TW : tensions familiales

Jardin de ses parents, 24 décembre 2023

“Être à l’heure, c’est déjà être en retard” a toujours répété ton père alors tu as fait les choses dans les règles de l’art. Tu es arrivée en avance, tout pile ce qu’il faut pour ne pas paraître impolie d’être trop en avance ou en retard. Pourtant cela n’a pas réussi à lui susciter ne serait-ce qu’une once de sourire. Tu te devais t’en douter depuis le temps qu’il ne te sourit plus.
L’ambiance déjà pesante lorsque ta mère n’était pas dans la pièce, elle n’a fait que s’appesantir un peu plus avec l’arrivée de Lukas. Personne ne se réjouit qu’il soit sorti de prison et que de surcroît, il soit de retour dans cette ville qui l’a amené au trou. Il doit combattre au quotidien le regard des autres qui ne comprennent pas son histoire, qui ne le connaissent pas. Personne ne se réjouit. Bien au contraire, comme tous les autres, ton père ne retient que la case “prison”. Comme si il n’existait que cette maudite case sur la plateau de Monopoly. Des piques fusent et s’envolent d’un bout à l’autre de la table. Visiblement, même un repas est trop demandé. Tu en veux d’autant plus à ton père de toujours remettre le sujet qui fâche sur la table. Ta mère, elle, ne dit rien et ne défend personne. Elle n’est pas méchante, elle ne prend juste jamais partie et ne se mêle pas de ce genre de conflit. Elle met sa tête dans le sable, quoi.

Il n’y a que Greta à cette table pour mettre un peu de joie dans ce repas, elle rebondit sur les flèches tranchantes de mon père et les transforme en mousse avant qu’elle n’arrive jusqu’à mon frère. Elle est adorable, elle prend un rôle qui n’est pas facile. Pourtant, même sa présence et son humour n'arrivent pas à te rendre heureuse ce soir.
L’absence de Célian est d’autant plus choquante quand tu regardes sa mère. Il était là l’année dernière. Pas Lukas. Est-ce impossible de passer un Noël tous ensemble ? Juste un. La tristesse te ronge le coeur. Tu en veux à ton cousin. C’est rare, tu n’as que rarement de la rancune envers lui. Puis tu comprends aussi parfaitement son geste et respecte son besoin de s’éloigner de faire le point. Tu ne remets pas ses actes en cause. Cette rancune de ce soir te fait donc d’autant plus culpabiliser. Était-il obligé de partir maintenant, précisément ? Il n’est pas revenu pour Noël. Il sait pourtant que c’est ta fête préférée. Il fait des pieds et des mains pour toi au quotidien, tu le sais bien. Pourtant, c’est plus fort que toi : tu as mal de ce court abandon -qui n’est pas le premier- et tu lui en veux. Cela fait-il de toi une adulte capricieuse ? Mais peut-être que la soirée aurait été meilleure si tout le monde avait été là. Elle aurait été comme avant, non ?

Un énième pic est lancé. Celui de trop et tu décides de te lever de table. Tu n’as même pas envie de te réfugier auprès de ta mère dans la cuisine. Tu as besoin d’être seule. Tu digères tout juste les montagnes russes que tu as vécues deux jours plus tôt, de l’air c’est mieux. Tu n’as pas besoin de parler, de noyer le poisson, tu as besoin de calme pour mettre les choses à plat. Tu ne veux surtout pas voir un seul membre de ta famille pour le moment.
Avant de prendre le chemin de la porte, tu fais un signe à ton frère que tout va bien. Tu l’aimes de tout ton cœur, lui aussi. Pourtant lui aussi est parti. Au moins, il ne t’a pas abandonné aujourd’hui, c’est déjà ça. Quand tu es sûre qu’il ne te suivra pas, tu remontes la fermeture de ta veste et cache ton menton dans ton écharpe avant de mettre un pied sur le perron en bois de la maison. Tu as toujours trouvé que ce petit perron de maison ressemblait à celui de Desperates Housewives, dans le genre de celui de Lynette avec sa balancelle en bois. C’est sur cette dernière que tu t’assois pour souffler.
Tu ne fumes pas, pourtant tu aurais bien cramé une cigarette pour te poser. Après tout, c’est un jour de fête à ce qu’il paraît. N’ayant rien pour te divertir, tu laisses ton regard flirter un peu partout jusqu’à ce qu’un mouvement attire ton attention : sur ta gauche, tu constates une ombre dans le jardin de tes voisins. Ceux qui détiennent le ranch dans lequel tu as appris à monter à cheval. Ceux qui ont un fils qui t’as donné des cours particuliers. Lui aussi, il est parti d’ailleurs. Pourtant lorsque l’ombre devient plus précise, c’est lui que tu vois apparaître. L’amertume au bout des lèvres, tu lances alors.

