TW : Sensualité

Même dans mes rêves, je n’aurais pas pu espérer un réveil plus parfait. Je pourrais blâmer la timidité de mes ambitions ou mon incapacité à envisager le bonheur autrement que dans la simplicité d'un lever de soleil, mais ce ne serait pas tout à fait exact. Le regard encore ensommeillé, je tends la main à travers le lit, rendant son sourire à Eden. Son énergie bouleverse la tranquillité de mon univers. Jamais, je n’aurais osé imaginer une telle romance. Je pensais ne pas y avoir droit. - Bonjour, fais-je, la voix à moitié endormie. L’odeur épicée d’un chocolat hivernal fait frémir mes narines. Fruits et viennoiseries se serrent les uns contre les autres sur un plateau bien trop garni, qui m’amuse d’exagération. - Tu as invité les autres vacanciers ?

Son approche m’offre l’occasion de m’enrouler contre lui, de le retenir encore, n’en déplaise à la fraîcheur de ses vêtements contre ma peau nue. Je cajole son cou de baisers volatiles. - Joyeuse Saint-Eden à toi aussi. Un sourire tendre me grignote le visage. Je préfère de loin, dédier cette à sa seule personne, à son bien-être et à son bonheur. Voilà ce qui me rend, moi, heureux. Tandis qu’il s'enthousiasme, j’en profite pour m’étirer paresseusement. J’aime son engouement. Le spectacle de sa joie de vivre m’émerveille, et cela se voit. J’en profite allègrement si bien que je ne réponds qu’à contre-temps. - Du parapente, ça te plairait ? J’ai envie d’aller frôler les nuages. Les paysages doivent être à couper le souffle, il est vrai. Cependant, le fait de pouvoir partager ça avec Eden rend l’aventure concevable. Seul, je serais probablement resté dans la zone de confort d’une randonnée pédestre.

Un soupir d’aise m’échappe à son baiser. Je le retiens de nouveau près de moi. - Pourquoi pas les deux ? Romantique ET sensuel ? Mes mains se faufilent sous ses vêtements. Elles ne se lassent pas de caresser sa peau. Je ne crois pas que cela puisse être un jour le cas. Je suis tombé amoureux. Fou amoureux de cet homme si solaire qu’il éclaire chaque zone d’ombre de mes journées. - Es-tu certain qu’il faille attendre ce soir ? Mes iris brillent d’autres envies. J’ignore à quel moment exactement nous sommes attendus ou si nous sommes contraints par un impératif horaire. Le temps, de toute évidence, n’a jamais de prise sur moi.

Avec ma douceur habituelle, je repousse mon compagnon sur le matelas. Soulevant le bord de son pull, je dépose sur son ventre une procession de baisers appuyés, durant laquelle ma langue rampe sur sa peau. Je relève le menton et offre au tatoueur un air malicieux, débordant d’une certaine sensualité. Dans l’intimité de cette chambre, ma légendaire maladresse s’efface. Elle se dissout tandis que je m’allonge au-dessus de lui, mordillant la chair entre son cou et son oreille. - Je ne suis pas si pressé d’avaler un petit-déjeuner. J’efface l’affront de mes dents par la caresse de mes lèvres. Je remonte jusqu’aux siennes, les effleure en roulant légèrement des hanches. - Merci d’avoir bravé le froid matinal. Je l’embrasse dans un sourire, cueille sa hanche dans le creux de ma main. - De m’avoir accompagné sans hésitation. Mon front contre le sien, j’inspire profondément, galvanisé par le feu de mes reins. - D’illuminer ma vie, Eden Beckett. Je le couve d’un regard charmé. Le bonheur me rend audacieux. D'une souffle ardent, je lui murmure. - C'est ta journée. Celle de l'amour personnifiée. - Comment pourrions-nous la commencer ?

