Tu es allée à l’office de tourisme pour checker les concerts en prévision. A force de te voir traîner dans l’office, une hôtesse à l’accueil est venue te proposer un flyers avec deux réductions. Tes yeux commencent à lire le bref résumé de la Monterey Garden Party “Rejoignez-nous de 14h30 à 18h00 pour un après-midi de musique, du vin et des délices culinaires au cours duquel nous dévoilerons notre saison des divers concerts pour 2024/2025.” Tu retournes le flyers, n’écoutant même pas la pauvre hôtesse qui t'explique en même temps, tu te focalises sur les groupes qui seront présents. Tu te rends compte qu’il y a plusieurs petites scènes, pour tous les goûts. Un léger sursaut, le flyers que tu enfouies dans ta poche arrière et tu demandes deux places. Tu as déjà en tête le nom de celui qui va t’accompagner. Tu as fait deux concerts avec lui entre février et maintenant, vous vous amusez, chantez comme des casseroles, dansez et finissez au bar du coin pour déguster des bières.
Aussitôt les places, tu envoies un sms à Marty, lui indiquant que c’est cadeau contre une bonne bière. Tu n’oublies pas de dire que lors de cet événement, des places pour des concerts seront à gagner.
[...] Samedi ! Tu dois rejoindre Marty sur place, sur la plage de Monterey. Un farfouillage dans ton dressing pour trouver une tenue de festival, d’agrémenter ton maquillage et de trouver un chapeau. Ils annoncent 36 degrès, tu t’imagines déjà en train de plonger entre deux musiques dans l’eau pour te rafraîchir et tenir le choc.
L’heure tourne trop vite ! Tu fonces. Tu pestes parce que tu ne trouves même pas une place où te garer. Finalement après trois tentatives pour faire un créneau, ta voiture rentre pile poil.
Tu cours comme une dingue vers l’accueil du festival où tu vas devoir présenter ton pass. Tu sautilles entre la foule pour essayer de trouver ton acolyte de concert. Impossible de lui téléphoner, tu n’as plus de batterie, tête-en-l’air que tu es, tu as oublié de le charger ce matin.
Bien trop petite, tu trouves un bloc de béton sur lequel monter et mieux visionner la foule. Tu dois te dépêcher avant qu’un agent de sécurité te pousse d’ici. Alors, tu te mets à crier.
- MARTY ! WOUHOU je suis là ! Tu agites tes mains en même temps.

Alors qu'il était en pleine partie de jeu avec un de ses amis, Marty avait reçu un message sur son téléphone de la part de Calista Adams pour l'inviter à un concert improvisé au Garden Party. Il en avait totalement mis de côté sa partie sur le coup, beaucoup trop enchanté de recevoir ce message là. Calista, il la connaissait depuis un petit moment maintenant, ils s'étaient rencontrés à un concert et, le courant étant bien passé, ils avaient réitéré l'opération à un autre. Depuis ils se voyaient surtout dans ces circonstances là alors, recevoir une telle invitation avait tôt fait de le rendre heureux. Si Marty ne savait pas jouer de la musique mis à part sortir quelque chose de pas trop dégueulasse de son ukulélé, il l'écoutait volontiers. Sa vie sans la musique n'aurait pas beaucoup de sens. Elle avait cette magie là, cette façon de trouver le meilleur en les gens, de les pousser à être le meilleur d'eux même. Elle faisait passer par toutes les émotions possibles. Marty regrettait de ne pas s'être penché davantage sur l'apprentissage d'un instrument, mais il savait aussi qu'il n'aurait jamais eu la patience malheureusement. Chez lui, c'était instantané, il fallait que ça marche vite autrement ça l'ennuyait. Sa mère avait tenté de lui apprendre les bases du piano et il se revoyait perdre patience après s'apercevoir qu'il arrêtait pas de faire des erreurs, toucher sur plein de touches au hasard et quitter tel un gros rageux pour aller bouder dans sa chambre. Son self control avait ses limites et ce qui était drôle, c'est que ça touchait exclusivement lui même, jamais les autres.

