La dernière note résonnait dans la salle à l’isolation acoustique des plus agréables, elle sonnait également la fin de la session de répétition. Rangeant mon violon dans son étui avec beaucoup de soin, j’en refermais les clips avant d’attraper la hanse pour l’emporter avec moi. Un sourire étirait mes lèvres en entendant mes compagnons de musique me saluer en me souhaitant une agréable soirée. Me réjouissant déjà à l’idée de retrouver Jey, je leur retournais la politesse avec beaucoup d’entrain avant de quitter les lieux. Sortant du bâtiment, le peu de lumière que je pouvais percevoir s’évanouissait soudainement. La lueur des lampadaires extérieurs n’était pas suffisante pour me permettre de savourer encore un peu de clarté. Avec les années, l’obscurité n’était plus un problème pour moi tant que j’étais dans un environnement connu. Et les allées qui menaient au conservatoire, je les connaissais par cœur à présent. Plutôt à l’aise, je rejoignais l’arrêt de bus qui me mènerait jusqu’à la station la plus proche du lieu de travail de mon petit ami. Mon sac dans le dos et les bras croisés sur mon étui, je venais déposer la tête contre le siège de bus, laissant les lueurs bien plus vives des lampadaires danser sous mon regard. Un sourire étirait mes lèvres, tout était flou, mais c’était un vrai bonheur de pouvoir percevoir la lumière. Je me perdais un instant dans mes pensées avant que mon arrêt ne soit annoncé. Le chauffeur différait rarement et il avait pris certaines habitudes pour me rendre la vie un peu plus facile. Lui adressant un sourire en trouvant la rampe qui me guiderait jusqu’à l’extérieur, je le remerciais avant de le saluer poliment. Même si je connaissais le chemin jusqu’au fast-food où travaillait Jey, je devais traverser un parking pour rejoindre l’entrée des salariés. Je me sentais toujours un peu angoissée lorsque j’y passais, craignant toujours des travaux, un trottoir ou une voiture garer à une place différente de d’habitude. J’avançais donc petit à petit, testant de temps en temps d’un mouvement de la main ou du pied pour m’assurer d’être en sécurité. Objectif atteint, un sourire satisfait étirait mes lèvres et je venais m’asseoir sur le premier banc qui me tombait, littéralement sous la main. Mon sac toujours dans le dos, parce que c’était bien plus pratique et que j’étais certaine de sentir le moindre mouvement inhabituel contrairement à un sac à main, je déposais mon étui sur mes genoux. Refusant catégoriquement de le déposer sur le sol en béton. J’y tenais bien trop pour prendre le risque de l’abîmer. Je glissais une main dans le fond de ma poche pour obtenir l’heure. J’étais un peu en avance, mais ça ne me posait pas vraiment problème d’attendre, impatiente de sentir le bras de Jey venir s’enrouler autour de mes épaules. Je profitais un instant de la fraîcheur du début de soirée pour prendre une grande inspiration. La porte grinçait et je tournais instinctivement la tête dans la direction que m’indiquait le bruit. « Jey ? », lançais-je alors que mes iris vagabondaient ici et là sans vraiment savoir où s’arrêter. Mais le parfum que portait le léger vent jusqu’à mes narines n’était pas le sien. C’était un arôme féminin qui n’avait rien à voir avec celui de mon compagnon de vie. « Bonsoir, désolée, je pensais que c’était mon petit ami. », avouais-je sans vraiment réaliser que j’avais en face de moi l’une de ses collègues. Après tout, l’heure n’était pas encore arrivée et puis, le connaissant, il aurait sans doute pu oublier de me prévenir si ses horaires avaient changer pour l’une ou l’autre raison. Je le connaissais à force et, aussi bienveillant soit-il, quand il accomplissait quelque chose, il avait tendance à s’y consacrer à cent pour cent…

Sa voix venait compléter l’odeur fleurie du parfum qui émanait de la demoiselle. Si je n’en avais pas eu besoin pour savoir que ce n’était pas mon petit ami, la coéquipière de Jey me précisait qu’il était toujours en service. Un sourire étirait mes lèvres malgré les traits fatigués de mon visage. Je devais admettre que ces derniers temps, j’avais un peu de peine à trouver le sommeil. Probablement, n’avais-je pas encore pris l’habitude de la cohabitation permanente. A moins que le problème soit tout autre, allé savoir. Mon visage se relevait en direction du son de sa voix tentant tant bien que mal de visé juste. C’était plus difficile pour moi de savoir comment positionner mon regard quand je ne connaissais pas les personnes à qui je m’adressais. J’avais besoin de certains repères, que je me voyais difficilement prendre lors d’une première rencontre. « Merci pour l’info. », lui adressais-je avec politesse, resserrant légèrement ma main autour de la hanse de la house de mon violon. J’étais patiente, mais je devais admettre qu’avec