Dans quelques jours, Thomas va partir avec sa Miss Canon et heureusement que ce n’est pas moi qui vais gérer la boutique en son absence. Il a tout de même son second et c’est très important. En tout cas, je resterais à ma place sans faire d’histoire et je poursuivrai ma formation avec le big boss à son retour. Par contre, il m’a aidé à préparer quelque chose pour Diego cette semaine et je suis pas mal fière du résultat. Cette semaine, mis à l’honneur, beaucoup de monde s’est arraché la nouvelle composition et je dois dire que j’ai très très hâte de la montrer à celui qui fût ma muse ces derniers jours.

Après ce franc succès, j’emballe ma douceur dans une boîte à emporter afin de ne pas me la faire piquer, sous l’œil amusé de Thomas qui doit ricaner intérieurement. Roh, ça va, j’ai pas l’air bête au moins ? Et quand l’heure sonne la fin de mon quart de travail, je salue tout le monde en enlevant mon tablier. Je récupère ma veste et mon paquet avant de quitter la pâtisserie. Il est dix-huit heures, tapante. J’envoie un texto à Rosalie pour lui dire que je ne rentrerai pas tout de suite et qu’elle n’a pas besoin de m’attendre pour le souper, si des fois elle décidait de rentrer plus tôt ce soir. Cette semaine, on s’est à peine croisées toutes les deux, elle a du boulot par-dessus la tête, ce que je peux comprendre mais dîner quatre soirs de suite toute seule, ça me tente pas de passer la soirée encore une fois sans elle. Je mangerai quelque chose plus tard, si l’appétit décide à se manifester, ce qui n’est franchement pas le cas à cet instant.

J’ai surtout envie d’arriver à l‘improviste, chez Diego. J’espère qu’il ne m’en voudra pas ? Mais parfois, il m’arrive de ne pas réfléchir et d’être spontanée, comme à cet instant où après moins de trente minutes de marche, j’arrive sur le port. Je ne me rappelle plus quand il m’a donné l’adresse mais je l’ai soigneusement gardée, au cas où, je me pointerais comme ce soir, sans rien annoncer avant. J’espère aussi qu’il est là ? Ce serait franchement décevant pour moi mais après tout, ce sont les risques quand on débarque sans rien dire, hein ?? En vérifiant sur mon cellulaire le numéro du ponton et du bateau, j’arrive finalement à trouver le bon endroit et je suis soulagée d’y voir de la lumière. Je n’ai même pas le temps de monter sur le pont que Diego fait son apparition. Penaude, j’avance ces quelques mots :

Salut. Euh… je sais que j’aurais dû prévenir avant mais… j’ai une surprise pour toi…

Je lui tends la boîte ou y est inscrit fièrement le logo de la pâtisserie. Afin de justifier ce mystérieux désert, je lui dis :

C’est un cheesecake à la pistache. Je l’ai fait en pensant à toi…

Et ce n'est pas tout. Mais j’crois que je suis bien trop embarrassée pour lui avouer la suite. Je me contente  de baisser la tête, en sentant le feu parcourir mes joues…

Je sais, c’est sûrement impoli de débarquer à l’improviste chez les gens, parce que peut-être que Diego a mieux à faire que de me recevoir, comme faire la fête avec des copains ou peut-être qu’il n’est tout simplement pas là ? J’en sais rien. C’est le risque à prendre puisque je ne lui ai pas envoyé de message pour connaître ses projets. Et maintenant que je suis là, tenant entre mes mains une boîte à pâtisserie du Cranachan, je ne peux plus faire marche arrière. Quelques peu gênée de mon apparition soudaine, je suis surtout soulagée de savoir que je ne dérange pas. Il m’invite même à monter sur le bateau. Rapidement, je lui attrape la main, afin qu’il m’aide à enjamber l’espèce de marche entre le quai et le bateau. Ce n’est pas forcément à la même hauteur et la première fois, ça surprend. En fait, je ne suis jamais montée sur un bateau alors, j’y connais strictement rien. J’suis contente d’avoir trouver le bon navire au bon endroit sans commettre d’erreurs alors… Je lui lance un petit merci avant de lui présenter ma surprise. J’ai la trouille de savoir ce qu’il en pense mais en même temps je suis impatiente !! En m’installant à table, j’ai presque un nœud à l’estomac et je ne sais pas vraiment pourquoi je me mets une pression d’enfer. Un cheesecake c’est pas non plus un truc de malade hein ! Mais la pistache, nous lie davantage que je ne le pensais. Il m’a quand même prise sur le fait, en train de me goinfrer de pistache dans mon coin, lors de notre première rencontre. Je hoche la tête tout en souriant :

Hm-hm.

