclaboussement malgré l’aspect désagréable et l’autre partie qui poussait immédiatement au scandale. Jay n’avait rien contre eux non plus, tout le monde n’appréciait pas les chiens et il respectait cela, mais un premier soulagement opéra en lui à la vue de cette jeune femme qui s’agenouillait pour la calmer.

Il s’empressa de faire quelques enjambées plus grandes pour les rejoindre avant de se stopper net, son regard se figea sur celui de la jeune femme, sa voix qui résonnait dans son oreille. Le temps se mis en suspens et il ne saurait dit combien de temps il mit pour lui répondre. De toutes les personnes qui vivaient dans cette ville, la première qu’il rencontrait était-elle. Un coup du sort pour lui faciliter la tâche ? Le karma qui se jouait de lui après ses mois d’absence et de silence ? Ce qui était indéniable, c’est que sa vue lui faisait prendre davantage conscience que ce bout de femme lui avait manqué. « Candice… j’aurais dû savoir que tu venais toujours courir » finit-il par répondre avec un léger sourire coupable aux lèvres.  Le regard de Candice continuait d’attendre une autre réponse, celle-ci tournait dans sa bouche avant de finir par déclarer la vérité, après tout il avait beaucoup de choses à lui dire « Il était temps que je sorte de mon silence, tu ne penses pas ? ». Il aurait pu lui dire autre chose, oui bien davantage, mais chaque chose en son temps. Alors que Jay attacha à nouveau la laisse au collier de sa chienne, il se permit de jeter un regard sur la silhouette de Candice avant de laisser échapper à demi-mot « Je peux t’offrir un café…pour m’excuser pour tes vêtements…. enfin pas seulement pour eux.» La maladresse du jeune homme a toujours été de notoriété publique, mais il avait probablement atteint le sommet.

Jay était finalement content que la rencontre bien qu’impromptue se soit effectué en présence de sa chienne, cela lui permettait d’avoir les mains occupées et puiser son courage dans l’énergie du chiot. La voix de Candice vibrait encore en lui, il percevait bien la maitrise qu’elle s’efforçait de garder. A vrai dire, ces mois où ils s’étaient rapprochés, il avait mieux pris conscience de son caractère et c’est aussi ce qui lui plaisait chez elle et il redoutait d’autant plus sa réaction.

Il acquiesça à l’annonce de l’hésitation de la jeune femme, il ne pouvait pas lui en vouloir, il n’osait même pas imaginer ce qu’elle avait dû ressentir à son départ et au fil des jours où le silence s’était maintenu. Le jeune homme s’aperçut qu’il avait retenu sa respiration jusqu’à obtenir sa réponse, son accord pour poursuivre cette discussion.

Un demi-sourire s’étira sur le visage du brun, tandis qu’il cherchait à maintenir une atmosphère détendue « Je te remercie… je suis content alors qu’Uli ait finalement choisi la fin de ton footing pour faire ta rencontre ». Il fixa le café où d’ici ils pouvaient apercevoir la terrasse en bois et les nombreux parasols en pailles pour se mettre à l’abri du soleil lorsque celui-ci pointait le bout de son nez. La guirlande ornée d’ampoules était toujours présente pour illuminer les soirées, un café où il y a quelques mois de ça, ils venaient de temps en temps se retrouver. A ce moment-là ils en profitaient pour échanger sur différentes enquêtes notamment quand Jay avait passé des nuits blanches à enquêter et qu’il savait qu’il pouvait croiser la brune après son footing. C’est presque naturellement qu’ils reprirent leur table habituelle, un chuchotement s’échappa malgré tout de ses lèvres « cela faisait longtemps qu’on n’était pas venu ici ». L’instant était loin d’être évident, mais le jeune homme était content d’être à nouveau là même s’il savait que le combat venait juste de commencer.