la fatigue de la journée, j’avais hâte de retrouver la présence rassurante et réconfortante de Jey. Mes joues s’empourpraient légèrement lorsqu’elle évoquait qu’il avait déjà parlé de moi. Et un sourire gêné venait naître aux commissures de mes lèvres. « Effectivement, je suis Albane. Enchantée. », lançais-je toujours avec beaucoup de politesse. Son prénom ne m’était pas totalement inconnu, Jey parlait souvent d’elle lorsqu’il me racontait ses journées. Ils semblaient être de bons collègues et sa présence avait toujours l’air de rendre ses journées de travail plus agréables. Si je n’y voyais pas vraiment de mal, une partie de moi ne pouvait s’empêcher d’être un peu sur la réserve en mettant enfin une voix sur son prénom. « Maria, c’est ça ? », reprenais-je alors que ces conversations me revenaient à l’esprit. « Je vois très bien oui. C’est donc toi cette super collègue qui rend les journées moins pénibles ? », demandais-je avec un sourire peut-être un brin nerveux. Mon visage se détournait un instant, refusant qu’elle puisse desceller cette nervosité. Je n’étais pas jalouse, disons simplement que maintenant qu’on vivait ensemble, une partie de moi craignait peut-être qu’il en arrive à regretter pour diverses raisons. Levant ma main pour venir passer mes doigts sur mes paupières, mes yeux commençaient à me piquer, probablement en raison de la fatigue. C’est en rabaissant ma main un peu brusquement que je sentais nos mains se heurter l’une à l’autre. « Pardon ! », m’exclamais-je immédiatement en ne sachant plus vraiment où regarder n’ayant pas le son de sa voix pour me repérer à nouveau. « Je suis désolée, je ne t’ai pas fait mal ? », m’inquiétais-je toujours très poliment alors que ma main se relevait pour chercher la demoiselle. « Je suis malvoyante, c’est un peu difficile pour moi de saisir ce qui se passe sous mes yeux, je ne vois qu’un amas de couleur et l’obscurité ne m’aide pas vraiment. », avouais-je sans honte. Je vivais avec mon handicap depuis de longues années maintenant alors, j’avais passé la phase de l’acceptation depuis un bon moment. Mais je préférais toujours préciser avant que l’une de mes maladresses ne soit mal interprétée...

Malgré les odeurs persistantes, très propres au fast-food, son parfum fraîchement appliqué les couvrait avec une douce odeur fleurie qui venait caresser mes narines. Un léger rire nerveux s’échappait d’entre mes lèvres lorsqu’elle proposait de prévenir Jey de ma présence. Ma main se resserrait autour de la poignée de mon étui de violon. « Ça ira merci, je ne voudrais pas lui mettre la pression, je saurais faire preuve de patience. », avouais-je avec franchise. Si je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer la jeune femme, son prénom ne m’était pas inconnu. N’étant pas d’un naturel jaloux, Jey et moi n’avions aucun problème à se parler mutuellement de nos amis, y compris ceux du sexe opposé au nôtre. Pinçant mes lèvres, l’une contre l’autre, alors que mes yeux suivaient les filets de lumière qui venait éclairer l’obscurité, j’écoutais la jeune demoiselle confirmer qu’il s’agissait d’elle. « J’imagine. », lançais-je. « Ils sont pas vraiment réputés pour être des plus performants en termes de traitement des employés et je ne parle même pas de la clientèle. », ajoutais-je avec une pointe de désolation dans la voix. Ce n’était un secret pour personne, la plupart du temps, les employés n’y travaillaient pas par pur plaisir. Quant aux statistiques, j’étais prête à mettre ma main à couper que plus de la moitié des salariés ne s’y sentait pas épanoui professionnellement. À quelque part, ça me faisait de la peine, notamment pour Jey qui, bien que toujours optimiste et de bonne composition, s’évertuait à y donner le meilleur de lui-même sachant pertinemment l’ambiance qui régnait selon les équipiers avec lesquels il partageait ses journées. « Contente que vous puissiez vous soutenir en-tout-cas. », avouais-je un peu naïvement même si une petite partie de moi se sentait gênée. Parler de jalousie serait certainement un peu fort, mais peut-être que l’idée que mon petit ami puisse se rapprocher d’une autre me mettait mal à l’aise. Nos mains se heurtaient l’une à l’autre et sa réaction me faisait sourire, j’avais l’habitude à vrai dire le monde semblait toujours plus mal à l’aise que moi quant à mon handicap. « Aucune maladresse de ta part, ne soit pas inquiète. Ça surprend toujours un peu. », lui confiais-je plus ou moins, même si ce n’était pas réellement un secret. « Je préférerais rester ici, la porte de sortie n’est pas loin ça m’aide à me repérer. », insistais-je un peu en lui expliquant pourquoi mon choix ne s’était pas porté sur une autre table. Mes mains se resserraient encore un peu autour de l’étui. « Je ne voudrais pas t’ennuyer. Je