- Tiens, un revenant ! Que nous vaut l’honneur dis donc.

Tu t’en veux aussitôt de t’en prendre à lui. Il ne t’as rien demandé et c’est la veille de Noël. Tu te sens tout de suite horrible de l'accueillir ainsi. Tu t’excuses sans tarder :

- Excuse-moi, je ne devrais passer mon amertume sur toi… C’était pas cool.

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Jardin de ses parents, 24 décembre 2023

Tu as beau t’être excusée auprès de Justus, tu ne culpabilises pas tant que cela de tes paroles. Elles sont véridiques. Le fond est vrai. Seulement la forme et le ton que tu as employé ne lui était pas vraiment dédié. D’où tes excuses. Puis, à lui, tu lui en veux moins d’être parti. Vous ne vous étiez jamais rien promis et tu savais pertinemment à l’époque que la vie avancerait de cette manière. Ce qui est bien différent d’avec ton cousin et ton frère. Le premier te blesse alors que tu ne cesses d’essayer de lui prouver que tu es là, que tu es prête à gérer avec lui. L’autre, tu considères l’avoir soutenu dans les instants les plus durs de sa vie et pourtant, il est parti sans prévenir. Lui aussi. Les deux se font la guerre pourtant ils ont le même modus operandi. Tu ne peux pas mentir, toutes ces réflexions jouent aussi sur ton moral de la soirée. Tu es le dindon de la farce à chaque fois. Ce que tu ne comprends pas car tu te donnes pour eux. Ne mérites-tu pas d’être prévenu de la décision en amont ?

La réponse de Justus te fait sourire alors que tu te rappelles des premiers pas qu’on eut votre relation. Il a connu une gamine méfiante et sur la défensive. Tu lui as envoyé bon nombre de pics et vous l’avez transformé en jeu entre vous pour ne finalement jamais vous arrêter. Même une fois adulte. Son humour est comme un rafraîchissement dans ton cœur amer et tu lui décoches un sourire sincère.

- Ouais, t’as raison. Oublie mes excuses.

Tu souris de plus belle alors qu’il te demande la possibilité de venir jusqu’à ta super balancelle. Elle a toujours eu un certain charme, cette balancelle. Tu t’es toujours réfugié là, qu’il vente ou pleuve.

-Depuis quand tu demandes la permission ? Allez, viens.

Tu le suis du regard alors qu’il se dirige jusqu’à toi. Tu ne loupes pas la cigarette qu’il tient à la main. Tu connais bien Justus et pourtant, il n’est en rien ce que décrit les tabloïds. Les gens se basent-ils seulement sur le style vestimentaire et la cigarette ? Ne cherchent-ils donc pas à vraiment apprendre à le connaître ? Ils seraient si bêtes pour louper une personne comme ton voisin ? Qu’ils sont bêtes !
Même en cherchant bien, tu n’aurais rien à dire de méchant sur Just’. Parce que ce n’est tout simplement pas son fond et qu’il s’est toujours bien comporté avec toi. Les piques sont parfois salées mais toujours drôles et entre vous, vous ne les prenez plus mal. Ça permet surtout de pouvoir vraiment parler à coeur ouvert sans faire attention à arrondir les angles. Ce que tu as l’impression de faire au quotidien en ce moment.
Tu l’arrêtes avant qu’il ne s'assoit en levant le bras dans sa direction.

- Oh, je ne t'ai pas dit ! Ca te coûtera une cigarette pour asseoir tes fesses sacrés, Magic J !

Tu comptais utiliser ce surnom avec sérieux mais c’est comme lorsque tu le vois écrit dans les magazines, tu pouffes. Sauf que le dire pour de vrai, c’est encore plus drôle. Tu es hilare et tu exploses complètement de rire sur ta balancelle.

- Ce surnom est vraiment…, tu t’arrêtes pour reprendre ton souffle, te concentre pour ne pas rire à nouveau. Je ne veux même pas penser pour quelle qualité on te l’attribue.

Depuis que le chanteur a fait son apparition, tu ne penses pas à tout ce qui se passe à l’intérieur. Tu ne penses même pas au fait qu’à un moment il faudra rentrer à l’intérieur pour vivre -ou subir- la fin de la soirée. Tu n’es pas pressée clairement.