Jay imposa à sa chienne de s’allonger au pied pour ne pas déranger tout en sentant son cerveau en ébullition pour savoir par où il allait commencer sans vouloir attirer de la pitié. Le regard du jeune chiot lui tendit une fois de plus une certaine perche, oui expliquer l’adoption du chien permettrait lentement d’expliquer son parcours. Alors qu’ils attendaient le serveur, Jay posa à nouveau son regard sur son amie, sa paume rugueuse qui venait frotter sa nuque avant de plonger à l’eau. « Elle a 5 mois, un peu moins que le nombre de mois où je me suis absenté. Je l’ai trouvé dans un carton, près de la base de loisirs où je me suis réfugié. Devant cette boule de poil, j’ai craqué, elle était aussi perdue que je l’étais. Personne ne voulait d’elle… et de mon côté je n’avais pas été à la hauteur et je commençais à partir en vrille. J’ai fait une immense connerie et je te demande pardon pour ce message, ce silence, mais malgré tout mon départ était nécessaire pour me permettre un tel recul. Je ne regrette pas d’avoir disparu pour autant je regrette la manière dont je l’ai fait et la façon dont je te l’ai imposé mais est-ce que tu m’aurais laissé partir le temps nécessaire ? » La main de Jay avait fini par se rapprocher de celle de Candice dans le but de refermer sa paume dessus et établir un premier contact physique après tout ce qui s’était passé. Il s’arrêta de parler à l’approche du serveur, tout au long de ces premières explications il n’avait pas décroché son regard de celui de Candice. Qu’allait-elle ressentir ? Il n’était pas certain que les explications permettraient à la jeune femme de trouver des réponses immédiates. Il lui avait fallu de nombreux mois pour comprendre, décortiquer son propre comportement. Jay était enfin en accord avec les sentiments que jusqu’ici il avait pris soin de refouler vis-à-vis d’elle, tout comme il sait maintenant que chaque histoire est différente, qu’on a tous nos limites peu importe la force des promesses qu’on peut faire.  Toutefois, chaque chose en son temps, même si Jay se promis d’un jour de lui avouer, ce n’était pas le moment de le faire. A la place, son regard allait du serveur à la jeune femme « Candice... ? Tu veux un café particulier ou... ? » sa phrase resta en suspens, afin de l’inciter à sortir de ses souvenirs dans lesquels il ne pouvait que supposer qu’elle était probablement.

Jay sentait bien que la jeune femme était loin de l’accueillir à bras ouverts, que les blessures ressenties face à son départ resteraient probablement longtemps comme une plaie ouverte et qu’un long chemin devrait se faire avant qu’elle n’ose lui accorder cette même confiance. Il ne dit rien face à son mouvement de fuite pour ne pas que leurs mains se touchent, un signe conscient ou non de sa part pour montrer la barrière établie pendant ses longs mois. Malgré son silence, la mâchoire de Jay se crispa, il ne lui en voulait pas d’avoir réagit comme cela mais il ressenti une pointe de souffrance de la voir ainsi, de commencer lentement à prendre conscience du mal qu’il avait pu lui infliger. De ce fait, il fut partagé par deux émotions bataillant continuellement au moment où elle répondu enfin pour sa commande. Elle n’était toujours pas partie et cela représentait beaucoup pour lui.

Le serveur devait certainement sentir la tension qui devait planer entre les deux trentenaires, il porta dans un second temps son attention vers Jay qui hocha la tête avant de répondre «De l’eau pour mon chien si c’est possible et un café… serré ». Oui clairement, il en avait besoin pour affronter la suite des évènements et la posture de la brune indiquait qu’il n’allait pas tarder à devoir affronter des premières vérités. Les mots choisis n’étaient pas une partie de plaisir, il encaissa chaque mot prononcé, son regard où dansait une étincelle similaire à la déception qu’elle devait ressentir à son égard ne le laissa pas indemne. Il ne cherchait cependant pas sa pitié et il aurait été étrange qu’elle ne lui reproche rien, cela signifiait bien le lien qui les unissaient ou du moins qui les avaient unis jusque-là.

