Octobre 2023, Cabinet vétérinaire, at night. 
FT.   @Salem Fields  
tw : animaux blessés, idées noires, langage grossier



Un p’tit sms habituel envoyé à la blonde, juste l’émoji d’un chien. Pas la peine de laisser des traces. Il est bien éclaté notre message codé, mais j’aime quand c’est simple et efficace. J’ai jamais aimé faire tremper des jeunes femmes dans mes p’tites combines à la con. Mais j’me dis que c’est toujours moins grave que de vendre de la came à des femmes, comme j’ai pu l’faire dans le passé. Ça serait mentir, de prétendre que ça ne m’avait pas plût à l’époque, de jouer d’mon charme pour les faire plonger joyeusement dans la drogue, pour agrandir ma clientèle de l’époque, comme Trish. J’étais obligé de le faire certes, ça m’donnait bonne conscience cette dette envers le réseau. J’étais obligé et j’étais bon à ça, mais une part de moi… Avait aimé tout ça. J’étais heureux, malgré les coups, la pression, la douleur, la solitude derrière tout ça… Ouais, malgré ma séparation avec Xio. J’ai jamais pensé à mettre fin à mon existence misérable à l’époque, alors qu’aujourd’hui…

Aujourd’hui, les choses sont bien différentes. Je ne vends plus de drogues, plus d’armes. Je ne recrute plus personne et d’ailleurs, je suis persuadé que les rides inscrites sur ma peau avec ce séjour en prison ont tué le game. Je ne me suis jamais senti réellement attirant, mais puisque j’arrivais toujours à m’entourer des plus belles femmes, j’en avais déduis être charmant et probablement un assez bon coup. Désormais, j’suis rien de tout ça, juste ce type qui a fait d’la taule, qui inspire la peur et qui ne sait de toutes manières plus quoi faire d’sa peau. J’sais pas pourquoi j‘fais ça, “sauver” ces animaux. Pour m’donner bonne conscience, parce que leur attente derrière les barreaux de leur cage me renvoie à ma propre détresse. J’en sauve de l’euthanasie et j’me sers au passage, parce que j’ai besoin de fric, que j’veux pas de gloire, j’veux pas avoir l’air d’un héros. J’reste à ma place de raclure de trafiquant, j’reste à ma place en bas de l’échelle.

J’arrive au cabinet vétérinaire en début de nuit, à l’heure dorénavant habituelle de nos rencontres. J’suis arrivé par voie terrestre parce que la moto c’est pas l’plus pratique au final. J’me trimbale deux cages sous une couverture dans les bras. Normalement, vides, mais ce soir, c’est un peu différent. Je frappe discrètement, jusqu’à ce que la p’tite tête blonde vienne m’ouvrir rapidement. D’une analyse rapide de mes yeux verts, j’avise si la jeune femme va bien et s’il n’y a rien qui s’oppose à ce que j’entre.

- Salut ! Allé pousses toi, j’ai quelque chose d’spécial à t’montrer !

Toujours pressé le gars.
Toujours en mouvement.
Fucking TDAH.

J’me faufile dans la boutique, j’fais comme chez moi. J’sais ce que j’dois embarquer ce soir, j’me demande comment Salem explique les disparitions de certains animaux de la fourrière destinés à l’euthanasie. Peut-être que le vétérinaire est dans la confidence, peut-être que tout l’monde s’en fou… À part les concernés.

J’pose les cages sur la table d’examen juste là et pivote vers la blonde.

- Fermes tes p’tits yeux ! T’inquiètes, j’vais rien faire de dégueulasse avec mon corps, hein.

J’ris bêtement, bordel, faut dire qu’en prison, tu fermes surtout pas les yeux si un criminel te demande de le faire, surtout s’il parle d’une surprise ! Y’a un paquet d’exhibitionnistes au mitard, malgré les cachets qu’on nous donne pour nous couper la trique, y’en a que rien n'arrête, j’vous assure…

J’me tourne vers la cage pour l’ouvrir et attraper ce p’tit furet quelque peu mité, c'est vrai, j’ai essayé de retaper avec mes maigres moyens et connaissances mais y'a encore du boulot !  Personne ne l’a réclamé au bout de huit jours, bon pour l’abattoir. Légalement, j’ai prétendu qu’un propriétaire est venu le chercher et j’ai mis quelques deniers personnels dans la caisse de la fourrière pour les frais de gardiennage. J’ai payé pour mon propre travail ! Mais c’est un cadeau exceptionnel, pour une associée exceptionnelle.

Mon idée, c’était de tenir le furet comme dans le roi lion, juste devant son p’tit museau lorsqu’elle ouvrira les yeux. Mais, je ne serais pas Jayson Salazar, si les choses ne se passaient pas comme prévu ! Un chien aboya à la vue de la bestiole qui se tortillait dans tous les sens de peur, j’tenais bon, mais j’voulais pas lui écraser sa minuscule cage thoracique. Alors j’l’ai lâché et ce con à rien trouvé de mieux que venir se planquer dans mon hoodie.

