Mains fourrées dans les poches de son pantalon en toile couleur sable, Victor longeait le littoral en fixant les ondulations scintillantes du Pacifique. Les embruns emplissaient sa gorge d’un goût salé. Un cortège de bus, automobiles et deux-roues charriaient les visiteurs jusqu’au Monterey Bay Aquarium. Certains regards s’attardèrent sur le tee-shirt moulant qui mettait en valeur ses muscles saillants. Combien comprenaient qu’il portait ce haut bleu marine en hommage à l’océan nourricier ? Que son pantalon impeccable –moulant lui aussi– représentait les plages souillées sans vergogne ?
Victor arriva au lieu de l’événement après l’ouverture. Il ne portait pas de montre. En ce jour chômé, spécial, son rythme était calé sur la marée et non sur l’horloge des hommes.

Le complexe grouillait de monde. Hommes, femmes, enfants ; peaux claires et brunes ; cheveux de toutes les couleurs ou absents ; tenues chic et vêtements issus de redistributions caritatives. Chaque pan de la société était représenté. En offrant une prestation de qualité à un tarif accessible, les organisateurs avaient préparé le terrain d’une grande communion humaine. Victor voulait croire que des graines seraient semées. Que la sensibilisation aux fléaux modernes provoquerait des changements de comportement. La Californie était un état progressiste, plus sensible aux enjeux écologiques que son Kentucky natal.
Il plongea dans la foule et aperçut un visage familier.
« Monsieur Swan ? » Il tendit la main à @Wesley Swan. « Victor Nash, sergent à la logistique du Presidio. Vous nous avez acheté du matériel à la dernière vente de surplus militaire. » Les personnels  de sécurité étaient d’excellents physionomistes, cependant leur rencontre fut brève et Victor portait l’uniforme. L’homme ne l’avait peut-être pas reconnu.
« Vous êtes venu pour le travail, ou pour les festivités ? »
Victor avisa la tenue vestimentaire de Swan. Classe, stylée, mais peu compatible avec le sérieux de la profession.
« Attendez… question stupide, c’est ça ? » Victor adressa un sourire franc à son interlocuteur.

Alycia avait envie de se changer les idées. Il y a peu, elle était encore vautrée dans son canapé, à regarder distraitement la télévision et à envoyer des messages à son meilleur ami pour sortir tous les deux. Elle a donc proposé à  @Zayn Jabbar de se retrouver histoire de manger un truc ensemble. Après tout, Alycia était une piètre cuisinière. La demoiselle avait même profité de cet événement pour ouvrir son portefeuille et faire une donation. Après tout, elle avait de l'argent de côté qu'elle pouvait se permettre de dépenser. Elle était arrivée parmi cette foule de gens inconnus. Elle avait beau regarder autours d'elle, elle ne reconnaissait personne et encore moins la tête de son ami. Autant le dire, la jolie blonde avait une faim de loup et les odeurs aux alentours ne faisaient que renforcer cet appétit. Nulle doute qu'elle se précipiterait pour aller chercher un burger quand Zayn arriverait. En attendant, elle allait diriger vers le bar afin de commander un verre histoire de patienter un peu. Peut-être que d'autres membres de leur bande les rejoindraient au final ...

@Wesley Swan confirma qu’il était venu en simple visiteur. Détendu, peut-être, mais pour les gens comme eux l’habit ne faisait pas l’homme. Il suffisait qu’un visiteur agité trouble l’ordre public pour que leurs réflexes prennent le dessus.
« Eh bien, vous allez donc pouvoir profiter de tout ça au maximum ! »
Victor regarda autour de lui. Le complexe était immense – trente mille mètres carrés d’après la brochure. Plus de dix mille visiteurs étaient attendus. Le militaire avait aperçu des bus et des voitures portant des plaques d’états voisins ; des touristes habillés trop chaudement pour le climat californien évoquaient leur vol avec des accents de Chicago et de Boston. À la radio, une présentatrice avait prédit un record de fréquentation de quinze mille visiteurs. Victor en déduisit que les organisateurs avaient fait appel à une grosse agence de sécurité pour éviter le fiasco d’un débordement, au lieu de recourir aux services d’un prestataire local à la réputation pourtant irréprochable.
Victor reporta son attention sur le patron de Swan Security.
« Pas de famille pour vous tenir compagnie ? »
La question manquait de tact, néanmoins son interlocuteur donnait l’impression d’apprécier le franc-parler. En tout cas, le jeune quinquagénaire ne portait guère d’alliance.

Invité par @Alycia Caldwell, tu avais évidemment accepté de la rejoindre à l'aquarium afin de manger un bon barbecue. Tu ignores tout de l'évènement qui a lieu et ni pourquoi il y a ce rassemblement. Ce que tu sais s'est qu'il y aura de l'alcool et surtout à manger. Tu es un grand gourmand et tu ne rates pas à une occasion de t'en mettre plein la pense. Quand tu arrives au lieu-dit, il y a déjà beaucoup de monde. Mais tu aperçois la crinière blonde à des kilomètres. Ce blond pourrait rendre la vue à un aveugle. Tu lui cours après comme un grand enfant, car c'est ce que tu es. Tu te jettes sur elle avec ton regard faussement dragueur. "Alors, charmante demoiselle on boit un coup sans moi ?" Il faut admettre que tu n'es pas à l'heure au rendez-vous. Mais tu sors d'une scène ou tu devais pleurer et c'est quelques choses de compliquer chez toi. Tu sais surjouée avec tes sentiments, mais pas avec la tristesse. D'ordinaire, tu t'arraches les poils de la main, mais pour cette scène tu devais avoir les mains en évidence. Il te fallait une autre technique, bref, si tu es en retard c'est à cause du boulot.

La demoiselle attendait depuis un moment déjà, regardant autours d'elle. Elle aperçu Victor avec qui elle se lançait pas mal de défi. Le dernier en date : gravir et redescendre une montagne de la région en une journée seulement. Le pari risqué. Et puis soudain, Alycia fut rejointe par son meilleur ami, les yeux posés sur elle. Elle sauta presque de son tabouret pour serrer Zayn dans ses bras. Un peu comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps alors qu'ils sont voisins et qu'ils se côtoient presque tous les jours. « J'avais pas le choix de prendre une longueur d'avance, je t'attendais, moi ... » Elle n'en voulait absolument pas à son meilleur ami de son retard, elle savait très bien qu'il travaillait et qu'il pouvait avoir du retard. Ni une ni deux, elle commanda deux autres verres et en tendis un vers Zayn. « On va bien s'amuser, je le sens ! » Ce dont elle avait besoin, c'est de danser comme une enfant sur le son de la musique ...