crois que Jey m’a dit que tu avais un enfant, je m’en voudrais de te soustraire à tes obligations. », rétorquais-je à sa proposition. Même si ma voix trahissait certainement que je n’étais pas contre un peu de compagnie. Si ma remarque pouvait avoir l’air très indiscret, ce n’était pas le but. Mon petit ami m’avait souvent mentionné son amie Maria, de fait, je savais un certain nombre de choses sur elle, sans doute en savait-elle autant. Ou pas, d’ailleurs, puisque visiblement, elle ignorait mon handicap. J’aimais à penser que Jey ne l’avait pas mentionné pour ne pas me résumer à ma malvoyance, mais est-ce que c’était vraiment le cas ? Sortant finalement de cette pensée éveillée sans doute pour de mauvaises raisons, je relevais le menton dans la direction de la collègue de celui qui partageait ma vie. « Désolée, je ne voulais pas paraître indiscrète. », concluais-je finalement, réalisant que ma remarque pouvait prêter à confusion …

Les emplois alimentaires, c’était courant, mais même si je savais que pour certains, ils étaient nécessaires, je trouvais toujours un peu triste l’idée qu’on puisse exercer sans avoir un attrait pour son métier. Evidemment, je suppose que dans d’autres circonstances, j’aurais sûrement aussi dû passer par cette case inévitable de la vie. Mais je crois que je n’aurais jamais pu, sur le long terme, m'en contenter. J’avais besoin de passion, j’avais besoin d’apprécier ce que je faisais. Besoin certainement universel, mais au fond, il fallait de tout pour que le monde tourne. Alors j’imaginais, sans trop de difficulté, que certains ne pouvaient pas accéder à autre chose qu’un emploi alimentaire. Cette simple idée me pinçait le cœur, j’étais certainement trop sensible pour penser à ces situations qui me touchaient alors que je ne les vivait pas. Malgré tout, j’adressais à Maria un sourire que j’espérais réconfortant. “Je l’entends.”, admettais-je sans trop de difficulté. Elle devait avoir raison, dans ce genre de conditions, la composition des équipes de travail devait être un élément clé pour tenir. Et, au fond, je devais certainement lui être reconnaissante de faire partie de ceux-là pour Jey. La conversation s’enchaînait et, rapidement, ma curiosité venait s’en mêler. Elle n’avait rien de mal placé, pourtant, je m’en excusais, consciente que ça pouvait avoir l’air indiscret. Mais, bien vite, la jeune femme venait me rassurer avec une certaine douceur malgré son rire qui trahissait sa nervosité. Je n’étais pas devin, avec le temps, j’avais juste appris à comprendre les gens autrement que par leur geste, leur regard et les traits expressifs de leur visage. Un sourire venait étirer mes lèvres et mon regard se détournait l’espace d’une seconde vers la pénombre. “Stella. C’est très joli comme prénom.”, avouais-je avec franchise. Ce prénom avait quelque chose de doux et de solaire à la fois. On ne me demandait pas mon avis, évidemment et je ne me permettrais pas de le donner aussi clairement, mais j’aimais beaucoup son choix. À sa question, je resserrais légèrement mes mains autour de mon étui et un radieux sourire venait illuminer mon visage. Un signe affirmatif de ma tête, je joignais les mots aux gestes. “Oui, je joue du violon.”, avouais-je alors que de jolis souvenirs me revenaient en mémoire. “C’est ma mère qui m’a appris. Elle a toujours beaucoup aimé la musique.””, ajoutais-je avec un sourire qui se dissipait lentement. Ma mère, je ne savais pas où elle était et encore moins ce qu’elle était devenue. En perdition depuis l’accident, j’avais beau l’attendre encore et encore, faisant de mon mieux pour la rendre fière, je n’en avais aucune nouvelle. “Je fais partie d’un orchestre symphonique. Tu aimes la musique ? ”, concluais-je finalement pour ne pas trop me perdre dans ces souvenirs qui, aussi beaux soient-ils, finissaient par devenir douloureux. Puis, au fil de la conversation, l’idée m’effleurait l’esprit. Peut-être que ce n’était pas un hasard si on se retrouvait toutes les deux ce soir. Alors, je mettais des mots sur mes pensées. “Tiens, si tu n’as rien de prévu le week-end prochain, j’organise une soirée avec quelques amis pour l’anniversaire de Jey. Je suis certaine qu’il serait très content que tu sois de la partie.”, proposais-je finalement avec un doux sourire malicieux, sûr de moi concernant la question. Après tout, même si c’était une collègue, elle était certainement aussi une amie pour qu’il m’en parle de temps en temps. “Tu n’as qu’à me noter ton numéro, je t’enverrais un message vocal dans la semaine pour te donner les détails.”, affirmais-je en lui tendant mon téléphone. Elle aurait sans doute plus vite fait que moi d'entrer le contact. Mon regard, bien qu’assez peu précis, tentait de trouver le sien vainement certes, mais avec beaucoup d’espoir.

