Eden dépose sa moto devant la maison qu’il convoite. Il stoppe le moteur et descend de la scelle en prenant soin de retirer son casque pour observer les lieux. La soirée est bien entamée, la nuit est tombée depuis quelques longues minutes et la fraîcheur de l’hiver laisse encore quelques traces. Mais ça n’arrête pas le jeune homme équipé de son blouson en cuir et d’un sac à dos bien rempli. Il a préparé avec soin ce qu’il allait emmener pour cette soirée et il n’a pas hésité à y aller fort si nécessaire. Un coup d’œil à son téléphone l’informe qu’il n’a toujours aucune nouvelle d’Archie et qu’il devrait peut-être réellement l’oublier, cette fois. C’est ce que Riley lui a conseillé, non ? Il n’en sait plus rien, parce que depuis plus d’un mois, il ne sait absolument pas où il en est. Il est de retour dans le vaste monde des âmes en peine, avec un gros chagrin d’amour en collation et l’envie d’inonder la messagerie d’Archie de tous les mots qu’il voudrait lui dire. Mais il a reçu une consigne très claire, qu’il lui est malgré tout difficile d’appliquer.

Il range rapidement son téléphone et il se dirige vers la porte d’entrée. Retrouver Caïn va lui faire du bien. Depuis son retour en ville, ils ont connu des moments compliqués, il n’a pas été facile pour Eden de regagner sa confiance, de lui prouver qu’il pouvait en être digne, de lui montrer qu’il n’avait pas l’intention de repartir sans rien dire, qu’il était bien là maintenant, et prêt à tout pour le garder dans sa vie. Et il a eu raison, parce que même si le jeune asiatique lui en a fait baver, il ne regrette pas de s’être accroché et de lui avoir prouvé qu’il ne lâcherait pas le morceau, bien déterminé à se faire pardonner. Depuis quelques temps, ils se côtoient de façon un peu plus régulière. C’est chez Caïn qu’Eden s’est réfugié quand les choses ont éclaté avec Archie. A présent, c’est pour lui qu’il est là, et peut-être un peu pour lui-même. Le jeune homme n’a pas le moral, et Eden non plus. Il n’est pourtant pas question de laisser son ami et ex petit-ami broyer du noir, il doit l’aider à se changer les idées.

C’est pour ça qu’il débarque avec son plus beau sourire, bien que moins éclatant qu’à l’accoutumée, il a été forcé de le reconnaître après qu’on le lui a eu fait remarquer à quelques reprises. Il ne brille plus de l’éclat qui l’habitait, il a perdu quelque chose. Et tous les jours, il ressent le poids de ce manque. Mais il tente de se parer de sa plus belle face pour sonner à la porte de son ami. Quand il le voit apparaître de l’autre côté du battant, il dégaine immédiatement la bouteille de vin rouge qu’il a sorti de son sac. « J’ai du vin, des spécialités coréennes plein le sac et deux ou trois idées de films à se mater ! Et ce ne sont pas de comédies romantiques ! » De toute manière, lui-même les fuit comme la peste depuis quelques temps et il sait combien ce n’est pas le style de Caïn, de toute façon. « Si tu me laisses sur le perron, je réussirai à te convaincre qu’il vaut mieux éviter de me laisser dehors, après une certaine heure ! » Peut-être que cette soirée n’était pas tout à fait prévue, qu’il a senti dans les messages du jeune homme une certaine mélancolie qu’il a voulu immédiatement éponger en débarquant comme une fleur. Mais avec son sourire charmeur, sa bouille extrêmement mignonne et les arguments qu’il a dégainé, il espère avoir réussi à grapiller quelques précieux points et une invitations directe pour le salon de son ami.  

Depuis quelques jours c'était peine perdue, je n'arrivais pas à me concentrer sur les contrats que m'avais envoyé mon manager. Je devais aussi lire tout un scénario d'une série dans laquelle il voulait que je tourne, mais les documents étaient restés depuis leur arrivé sur le meuble d'entrée. Paul occupait mon esprit sans cesse, je me demandais s'il allait bien, s'il avait suffisamment manger ou dormi. Des réponses que je ne pouvais pas avoir facilement vu qu'il s'était envolé loin, trop loin pour avoir des nouvelles récurrentes. Connaissant mon petit ami, il devait être plus focalisé sur ses patients que sur moi. Je me sentais délaissé, et la peur qu'il ne revienne jamais allait et venait dans ma tête. L'abandon n'était pas ma tasse de thé, et je tentais de combattre cette idée pour ne pas finir au fond du trou. Je peinais à m'accrocher à la seule branche au-dessus de moi. Mon état de larve ne plaisait pas à mon manager évidemment et j'avais bien compris que je devais faire des efforts sinon il allait encore débarquer avec la musique à fond.
Je n'avais pas non plus la tête à voir quelqu'un, je répondais simplement à des messages, comme ceux qu'Eden m’avait envoyé. Etrange que de consoler son ex au sujet de sa rupture avec son mec même si on ne pouvait pas vraiment dire que j'avais pris son parti en apprenant la raison. Ce pauvre Archibald avait dû penser qu'il avait été pris pour un con, comme moi lorsque l'ancien comédien était parti sans rien dire lorsque nous étions ensemble. Finalement, j'avais réussi à lui pardonner un peu ce qu'il avait fait, ne cautionnant toutefois toujours pas cette façon de faire, alors on avait fini par se fréquenter de manière amical cette fois-ci. Puis ma relation avec Paul m'avais aussi permis d'être un peu plus sympathique avec mon ex.
 
Allongé sur le canapé, je zappais les chaines de la télévision depuis dix minutes. La nuit était tombée mais je n'avais pas le courage de rejoindre mon lit trop froid. La sonnette avait soudainement retenti et je fronçai les sourcils, car je n'attendais personne. La crainte que cela soit un policier venant m'annoncer une mauvaise nouvelle m'avais pressé jusqu'à l'interphone, voyant sur la vidéo qu'il s'agissait d'Eden. Quand on parlait du loup. Poussant un soupir, j'ouvrai la porte.
 
 - Tu te souviens de ça ?
 
 J'étais un peu surpris qu'il ait retenu ce que j'aimais boire et manger. Sans oublier que je n'étais pas très fans des comédies romantiques en effet.
  
- Je n'ai pas envie de retrouver ton corps gelé sur mon perron demain
 
 Déclarais-je avant de me décaler pour le laisser entrer. J'exagérai car il ne faisait pas si froid que ça mais il fallait bien que je sois taquin avec lui. Refermant la porte une fois à l'intérieur, je faisais de la place sur la table basse en mettant les contrats sur un meuble.
 
 - Est-ce que tout va bien ?
 
Demandais-je en regardant Eden. C'était son style de débarquer sans prévenir mais je voyais bien que quelque chose clochait chez lui. Est-ce qu'il avait tenté de contacter son ex ?