Diego suggère de le goûter ensemble. Ce qui est adorable, bien sûr. J’ose pas lui dire que je l’ai déjà goûté en début de semaine et qu’en plus il est vraiment à tomber le cul par terre! Surtout avec son petit coulis de framboise, là… Je m’installe donc à table et le laisse revenir avec deux cuillères. Je ne peux m’empêcher de froncer des sourcils en pensant aux assiettes qu’il ne mentionne pas. Quand il revient et me demande si je veux boire quelque chose, je fais non de la tête.

Ça ira, merci.

J’attrape la cuillère qu’il me tend, tandis qu’il s’installe à côté de moi, afin de sortir la part de gâteau de son emballage et qu’il présente entre nous deux. Pointant donc ma cuillère en sa direction, je lance :

À toi l’honneur, évidemment.

Toute la semaine, Thomas a vendu cette petite merveille aux clients, qui ont été plus que satisfaits de la saveur pistache mélangée au fromage, agrémenté de ce petit goût acidulé de framboise. Et « la cerise sur le gâteau », c’est que nous lui avons donné son prénom. A Diego, j’veux dire. Alors, c’est fièrement que je m’apprête à lui confesser cette information :

Ce dessert s’est incroyablement bien vendu cette semaine à la pâtisserie, d’ailleurs à ce propos, il portait ton nom…

Et baammmm, même en regardant l’horizon en direction du soleil, je sens mes joues me chauffer sous la peau, c’est pour dire ! Je ne pensais pas que ce genre de révélations allait me faire rougir autant qu’une pivoine !

J’étais impatiente d’arriver chez Diego pour lui apporter un dessert que j’ai confectionné en début de semaine, avec l’aide de Thomas, et qu’en plus, il porte son nom. La pistache est devenue un peu notre mot secret. Le point culminant de notre rencontre, avec la réserve d’une réception de mariage. Depuis ce jour, je n’ai pas arrêté de penser à lui, et aux échanges que nous avons eu. Que nous avons encore actuellement et bien qu’il ne se soit encore rien passé entre nous, j’admets, avec conviction, qu’il y a un truc chez lui qui me plait. Qui me plait beaucoup beaucoup. Je ne sais pas si j’en suis amoureuse. Ou j’essaie de me préserver de ce que j’ai vécu avant ? Dans tous les cas, ce que je ressens pour Diego Villanueva est agréable, nouveau et… je peux sentir les papillons dans mon estomac quand je parle de lui. Ou que je pense simplement à lui !! quand j’ouvre les yeux le matin, c’est la première personne à laquelle je pense. Je vérifie sur mon téléphone s’il m’a envoyé un texto ou un message vocal. C’est la première personne à qui je dis bonjour, avant de quitter mon lit. Et avant de fermer les yeux le soir, il est la dernière personne à qui je pense, à qui j’envoie un texto ou un message vocal pour dire bonne nuit…. Je crois qu’il compte pour moi. Plus que je ne le voudrais et d’un sens, ça me fait très peur. Je ne veux pas souffrir. Je ne veux pas avoir le cœur brisé, les rêves envolés. Je me remets tout juste de ce que Dante m’a fait, j’aurais pas la force de recommencer.

