Une fois le concours de hot-dog passé, les participants quittent l’estrade pour regagner la terre ferme. Dès que j’ai un pied par terre, je cours en fendant la foule, tout en m’excusant vaguement alors que je bouscule Monsieur le Maire Hiself. Oups ! La honte glisse sur moi sans franchement m’atteindre. Je n’ai pas le temps pour les sentiments négatifs, je viens de repérer la tignasse incendiaire de ma non moins flamboyante copine. Je m’appuie sur ses épaules en sautant avant d’entourer son cou de mes bras musclés. - Thelmaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa ! Mon chou à la crème ! Ma queen des actes manqués ! Dis-moi que tu m'as réservé le reste de ta journée et je serais la plus heureuse du monde entier. Quand j’aime les gens, je suis légèrement démonstrative.

Un rire plus tard, je la dépasse pour lui offrir mon plus beau sourire. - On va faire un tour ? J’ai vu qu’il y avait un stand de maquillage, un de création de bijoux et un de poterie. Y’a un troc aux plantes aussi ! J’aimerais bien aller y faire un tour. Je ne sais pas si j’arriverais à faire tenir des aromates dans la maison de Blake mais…Peut-être qu’à mon âge, il serait temps d’essayer, fais-je en acquiesçant plusieurs fois du menton. Quoi ? Pourquoi, sous prétexte que les années passent, je devrais cesser de me lancer dans de nouvelles aventures. J’ai toujours envie de découvrir, j’ai soif d’apprendre ! Ma curiosité bat des records. - Ton patron tient un stand ou pas ?

Bras dessus, bras dessous, nous avançons tranquillement au milieu des allées. J’ai le cœur léger et l’âme en liesse et pour cause : quand elle est dans les parages, je sais que ma journée sera riche en joie de vivre et en petits bonheurs. Cela suffit au mien. Du coup, elle peut bien me traîner où elle a envie. Par principe, moi, je suis d'accord ! Alors qu'on discute gentiment, mon pied bute sur le sol et je manque de m'étaler de tout mon long, avec une réelle absence de grâce et d'élégance. Je me retiens de justesse au bras de mon amie. - Oh bordel ! Pardon, j'ai... Sourcils froncés, j'observe l'objet responsable de ma presque chute. Je m'accroupis afin de le récupérer. - Je crois que quelqu'un a perdu son portefeuille. Tu crois qu'on devrais... Mon ton l'invite à terminer ma phrase, faisant voler entre nous des paillettes de complicité. En tout cas, une chose est sûre, je ne vais pas le rapporter au stand d'accueil.

@Thelma Appelbaum    

- C’est vrai ça ? J’ai quand même un micro-doute sur la question. Puis, je me dis qu’après tout, il y a des choses bien plus bizarres dans la vie ! Il n’y a qu’à voir l’expérience avec les deux pots de riz, celui à qui on dit qu’on l’aime et celui qu’on critique. C’est franchement bluffant ce truc, il faudrait que j’essaie un beau jour. Quant aux plantes… - Tu crois que je peux leur passer du jazz ? Quitte à choisir, autant partager à mes futures plantations, de la musique riche et colorée, lourde d’amour et de soleil. Quand Thelma m’annonce qu’elle peut rester avec moi sans restriction, je fais mine de frémir de bonheur. Enfin, je suis vraiment contente ! C’est juste que j’en rajoute juste avant de manquer de m’étaler face contre terre.

Permettez moi de remercier la personne ayant négligemment abandonné son portefeuille sur mon trajet.

— ... regarder à l'intérieur, voir à qui on a affaire, et juger par nous-même s'il mérite ou non de retrouver ses papiers ?  Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête et c’est sans doute la raison pour laquelle je trouve sa proposition encore plus génialissime. Je veux faire ça ! Je suis totalement partante ! - Je savais pas que t’avais passé ton bachelor en génie de crime ! Classe ! Dans ma bouche, les mots résonnent comme un compliment. Je me prends rarement la tête. Elle non plus. Voilà pourquoi une telle légèreté virevolte entre nous. Un vent d’aventure nous pousse toutes les deux vers l’avant. Qui serions-nous pour oser ne pas répondre à cet appel ?

En digne fouineuse devant l’éternel, je scrute chaque élément mis en lumière par ma partenaire.  - Tu les connais ? J'ai l'impression que sa tête à lui me dit quelque chose.  - Non, je crois pas, attends fais voir. Nous trouvons un indice au niveau de permis de conduire. Je tire la tronche d’une truite saumonée tirée de son étang. - La morue en chef ! M’écrié-je sur le ton de “Eurêka”. - Ce serait son frère ? Son fils ? Je fronce les sourcils, sceptiques. En tout cas, maintenant que j’ai le nom, les caractéristiques physiques sont inratable. - Il a son gros pif, en tout cas. Tacler sur le physique, c’est moche. Le karma me pardonnera. Nous sommes tout de même en train de parler de Herr Cambell. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai ressenti une profonde envie de l’étrangler. Sans Thelma, je serais actuellement en prison, en train de purger ma peine.

Et, brusquement, c’est la révélation. J'agrippe le bras de ma pote et j’évacue en criant :  - Oh mon dieu, si elle a un enfant ça veut dire que quelqu’un a bien voulu d’elle sans sa vie ! ET DANS SON LIT ! Quelle horreur ! Vite, il faut que je me lave le cerveau à l’eau de javel pour effacer toutes ces images beaucoup trop crues de notre ancienne manager avec un homme. Mon imagination déborde au point de parfois me jouer des tours.