- NON ! SORS DE LÀ ! AH BORDEL TU ME GRIFFES PETIT B*TARD D’MON CUL  !

Là, c’était littéralement moi qui était en train d’me tortiller comme un vers à essayer de l’faire sortir par une manche ou par le bas, j’fini par m’défroquer, tout y part. J’me retrouve torse nu face à la blonde, mon hoodie et t-shirt en boule au sol qui remuait un peu avec c’furet qui essayait d’en sortir. J’reste figé, pas méga à l’aise par la situation.

- Euh… J’avais dis rien de dégueulasse avec mon corps, hein ?

Que j’fini par lâcher. Conscient de l’exhibition d’une nombre impressionnant de tatouages moucheté d’hématomes violacés de la taille de balles de golfe comme si j’avais joué au paintball sans gilet. Mes exploits au stand de tir en tant que cible humaine pour des tarés de la gâchette, bien avec un gilet pare-balles, mais à balles réelles. Cette fichue envie d’crever, hein ? Elle n’aurait jamais du voir ça. Fais chier.

Les couinements d’la bête dans mes vêtements que j’aimerai bien récupérer détourne mon attention d’ma propre gêne, j’désigne les tissus de mon index tout autant tatoué que l’reste.

- Va-s’y, fonce ouvrir ton cadeau avant qu’il étouffe !

Drôle d’emballage, mais ça fera une anecdote de plus à la Salazar.

Octobre 2023, Cabinet vétérinaire, at night. 
FT.   @Salem Fields  
tw : animaux blessés, idées noires, langage grossier

Faut croire que j’ai vraiment l’art et la manière de faire des cadeaux. Néanmoins, on ne peut pas m’ôter le beau geste et la sincérité de la belle attention. Mais en attendant, cet enfoiré de furet m’avait mordu ! Heureusement, je n’étais pas du genre rancunier, encore moins avec les bêtes. Je sais qu’elles ne parlent pas l’même langage que nous, les humains. J’me sens proche d’elles, d’une certaine manière… Parce que j’ai pas souvent l’impression d’avoir le même langage que les autres, d’être complètement paumé dans c’que c’est… l’humanité.

J’la regarde fouiller dans mon t-shirt au sol pour attraper la p’tite bête. Beau ? Franchement, non, mais j’dis rien pour une fois. Moi, c’qui me fait plaisir, c’est l’sourire sur le visage de la blondinette. J’ai jamais été riche, mais j’ai toujours trouvé le moyen de gâter ceux que j’aime, que ce soit en me serrant la ceinture ou en volant. Là, l’cadeau c’était clairement de l’occasion, du furet moisi, mais j’étais persuadé qu’elle pourrait en faire quelque chose de bien !

J’réponds à ses remerciements par un sourire avant de récupérer mon vêtement et de m’empresser de l'enfiler, j’suis pas pudique, mais j’ai quand même pas l’gout d’me retrouver à poils ici et surtout dans cet état. Inévitablement, vient la question.

- Oh rien d’grave, tu sais… Les conneries habituelles.

Oui bien sur, c’est habituel de se faire tirer dessus par arme à feu avec un gilet pare-balle. C’est peut-être pas normal, mais j’vous assure, ça rapporte un paquet de fric. Il y a vraiment des gens qui sont fous de la gâchette au point de payer une fortune un gars comme moi pour s’faire tirer dessus. Ouais, on est jamais à l'abri d’une balle dans la tête par un mauvais tireur ou un accident. Malheureusement, la perspective d’une possible mort accidentelle ne m’a jamais arrêté. Un jour, ça sera la prise de risque de trop, sans aucun doute.

- Dis rien à Zaza, j’vais bien.

Manquerait plus que ça tiens, une Azara qui mette son nez dans mes affaires. Ma fille doit s’tenir loin de tout ça, de c’monde merdique, parce qu’elle… Une vie de star l’attend.

- J’suis content s’il te plait l’autre mordeur là. J’crois qu’il aime pas trop les cages, hm. Heureusement que j’suis vacciné contre la rage, hein ?

Au moins une chose de bien issue d’la prison, j’suppose.

J’pose un bout d’fesse sur un plan de travail, elle a l’air fatiguée Salem, j’me demande souvent où est passée cette petite fille qui trainait avec la mienne, celle qui avait plein d’rêves en tête. J’ai trouvé ça étrange qu’elle accepte de combiner avec moi, car même si moralement ce qu’on fait peut sembler juste, ça n’en est pas moins… illégal.

- J’ai un client pour le serpent, un autre pour le chien tout plissé là, un chat roux ou écaille de tortue, c’est ça qu’on dit ? Puis si t’as un perroquet un jour, hésite pas à m’appeler, il commence à me casser les couilles avec sa demande de piaf, il m’tanne tous les deux jours comme si j’allais pondre un oeuf pour lui donner c’qu’il demande. Bordel…