@Theo Alberdine et  @Caron Seabrook  se rencontrent dans une salle d'arcade. L'un des deux possède le record sur sa machine préférée et découvre avec surprise que son score vient d'être pulvérisé par l'autre. Intrigué, il va s'approcher pour rencontrer ce nouveau rival.

Besoin urgent de penser à autre chose. Naturellement, avec tout ce qui s’enchaîne dans mon existence, mes amis ont penché sur un lieu où l’amusement, dans son sens le plus simple et noble, la salle d’arcade de Monterey. Un établissement à l’ambiance si particulière et fun des années 80 et 90. Un lieu qui a su garder cette aisance si singulière qui lui est propre. Refuge dans mon plus jeune âge, tous mes proches espèrent qu’il garde cette place si caractéristique chez moi. Souvent, ils ignorent même la raison pour laquelle j’aimais tant entrer dans son entre.

Ce n’était nullement pour tous les jeux qui se suivent et qui se diffèrent tous des uns et des autres, la liste inarrêtable des cocktails avec et sans alcool, ou encore la bonne musique qui passe, playlist choisie avec goût et renouveau par le propriétaire des lieux. Non, la vérité est toute autre est beaucoup plus simple, c’était l’un des endroits préférés de Cam. Là où il adorait se fourrer dès le moindre goût de mou. Un simple aller dans les bornes et tout allait mieux. Avec le temps, il a réussi à me faire aimer, partager cette sorte d’énergie qui régnait en ces murs.

Bien sûr, parce que je ne veux exaspérer personne avec mon foutu deuil, je ne dis rien. Je me contente d’un simple sourire, faisant semblant qu’il n’a rien à voir dans tout ça, que je suis heureuse de me retrouver dans la salle. En vérité, j’aimerais fuir, courir vite et ne jamais franchir cette porte. Toutefois, je le fais. Immédiatement, je suis frappée par tous les souvenirs que me rappellent l’établissement. Il y a encore quelques mois, quand il n’était qu’une question de jours avant qu’il ne parte, nous étions allés ici avec des amis.

Je me rappelle encore très bien avoir espéré toute la soirée une demande en mariage. Maintenant, avec le recul, je m’en veux comme tout de lui en avoir presque voulu de ne pas l’avoir fait. Ces heures que j’ai perdu à lui en vouloir pour quelque chose qui ne pouvait savoir.


Alors, sur ces bonnes paroles, je me rends presque d’instinct vers ma borne favorite, Street Fighter II. L’un des rares jeux que je réussisse à maîtriser d’une main de maître. Plutôt mauvaise perdante, j’ai l’avantage de ne jamais perdre face à un adversaire à celui-ci. A vrai dire, mon record est encore imbattu à ce jour. Il ne l’est pas depuis presque six ans. Ne serait-ce que par moi-même. Véritable Déesse à ce jeu-là. La borne jaune flashi et rouge voyant m’appelle alors que je ne viens que de poser les pieds ici.

Comme par habitude, je m’empresse d’échanger mon argent en petit jeton, après quoi, je commande un whisky-coca et j’attends patiemment que la personne devant termine sa partie. Je n’apporte pas réellement d’importance au jeu de l’homme devant moi. Je suis rapidement scotchée à mon téléphone. Au bout d’à peine une minute, j’entends un cri heureux, une musique bien précise que je reconnais immédiatement, celui d’un nouveau high record. Je décroche mon regard des réseaux sociaux, balance mon portable dans mon sac à main, pour le poser sur l’écran de la borne. Il a dépassé mon record… de trois points ?

« Quel connard ! », dis-je dans un élan de désespoir subtilement mélangé à ma mauvaise foi légendaire et à la musique du jeu.

Rapidement, par réflexe, je mets ma main devant ma bouche, honteuse d’une telle insulte envers quelqu’un que je ne connais même pas.

« Pardon. », dis-je après avoir retiré ma main.

J’assume pleinement. Inutile de me cacher. Je suis la seule ici, à attendre pour la borne. Dans sa portée et celle des ses oreilles, je suis la seule et unique, évidemment. Personne pour émettre, ne serait-ce qu’un petit doute sur le porteur d’injure.