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Jardin de ses parents, 24 décembre 2023

Tu prends le temps de te remettre de tes émotions, de calmer ton fou rire avant de t’emparer du paquet de cigarette que ton voisin te tend. A présent, tu lui montres avec un grand sourire la place à ton côté sur laquelle il peut s’asseoir. Tu ne perds pas plus de temps pour te servir une cigarette et la coincer entre tes lèvres avant de l’allumer et de tirer dessus pour prendre une première taffe.
Tu ne fumes pas d’habitude. Tu n’es pas une grande fan de la cigarette. Mais voilà, il y a des moments où elle est nécessaire et tu ne regrettes pas un seul instant cette sensation de relaxation qui s’empare de toi. Quand on ne fume pas souvent, on sent rapidement les effets de la nicotine. C’est un avantage indubitable aujourd’hui parce que tu as bien besoin de te détendre. D’oublier l’intérieur et l’ambiance qui y règne.

Tu n’y penses pas trop et tu te tournes vers Justus. Voilà, une présence que tu acceptes pour ton moment détente. Avec Justus, vous ne vous êtes jamais vraiment pris la tête et c’est bien pour cela que tu retrouves ta bonne humeur rien que par sa présence. Et parce que ça fait longtemps aussi.
Tu croises son sourire malicieux et t’attends déjà au pire alors que tu sens qu’il va réagir à ta remarque sur son surnom. Tu ne sais pas vraiment à quoi t’attendre.

- Touchée, tu réagis à sa première remarque pour mieux le laisser continuer.

Et voilà qu'il emprunte la pente tout aussi glissante de ton imagination. Il n’a plus dix-huit ans et toi, tu n’en as plus douze. L’adolescence est bien loin et tu n’as pas honte de révéler tes pensées alors tu y vas franco. Parle de sexe avec lui, ne te gêne pas. Après tout, tu n’as jamais eu l’impression d’avoir eu des tabous ou des sujets cachés avec lui. Il fait partie des personnes avec qui tu ne te prends pas vraiment la tête à réfléchir à tes mots. Après tout, il a dû te voir alors que tu portais encore des couches et te vomissais dessus. Y’a pas grand chose de plus honteux.

- Mon imagination me mène sur le sexe. Mais est-ce qu’une fille se serait vraiment vantée pour que ce surnom devienne aussi connu ? tu réfléchis, cherchant une explication à des vantardises avant de lâcher. A moins que ce soit plusieurs conquêtes qui se soient mises d’accord pour ce surnom ?

Tu lances un regard interloqué à ton voisin. Tu espères sincèrement que ta seconde théorie est fausse. Ce serait vraiment trop bizarre. Limite répugnant. Pourtant, tu veux vraiment savoir d’où lui vient ce surnom que tu t’amuses à utiliser à chaque fois que tu parles de lui. Peut-être que ses explications te feront changer d’avis sur son utilisation, même.
On sait jamais, ça pourrait être vraiment dégueu en réalité.

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Jardin de ses parents, 24 décembre 2023

Le rire de Justus est communicatif et bien qu’il te fasse pouffé aussi, il ne t’empêche pas de continuer à émettre des hypothèses. Des hypothèses qu’il alimente aussi. Tu souris pour te retenir de rire. Ce qu’il dit ressemble à la réputation qu’on lui donne mais le plan à trois semble si loin du jeune homme que tu as connu. De l’adolescent qui t’aidait à avoir des bonnes notes. Finalement, il explose de nouveau de rire alors que tu considères sincèrement les choses avant de te retourner vers lui un sourire en coin :

- Ca, c’est à toi de me le dire

Tu as beau essayer d’être sérieuse aussi, tu exploses de rire. Techniquement, le threesome serait plus cohérent mais tu sais que dans le show business comme dans les affaires, rien n’est simple. Ou cohérent. Alors, cela pourrait être n’importe quoi et cela attise un peu plus ta curiosité.
Tu prends une taffe alors qu’il te vanne à nouveau. Justus, ton fantasme secret. Tu exploses de rire. Il n’a même pas été un crush à l’époque où tu étais pré-adolescente. Tu étais concentrée sur autre chose et sûrement qu’il préférait les filles de son âge. Le trouver beau, ce n’est pas vraiment une grande nouvelle. Justus a toujours dégagé quelque chose qui, en plus de sa beauté naturelle, attirait les gens vers lui. Il était la fleur qui faisait arriver toutes les abeilles. C’est sûrement cette aura magnétique qu’il a été repéré, il faut dire que d’une manière ou d’une autre, il attire la sympathie. Enfin, ta sympathie au moins.

- Mais bien sûr ! J’t’ai toujours voulu dans mon lit voyons !