Je ressentais un léger pincement au cœur quant à sa précision concernant le choix du prénom de sa fille. J’ignorais tout de l’histoire mais présenté ainsi, je ne pouvais qu'imaginer le pire. Un sous-entendu qui me ramenait l’espace d’une seconde à ma propre enfance. Mais rapidement, la conversation continuait et je n’avais pas l’indélicatesse de lui demander plus de détails. Si le silence s’était installé, j’aurais certainement soufflé un mot pour m’excuser d’avoir été si indiscrète. Mais au lieu du silence, Maria avait simplement continué de parler, comme si ce n’était qu’une goutte d’eau au milieu d’un océan d’autres choses. Un sourire étirait mes lèvres malgré la tristesse que ces souvenirs pouvaient éveiller en moi. Ce violon, c’était le seul lien qui me restait avec ma mère. J’y avais placé tout espoir de la rendre un jour fière. J’ignorais si j’étais douée, en revanche, je savais que je faisais de mon mieux pour croire que quelque part, où qu’elle soit, ma mère me voit et saisisse toute l’importance que ça pouvait avoir pour moi de faire prospérer ce fin fil rouge qui nous liait l’une à l’autre. “Ca l’est encore plus lorsque d’autres instruments viennent s’additionner et compléter sa douce mélodie. J’apprécie réellement ce moment de plénitude lorsque tous les instruments jouent ensemble.”, avouais-je alors qu’un sourire bien plus franc venait se dessiner au coin de mes lèvres. J’aimais la musique, de toute mon âme. A moins que ça ne soit ce qu’elle représente pour moi qui compte réellement. Je ne m’étais jamais posé la question. Je m’étais contenté de me laisser porter par cette douce passion née du lien entre une mère et sa fille. Dans ce que je pensais être un éclair de géni je proposais, dans ce moment à l’abri des oreilles de Jey, que Maria se joigne à notre groupe d’amis pour fêter l’anniversaire de mon petit ami. Après tout, j’avais si souvent entendu parlé d’elle. Je ne pouvais décemment pas nier qu’elle était devenue plus qu’une collègue pour Jey. Leur amitié était indéniable. Elle me rendait mon téléphone et, cherchant la petite encoche qui me permettait de me repérer sur le clavier, venant ainsi trouver la touche qui pour enregistrer le numéro. Pas de téléphone dernier cri pour moi ou, en-tout-cas pas tel qu’on l’entendait aujourd’hui. Pour moi, les touches étaient inévitables, le tactile d’aujourd’hui n’étant pas à ma portée. Ca faisait toujours un drôle d’effet aux autres de revoir un téléphone avec un clavier à touche dans le fond, je trouvais ça très amusant de voir les différentes réactions. “Super ! Contente que tu te joignes à nous.”, lui adressais-je même si, au fond, une partie de moi aurait certainement tout autant apprécié qu’elle refuse l’invitation. En fait, je ne savais pas vraiment ce que j’espérais : est-ce que je voulais vraiment m’en faire une amie ou voulais-je simplement la garder proche de moi pour mieux contrôler ce sentiment de jalousie qui n’avait pourtant rien ni de fondé ni d’habituel. Chassant ce flot de pensées de mon esprit, un léger rictus s’échappait d’entre mes lèvres à sa proposition. “C’est très gentil, je n’hésiterais pas à te faire signe dans ce cas. Je ne sais pas encore exactement qui sera présent, mais si je me sens débordée, compte sur moi pour appeler.”, lui adressais-je avec un sourire dans la voix. Maria avait quelque chose de très doux, elle avait l’air d’être quelqu’un de serviable et profondément gentille. A cet instant précis, elle aurait pu mettre sa main sur le cœur et lever la seconde pour me citer les mots de cette célèbre saga “Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises”, je n’y aurais pas cru une seule seconde. Naïve, c’était là mon plus gros défaut. Machinalement je rangeais le téléphone dans le fond de ma poche. “Si tu préfères venir avec ta fille, n'hésite surtout