« Vous venez de battre mon record. », avouai-je, un brin attristé, la mauvaise perdante que je suis vient de prendre un sacré coup à son égo.

Te voilà, les yeux fixés sur l’écran alors que la petite mélodie de victoire résonne encore dans l’air. Ce n’est pas n’importe quel record que tu viens de battre. Non, c’est celui de Street Fighter II, une borne qui a probablement vu passer des centaines de joueurs avant toi, mais là, c’est ton nom qui s’affiche enfin en haut du tableau des scores. Un sourire satisfait étire tes lèvres. Tu as enfin réussi.

Puis, tu l’entends. Cette voix qui lance un « Quel connard !» en plein milieu de la salle. Tu te tournes et tu vois la fille derrière toi, manifestement furieuse, avec une main plaquée sur sa bouche comme si elle venait de réaliser l’ampleur de son éclat. Elle s’excuse presque aussitôt, mais c’est trop tard : tu es déjà amusé. Et franchement, loin de t’offusquer, ça te fait sourire. Il y a une énergie chez elle, quelque chose qui te fait penser que cette soirée vient de devenir bien plus intéressante.

Quand elle t’avoue que tu viens de battre son record, tu hausses un sourcil. Ah, c’est donc ça. Voilà la raison de sa frustration. C’est son territoire que tu viens d’envahir, et de toute évidence, elle ne s’y attendait pas. Tu jettes un coup d'œil à la borne, puis à elle, et tu sens cette étincelle de rivalité dans l’air.

« Eh bien, je ne savais pas que j’étais en train de piétiner sur le terrain de la reine » réponds-tu, ton sourire toujours en coin. Tu la détailles du regard, curieux de voir si elle va relever le défi ou simplement s’avouer vaincue.

« Trois petits points... c’était serré, mais je suppose que le trône est à moi maintenant »

Tu ne cherches pas à te vanter, mais il y a une pointe de provocation dans ta voix, juste assez pour voir si elle est prête à se battre pour reprendre ce qui est à elle. Tu t’appuies nonchalamment contre la borne, laissant planer le silence un instant avant de lancer :

« Tu veux tenter de récupérer ton titre, ou tu préfères juste m’insulter encore un peu ? »

Impossible de nier. Inutile de mentir. Il m’a entendu. Il faut dire que ma voix porte bien malgré les sons environnants. Bien sûr, je suis embarrassée par ma réaction. Je suis foncièrement gênée de réagir de la sorte. Toutefois, contrairement à ce que tous mes proches adorent dire sur moi, je ne suis pas une mauvaise perdante… oh, eh merde ! Qui aime perdre ? Personne ! Être mauvais joueur, c’est tout simplement être normal. Honnêtement, oui, ça m’emmerde profondément qu’il m’ait détrôné alors que je régnais depuis de belles années, maintenant. Je n’avais pas dans l’optique de revenir ici et de perdre mon titre. Tout le monde aurait réagi comme moi, non ? … si, pas vrai ?

« Tellement serré que je serais presque d’avis à dire que ta victoire ne compte pas. »

Me voilà sous mon pire jour. Je la reconnais entre mille, cette foutue mauvaise foi, presque maladif. Je sous-estime son score pour me mettre en confiance, me rassurer d’une sorte d’importance que j’apporte à cette salle d’arcade. Bordel, c’est quel genre de niveau sur l’égoïsme, ça ? En tout cas, une chose est sûre, je tombe sur un adversaire qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui n’a aucun mal à dire ce qu’il pense. Naturellement, je me sens un brin plus à l’aise à être cette joueuse invétérée et insupportable sur les bords.

« Je peux faire les deux : récupérer mon titre et continuer à t’insulter, non ? », demandai-je, ricanant un peu en lui tendant mon verre.

D’un geste habituel et habitué, j’attache mes cheveux en une queue de cheval. Pas ma plus belle réussite mais l’essentiel est que je n’ai aucune distraction quelle qu’elle soit, capillaire en fait vivement parti. J’ai un trône à récupérer !

