Rencontre et révélation explosive

@Aiden Adelson

Allongée sur son lit d'hôpital, une perfusion dans le bras et le regard fixé au plafond, Blake laisse échapper un long soupir pendant que sa série Netflix tourne en fond sur sa tablette. Bordel, qu’est-ce qu’elle en a marre d’être là. Mais elle a promis à son frère de rester afin que les médecins s’assurent qu’elle suive bien le protocole. Difficile de discuter après s’être évanouie devant lui, lui infligeant la peur de sa vie. Il faut dire que Blake n’a pas été très assidue avec son traitement — bien au contraire. Les effets secondaires ont été si violents qu’elle a décidé de les éviter, refusant d’infliger de nouvelles souffrances à son corps déjà épuisé. Mais face à la ténacité des Rivers et leur capacité à la faire culpabiliser, elle a cédé et accepté de rester à l’hôpital. Que ne ferait-elle pas pour eux ?

Le problème, c’est que son moral est au plus bas. Elle ne supporte plus cette odeur aseptisée, les blouses blanches, les plateaux-repas insipides et la monotonie des murs blancs. Et surtout, elle s’ennuie à en mourir.

Elle rêve de retrouver l’ambiance du bar, de retourner travailler, de pouvoir faire chier son monde et tenir tête à ses rivaux. Blake est une femme d’action, incapable de rester immobile. Autant dire que cette hospitalisation la tue à petit feu. Les chimios, c’est l’enfer. Censées la sauver, elles lui laissent plutôt l’impression de la vider de toute énergie.

Un léger coup frappé à la porte la tire de ses pensées. Son cancérologue entre dans la chambre.

Une Blake qui s’ennuie, c’est une Blake que l’on a envie de foutre par la fenêtre.

Ô que ça lui plairait.

- Blake, tu sais bien que tu n’es pas en prison. Personne ne te retient de force.
- C’est tout comme. Si vous ne signez pas ma sortie, les bulldogs Rivers vont me tomber dessus, dit-elle en se redressant.
- S’ils insistent pour que tu restes, c’est pour ton bien. Sans ça, tu ne respectes pas le protocole. Combien de séances de radiothérapie as-tu manqué, hm ?

Devant le silence de sa patiente, le quinquagénaire soupire doucement.

- Je sais que c’est difficile. Mais ton état empire. Tu es déjà en haut de la liste des receveurs. J’appelle tous les hôpitaux du pays, mais trouver un donneur compatible est compliqué.
- Je sais… mais je préfère vivre peu de temps et en profiter, plutôt que de gagner un an ou deux enfermée ici. J’ai embauché un détective privé pour retrouver mon géniteur, mais je n’y crois pas trop. Imaginons que par le plus grand des hasards il le retrouve, quelles sont les chances qu’il ne soit pas alcoolique ou toxico, qu’il soit encore vivant ou qu’il accepte de m’aider ? Avec ma chance, ça va être un gros connard.

La mort ne l’effraie pas. Depuis ses six ans, tout ce qu’elle vit, c’est du bonus. Les Rivers lui ont sauvé la vie, l’arrachant à une existence de misère auprès d’une mère inapte. Mais eux ne sont pas prêts à la voir partir, et Blake doit donc serrer les dents et endurer ce calvaire.

- Garde espoir. Et si tu t’ennuies, n’oublie pas les groupes de parole. Ça pourrait t’aider. Il y a aussi des ateliers d’arts manuels deux fois par semaine. Essaie. Ça te ferait du bien.
- Genre ? Vous me voyez vraiment faire des pots de fleurs en céramique ? Vous n’auriez pas plutôt un atelier « garagiste » pour que je bidouille des voitures ? dit-elle en prenant une moue moqueuse avant de voir le médecin rire et quitter la chambre.

Ça ne coûte rien de tenter. Après un énième soupir, Blake attrape sa tablette pour consulter ses mails. Elle évite soigneusement son reflet ; elle n’arrive toujours pas à s’habituer à son crâne rasé recouvert d’un bandana. Elle déteste ce qu’elle voit dans le miroir. C’est pourquoi, à part sa famille, elle ne souhaite voir personne. Ni ses colocataires, ni Val : personne.

Plongée dans la réponse à un fournisseur de bière, elle sursaute en entendant frapper à la porte.

- Oui, doc’, vous avez oublié quelque chose ? demande-t-elle en levant les yeux, surprise de voir un inconnu entrer. Euh… je crois que vous vous êtes trompé de chambre, monsieur.

Blake est loin de se douter que sa vie est sur le point de prendre un tournant inattendu.