Le jour J du concert, Marty s'organisait comme il le put. Autrement dit, de façon catastrophique. Il avait passé une bonne partie de la journée à faire la sieste et en se réveillant, il fallait se dépêcher. On ne pouvait pas lui en vouloir, avant ses vacances il avait pas mal bossé alors il était un peu exténué. Il arriva ainsi à destination avec du retard... évidemment, mais il se surprenait lui même à en avoir si peu contrairement à son habitude. Vingt minutes. Les gens venaient à peine de commencer de rentrer dans la zone limitée du concert. Quant à lui, il s'évertuait à envoyer des messages à Calista, sans réponse. Ses écouteurs sur les oreilles afin d'atténuer le bruit de la foule mais aussi pour mieux patienter, il ne réalisa pas immédiatement la présence de la jeune femme qui, de là où elle se trouvait, l'appelait. Ce ne fut que trois minutes après , quand il vit une silhouette de petite taille s'agiter au dessus de la file qu'il l'aperçut. Son sourire s'illumina aussitôt alors qu'il la reconnu, beaucoup trop heureux de revoir cette jolie bouille à nouveau dans son champs de vision, avant qu'il n'ôta son casque et de s'avancer parmi les gens afin de la retrouver.

"Wouaaaaw, j'ai cru que j'allais jamais te retrouver! Je t'aie envoyé plein de message" lui dit-il une fois qu'il lui fit face, non pas sur le ton de reproche mais plutôt en guise d'information et un peu d'inquiétude. La vague idée de s'être reçu un lapin lui avait traversé l'esprit étant donné que ça lui était déjà arrivé mais le voilà rassuré maintenant qu'il savait que ce n'était pas le cas. "Une bière donc? Une seule?"
Tout en plissant un oeil à son encontre l'air de dire tu m'la fait pas à moi, il lui rappelait là l'échange qu'elle lui avait proposé pour la place de concert qu'elle lui offrait. Parce que ouais, Marty ne comptait pas s'arrêter à une seule, oh non. Les soirs de concerts étaient les meilleurs prétextes pour faire la fête et s'enfiler des verres sur une longue durée de la nuit jusqu'à s'endormir au petit matin sans vraiment se souvenir comment on avait réussi à rentrer. Le genre de soir où tout était permis, dans la limite de la légalité bien évidemment. Le genre de soirée où il avait besoin de profiter avant que son corps ne lui dise qu'il n'en pouvait plus. Enchainer plusieurs d'affilée était devenu pénible, il avait à peine la trentaine. Ca l'effrayait, un peu.

Jour de concert ! Tu te sens bien trop pressée, parce que l’heure sur cette maudite pendule avance trop vite. D’ailleurs, tu te retrouves très vite à ne plus savoir l’heure, ton téléphone vient de s’éteindre brutalement, indiquant 0% de batterie. Zut ! Tu pestes encore plus.
Il est temps de comprendre ce que tes parents pouvaient ressentir ; quand les téléphones n’existaient pas et qu’ils devaient se donner rendez-vous à un point de rencontre. Sauf que la foule autour de toi complique les choses. Pas assez grande pour voir au-dessus d’eux, tu sautilles, mais en vain, même comme ça tu ne vois rien. En plus, tu te fais bousculer dans tous les sens et ça a le don de t’agacer. Tu as trouvé de quoi être perchée en hauteur, tu te sers d’un bloc de béton qui sert à bloquer toute personne qui déciderait de s’introduire avec son véhicule dans le foule. Tu t’agites dessus, criant le nom ami.
Tu entends une voix familière, tes yeux se rivent plus bas et tu découvres Marty. Ton sourire s’agrandit.
- Mon téléphone n’a plus de batterie ! Tu lèves ton pouce pour lui signifier qu’une bière et plus finalement tu laisses ton index rejoindre ton pouce. Finalement, allons-y pour deux ! Enfin, tu dis ça pour le moment.
C’est sans doute à cause de la dernière soirée où tu as abusé du punch, que tu te restreins mentalement à deux bières. Le lendemain de la soirée, tu t’étais réveillée avec un mal de crâne terrible. Tu avais eu l’impression d’être une larve géante toute la journée, te traînant presque au sol pour aller d’un point à l’autre de ton appartement. Et ce jour-là, tu t’es jurée comme nombreuses fois, de ne jamais reboire une goutte d’alcool.
Il es temps de descende de ton perchoir. Tu remarques que tu étais assez haute. Tu te trouves presque bête parce que tu ne sais pas du tout comment descendre de ce bloc de béton. Tu grimaces. En plus, tu n'as pas les chaussures adéquats pour tenter de prendre un risque et sauter de ce machin.  
- Tu me rattrapes ! Dis-tu en lui sautant dans les bras pour qu'il te réceptionne.