Je mets alors un jeton dans la machine. Alors, le jeu se lance une fois que j’y ai mis tous mes paramètres, indispensable pour ma victoire. Sans l’ombre d’un doute, je choisis mon personnage fétiche, celui avec lequel j’ai battu n’importe lequel de mes amis et avec lequel j’ai atteint ce record encore jamais battu, jusqu’à aujourd’hui, Feilong.

Premier round, contre Dee Jay. Je connais la machine absolument par cœur. J’y ai passé de si longues heures qu’elle n’a plus aucun secret pour moi. Mes mains se posent naturellement là où il faut et de façon mécanique, je sais quoi faire… sauf que contre toute attente, dès le premier round, mon Feilong est à terre. K-O de son adversaire. Une douce représentation de la réalité, de toute évidence. De là, je le sens, ma colère et frustration montent. D’un coup de main assez sec et rapide, je prends en main le verre que j’ai donné à mon concurrent avant de lui redonner après avoir une pris une… très bonne gorgée.

« Ce n’est que l’échauffement. », annonçai-je, tentant de faire bonne figure.

Tu ne peux t’empêcher de sourire en voyant l’aplomb de cette fille que tu ne connais pas. Elle a un charisme fou, et tu comprends rapidement qu’elle est la tenante du titre ici. Ce défi, tu l’acceptes avec enthousiasme. Quand elle déclare pouvoir récupérer son trône tout en t’insultant, tu rigoles.

« Essaye déjà de récupérer la première place ! » lances-tu, le ton un brin provocateur.

Défi qu’elle accepte de relever alors qu’elle te tend son verre. Tu ne réfléchis pas longtemps et le prends, un sourire narquois sur les lèvres. Pendant qu’elle s’attache les cheveux, une lueur de concentration brille dans ses yeux. Ça y est, les choses sérieuses commencent.

Elle prend place sur la borne, et le premier round débute. Tu te prépares à voir ce qu’elle a dans le ventre, mais après seulement quelques échanges, c’est un KO retentissant qu’elle se prend. La surprise sur son visage est presque comique, et tu ne peux pas retenir un rire.

« C’est ça, juste l’échauffement » répètes-tu en te moquant gentiment, te penchant un peu vers elle. Avant même qu’elle ne puisse répliquer, tu lui rends son verre en la regardant droit dans les yeux.

« Laisse-moi te montrer comment on fait »

À ton tour, tu prends place devant la borne d’arcade, prêt à prouver que tu es là pour gagner. Le premier round commence, et rapidement, tu enchaînes les victoires, l’adrénaline qui gonfle dans tes veines, battant même ton propre score de quelques points. Tu lui offres un sourire satisfait.

« Au fait, moi c’est Théo »

Je me fais battre sur mon propre terrain. C'est franchement déconcertant. Moi qui avais pour habitude régner en Maître, il n'en reste plus rien. Obligée de récupérer mes affaires, de le laisser me « montrer comment on fait » comme il dit si bien, avec son sourire arrogant. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Typiquement le genre de comportement qui m'agace en même temps qui me stimule, me pousse à faire mieux... même si faire mieux que ce que je viens de faire, ce n'est pas très, très compliqué.

Il prend place et ça prend du temps, du temps et du temps ! Il réussit à combattre tous les adversaires en un temps record. En parlant de temps record, le voilà qu'il bat celui qu'il a fait juste avant. Ma colère et ma frustration montent. C'est qu'il commence à me gonfler, celui-là ! D'autant plus que je ne suis pas spécialement réputée pour une quelconque patience lorsqu'il s'agit de jeux. Je n'en ai absolument aucune. C'est d'ailleurs un miracle que mes proches veuillent bien encore jouer avec moi.

« Caron. », dis-je, un brin énervée en regardant l'écran affichant le new high record.

D'un simple geste de la main, il récupère, à nouveau, toutes mes affaires. Je me place. Je me concentre. Je me mets face à l'écran, je ne quitte pas mon regard de la machine. Cette fois, c'est au tour de Bibi de gagner. La partie commence et je me connecte au jeu. Simplement, je gravie les échelons. Enfin, le jeu va dans mon sens !