@Eden Beckett

14 février 2024

L’amour porte son prénom. Le contraire est purement impossible. Un frisson me secoue au moment où Eden évoque s’oublier lui-même. Nous partageons visiblement cette sensation, incroyablement puissante de se dissoudre dans un “nous” fabuleux. De nos mains qui caressent à nos bouches qui s’embrassent, je m’embrase. Dans un soupir rauque, je rends les armes, soumis à l’habile étau de ses lèvres. Existe-t-il une plus belle façon de commencer une journée qu’en s’aimant, sans pudeur ni crainte ? Je ne le crois pas. Ce cadeau, qu’il me fait, m’étourdit de bien-être.

Je rouvre les yeux, assailli par ses baisers. Des étoiles scintillent dans mes iris. Mes doigts courent sur son échine, dans ses cheveux, me donnant l’impression d’effleurer le ciel. “Je n’ai pas envie de passer une seule nuit sans toi.”  - Moi non plus. Je suis sincère, même si je ne mesure aucunement les conséquences d'une telle allégation. « Et si on habitait ensemble ? » - Quoi ? Un peu hagard, je l’interroge dans un sourire. Je me reprends, le retiens à la force de mes jambes. L'immensité de son regard me happe. Complètement pris de court, le corps saturé par mon envie de l’aimer, je ne sais que répondre. Je n’ai pas le temps d’avoir peur, ni celui de réellement appréhender la proposition qu’il vient de me faire. La morsure de ses dents déclenche un frisson, me rendant plus incapable encore des réfléchir. Ou peut-être, si on y regarde de plus près… Et si ses attentions, au contraire, effaçaient les nuages de mes doutes en éloignant mes angoisses. Entre ses bras, je pourrais devenir croyant. - Eden… Je gémis son prénom, le souffle court et le cœur battant.

Doucement, je m’emploie à le libérer de son pantalon. Je saisis chaque occasion de me perdre en caresses. Ma main presse sur le bas de son dos. Je le ramène contre moi en l’embrassant fougueusement. Ce baiser en révèle plus que mes mots. J’essaie, pourtant, de décrypter mon point de vue. En vain. Mes mains rampent sur ses fesses, faisant descendre pantalon et sous-vêtement d’un même mouvement. J’en faufile une autre nous afin de cajoler sa verge. - Je… Aller plus loin sans lui répondre serait déloyal ! Il mérite une réponse. - Je n’ai jamais vécu avec qui que ce soit, lui avoué-je en cherchant à m’ancrer à son regard. Un instant, je délaisse cette conversation pour honorer sa gorge, torturer son cou. Front contre le sien, je reprends. - J’ai peur. Et si…  Ça se passait mal ?Qu'il ne veuille plus de moi ? Si c’était trop ? Trop difficile à gérer pour l’un comme pour l’autre ? Si nos rythmes ne s'accorderaient pas ? Si nous nous faisions, finalement, plus de mal que de bien, au point de se détruire mutuellement ? Au milieu de ce torrent bouillonnant, cet homme constitue mon havre de sécurité. Mon désir ne s’amoindrit pas. Le jeu de ma main sur nos sexes ne se rompt pas. Dans l’intimité de ces prémisses sensuelles, je me sens suffisamment en sécurité pour me livrer sans ambages. - Je n’ai pas envie de gâcher ce qu’il y a entre nous. De te décevoir. Je… Tu crois que ça marcherait ? Si lui, en est convaincu, je sens que je pourrais facilement me laisser convaincre.


19 février 2024

Encore ensommeillé, je tends le bras hors du lit pour attraper le téléphone. Je décroche, sans même faire attention au prénom affiché par l’écran. J’ai à peine le temps de marmonner un “allô” qu’une voix stridente me perce les tympans : - Bordel Eden ! T’es vraiment relou ! T’as dit que tu allais lui dire et depuis paf, pas de nouvelle. Sérieux, j’ai dû t’envoyer 305 messages au moins ! Comment ça s’est passé ? Comment il l’a pris ? Non, en fait, je m’en fous de ton éclipse là. Comment tu vas, toi ? Vraiment, ça a dû être chaud de lui dire qu’en fait, t’es pas du tout alcoolique, en plus…. Je me redresse d’un bond. Les yeux grands ouverts, je n’entends plus rien. - Eden ? Eden ? Je me tourne vers le principal intéressé. Il m’a menti ? Putain…