pas, les enfants ne nous dérangent pas.”, pensais-je bon de préciser. Après tout c’était la vérité, aucun de Jey et moi étions de ces gens barbants qui refusent les enfants à leur table sous prétexte qu’ils sont vifs, pleins d’énergie et qu’il faut s’en occuper. Mais je pouvais également comprendre que Maria n’est besoin de prendre du temps pour elle et si, tel était son choix alors je le respecterais évidemment sans émettre le moindre jugement. Alors que je terminais ma phrase dans un sourire que je voulais amical, le bruit de la lourde porte métallique se faisait entendre. Instinctivement, je tournais la tête. Si la compagnie de Maria ne m’était pas désagréable, je devais admettre qu’une partie de moi avait hâte de rentrer pour retrouver la douceur de notre chez nous. J’imaginais d’ailleurs aisément qu’il en allait de même pour Maria, après une journée de travail, quoi de mieux que ce moment de lâcher prise où l’on passe le seuil de sa porte.

Un rire doux et léger s’échappait d’entre mes lèvres à sa remarque. Passionnée, je l’étais et, dans le fond, c’était plus que ça. Le violon, c’était la seule chose qui me raccrochait encore à ma mère. Finalement, peut-être que c’était un peu mon enfant intérieur qui s’attachait à une enfance que je n’avais touché que du bout des doigts. J’avais toujours été heureuse dans ma famille, je n’avais manqué de rien. Mais une partie de moi tentait très certainement de s’accrocher à ces années qui avaient volé en éclats en une fraction de seconde. Cette douceur et cet amour parental qui avait disparu si soudainement. J’imaginais assez facilement qu’il y avait un lien entre tous ces efforts que j’avais fait pour apprendre malgré les difficultés qui s’étaient dressées sur mon chemin. “J’ai toujours été bercée par le son du violon. Mais j’ai commencé à apprendre quand j’avais six ans.”, affirmais-je sans la moindre trace de doute dans la voix. Je n’oublierais jamais, l’acharnement de cette gamine que j’étais pour rendre sa mère fière et attirer son attention en vain. Une peine immense qui m’avait pourtant ouvert les portes d’un avenir que je n’aurais jamais cru possible si mon histoire avait été différente. Puis, la conversation avait dévié, m’amenant à lui proposer de participer à cette soirée d’anniversaire pensant bien faire. Mon visage se relevait alors que mon regard vagabondait ici et là, cherchant un point où se fixer. Un adorable sourire venait étirer mes lèvres en entendant ses mots. “Comme tu préfères Maria, je voulais simplement que tu saches qu’elle serait également la bienvenue.”, ajoutais-je sans retirer ce doux sourire de mon visage. Le bruit de la lourde porte qui se refermait attirait mon attention et, malgré les odeurs qui s'entremêlaient, je reconnaissais le parfum de Jey dans l’air frais de cette soirée avant même que Maria ne m’informe qu’il arrivait. Mon regard restait vissé dans la direction de mon petit ami. Je me levais, quelques secondes à peine après la jeune demoiselle. Je m’avançais vers Jey, me laissant guider par mon odorat qui s’était bien développé pendant toutes ces années. Et, comme si j’étais pleinement capable de voir, je venais enrouler mes bras autour de sa taille, relevant le menton pour lui adresser un sourire rempli d’affection. “Salut.”, soufflais-je intimement. Ma main venait se glisser dans la sienne et, avant de nous mettre en route pour faire le chemin du retour, je me retournais. “Merci pour ta compagnie Maria. Au plaisir de te revoir. Passe une bonne soirée.”, adressais-je à la demoiselle qui, je l'espérais, n'était pas encore partie. Puis, me blottissant contre Jey dont le bras venait entourer mes épaules, nous prenions la route vers notre appartement, discutant de tout et de rien, de nos journées respectives et de toutes ces futilités qui, pour moi, étaient si importantes.