Afin de mieux la visualiser, Marty plissait des yeux en réajustant sa casquette pour barrer le trop plein de lumière qui lui arrivait sur le visage. Elle était en hauteur, Calista, et il l'entendit dire qu'elle n'avait plus de batterie sur son téléphone. Chose un peu rassurante, c'était pour cette raison là qu'il n'avait donc obtenu aucune réponse. Le genre de chose qui pourrait lui arriver s'il ne faisait pas plus attention que cela étant donné que Marty était un grand distrait et d'une organisation catastrophique en temps normal. Il fit une moue de compassion pour répondre à sa phrase, ne faisait aucun commentaire dessus vu qu'il n'était donc pas mieux. Puis, pour se décider des bières, elle semblait s'accorder au fait qu'il n'y en aurait pas qu'une seule. Deux donc!
- Oh, deux! Oui, bien sûr, ok, entendu!
Il ignorait s'il allait s'abstenir à seulement deux, même si c'était déjà pas mal, deux pintes pleines. Le problème avec lui, c'était qu'il ne savait pas toujours quand s'arrêter. Enfin, en ce qui concernait les soirées en tout cas, parce que sur d'autres plans, il le savait très bien. Plus d'une fois il s'était réveillé dans un endroit totalement random, parfois même dehors, endormi sur un banc ou même sur la plage, un fort mal de tête pour l'accueillir. A chaque fois il se promettait de ne pas recommencer mais dès que l'occasion se présentait il oubliait cette promesse, se laissant un autre temps pour les regrets. Mais avec l'âge et le temps qui avançait, il se rendait compte qu'il ne pouvait plus enchainer les fiestas comme avant. Son corps était moins résistant et plus enclin à s'amuser.
Calista décida de quitter son perchoir en lui demandant de la rattraper, ce qu'il fit une fois qu'elle se jeta dans la foule ou plutôt littéralement dans ses bras. Il la réceptionna tel un koala qui s'accrochait, ses mains sur ses cuisses pour éviter la chute brutale. Un échange de regard silencieux plus tard, Marty décida de la lâcher doucement de façon à laisser ses pieds toucher doucement le sol.
- Ca va, rien de cassé?
Pourquoi cette question? Aucune idée. Il avait eu envie de trouver quelque chose d'intelligent à sortir, ce n'était pas toujours concluant. Un sourire parsema son visage, puis il se défit de sa casquette et la posa sur la tête de Calista. "Tiens, j'te la prête, le gnome. Ca me permettra de te visualiser si jamais je te perds de vue."
La foule se mit à avancer, signe que les portes s'ouvraient. Ce n'était pas un zénith ou un stade, mais pour ce que c'était, il y avait plus de monde qu'il ne l'aurait imaginé. Pendant qu'ils s'approchaient de l'espace de concert, Marty se pencha vers l'oreille de Calista : "On devrait rester plutôt dans le fond, qu'est ce que t'en pense? On y voit mieux, on respire mieux, il y a plus d'espace et surtout, la bière est pas loin derrière. Question de logistique tuvoi."
Il se souvint du dernier concert où il avait peiné à se tenir calme. Faut dire, il avait bu assez pour se porter au gré des notes, de la voix fausses du chanteur et vivre un instant de concert comme il les aimait le mieux.

Tu as enfin retrouvé le visage que tu cherchais. Enfin, c’est peut-être surtout lui qui t’a trouvé. Tu lui expliques la raison pour laquelle tu étais en mode silence radio depuis les dernières minutes. Tu en profites pour réajuster et dire que tu souhaiteras avoir deux bières. Tu vas tenter de te tenir à ce médiocre chiffre. Tu as quelque doute sur toi-même, si l’ambiance est bonne, il y a de fortes chances pour que tu te laisses tenter par plus de deux.
Tu finis par te lancer sur lui pour descendre. Il était temps que tu rejoignes dignement la fête. Il t’a rattrapé sans aucun tracas. Tes deux mains se bloquent derrière sa nuque au moment de la réception. Tu te retrouves à plonger ton regard dans le sien. Tu n’as jamais été aussi proche. Finalement, tes deux pieds rejoignent le sol.
- Tout est en ordre ! Dis-tu en souriant.
Tu te retrouves avec sa casquette vissée sur le haut de ton crâne. Il n’a pas tords, ça peut être une bonne technique si jamais tu te fais embarquer dans la foule. Tu lui donnes un petit coup d’épaule amical quand il te surnomme le gnome. Ce qui pourrait être vrai, car il doit bien faire vingt bon centimètres de plus que toi.
Les portes s’ouvrent et certains se pressent pour entrer rapidement. Ils sont tous comme des dingues. Est-ce le soleil qui les rend aussi hystériques ? Tu te contentes d’avancer à petits pas derrière les gens.
Tu approuves en acquiesçant ce que ton acolyte de concert vient de te proposer.
- Je valide ! Puis ça nous évitera de se faire marcher sur les pieds et… tu pointes un stand à hot-dog. Si je meurs de faim plusieurs fois, les hots-dogs ne seront pas loin ! D’ailleurs tu remarques qu’il y en a un spécial piment et ça te tente.
Vous trouvez un coin parfait pour apercevoir la scène, mais être aussi tranquilles.
- On devrait s’hydrater avec une bonne bière ! Et mine de rien le soleil tape fort et tu n’es pas contre un rafraîchissement.
D’ailleurs vous devriez en profiter pendant que les gens ne se sont pas rués dessus. Parce que s’il a bien une chose que tu détestes faire c’est : patienter. Lorsque tu étais à Paris, grâce à ton travail et ton ex-mari tu avais certains privilèges comme éviter les files d’attente. Privilège que tu n’as plus du tout. Les premières semaines à Monterey ont été compliquées et depuis tu dois réapprendre à comprendre ce qu’est la patience.