Jay ouvrit la bouche prêt à riposter à plusieurs reprises mais il eut la politesse de la refermer jusqu’à entendre le dernier mot. Ses sourcils étaient à présents froncés « Je n’ai jamais renoncé à notre amitié Candice ! Bien au contraire ! Je suis parti en vrille, j’étais devenu inutile et j’avais gâcher toutes les chances qu’on puisse poursuivre ensemble notre enquête. Je lui ai fait bénéficier d’une mesure d’éloignement, je ne pouvais plus l’approcher. Tout ce que tu avais entrepris pendant toutes ses années, j’avais le sentiment d’avoir rendu cela à néant. Il était hors de question que tu portes ce fardeau là en plus. Ose me dire que tu ne te sentais pas fautive de ma mise à pied. » Son regard et sa voix qui jusque-là vibrait gravement commençait à s’atténuer avant de se faire interrompre par le serveur qui posait les cafés pour disparaitre aussi rapidement. Jay n’avait presque pas fait attention à lui, ses yeux ne lâchaient pas ceux de son ancienne partenaire. Il reprit dans un souffle cherchant à aborder un premier aveu qui bien souvent le dévorait entièrement bien que dans le flou de la situation, il ne savait plus si elle avait été au courant de la lettre de son ex. « Tu connais mon passé, la raison de son départ. Elle avait raison, je … tu es importante pour moi et j’avais manqué une fois de plus à ma parole. Je n’ai jamais renoncé cependant à ce qu’on s’était promis au sujet de Gracy peu importe ce que tu penses.»

Le jeune homme s’arrêta de parler, le regard grave s’abstenant encore pour le moment de lui dire la dernière information avant de prendre sa tasse pour boire une première gorgée appréciant la saveur amère du café. Est-ce qu’il en avait dit trop ? Est-ce qu’il aurait mieux fait de s’abstenir ? Parler de son ex était probablement une mauvaise idée pourtant cette histoire était une cicatrice et qui au fil des ans avait façonné son comportement, ses réactions. Il avait mis du temps à se reconstruire, l’avait-il vraiment fait ? Il lui avait semblé que oui, qu’il commençait de nouveau à toucher à quelque chose de précieux avant que tout n’explose de nouveau, par sa faute. Toutefois, Jay devait bien s’avouer qu’en explosant lui-même, il n’avait pas pensé à ce point aux conséquences que cela pouvait avoir sur Candice, sur son propre passé qu’elle avait eu le courage de lui avouer. Il la connaissait, il savait que cela arrivait très rarement.  

Le sang de Jay se glaça à mesure que les paroles de la jeune femme le percutaient de plein fouet. Chaque mot prononcé sur un ton montrant la maitrise qu’elle avait sur elle, était loin d’être irréfléchi. Il savait pertinemment le désarroi que cela pouvait provoquer de se sentir abandonner. Il l’avait lui-même vécu au départ de son ex-femme emportant avec elle son fils et des années après il en ressentait malgré tout la morsure vive. Il cherchait absolument à se raccrocher à une petite étincelle dans son regard, quelque chose qui pourrait lui prouver que non ce n’était pas finis, que c’était un obstacle, mais pas insurmontable. Bon peut être suffisamment haut pour que cela mérite de prendre un sacré élan avant d’oser le franchir mais pas … à ce point.. non impossible.