Pourtant, je prends le risque de ressentir des choses envers Diego, en venant ici. En lui proposant un super dessert à son effigie. En étant proche de lui… en acquiesçant de la tête, que s’il passe par le Cranachan pour demander le Diego, c’est celui-ci qu’on lui servira. Je prends tout un tas de risques, quitte à me brûler les ailes. Mais pourquoi ? Mais ne dit-on pas que l’on prend de l’assurance quand flotte dans l’air, un sentiment qui se compare à l’amour ? Serait-ce donc cela que je ressens pour Diego ? Et si je m’emballais ? Et si ce n’était que le fruit de mon imagination ? Après tout, on a le droit d’avoir des amis sans pour autant être amoureux. Tout comme le fait que j’adore Esteban, que j’adore passer du temps avec lui, faire de la musique etc mais je n’en suis pas du tout amoureuse. Pourtant, je sens que c’est différent avec Diego. Le niveau n’est pas le même. Les risques non plus, Ada ! Et quand il me prend dans ses bras pour me remercier, mon coeur tambourine un peu plus dans ma poitrine. Cette proximité me rend fébrile. Agréablement fébrile. Je ne me suis jamais sentie aussi proche de lui, qu’à cet instant. Et instinctivement, mes yeux retrouvent les siens, une bulle invisible et impénétrable se forme entre nous tandis qu’il enlève je ne sais quoi dans mes cheveux. De la farine, dit-il ? Je ne sais pas trop, je n’écoute pas. Je suis scotchée, n’ai d’yeux que pour les siens et j’en ai perdu mon langage. Pas un seul son n’est capable de sortir de ma bouche…

Et l’instant d’après, je vois son visage se rapprocher du mien. L’ambiance n’est plus tout à fait la même. Le rire a laissé place à quelque chose de bien plus sérieux.

Un baiser.

Ses lèvres chaudes qui se posent sur les miennes. Lorsqu’il a touché mes cheveux, je connaissais déjà l’issue de cette bulle avec Diego. J’ai immédiatement senti que quelque chose de nouveau  allait naître entre nous. Et je ne peux pas le repousser. Je ne le veux pas. Je presse davantage mes lèvres sur les siennes avant de glisser timidement le bout de mes doigts, de ma main droite sur sa joue. Lorsque je me détache, je garde les yeux fermés afin de continuer de m’imprégner de cette douceur qui nous enveloppe. Je murmure :

Wow. C’était… c’était…

Indescriptible. C’était indescriptible.

Je ne pensais pas que cette étreinte serait aussi révélateur des sentiments que je ressens à l’égard de Diego. L’amour ? C’est fort possible. Je me sens surtout fébrile, totalement hors du temps. Son regard plongé dans le mien reflète une tendresse déroutante. Les battements de mon myocarde s’emballent chaque fois un peu plus que le piège se referme sur cette attraction soudaine. En fermant les yeux, j'accueille sans peine son baiser. Je soupire avant même qu’il n'atteigne mes lèvres. De sa flèche empoisonnée, Cupidon vient de sceller mon âme à celle du garçon qui se tient contre moi, plus aucun doute possible !

Je pourrais l’embrasser pendant des heures, même si je dois manquer d’air. Il y a quelque chose de nouveau entre nous, je ne suis pas en train de me faire des films. Ses doigts sur ma joue, qu’il effleure avec délicatesse, je me mets à sourire. Moi aussi, j’attendais ce moment depuis… Un moment déjà. Sauf que je n’ai jamais osé l’avouer. Ni à lui, ni à moi. C’est la première fois que j’ose le penser mais je le sentais au plus profond de moi. Impossible de dire quoi que ce soit, que ses lèvres retrouvent les miennes une fois encore, s'enfonçant davantage dans une béatitude sans nom.

Manquant d'oxygène à tour de rôle, j’inspire profondément, sans pour autant quitter les bras de Diego. Je pourrais l’embrasser pendant des heures et des heures, sans m’en lasser. Ses quelques mots ont l’effet de me faire rougir, je peux sentir le feu me monter aux joues et en mordillant ma lèvre inférieure, je détourne le regard –un peu gênée :

Les tiennes ne sont pas mal non plus !

Dandinant telle une fillette devant son crush d’adolescente, je confie à Diego :

J’pourrais t’embrasser encore et encore, des heures durant !

Doucement papillon, laisse le respirer, ce pauvre garçon !