Comprenant l'ambiguïté de leurs gestes, Marty avait laissé Calista atterrir sur le sol sans qu'elle ne se casse quoique ce soit. Au moins, les voilà réunis désormais et cela malgré l'abandon de la batterie de son téléphone. Ainsi il ponctua la déclaration de Calista par le fait de lui coiffer la tête de sa casquette afin de pouvoir s'assurer de la retrouver s'ils étaient amenés à être séparés ou x ou y raison. Il ne put cependant pas s'empêcher de rire lorsqu'elle répondit à son surnom par un petit coup dans l'épaule. Calista devait faire une petite tête en moins que lui, il n'avait pas pu s'empêcher de la taquiner à ce sujet. Au fond, ce n'était pas méchant évidement et jamais il se permettrait de faire de mauvaise blague. Et puis, le fait de se connaitre aidait aussi là dessus.

Lorsque les portes s'ouvrirent, la cohue s'excita. Réaction typique d'une foule qui patientait depuis plusieurs minutes et qui voyait enfin une issue à leur attente. Calista fut séduite par son idée de rester loin de la scène afin de pouvoir mieux accéder aux stands de boissons et de nourriture qui était une force dans ces moments de show. Un concert sans bière -ou sans cola pour ceux qui n'étaient pas portés sur l'alcool- n'était pas un vrai concert. Marty appréciait d'autant plus l'ambiance avec la panoplie qui allait avec. Il y avait même des hot dogs et autres petites nourritures à disposition et dont l'odeur enfumait déjà les narines du public qui trouvait peu à peu sa place.

- Hey mais c'est juste merveilleux ici, pourquoi il n'y a pas des concerts tous les jours? se demanda un Marty charmé par l'endroit dans lequel ils se trouvaient. Il n'était pas compliqué comme garçon après tout : à manger, à boire, de la bonne musique (ou pas, après tout on s'en fichait) et le voilà heureux. Pourquoi chercher à gagner des millions quand un rien suffisait à illuminer sa vie?
Calista entra dans le vif du sujet lorsqu'elle proposa aussitôt d'aller se prendre une bière et de profiter que les gens n'aient pas encore tous cette idée pour aller en boire. Marty présenta un de ses pouces levés afin d'approuver.
- Ouaip, excellente suggestion! Tu savais qu'une étude américaine a prouvé qu'on vivait mieux les concerts qu'on était bourré? C'est même pour ça qu'ils proposent à chaque fois de l'alcool.

Il se pinça les lèvres, parfaitement conscient qu'il venait d'inventer cette anecdote. Son expression niaise faisait comprendre qu'il n'était pas sérieux mais il faisait du mieux qu'il pouvait pour tenter de faire comme si son mensonge était vrai. En tout cas, il s'approcha du premier stand libre après que deux autres personnes venaient de se faire servir et posa son coude contre le comptoir. "Une bière pour la demoiselle et moi" qu'il s'entendit demander avant de tourner la tête vers Calista. "Tu voudras quelque chose avec ça?"

Pendant ce temps là, quelqu'un sur la scène était en train de tester les différents micros pour accueillir le groupe qui allait se produire. L'espace d'un instant, Marty se vit dessus, malgré le fait qu'il n'avait aucune connaissance musicale. Simplement chanter de sa voix médiocre mais avec un charisme assez entrainant pour s'attirer la sympathie de la foule. Il savait qu'au fond, il pourrait le faire. "Hey, tu sais quoi? Il faudrait qu'on fasse une session karaoké un jour. Juste toi et moi. Chanter tout et n'importe quoi, ce que tu voudras, que ce soit dans le registre qu'on écoute ou non, juste histoire de voir comment ça rend. T'en pense quoi? Parce que genre, là, immédiatement, j'ai envie de me lancer dans un groupe de punk et j'aimerais tester voir si ça fonctionnerait."
Cette idée qu'il venait d'avoir, il venait de l'exprimer après qu'ils aient été servis.