Reniflant ostensiblement l’air devant moi, je coule un regard amusé vers mon feu follet. - Tu sens ça ? Je flaire la douce odeur de la vengeance. L’heure a sonné ! Mon rire machiavélique de méchante de Disney s’avère aussi convainquant que celui d’Yzma lorsqu'elle est transformée en chaton. - Attends, non, on peut pas faire ça. Pause. Réflexion. -  Si ? On peut ? Putain, j’en sais plus rien moi ! Je grogne de frustration en roulant exagérément des yeux vers le ciel. Bon, réfléchissons peu, réfléchissons bien. - J’ai un plan à te soumettre, Inspecteur Applebaum ! Je te propose qu’on le retrouve dans la foule. On le piste, on le traque, on vérifie s’il fait partie ou non de la catégorie des enfoirés. Si oui, VENGEANCE ! Si, non, on ira le lui rendre en lui expliquant que sa mère est une grosse… Une immense…. Bref, t’as compris ! T’en dis quoi ? On s’y met ? Moi, je le trouve génial mon plan. Je ne doute pas une seule seconde que nous parvenions à le mettre à exécution. - Tu penses qu’on devrait se séparer pour couvrir plus de terrain ? Genre je pars à gauche, toi à droite et on se tient au courant par vocaux ? Mon avis ? Nous sommes le duo de super justicières le plus badass que la terre a connu depuis des siècles. Sans mentir.

@Thelma Appelbaum

“Poussinou” ? Je glousse sans vergogne. De toute façon, tout ce qui vient de cette femme m’horripile. Je n’y peux rien ! Je fais un genre de réaction allergique, hyper violente à tout ce qui la touche, de près ou de loin. Elle a fait de ma vie un enfer pendant des mois. Je ne suis pas prête de lui pardonner le nombre de fois où elle a bougé mes horaires sans me prévenir et où elle m’a collé sur le dos ses propres conneries. L'incarnation vibrante de la méchanceté.

Une prise de conscience plus tard, nous élaborons un plan digne des plus grandes séries policières. Enfin, selon moi, qui suis plus adepte de la série chillax ou fantastique que du reste. Ma référence en la matière reste Brooklyn 99 alors bon… - C’est parfait, ça ! On est vraiment des génies ! Pourquoi personne ne s’en rend jamais compte ? Je réponds à sa grimace en riant, juste avant de m'enfoncer à reculons dans la direction opposée, les poings levés bien haut pour souligner mon enthousiasme.

Je ne tarde pas à sortir mon téléphone de ma poche. Je tombe rapidement sur la conversation que j’entretiens avec ma partenaire. Premier vocal : “1-2,  1-2, inspecteur, est-ce que vous me recevez ?” J’ai oublié un truc, non ? Deuxième message : “À vous.” J’affiche le sourire fier de la nana qui vient de réussir le tour de force de se rappeler un truc aussi insignifiant que ça.

Allez ! En route ! Je tâche de ne pas le laisser distraire par mon environnement. Téléphone greffé à la main, j’enchaîne les messages afin de tenir ma comparse le plus au courant possible. Bon, peut-être qu’elle va devoir séparer l’essentiel du superficiel, mais je n’y peux rien. Je ne suis pas la meilleure dès lors qu’il s’agit de prioriser.

“Je viens de passer devant un vendeur de lunettes de soleil humoristique. Il y en avait avec des verres de grenouilles, j’ai franchement hésité à te les prendre ! T’aurais été sexy de fou avec ! Puis après j’ai vu ceux avec des poussins. Tu crois qu’il faut que je craque ? “

“Au fait, je t’ai pas dit ? Y’a le mec d’Eden qui expose. Enfin, je crois que c’est à nouveau son mec. Tu ne pourras pas le louper, il est grand avec un air de poisson dépressif tiré de son étang. Si jamais tu le croises, tu peux lui transmettre un message de ma part ? Dis-lui que s’il joue encore une seule fois au con, je vais devoir jouer les pyromanes et que le bois, ça crame bien. Ouai, parce qu’il est ébéniste, ce… Grrrr ! “ Il m'énerve. Je ne lui pardonne pas d'avoir lâché Eden. Toute personne faisant de la peine à mes proches devient naturellement persona non grata, dans mon monde. Bon j'irais peut-être pas jusqu'à cramer son atelier, mais ça, il n'en sait rien du tout ! Je mise tout sur mon allure de folle furieuse pour lui faire peur et l'impressionner.

Tandis que je suis occupée à déverser plus de sel que n’en contient la mer morte, une silhouette familière me fait sursauter. Plus rapide que l’éclair, je me faufile dans le stand d’en face. J’arrive à me cacher au milieu des étoles, légères et colorées. Ainsi cachée, je chuchote à l’attention de Thelma. - Inspecteur ! Tu ne vas pas me croire. j’ai la morue en plein visuel. Je fais quoi ? Y’a personne avec elle. Enfin, y’a la nana qui fait ses ongles-là. Oh bon sang, elle arrive à lui sourire en faisant oui de la tête, je crois qu’on devrait lui offrir des fleurs pour la récompenser de sa gentillesse. Thelma ! AU SECOURS ! Ah, et ramène-moi un café sur la route. Ou un granité ? C’est plutôt un temps à granité, non ?

Un bip me tire de ma discussion unilatérale. Oups ! Apparemment, j’ai dépassé la durée maximale d’un message vocal. Par chance, celui-ci s’envoie. Plus qu’à attendre l’avis de Thelma.  

Résultat du dé:

Petite info:

@Thelma Appelbaum