Au bout de quelques minutes, je termine ma partie. Avec impatience, j'attends l'affichage du score…

« DEUX POINTS ?!!!! JUSTE DEUX POINTS DE TON SCORE ?? »

Le voilà encore fièrement premier du jeu ! Qu'est-ce que ça me gonfle. Je ne peux m'empêcher de souffler longuement tout en récupérant mes affaires et boire une gorgée.

« Pratiquement sûre que tu as triché… »

Mauvaise foi légendaire de ma personne ; le grand retour.

Tu ne peux t’empêcher de savourer l’expression de Caron, mélange d’agacement et de défi, alors qu’elle fixe l’écran affichant ton nom en haut du classement. Son souffle exaspéré et son accusation de triche te tirent un sourire encore plus large, presque insolent. Elle a de la répartie, et tu ne peux t’empêcher d’apprécier le feu dans ses yeux. C’est bien rare de trouver quelqu’un qui ne se laisse pas impressionner par ta petite arrogance.

« Si tu veux, je peux t’apprendre quelques trucs. Je pourrais te coacher, tu vois, pour que tu ne finisses pas toujours à deux points derrière » dis-tu, le ton doucement moqueur.

Elle souffle, l’air de contenir tant bien que mal sa frustration, et tu ne résistes pas à l’envie de la piquer un peu plus.

« Si tu passes ton temps à accuser les autres de tricherie, t’es pas prête de progresser » ajoutes-tu en haussant les épaules, feignant une innocence qui ne te va pas du tout.

« Ce n’est pas la machine le problème, tu sais »

Il y a quelque chose d’électrisant dans cette dynamique, un mélange de défi et de camaraderie qui te captive. Elle reprend ses affaires avec une hargne palpable, prête à reprendre le combat. Mais avant qu’elle ne se relance dans la partie, tu décides d’orienter le jeu vers un autre terrain.

« Et si tu m’offrais un verre au lieu de passer ta soirée à rager sur un jeu où, clairement, tu n’arriveras pas à reprendre la première place ? »

Tu la regardes droit dans les yeux, un sourire provocateur accroché à tes lèvres.

« Je suis sûr que ça nous fera du bien d’échanger autour d’une boisson plutôt que de se battre à la borne »

L’arrogance et la provocation. Deux domaines que je ne connais que trop bien. Pas que j’en sois une adepte personnellement. Non, absolument pas. Cependant, énormément de mes proches eux, oui, le sont. De ce fait, je suis habituée, formatée à un tel caractère. Une chance sinon, actuellement, avec cet inconnu, nouveau détenteur du score le plus élevé, je me serais mise plus bas que terre. Grâce à mes proches, et je n’aurais jamais cru dire une telle chose, je sais réagir à ses piques. Je ne manque pas de répartie, au moins. Alors, à ses dires, je lève les yeux au ciel presque immédiatement.

« Oh, tu sais coacher le hasard ? Hâte de voir tes cours ! », dis-je avec une pointe d’agacement que je tente – en vain de camoufler.

Je bois, à nouveau, une gorgée. Il faut que je calme mes nerfs. Il faut que je m'apaise, me rappelle que ce n’est ni plus, ni moins, qu’un jeu. J’ignore la raison pour laquelle je prends la chose si personnellement. J’ignore pourquoi prendre cette “perte” d’une façon si négative. Bien sûr, ce n’est sans douter de ma mauvaise foi. Malgré tout, la fatalité est ici, je le prends mal de perdre à ce putain de jeu.

« Tu devrais m’offrir un verre ! T’es celui qui a volé ma place, je te ferai dire. Tu es celui qui m’en dois une, pas l’inverse, Theo. »

Je ne perds pas le nord. Toutefois, pour appuyer mon propos, je termine d’une traite mon verre et le lui montre. Une façon de l'inciter à m’offrir à boire. Je suis déjà assez humiliée, je ne vais pas, en plus, lui payer sa boisson. En tout cas, je sais d’ores et déjà laquelle je vais prendre ; la plus chère de la carte. Je me dirige vers l’espace mini-bar de l’établissement.

« T’as de la chance. J’aime autant boire que jouer…, je prends une pause de quelques secondes avant de reprendre. C’est très bizarre dit comme ça. T’as compris ! »