L’ensemble de ses muscles étaient tendus, son chien commençait à lui donner des coups de tête dans les jambes, son sixième sens probablement. Jay ne pouvait pas abandonner, pas une deuxième fois. Il n’était même plus sûr qu’elle continuait de l’écouter, il chercha à reprendre le contrôle de lui-même, il refusait de prendre une posture de victime ou de l’apitoyer, il préférait assumer pleinement ses actions. "je... Je ne voulais pas que cela se reproduise une deuxième fois. J'ai explosé Candice, tu sais à quel point on ... était…est toujours d'une certaine manière, tous les deux investis dans cette enquête. J’avais besoin de prendre de la distance, d'ouvrir les yeux sur ce qu'il s'était passé ses dernières années, sur mes propres cicatrices, sur mes propres barrières. Notre rapprochement.... Je ne m'y attendais pas, je l'ai nié longtemps. Tu sais comment je suis devenu vis-à-vis des relations. Le besoin de distance dont je t'ai parlé avant de couper mon téléphone m'a permis une longue introspection. Je n'ai pas refait ma vie ailleurs Candice. Comment j'aurais pu ? »

Jay pris finalement son courage à deux mains, ce n'était pas le lieu propice, mais ça serait peut-être sa dernière chance de lui dire. La jolie brune était de toute évidence en proie à l'explosion des émotions qu'elle refoulait depuis son départ. Elle n'était pas du genre à se confier, comment avait-elle gérer son départ ? L’avait-elle dit à quelqu’un ? Il en doutait fortement. Le jeune homme se leva pour contourner la table et venir s'accroupir près d'elle sans lâcher son regard tout en posant sa main calleuse sur la paume de la jeune femme. Il savait qu'il pénétrait dans son espace, mais il le devait, les mots étaient particulièrement importants. Il voulait enfin s'exposer face à elle, pour elle. Certains pourraient penser qu’il jouait la facilité, pour lui il n’en était rien au contraire. Jamais, absolument jamais il ne s’était ainsi jeté à l’eau de la sorte depuis le départ de son premier amour.

« Je ne pensais pas un jour retrouver cette lumière, cette étincelle en moi. Je ne sais pas comment, mais tu as réussi à ouvrir cette boîte de Pandore en moi. Je n'ai jamais ressenti l'envie de me battre pour quelqu'un depuis elle. J'ai eu peur. La peur entraîne bon nombre de réactions, qu'on ne contrôle pas toujours. Je me suis rendu compte que ma suspension était finalement le cadet de mes soucis, pour la première fois depuis très longtemps, autre chose avait pris la place de mes préoccupations ou plutôt quelqu’un. Je ne pouvais plus être là pour te protéger, je ne te méritais pas. Cela m'a pris longtemps pour mettre des mots, pour admettre. Tu n'avais pas besoin d'être protégée.... Je l'ai compris plus tard ou peut-être trop tard, tu avais besoin d'une personne à tes côtés qui te soutenais, tu avais besoin de moi et réciproquement. C'est difficile de montrer ses faiblesses à quelqu'un, de s'exposer. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis tombé amoureux de toi Candice et mes sentiments pour toi ne se sont jamais arrêtés pendant mon silence au contraire. Je ne pourrais jamais m'excuser assez de ce que j'ai dû te faire subir. Laisse-moi une chance s'il te plaît. »

L’adrénaline était montée en lui tout au long de son monologue, discourt que Candice avait pris soin de ne pas l’interrompre. Il se revoyait dans sa cabane, la lettre à la main, il ne pouvait pas garder cette information plus longtemps, même s’il se doutait que cela allait faire beaucoup de choses à assimiler. « Peu importe ta décision, sache également que je compte terminer notre enquête, j’irais au bout, cela a pris du temps mais j'ai enfin obtenu un nom. En ce qui concerne mon poste, je ne t'imposerais pas ma présence si celle-ci est au-dessus de tes forces, j'attendrai avant de leur rendre ma réponse.»

Oui Jay était déterminé à voir cette enflure sous les verrous et payer pour l’ensemble de ses crimes. Il continuerait l’enquête coûte que coûte, le nom pourrait permettre d’avoir de nouvelles pistes. Toutefois, il voulait également avoir Candice à ses côtés pour poursuivre l’enquête, pas uniquement pour l’enquête, mais il voulait retrouver leur lien, donner une chance à ce qui aurait pu arriver. Il ne pouvait se résoudre à se dire que tout était fini.