Je cligne des yeux, comme pour réajuster ma vision. Je me suis perdu dans un rêve, un merveilleux songe, et le retour à la réalité me fait l’effet d’une collision avec le sol après une chute libre de plusieurs milliers de mètres. Chaque fibre de mon corps me brûle. D’un mouvement étonnamment lent, je pose le téléphone sur l’oreiller à côté d’Eden. - Je me suis trompé. P… Pardon. Je bégaie avant de détourner les yeux. Je quitte ce lit dans la foulée, récupérant un boxer que je m’empresse d’enfiler. Je ne comprends pas.

Je n’arrive pas à comprendre. Dans un geste désespéré, je passe mes mains dans mes cheveux avant de les appuyer sur ma nuque. Après avoir fait quelques pas en direction de la fenêtre, je me tourne vers l’homme qui partage ma vie depuis quelque temps maintenant. Ma gorge est sèche. Chaque pulsation de mon cœur expulse un poison mortifère. Mes veines en charrient la morsure brûlante, partout dans mon organisme. Je n’ai pas du mal à respirer, j’ai mal à respirer. - Tu…. Les mots butent les uns contre les autres. Ils s’entrechoquent en créant un incommensurable chaos.

Plus rien n’a de sens. Plus rien n’est vrai. J’ai été si stupide. - Je… je vais...Je vais préparer mes affaires. Je le pense sans le dire. Le reste n'est rien qu’un chuchotement brisé alors que je m’emploie à rassembler mes effets personnels ci et là. Le tourbillon de mes pensées ne cesse pas sa course. J’ai la tête qui tourne. La nausée me brûle la gorge. Il m’a trahi. Mon Eden m’a menti. Les grilles de ce jardin merveilleux se sont refermées sur mon nez. Me voilà expulsé, renvoyé directement à la triste morosité d'une réalité insupportable à endurer.

@Eden Beckett

14 février 2024

« Fais moi confiance, Archie. »  Il se trompe ! J’ai déjà confiance en lui, beaucoup plus qu’en moi-même. C’est d'ailleurs là que le bât blesse. Engourdi par ses baisers, obnubilé par le grain de sa peau sous le passage de mes mains, je ne parviens pas à formuler mes pensées. Je ne doute ni de lui, ni de nous. L'alchimie frise l'absolu. Tout contre lui, je m’emploie à lui en faire la tendre démonstration. Nous froissons les draps, à force de nous aimer. Je me dissous dans cette étreinte, ivre des sensations qu’il me procure, attentif à lui délivrer le plus de plaisir possible.

Mais, comment fait-il, mon Eden, pour être si merveilleux ? Cette question me traverse, bien après, tandis que j’achève de me préparer pour affronter le froid. Il vibre d’une inaltérable joie de vivre. J’ai beau chercher, en lui, une trace de regret, une forme de rancune, je n’en trouve pas. Inconsciemment, je m’attends à ce qu’il me reproche ma prudence excessive, à un moment ou à un autre. Il n’en fait rien. Chacun de ses sourires m’apaise plus encore. Avant de quitter le refuge sacré de notre chambre, je capture ses lèvres. J’ai l’air sur le point de dire quelque chose, puis, je me rétracte en l'entraînant à l’extérieur. - Les chiens vont nous attendre.