Tu renchéris en lui caressant paresseusement le bras puis tu finis par exploser de rire à nouveau.
Puis finalement, il lâche l’information que tu attends. Tu lèves un sourcil. Il est sûr que ce n’est pas un plan à trois ? L’idée est plus marrante, pourtant la réalité lui correspond bien plus et tire un sourire. Justus, il n’a pas changé tant que ça finalement. Peu importe, l’étiquette qu’on souhaite lui donner, il n’est pas si différent de l’homme que tu as connu. C’est rassurant d’une certaine manière. Surtout pour toi qui aime la stabilité.


Tu lèves les deux mains en l’air en signe de défense alors qu’il insinue que tu es devenue une perverse. Tu n’as pas grand chose à répondre. Ton esprit est naturellement partie là-dessus. C’est vrai. Pour toute défense, tu fais tes yeux de biches avant de dire :

- Que veux-tu, je ne suis qu’une faible femme enfin…

Ta phrase insinue que le sexe est un besoin pour la femme spécifiquement. Et si tu pourrais discuter sur l’idée, tu l’utilises avec ironie pour la situation.

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Jardin de ses parents, 24 décembre 2023

Tu n’oses rien dire alors qu’il énonce ces secrets sur lequel il n’a plus aucun contrôle. Aussi drôle qu’il puisse vouloir le faire paraître, ce manque de vie privée et de respect de la part des “fans” a toujours été le point noir du métier pour toi. Tu te contentes donc d’adopter un petit sourire gêné. Tu n’y trouves rien de drôle mais peut-être que c’est bien pour cela que Justus a besoin d’en rire. Peut-être que c’est son moyen de relativiser tout ce qui se dit sur lui. Tu n’écoutes pas ses chansons avant de dormir comme une groupie mais tu aimes bien ce qu’il fait et puis, il reste ton voisin alors oui : quand tu vois son nom quelque part, tu lis le magazine.
Des horreurs, il y en a bon nombre et quand on ne connaît pas celui qu’il est alors c’est pris comme argent comptant. C’est triste mais tu ne veux pas aller sur cette pente là. Noël est déjà bien assez triste comme cela cette année alors tu veux garder cette ambiance simple que vous avez instauré entre vous. Bien que cette ambiance détendue entre vous ait toujours existé.
Tu fais très attention quand même à la préserver ici. Ton petit havre de paix qu’est cette balancelle.

Tu réagis sur autre chose, refais une blague sur ta volonté de l’avoir dans ton lit. Cette volonté est complètement inventée, bien sûr que Justus est très mignon et tout à fait désirable, mais tu l’as connu à un âge où le mot “sexe” n’inspirait que du dégoût pour ton être. Tu n’as donc jamais pensé à le regarder autrement que comme le gamin vivant dans un ranch mais ayant peur des chevaux. Ou comme l’adolescent qui t’aide dans tes leçons et qui te fait prendre de l’avance dans le programme scolaire. Et c’est sûrement parce que cette volonté n’a jamais vu le jour que la blague te débloque un fou rire, qui redouble alors que Justus renchérit.
Tu calmes ton fou rire au prix de grands effort et prends une taffe de ta cigarette avant de renchérir de nouveau, te présentant comme une faible femme. Et Justus renchérit à nouveau alors que tu sens une douleur montée dans ta sangle abdominale à force de rire.

- Exactement !

Tu notes le point final à cette plaisanterie et prends le temps de reprendre ton souffle, de profiter du silence avant que Justus reprenne la parole. Il a raison, sa question tombe un peu comme un cheveux sur la soupe dans la suite de votre échange mais c’est sûrement la question que tout le monde pose en ce genre de moment. Ce moment où l’on réunit toute la famille qui ne s’est pas vu depuis des mois. Cette question est inévitable. Tout à fait légitime dans la bouche de ton voisin que tu n’as pas recroisé depuis longtemps.

- Bien sûr, tu as tous les droits ô saint Justus ! tu ris avant de reprendre plus sérieusement : J’ai eu une promotion et je suis devenue la commerciale régionale de la Californie pour une entreprise qui vend des dispositifs de sécurité incendie et autres solutions innovantes pour les entreprises. Je vis en colocation dans l’est et puis je mène une petite vie tranquille avec son lot de hauts et de bas. Comme tout le monde, je suppose. Et toi ?

La question est peut-être bête mais elle est sortie toute seule par réflexe. Alors tu ne la retires pas, peut-être aura-t-il des choses qu’il veut ajouter. Tu es là pour l’écouter et tu sais parfaitement que tu ne le jugeras pas.