Si l’homme avait eu le sentiment de prendre une douche froide avant, rien n’était comparable à ce qui venait de se produire. Il se doutait bien que l’aveu des sentiments qu'il portait n’allait pas balayer tout ce qui s’était passé et ce n’était pas l’objectif. Il ne pensait pas un jour ressentir à ce point une douleur aussi vive, pour quelqu’un de sans cœur, celui-ci lui faisait particulièrement savoir qu’il était présent. Ce n’était pas tant le fait qu’il avait été éconduit qui le faisait souffrir, bien que cela y joue tout de même, mais c’était surtout et avant tout le regard que Candice portait sur lui. Le jugement qui était tombé, tout le monde pouvait faire des erreurs. Les mots tournaient en boucle dans sa tête, prêt à l'entraîner à nouveau dans une spirale infernale. Elle n’avait finalement même pas cherché à comprendre son positionnement, est-ce que sa propre souffrance l’empêchait de voir les choses d'un autre point de vue ? Il sentait chaque barrière en lui s'effondrer, se fissurer face à sa froideur et son détachement. Il avait déjà vu ce petit bout de femme montrer son opinion d’une manière radicale, il n’aurait jamais pensé en faire un jour les frais à ce point. L’avait-il à ce point mérité ? L’évocation de son ex-femme lui faisait mal, bien entendu que son départ lui avait fait terriblement mal. Ils étaient ensemble depuis longtemps, ils avaient fondé une famille, il n’avait pas su avant son départ qu’elle se sentait en danger à cause de lui et de son métier, qu’elle estimait qu’il serait incapable de les protéger si une enquête tournait mal d’autant plus avec toutes les menaces qu’ils avaient reçu. Elle lui avait dit adieu à travers une lettre, avait pris son fils et n’avait jamais eu l’intention de lui donner le moindre signe de vie. Cela fera 7 ans cette année. Non ce n’était pas la même chose, non il n’avait pas fait pareil, il avait prévenu Candice. Il lui avait dit qu’il avait besoin de prendre de la distance, qu’il n’avait pas l’intention de disparaître définitivement.

La vision que Candice avait de lui le brisait beaucoup plus que ce qu’il aurait pu jusque-là imaginer, une preuve vraisemblablement de l’estime et des sentiments qu’il avait pour elle. Toutefois, alors qu’il reculait pour lui rendre son espace et lui permettre de quitter les lieux aisément, à ce moment-là il n’était plus que le miroir de lui-même, un miroir fissuré. Il s’efforça de reconstruire le plus rapidement possible le masque qu’il avait mis tant de mois, d’année à retirer. Il ne voulait pas d’un regard de pitié et encore moins d’un regard condescendant, jamais.

Il n’y avait rien à ajouter, l’attitude de la jeune femme parlait pour deux et à cet instant précis, il n’avait plus la force de la convaincre, de la contredire. Cela ne servait à rien, les deux amis ou anciens amis avaient subi l’un comme l’autre beaucoup de secousses en aussi peu de temps. Il finit par la regarder partir, ne parvenant pas à lâcher du regard sa silhouette qui s'éloignait, avant de se pencher pour reprendre la laisse de son chien, la mâchoire crispée. Il sentait qu’il risquait de faire une connerie à tout moment, une nouvelle fois. Il avait repéré une salle de boxe près de chez lui et il avait bien l’intention de finir sa journée dans cette salle pour évacuer ses ressentis.

Malgré tout, peu importait ce que la brune avait dit, il était hors de question qu'il n'aille pas à la pêche aux informations. Les renseignements sont son domaine, son indic n'aurait pas pris autant de risques si cela n'en valait pas la peine. De son côté, il n'avait plus rien à perdre, autant risquer le tout pour le tout et se jeter à nouveau dans la gueule du loup. Après tout, si finalement il ne reprenait pas son poste de lieutenant, il pouvait toujours demander d'être envoyé sur le terrain, pour s'infiltrer au plus près des bandes organisées.