Au contact du monde, ma discrétion reprend les commandes. Si je garde les gestes d’affection pour l’intimité, mon regard me trahit. J’ose, plusieurs fois, effleurer le dos de sa main. Alors que nous attendons notre tour pour la balade en traîneau, je suis soufflé par l’énergie de cet homme. Auprès de lui, rien n’a l’air grave ou dangereux. Tout est prétexte au rire et à l’émerveillement. Il s’amuse avec la gaieté d’un adolescent. Je trouve ça fabuleux. Moi, je suis parfois un vieil homme. Je hisse mon appareil photo, pendu à mon cou, à hauteur de regard pour immortaliser l’instant. Je sais ce que je crains… J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de trébucher sur mes propres démons et de le briser, lui, en échouant une nouvelle fois. Je ne me pardonnerais pas de lui faire du mal. Encore moins de l'entraîner dans ma chute. - Eden ? Je l’appelle du bout de lèvre. Il faut presque tendre l’oreille pour m’entendre. - Peut-être que… Qu’on devrait faire un essai. Tu sais, avant de choisir un appartement ou… Pour être sûr que.. Que je suis vivable ? Que j’arrive à me construire un sas de sécurité ailleurs que dans mon atelier ? Je fronce les sourcils en déglutissant. Comme à mon habitude, je me mélange les pinceaux sans bien savoir comment m'y prendre pour exprimer le fond de mes pensées. - Parfois, j'ai besoin d'être seul, tu sais ? Je sais d'avance que je n'oserais pas lui en faire la demande. J'aurais trop l'impression de lui imposer ma façon de vivre. Je me sens vite "surmené" par le monde. Surchargé. Dans ces moments là, tout m'écorche et m'étouffe, même le soutien d'autrui. Ne suis-je pas trop étrange pour vivre avec quelqu'un sans devenir un problème ? Mais lui, il est sûr que cela marcherait. Comment fait-il pour croire en moi ?

19 février 2024

Il faut partir. De toute façon, c’est ce qui était prévu. Je me raccroche à cet état de fait en rangeant mes derniers vêtements dans mon sac. Je m’accroche à ce vestige de normalité pour ne pas m’effondrer. Il ne me reste rien d’autre que cette succession de petites tâches à accomplir:
- Récupérer mes effets dans la salle de bain
- Refaire le lit
- Rendre les clés
- Allez à l’aéroport

Tant pis si notre avion ne décolle qu’en début d’après-midi. Il m’est inconcevable de rester ici. Chaque battement de mon cœur me lacère l’âme. La voix d’Eden me tire un rictus d’amertume. Il déverse du sel sur mes plaies à vif. Je m’écarte, sans même lever les yeux vers lui. Je m’enfuis, bouleversé par sa présence. Mon attention se porte sur la fenêtre. J’avance vers elle. Dehors, la neige confère au paysage une tranquille majesté. Cette sérénité m'écrase la poitrine. Est-ce que je veux qu’il m’explique ? J’ignore si je suis prêt à entendre ses explications. Je réalise que je ne le suis pas à mesure qu’il tente de le faire. Je secoue la tête de gauche à droite dans l'espoir d'être compris.

Des accrocs de sa respiration à la cassure dans sa voix, tout me heurte. Je déteste l’idée qu’il souffre ! Sa peine n’amoindrit pas la mienne. Ses regrets m'écorchent. - Tu… J’ai la gorge si serrée que je reconnais à peine le filet de voix qui en sort. Cligner des yeux chasse quelques larmes au bord de mes paupières. La tension me raidit les muscles. Je me sens prêt à exploser. - Tu devrais rassembler tes affaires. Il ne faudrait pas qu’on soit en retard. J’ai parlé en regardant le mur derrière lui. - Excuse-moi. Je traverse la chambre pour rejoindre la salle de bain. D'un geste saccadé, j’allume le jet de la douche afin de chauffer l’eau. Il faut que je m’en aille. Cette idée résonne puissamment. Cette pensée s’impose à moi, guide ma survie.

Peut-être que je n’ai pas besoin de savoir pourquoi il m’a menti.
Il l’a fait. C'est tout.
J'ai été trop naïf. Trop stupide.

Des larmes coulent malgré moi sur mes joues. Je compte sur l'eau ruisselante pour les effacer. Je serre les dents, retenant au fond de moi, une profonde douleur. Elle me dévore l'abdomen, grignote tout sur son passage. Elle teinte chaque souvenir, chaque conversation, chaque caresse déployée et baiser offert. L'illusion me donne le vertige. Rien. Absolument rien de ce que je pensais vrai ne l'était.

@Eden Beckett